En lien avec mes vacances d'été dernier, à vienne et Bratislava, j'ai eu la possibilité d'aller visiter deux cimetières ou plutôt, lieux de repos éternel de quelques gens célèbres.
Et il était donc très logique pour moi de garder ces sujets pour le mois Halloween.
Par ordre de visite donc, je commence par le Kapuzinergruft, (page en français) , soit la crypte des Capucins, qui n'est pas un cimetière classique, puis ce que si c'est bien une crypte, on n'y trouve pas de capucins, mais tout ce que le pays a compté de têtes couronnées de la famille Habsburg depuis le XVII° siècle ( ainsi que des têtes non couronnées, frères soeurs, oncles tantes, enfants... de divers empereurs et impératrices.)
On peut difficilement le considérer comme cimetière, même s'il est écrit à l'entrée de se comporter "correctement, et respecter le calme des lieux car vous êtes dans un cimetière". De fait, pas de tombeauc, dalles ou monuments, c'est la crypte toute entière qui est un tombeau, contenant des dizaines et des dizaine de cercueils.
On peut le rapprocher de Saint Denis, puisque c'est une église où sont enterrés des rois, mais en France, ils ont leurs tolmbeaux, gigantesques, impressionnants, qui devaient être vus de tous et signaler la majesté de François Premier qui a il faut le dire, un mini-palais funéraire pour lui et Madame.
Ici il s'agit d'une chapelle privée, en sous-sol de l'église des Capucins ( au décor baroque, mais quand même assez banale dans l'absolu, ces gens ne sont pas enterrés à la cathédrale pourtant toute proche). Un endroit qui de par sa taille n'était pas destiné à être visité par les quidams, mais réservés à la famille ou aux proches, peut-être aux invités de marque. Mais en tout cas, mas de nécessité d'un tombeau gigantesque. Il n'y a que des cercueils, l'immanse majorité en bronze sculpté, en pierre pour les plus récents.
Est - ce à dire que l'esthétique est sacrifiée? Absolument pas, c'est incroyable de voir que l'évolution stylistique et artistique Renaissance - Baroque- classique- Néoclassique etc.. touche aussi.. les cercueils. qui sont des oeuvres d'art.. destinées à ne pas être vues.
Et là,on peut y faire tout un parcours d'histoire de l'art en quelques pas.
Les fondateurs de la crypte, l'empeureur du saint empire romain germanique et duc d'autricheMatthias et sa femme (et cousine, déjà à l'époque, on ne laissait pas partir l'héritage) ont droit à des cercueils très sobre, de style fin Renaissance, avec seulement des têtes et pattes de lions pour tout décors. La sobriété ne va pas durer, l'époque baroque arrive...
Ambiance musicale baroque de circonstance: le Requiem Impérial de Johann Joseph Fux, écrit pour les funérailles d'Eléonore de Neuburg en 1720, et réutilisé en 1740 pour celles de Karl VI, dont le magnifique tombeau est visible sur mes photos :)
Commençons la visite:
enttre cex deux là qui n'ont pas eu d'enfants, d'autres qui en ont eu, mais qui ne dépassaient pas l'adolescence à cause de la consanguinité et de la mortalité infantile, la succession est passé un certains nombre de fois d'une branche à l'autre de l'arbre généalogique. Voilà de quoi s'y retrouver un peu.
C'est parti pour les débuts du baroque, encore sobres...
N°14: une Maria Theresia morte à 1 an, comme beaucoup de ses cousins, avec un petit squelette danseur en détail |
N°16: Maria Josepha, qui a atteint les 16 ans. On est presque content de voir que quelqu'un a dépassé les 12 ans au bout d'un moment. |
La vie de cette petite blonde a été particulièrement sordide: mariée à 14 ans à son oncle, morte à 22, enceinte 7 fois en 6 ans. Mais éduquée dans cette ambiance depuis sa naissance, elle-même devait probablement trouver son sort tout à fait normal. Certes autres temps, autres moeurs, mais quand même, même à cette époque, ce genre de mariage aurait été interdits dans les familles pauvres, où il fallait demander des dispenses à n'en plus finir si un cousinage trop proche était soupçonné. | |
Arrive Joseph I°, (sarcophage n°35) et à l'image des moumoutes, le décor commence à être plus sompteux. Plein baroque!
Je trouve ce crâne particulièrement amical et sympathique! |
Karl VI, frangin de Jo.. et on arrive au baroque tardif avec lui: n°40. Et là, quel travail de bronze!
et là le crâne a l'air de se demander ce qu'il fait là, c'est trop marrant. |
A droite de l'image. En face il y a le n°36 |
Le site qui détaille le décor explique que ce bateau représente le voyage de noces de Karl et Elisabeth, à Barcelone. |
Une note intéressante nous dit qu'elle était un soutien politique actif de son mari, et donc, non plus une impératrice qui se contentait de produire une descendance, mais une femme d'état impliquée.
