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Tout simplement parce qu'on y trouve un peu de tout, par ordre de pagaille. Cette idée de collection sans thème déterminé me plaît...

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mardi 26 mai 2015

Aux bords du Gange - R.Tagore

Histoire de se dégeler après le grand nord, partons en Inde. J'avais déjà lu un texte de Tagore que j'avais bien aimé,  la bibliothèque a récemment enrichi son rayon "littérature d'Inde", C'est donc parti pour un recueil de nouvelles, presque toutes racontées par un narrateur anonyme:

 - le squelette: Je ne m'attendais pas à ça, mais le recueil s'ouvre par une histoire fantastique. Le narrateur, contraint de passer une nuit dans une pièce qui servait lorsqu'il était plus jeune, de salle de classe et où se trouvait un squelette servant aux cours d'anatomie. Le squelette a disparu depuis longtemps mais le narrateur va avoir la surprise de recevoir la visite de l'esprit qui l'habitait, et qui va lui raconter sa vie.. et sa mort. Le fantôme d'une femme de bonne famille,  qui a vécu toute sa jeunesse isolée, comme il était de coutume à l'époque, ne rencontrant qu'un seul homme hormis ceux de sa famille: un ami de son frère, médecin, venu la soigner, et pour qui elle développe une passion exclusive et autodestructrice.

-la nuit suprême: Le narrateur et Surabala, une petite fille, sont camarades de classe. Ils s'entendent plutôt bien, et alors que les deux familles pensent conclure un mariage, le narrateur surprend tout le monde en refusant, pour se consacrer à des études, animé par l'espoir de jouer un rôle politique.. les idées indépendantistes commence à émerger, et il rêve que le pays devienne enfin autonome. Mais ses rêves de gloire n'aboutissent pas et il revient au pays. Surabala s'est mariée avec un autre, et le narrateur prend conscience qu'il a raté sa chance avec la seule fille qui comptait vraiment pour lui.
( nota: Rabindranath Tagore ne verra jamais son pays indépendant, il meurt en 1941, l'Inde gagne son indépendance en 1947)

- Le gardien de l'héritage: là encore une nouvelle à la lisière de fantastique. Un vieil avare, ayant causé la mort de sa belle fille en lui refusant des soins médicaux au motif que ça serait de l'argent gaspillé, voit son fils et son petit fils excédés lui tourner le dos et le laisser seul avec son argent. Mais le vieux finit par s'ennuyer et voudrait bien revoir son petit fils malgré tout. Lorsqu'il rencontre par hasard un gamin fugueur, il le prend momentanément sous son aile. Dans une intention horrible: en faire le gardien de l'héritage. Il embobine le gosse, et l'emmure vivant avec son trésor après l'avoir drogué et lui avoir fait promettre de ne rendre le trésor qu'à son petit fils ou un de ses descendants. Une note nous explique que ces pratiques " ont existé mais n'ont plus cours" -encore heureux. Moins dans un but d'assurer la fortune de ses descendants que de se l'assurer à soi même pour le futur. Car des légendes parlent de gens qui ont soudain fait fortune en allant récupérer le trésor qu'ils avaient donné à garder à leur victime lorsde le vie antérieure.. le rituel servant à s'assurer que la victime, elle, ne se réincarnera pas et que son esprit restera coincé là.
Charmant, la croyance en la réincarnation utilisée à des fins sordides. Je ne suis pas sure que Vishou, Krishna, Ganesh et les plus de 300 millions de dieux indiens approuvent franchement l'idée.

- la clef de l'énigme: un propriétaire terrien, connu pour ses largesses envers ses locataires, décide de se retirer dans un monastère et laisse à son fils le soin de gérer ses affaires. Finies les largesses! Celui -ci s'en prend en particulier à un des locataires, fils d'une veuve musulmane que le père avait pris en pitié. Les deux hommes finissant par s'affronter par tribunal interposé, il va falloir aller chercher le moine dans sa retraite pour qu'il tranche.Bon, il n'y a pas vraiment d'énigme dans cette histoire un peu prévisible. Mais elle souligne une intolérance et un racisme inattendus dans un cadre polythéiste.