Ces deux monuments sont déjà du baroque achevé, mais il y a encore plus impressionant dans la pièce à côté: le double tombeau rococo de leur fille et de son mari.
Car oui le clou de ce "musée", c'est le tombeau de l'impératrice Maria-Theresia, la femme la plus puissante d'Europe à son époque (avec laquelle seule peut rivaliser Catherine II) et de son mari, Franz-Stephen, François Etienne de Lorraine. La situation des parents s'est ici retrouvée inversée: une femme d'état, et son mari comme soutien.ce mari français moins connu que sa femme, qui m'a tout l'air d'avoir été un gars extrêment intelligent. Alors qu'il était le neuvième enfant du duc de Lorraine, et donc très éloigné de tout poste de pouvoir, une succession de chances l'ont amené à se marier avec la future impératrice. Et contrairement aux habitudes, ce mariage arrangé a été une vraie réussite: les deux s'adoraient, ont eu 16 enfants ( dont une bonne partie sont aussi enterrés là avec leurs parents) et se sont serré les coudes toute leur vie. A sa mort, Marie-Thérèse, qu'on imagine très triste, pour se consoler a comptabilisé le nombre d'années, mois, jours et heures de bonheur conjugal passé avec lui. C'est inattendu, et très chou, de la part de cette femme de pouvoir, qui a préféré garder en mémoire les bons moments plutôt que de s'abandonner à la dépression.
Pour raison politique, c'est François qui a été couronné empereur, et sa femme officiellement " femme de l'empereur", mais qui de fait, dirigeait. Le mari étant lui un passionné de science et d'art qui a très bien compris l'intérêt d'une position purement représentative qui lui permettait de se livrer à ses loisirs, sans convoiter pour lui seul un pouvoir qu'il coexerçait. Un empereur consort et content de l'être. Donc un mariage arrangé mais heureux, un monsieur qui n'essaye pas d'usurper le trône de sa femme mais au contraire la soutient: yep, le futé François a gagné toute mon estime!
et ma photo ne rend pas du tout justice à la précision et au détail de ces gravures. Du très grand art. |
quelques uns parmi leurs nombreux descendants, ont aussi leurs tombes un peu délirantes |
Pour les plus récents, la sobriété est de mise. J'ai eu un sourire en voyant au milieu d'une pièce un cercueil un peu orné, de ce qu'on appellerait style empire chez nous, entouré de 4, dans les 4 coins, tous pareils. L'empereur, et ses 4 épouses successives. Charlie et ses drôles de dames. Ou encore un cercueil banal en bois, très neuf: en quelque sorte, un cercueil de courtoisie, l'occupante attend qu'on lui rende le sien, parti en restauration.
je ne l'avais pas encore montré, mais voilà, ceux qui ont régné en tant que rois de Hongrie ( cumul de mandats!), ont un ruban distinctifs au couleurs du drapeau hongrois. |
A cause de l'arbre généalogique très chelou de tcette famille, il est parfois compliqué de suivre et de savoir qui est le fils ou le frère ou le cousin de qui, mais parmi les gens intéressants, il y a Maximilien, empereur du Mexique. Frère de de François-Joseph Premier, marié à une fille du roi de Belgique, et devenu presque en postulant à une petite annonce, empereur ( éphémère) du Mexique. L'histoire finit mal, parce que Max a été bien roulé dans la farine par Napoléon III. De mémoire, la première fois que j'ai entendu parler de ce lien entre Autriche et Mexique, ce devait être dans Zorro. Et à l'époque, je ne comprenais pas ce que le pouvoir autrichien fichait au Mexique. Mais oui, il me semble bien que si on ne le voit jamais, Max est mentionné plusieurs fois, comme l'usurpateur, le traitre, le parachuté ou tout ce que vous voudrez.
Avec un sombrero et un drapeau mexicain, histoire de s'en souvenir. |
Passons au frangin, Franz-Joseph, qui à l'inverse de Marie-Thérèse et son mari, est totalement éclipsé en terme de popularité par sa femme, Elisabeth " Sissi", alors que c'était bien lui l'empreur. Il est mentionné à plusieurs endroits à Vienne, a droit à quelques statues, mais de fait, les appartements impériaux du palais Hofburg sont appellés " musée Sissi", les lieux où ils sont passés sont un "parcours Sissi", elle a droit à ses bonbons vendus partout au même titre que les boules Mozart.. bref, l'empereur en titre est totalement éclipsé par la célébrité posthume de sa femme. Plusieurs fois je me suis dit " j'ai un peu de peine pour lui, c'était le chef d'état quand même et tout le monde s'en fout maintenant".