--la soeur aînée: Joygopal et sa femme Sasi s'entendent bien, mais le mari a du partir travailler plusieurs années assez loin. Pendant son absence, les parents de la femme qui ont eu un fils sur le tard, meurent et c'est Sasi qui doit élever son petit frère. Lorsque le mari revient.. il découvre qu'il n'y a plus vraiment de place pour lui dans le coeur de sa femme, qui élève le petit comme le sien, et met un vrai mur mental entre elle et son mari. Le gamin va devenir peu à peut la bête noire de Joygopal qui avait déjà des vues sur l'héritage terrien de ses beaux-parents et manigance pour dépouiller son petit beau-frère de son dû. Et là encore, il faut faire intervenir la justice.

- aux bords du Gange: Kusum est veuve et revient dans son village natal. PAticularité de Kusum: elle a huit ans. Oui, vous lisez bien: mariée à 8 ans et veuve quelques semaines plus tard. On pourrait penser qu'elle a de la chance dans son malheur.. mais elle ne va pas vraiment pouvoir reprendre sa vie d'avant. En premier lieu parce que, si on ne l'oblige pas à se remarier, ses amies aussi jeunes qu'elle sont elles aussi mariées ou sur le point de l'être. Kusum grandit donc tranquillement pendant  dix ans.. jusqu'au jour où arrive un prédicateur errant qui la fascine: il est le portrait craché de cet époux qu'elle a peine connu.

Grosso modo j'ai bien aimé ces nouvelles, même si j'ai trouvé "la nuit suprême" et "la clef de l'énigme" un peu attendues. Parfois légèrement fantastiques ( évidemment j'ai une préférence pour le Squelette et le gardien de l'héritage, on ne se refait pas!) elles sont pourtant loin du portrait de l'Inde qui fait rêver: ici les personnages sont mesquins, odieux, avares, procéduriers et se querellent sans cesse pour des raisons fallacieuses. Les habitants sont englués dans des traditions ancestrales pas toujours défendables, c'est le moins qu'on puisse dire, et comme partout l'argent, dès qu'il y en a un peu devient une obsession. Elles pourraient se passer quasiment n'importe où dans le monde en fait. et il y a en filigrane, légèrement, une contestation de la condition féminine. Pas encore très revendicative, mais présente. Dans Chârulâtâ, que j'avais lu, l'héroïne luttait à sa manière par l'écriture, contre les préjugés sexistes et pour la valorisation de sa langue maternelle

« Dans notre pays aussi, lorsque les femmes, libérées des entraves artificielles
obtiendront la plénitude de leur humanité, les hommes aussi atteindront leur plénitude », dixit l'auteur en 1922 (source) ou encore « Celui qui a créé Kumu (c'est-à-dire la femme) l’a façonnée avec un immense respect. Personne n’a le droit de l’humilier, pas même un empereur ! » Je pense que Kumudini, d'où vient cette phrase, sera ma prochaine lecture de cet auteur si je la trouve.

Le reproche principal que j'ai à faire à cette édition, qui regroupe quelques nouvelles issues d'un recueil " connaissance de l'Orient, série Inde", c'est que quasiment jamais les termes ne sont expliqués ( ou alors dans les deux dernières nouvelles), le lecteur occidental manque forcément de repères: parler d'une faille de zemindar, en italique dans le texte, d'un gamin qui a mis en pièce un dhoti, ou qui secoue un chadar, ou fait tomber une gamcha.. certes, mais une note de bas de page pour expliciter les termes ou préciser juste de quoi il s'agit, ça serait pas mal et ça éviterai de couper la lecture en se demandant de quoi il peut bien s'agir. C'est bête, mais ce genre de chose me dérange vraiment. Les lecteurs qui veulent s'initier à la littérature indienne avec une édition à 2€ ne sont pas tous de fin connaisseurs de la culture ou des habits traditionnels. C'est vraiment vraiment frustrant.

lundi 25 mai 2015

Un curé d'enfer et autres racontars - Jørn Riel


Et voilà, 4° tome des aventures épiques de notre poignée de trappeurs zinzins du grand nord. Et dernier pour moi avant un certain temps, vu que la médiathèque n'a pas les tomes suivants.

7 histoires toujours plus ou moins crédibles et souvent drôles.

- Un cadavre bien conservé: souvenez vous, dans le précédent tome, j'ai dit qu'il y avait des départs. en l'occurrence un des chasseurs est parti  définitivement et les pieds devant. Sauf qu'il y a débat: sa famille espère bien le récupérer pour lui donner "une sépulture décente" et ses amis ont un idée bien précise sur ce qu'il aurait voulu. Mais légalement, c'est la famille qui a raison il faut donc conserver l défunt présentable d'ici le passage du bateau, plusieurs mois plus tard. Tant que c'est l'hiver, pas de souci, on le colle à la remise entre les provisions, il restera congelé tranquillement. Mais lorsque le printemps arrive... pas de souci, Bjørken à la solution: saumurer son patient comme un hareng géant , le coller dans 2 tonneaux scellés et mettre le tout au creux d'un iceberg, plus de danger qu'il dégèle. Sauf qu'un iceberg ça dérive et que le cadavre en salaison semble bien parti pour son dernier voyage.. au sens propre.
Oui dit comme ça, ça parait sordide, mais du moment qu'on aime l'humour noir, les idées de Bjørken ne manquent pas de.. sel.

-Le chien qui perdit la voix: Fjordur, dont on a découvert la passion secrète dans le tome d'avant, a un chien favori. L'animal et son maître s'entendent à la perfection, et "discutent" jusqu'au jour où.. un bête accident, et le chien perd la part la plus expressive de sa personne: sa queue. Le chien devenu " muet" en fait même une dépression nerveuse.
Une histoire un peu décevante: sachant quelle est la passion de Fjordur, je m'attendais à ce qu'il " bricole" une prothèse à sa bestiole, ce qui aurait été du "plus bel" effet - aheum. Mais non, et c'est dommage, je me sens flouée .

-El dedo del Diablo: dans la famille des hurluberlus qui viennent parfois se perdre sur la banquise, je demande l'oncle d'Amérique du Sud. Le chasseur Svendsen a passé plusieurs années quelque part au fond de la jungle. D'une part c'est un incroyable fanfaron qui adore raconter ses "aventures" improbables pour le plus grand plaisir des autres hurluberlus locaux. D'autre part il a ramené avec lui Magdalena. Ce n'est pas sa femme, juste son "petit" animal de compagnie. Du genre long de 5 m, vert et jaune, couvert d'écailles avec une langue bifide. L'arrivée du premier boa constrictor jamais vu dans le grand nord provoque évidemment un foin pas possible. Là encore humour noir et cocasse, comme j'aime.

- Le petit Pedersen: autant  Svendsen était fanfaron, autant Pedersen est geignard: tout petit, plutôt moche, il n'a pas grand chose pour lui, mais serait supportable s'il arrêtait de se plaindre sans cesse. Il met sur le compte de sa taille son absence quasi totale de succès auprès des femmes, mais qui voudrait d'un pleurnichard. Lodvig, le malheureux qui va devoir se le coltiner pendant toute une saison décide que pour sa propre santé mentale, il est nécessaire de faire subir à Pedersen une thérapie de choc qui lui fera reprendre confiance en lui.. et par conséquent, fermer son clapet. La solution de Lodvig est risquée, mais, contre toute attente, efficace.