Et là encore, Franz a gagné mon estime pour son intelligence: le monsieur adorait sa fantasque femme et avait bien compris qu'elle ne se sentait pas bien dans une cour trop rigide. Il a fait tout ce qu'il a pu pour lui laisser un maximum de libertés, même si ça lui coûtait de ne pas la voir pendant longtemps ( la dame passant son temps à voyager), donc rien que pour ça, je classe aussi Franz parmis les gars intelligents qui a gagné ma sympathie. J'espère pour lui qu'au minimum elle en a eu conscience et lui a en été reconnaissante. Parce que quand on lit ses extraits de lettres et de journaux, elle ne cesse de se plaindre d'avoir été jetée en pâture à un inconnu, dans une d'être en cage, que le mariage est une torture... donc certes, elle n'était pas fait pour cette vie, mais en confrontant ses écrits et la réalité, elle semble quand même assez injuste envers son mari qui essayait d'arrondir les angles entre une femme au caractère bien trempé et une mère au caractère tout aussi trempé. Le problème était ici plutôt que la belle mère- et la belle-fille, par ailleurs aussi tante et nièce, ne s'entendaient pas bien. Là aussi, la consanguinité a probablement quelque chose à voir avec ces sautes d'humeur, manies, obsessions, paranoïa de part et d'autre...
Dans l'absolu, c'était un monarque plutôt ouvert ( on lui pardonnera donc sa moustache un peu ridicule, dont la mode s'est répandue dans comme une mauvaise grippe, Même Johann Strauss fils l'a chopée, cette moustache.)
Je ne vais pas ici parler de sa politique réformatrice et des difficultés qu'il a eu à ménager la chèvre et le chou avec l'Allemagne, le Mexique, la Hongrie... on en aurait pour des jours et des jours.
En tout cas, c'est un endroit à voir, un concentré d'histoire qui permet ensuite de se renseigner un peu plus, et bien que tous ces gens soient mort et enterrés depuis longtemps, ça donne un côté plus concret à ceux qui n'étaient que quelques lignes dans un manuel - surtout vus depuis la France, pour moi qui ait connu les cours d'histoires comme une succession de dates et de noms à apprendre. Par contre je ne n'aime pas non plus les livres comme ceux de Juliette Benzoni ou les émissions type " secrets d'histoire", qui vont dans l'excès inverse et regardent uniquement par le petit bout de la lorgnette: se concentrant sur l'individu et son ressenti, ses histoires et intrigues sentimentales sans vraiment l'intégrer dans le contexte social et politique. Trop lourd pour les cours d'histoire, déconnectés du contexte quotidien, trop léger pour les romans et émissions, déconnectés du contexte général.
Et evidemment l'autre point fort, c'est l' esthétique et le concentré d'histoire de l'art qui se voit au travers de cette succession de cercueils, un objet qu'on a peu l'occasion de voir en dehors du jour de l'enterrement, mais qui lui aussi, étonnamment, répond à des modes. Là, tout étant au même endroit, on a presque 400 ans d'évolution artistique en quelques pas, rendus encore plus flangrant par l'unisicté des objets présentés (les tableaux d'un musée ne présentent pas tous le même sujet, donc parfois , il est plus compliqué d'en cerner le style).
Ce n'est pas fini, prochaine étape, toujours à Vienne, le cimetière central. Et il y a du beau monde qui nous y attend!
Effectivement toute une sacre visite....ouah une sacre remontee dans le temps dans l'histoire de l'europe...euh au passage, c'etait les francais qui etaient au Mexique pas les autrichiens...et ont utilise le pauvre maximilien (j'ai ete a son lieu d'execution a Queretaro)...sacre Napoleon III on arrive a oublier qu'il a mis le bordel la-bas...;)....
RépondreSupprimerEn tout cas joli choix de theme pour Halloween...vive les tetes de morts et les hommes intelligents...lol
C'est sur que Zorro n'est pas franchement un documentaire historique. Et oui, entre Napoléon I et son neveu, ils ont bien mis le souk partout.
SupprimerBon, on va dire que je préfère les hommes intelligents vivants, aux crânes vides quand même. Les seconds sont juste décoratifs :D
Reste en ligne, il y aura encore des visites :)
Oui mais Zorro c'est notre jeunesse....lol...oui bien hate a la suite...;)
SupprimerMerci pour cette visite ! Les tombeaux sont impressionnants avec des styles différents ! Quel travail au niveau des sculptures!
RépondreSupprimerOui je pense que c'est bien un des" cimetières" les plus impressionants que j'aie vue au niveau de l'art funéraire (mais je ne suis pas allée à Gizeh, ou dans la vallée des rois, je dois dire)
Supprimerbonjour, comment vas tu? merci pour cette visite originale et fascinante. on ne peut qu'admirer le travail effectué sur ces magnifiques tombeaux. passe un bon mardi et à bientôt!
RépondreSupprimertout va bien merci :)
SupprimerOui, et c'est vraiment un parcours de 3 ou 4 siècles d'histoire du pays et d'histoire de l'art, en quelques pas.