- une épopée littéraire: On le sait, plusieurs mois de vie dans l'arctique, coupé du monde, ça monte au cerveau, et les lubies bizarres, guettent.Après les bonbons au chocolats, après la scie musicale, le tricot et que sais-je encore, c'est Anton qui est pris d'une folie littéraire et décide de devenir romancier. Problème, il n'y a qu'un seul crayon dans toute la région, et il ne peut pas attendre l'arrivée du bateau, sinon, il risque d'oublier  les idées géniales qui vont faire de lui le romancier le plus novateur de l'histoire de la littérature danoise . Or, problème, par un malheureux concours de circonstance, il avale le dernier bout du dernier crayon. que faire? La encore la solution est.. inattentue et implique 35 boites de sardines à l'huile.
Ok, cette nouvelle là n'est pas fine, mais la série d'événements qui conduisent à l'ingestion du crayon est tellement racontée de manière épique, que je n'ai pu que rire.

- la puce: moins encombrante qu'un boa, c'est cette fois une puce, qui déboule dans le grand nord, bien au chaud dans une cargaison de fourrures. Une puce qui , malgré le nombre incroyable de chiens qui se trouvent dans le secteur, va préférer s'en prendre aux humains.. avec plus ou moins de succès ( certains son trop coriaces.. ou risquent de lui coller une gueule de bois!). Et déclenche une névrose collective. Encore un récit épique.. vu du point de vue d'un parasite.

-un curé d'enfer: Les habitants du nord-est du Goenland sont un peu jobard, on le sait. Leurs visiteurs sont encore pire. La vieille anglaise venue faire un safari en emportant sa salle de bain dans le tome 2, ou le père Polleson dans celui-ci. Ce missionnaire fanatique et xénophobe envoyé évangéliser le sud-est du Groenland a fait tellement de scandale, voyant de la luxure partout, que les autorités religieuses ont décidé d'envoyer la patate chaude dans le nord ouest.. à charge d'évangéliser la vingtaine d'habitants du coin. Déception pour Polleson, il n'y a pas une femme à l'horizon, il ne va pas pouvoir tarabuster son monde avec la luxure, il va falloir trouver autre chose. Et le fait que tous les chasseurs sont plus ou moins bouilleurs de cru lui offre la solution: il va à lui tout seul monter une espèce de ligue anti-alcoolique et faire des choses très chrétiennes: se mettre en colère, tromper son monde, extorquer de faux aveu, voler des bateaux.. pour faire le tour de la côte et détruire nuitamment tous les alambics qui se trouvent sur sa route. Les habitants sont plutôt pacifiques, mais il y a quand même des limites à leur patience.

La encore il y a des nouvelles que j'ai plus appréciées que d'autres, en particulier la première  et celle du boa pour leur humour volontiers noir et la dernière qui montre la résistance farouche d'une poignée de gens un peu mécréants, mais plutôt tolérants quand on leur fiche la paix, contre un religieux obtus qui veut les évangéliser de force. Même au bout du monde, on n'a pas a paix!

Je vous avais déjà montré le Groenland au printemps, et en été voilà le Groenland en automne

samedi 16 mai 2015

Le goût du noir - Collectif

Un tout petit livre trouvé en passant dans les rayons de, aheum, "l'agitateur de curiosité" (oui c'est à peu près la seule librairie généraliste qui reste , pas trop loin de chez moi), le titre m'a plu, je l'ai pris un peu par hasard, je ne conaissais aps cette collection " le goût de.. "  déclinée sur à peu près tous les sujets possibles.
Le principe est simple: un sujet, une compilation de textes qui y font référence de près où de loin. J'aime bien cette idée, même si je n'ai pas trouvé les textes toujours très bien choisis.


Le noir. qu'est-ce? Une couleur.. ou une non-couleur selon le point de vue adopté, la nuit, le mystère, l'élégance, la tristesse le deuil.. enfin, dans la tradition Judéo Chrétienne, en Asie, le blanc sera plutôt associé à la mort. Mais c'est aussi, l'origine, le début ce qu'il y avait avant.. et la fin. autant dire qu'on peu y mettre à peu près tout ce qu'on veut.

Personnellement j'aime le noir. Je l'ai toujours aimé. Je travaille 5 jours par semaine en noir et blanc, et encore, ça m'ennuie particulièrement de devoir y ajouter ce blanc. Pour moi c'est une couleur, une couleur que je trouve reposante, absolument pas triste. Ca m'a toujours évoqué, la nuit, la tranquillité, et certainement pas le deuil que j'associe justement plutôt au blanc, qui est pour moi la couleur non de la pureté mais de la maladie, de l'hôpital, etc..

Ce petit ouvrage nous propose 6 axes de réflexions, regroupant chacun quelques textes littéraires présentés par une brève introduction:

- l'origine du noir: La genèse qui nous dit qu'avant toute chose, il y avait le noir! que la lumière fut, c'est bien, mais sans la nuit, il n'y aurait pas de jour, hé oui.. Hésiode raconte l'origine de Nyx, déesse de la nuit, avec en miroir un texte de Pascal Quignard sur Nyx, Nox dans la tradition latine. Pline explique comment les peintre de son époque produisait le pigment noir, Michel Pastoureau évoque l'histoire du noir et son appropriation par la vogue Romantique au XIX°S ( j'ai son ouvrage sur le Noir à lire, j'ai beaucoup apprécié celui sur le bleu que je n'ai pas encore présenté ici). Et étonnamment dans cette catégorie "Voyelles" de Rimbaud, parce que A noir, et que A est la première lettre de l'alphabet . Voilà, quand je disais que le choix de certains textes était pour le moins étrange. Mais les textes mythologiques ou sociologiques sont intéressants et à leur place.

Nyx vue par Bouguereau
- Noirs singuliers: on y trouve pèle-mêle le " dîner funèbre" donné par Des Esseintes dans à rebours de Huysmans, une évocation de l'obscurité ( pas vraiment du noir!) d'une maison de plaisir de Kyôto par Tanizaki ( éloge de l'ombre) un texte de Michel Tournier qui parle principalement du gris et de sa place dans le spectre des couleurs, et un texte de Roger Caillois - j'ai failli écrire Caillou, véridique, acte manqué - sur sa passion des pierres et l'onyx noir dans ses collections.

- Noirs des mystères: Cette fois ça y est, on y est.
Henri de Régnier évoque le costume noir d'un personnage sur une scène de Carnaval Vénitien peinte ( Esquisses Vénitiennes). Barbey D'Aurevilly dresse un portrait de criminelle, une brune aux yeux sombres, vêtue de noir, qui a autrefois empoisonné une autre femme avec de l'encre - ok, c'est pour le symbole, mais l'encre en elle même n'est pas toxique, en tout cas l'encre de seiche, il devait y avoir quelques petites choses en plus dans son encre- et, en visite au zoo, s'amuse à provoquer une panthère, qu'on deviene noire elle aussi ( Le bonheur dans le crime). Suit un extrait d'un "roman noir" de Raymond Chandler, un peu tiré par les cheveux, ou une pin up clame porter du noir "parce qu'elle est méchante": quand il faut faire des coupes sombres  marquées (...) dans le texte pour le faire cadrer avec le sujet, c'est qu'on aurait pu trouver plus approprié. Là il y en a beaucoup.
Plus logique: le chat noir d'Edgar Poe, et la Peau de chagrin  de Balzac ( dans la pénombre d'une boutique, ce morceau de cuir noir aux propriétés magiques semble aimanter le regard de Raphaël, le futur acquéreur de l'objet maudit.
L'étrange cas du Dr Jeckyll de Stevenson fait plutôt référence à la "noirceur " de l'âme humaine, qu'à la réelle couleur, donc il fait aussi partie de ce que je trouve un peu tirés par les cheveux.

- Nuitamment au creux du noir: cette fois, c'est le noir dans son cadre nocturne dont il est question via the City of dreadful night de James Thomson ( je ne connais pas du tout, je note ce titre qui me tente bien), l'aventure d'Eros qui a épousé Psyché mais ne lui rend visite que la nuit, afin qu'elle ne voit pas qui est son mari ( chez Apulé).  Evidemment, impossible de faire l'impasse sur une pièce aussi nocturne qu'Hamlet,

Hamlet Vu par Delacroix, il en sera question plus bas...
Les souvenirs des nuits de Combray de Proust me confirment que non, décidément non; cet auteur n'est vraiment pas pour moi,  comment dire...parfois à peine arrivée au milieu de la page, mes yeux se ferment si vite que je n'ai pas le temps de me dire  " je m'endors" ...
Victor Hugo dans William Shakespeare fait du noir une sorte d'étendard de l'esthétique de son époque qui conduit naturellement à la section suivante:

-Noirceurs chères aux poètes. alors là je me demande bien pourquoi ne pas y avoir intégré Oceano Nox, qui aurait été un enchainement parfait sur le thème de la nuit. Au lieu de ça on a le satyre extrait de la légende des siècles. Allez comprendre.
Erlkönig de Goethe traduit par Michel Tournier. La traduction n'est pas mauvaise et évide l'écueil de vouloir artificiellement reconstruire des rimes qui sonneront forcément faux, et c'est tout à son honneur, mais, j'ai toujours du mal avec la poésie traduite lorsqu'elle vient d'une langue, et même d'un texte que je connais - ici par coeur pour l'avoir travaillé en chant en tant que Lied de Schubert.
En voilà une autre avec le texte originel en regard.
(C'est toujours mieux avec le son:  Erlkönig mis en musique par Schubert, interprété par Dietrich Fischer Dieskau, grand spécialiste du Lied)

Même chose pour l'extrait du Paradis Perdu de Milton traduit par Chateaubriand, qui , pour le coup, ressemble vraiment trop à du Chateaubriand et pas à un texte plus ancien de 2 bons siècles. Par contre Nuit de décembre de Musset, El Desdichado de Nerval sont deux excellents choix. Pour Baudelaire, Sed non Satiata n'est pas ce que j'aurais chois en premier, j'aurais plutôt vu " Quand le ciel bas et lourd".
Le tout conclut sur un texte pour le moins hermétique de Mallarmé sur l'encre ( mais bon, Mallarmé est toujours plus ou moins hermétique, là il est presque déjà dans l'écriture automatique du siècle suivant)

- Noir en peinture: le chapitre le plus intéressant pour moi, avec celui sur la poésie et sur la mythologie. Des extraits d'interview de peintres ou de catalogues d'exposition. Paul Valéry parle d'un tableau de Manet représentant sa "Tante Berthe" (il était un neveu par alliance de Berthe Morisot elle même belle soeur du peintre Manet),

 un autre d'Yves Bonnefoy sur les estampes de Delacroix, par ailleurs formidable coloriste en peinture, mais qui s'est réservé le noir pour l'estampe, et sur les noirs de Goya , et particulièrement " el sueño de la razon"qui cause des cauchemars à un personnage de Jean Lorrain

Un catalogue d'exposition date l'apparition de l'art abstrait avec le Carré noir sur fond blanc de Malevitch.

Pierre Soulages explique sa démarche picturale, et ça c'est passionnant: parce que ses grand tableaux noirs sont quelque chose que j'ai du mal a apprécier, vu que l'art contemporain est rarement expliqué. Là, sans forcément tout aimer, je comprends et c'est déjà une bonne chose.

Pour Henri Michaux, le noir, c'est l'origine, le fondamental, Kandinsky semble ne pas l'aimer du tout et.. voit tout en noir si j'ose dire, il ne s'en sert que pour sa capacité à mettre les certaines couleurs en valeur et d'autres en retrait.
de faux caractères chinois par Michaux

Un petit livre inégal, mais un principe sympathique, que j'ai quand même plutôt apprécié. A lire évidemment avec sous la main:

 ( il existe d'ailleurs un opus " goût du café" et un " goût du chocolat". Je lirais quand à moi probablement le "goût de Kyoto", s'il croise ma route) Dommage il manque quand même un mot sur les vases grecs à figures noires

jeudi 14 mai 2015

Les navigateurs de l'infini - JH Rosny aîné

Encore un billet qui était initialement prévu pour le mois belge, mais qui faute de temps pour le taper avant le délai imparti, se retrouve hors saison. Hors saison pour le mois belge, mais pas pour le challenge geek.
rosny aîné, j'en avais déjà parlé ici à deux reprises pour La guerre du feu, son ouvrage le plus connu qui ne m'avait pas vraiment convaincue, et pour La jeune vampire et la silencieuse qui étaient déjà plus à mon goût, mais dont j'avais trouvé, comme pour la Guerre du feu d'ailleurs, les fins un peu bâclées. J'y reviendrais.
Je m'étais cependant promis de donner à l'auteur une autre chance, dans la catégorie SF dont il est l'un des pionniers ( il existe d'ailleurs un prix Rosny aîné , décerné à des auteurs de  SF francophone, Claude Ecken dont j'ai parlé ici aussi l'a reçu dans la catégorie nouvelles en 2001 pour "la fin du big bang").

Les navigateurs de l'infini date de 1925, il est donc plus tardif que la Guerre ( 1909). LEs navigateurs sont au nombre de 3, partis de la Terre à bord du vaisseau le Stellarium, pour aller explorer Mars. Ce qu'ils vont y trouver dépasse leurs espérances: non seulement la planète rouge n'est pas un rocher stérile et désolé, moyennant un bon scaphandre et quelques machines, ont peut y vivre sans problème quelques mois, il y a de l'eau, mais il est habité d'au moins trois espèces animales distinctes: les zoomorphes ( des créatures ni vraiment minérales ni vraiment animales, dotés d'une symétrie non pas basée sur le nombre 2 mais sur le nombre 3, ils sont donc dotés de 9 "pattes" ), les éthérés ( des créatures impalpables, à la nature indéfinissable, visibles seulement dans la pénombre) et les tripèdes, l'équivalent local des humains, et les seuls avec qui les aventuriers terrestres vont pouvoir nouer un contact en établissant un language codé fait de gestes.
Et pour cause, les tripèdes sont non seulement dotés de 3 pieds comme leur nom le laisse deviner, mais n'ont ni oreilles, ni nez.Par contre ils ont 6 yeux, aux couleurs multiple, qui font le ravissement des terriens. LE tripèdes sont différents de tout ce qu'on connait, mais beaux à leur manière.
De fil en aiguille, les terriens finissent par comprendre que les Tripèdes et les zoomorphes sont en conflit. PAs vraiment un conflit armé, car il n'y a pas intention de nuire, mais les tripèdes sont une civilisation ancienne sur le déclin. Les  zoomorphes sont une espèce invasive qui non seulement est en train de prendre possession de la planète, mais rend impropre à la consommation des autres espèces ce qu'il touche ainsi que le terrain qu'ils ont colonisés. L'arrivée des humains dans leur machine avancée est une aubaine pour les tripèdes qui espèrent recoloniser leur espace vital.

Sur cette trame se greffe, mlheureusement, une histoire d'amour improbable entre le spationaute narrateur et une martienne tripède qu'il a surnommée "Grace", pour ses beaux yeux multicolores. D'une part l'idée d'une idylle (purement platonique pour incompatibilité physique entre les habitants des deux planètes, donc soyez rassurés, pas d'Alien Sex,  ça reste chaste!) est plutôt sympa et d'autant plus que justement les matiens ne sont pas bêtement des  humains en mieux ( chose qui m'avait saoulée dans la Planète des singes avec Nova, qui bien que venant du système de Bételgeuse est une pseudo humaine compatible avec notre planète et ses habitants. Mouaif, pourquoi inventer des extraterrestres s'ils nous ressemblent à 100%). Par contre, vu le temps très court dans lequel se déroulent les événements, ça pose un gros souci de vraisemblance, car ils arrivent à définir 3 ou 4 signes pour communiquer par jour.. mais sont capable de tenir de vraies conversations en moins de quelques semaines...
Sinon j'ai grandement apprécié que l'auteur ne passe pas sous silence la découverte de la planète et de sa faune - les tripèdes arrivent en fait assez tard dans l'histoire), ni n'idéalise trop les tripèdes ( ils nous fait remarquer que S'ils sont prompts à apprendre les tâches de manutentions et de fabrication mécanique, ils sont quasiment incapable de la moindre initiative et que c'est surement là la cause principale de leur déclin. D'excellents ouvriers spécialisé qui peuvent construire une machine en un temps records.. mais ne sauront jamais à quel moment il est nécessaire de s'en servir.. J'ai aussi apprécié le fait qu'il ne s'agisse pas vraiment d'une histoire de guerre ouverte, plutôt d'un problème de niches écologiques, et les tripèdes ne veulent pas annihiler leurs voisins zoomorphes, juste les éloigner de leurs source de nourriture.

Mais , et la je reviens à ce qui faisait le problème majeur des autres textes du même auteur: la fin. La fin est bâclée une fois de plus, tout se finit en queue de poisson par une contemplation du paysage de Mars., youpi, on a gagné, les zoomorphes sont momentanément éloignés Sans rien régler: est-ce que les zoomorphes vont revenir, est-ce que les terriens vont revenir sur Terre laissant derrière eux ceux qu'ils considèrent comme une seconde famille, tout au moins des cousins assez proches pour ses soucier de leur sort? est-ce que le narrateur va renoncer à cette idylle extraterrestre condamnée à l'échec? est-ce qu'un des martiens fasciné par la Terre va vouloir voyager à son tour, .. Ben non, zéro réponse: ça s'arrête pile après la baston.. même pas finale, puisque tout reste en suspens, y compris le devenir des martiens.
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La fin, abrupte, qui ne conclue rien. Pas une fin ouverte non.. juste l'impression une fois de plus, qu'un chapitre supplémentaire n'aurait pas été de trop. Les éthérés, par exemple, passent totalement à la trappe dès l'arrivée des tripèdes sur la scène, il n'en sera plus question que pour des remarques du genre " mais qu'est-ce qu'ils sont, j'aimerais bien le savoir".. oui, nous aussi, les lecteurs, on aimerait...
Ceci dit, je vois qu'il y a une suite nommée "les astronautes" qui parle apparemment du retour sur terre des navigateurs qui a été publiée en 1960, soit 20 ans après la mort de l'auteur. J'ai trouvé celui là sur le site immatériel, lors de l'une des opérations E-books à 99cts de Bragelonne qui l'a édité, et la suite est disponnible aussi.

D'ailleurs, tiens, je le souligne car je viens de le voir, Immatériel a changé de nom est est maintenant 7switch, il va falloir que je vérifie si les e-books que j'y avais achetés mais pas encore téléchargés sont toujours là!
vérification.. oui , il est toujours possible de se connecter avec les identifiants crées sur immateriel et les archives sont toujours disponibles, ouf!
idée 73: un endroit que je découvre, où je ne suis jamais allée: Mars ( ni moi, ni personne, d'ailleurs!)

vendredi 8 mai 2015

Mélusine tomes 7 à 12 - Clarke et Gilson

Suite logique du précédent billet puisque j'ai pu me procurer les 18 premiers tomes, on va faire ça 6 par 6.

Je disais donc précédemment que c'est une série plutôt sympathique, mais pas vraiment audacieuse. Donc je confirme, elle avait même tendance à tourner un peu en rond autour des mêmes gags récurrents: Cancrelune qui loupe ses atterrissages, ou qui fait exploser ses préparations, Tante Adrazelle et sa cuisine  d'épouvante, les villageois prompts à vouloir griller les sorcières, le vampire et sa femme fantôme qui se chamaillent, etc..

bonne nouvelle à partir de ce tome 7, ça commence à bouger un peu plus, avec l'arrivée de nouveaux personnages:
D'abord au Tome 7, c'est l'arrivée de Mélisande, qu'on reverra régulièrement par la suite. Ce tome 7 est même constitué uniquement de gags autour d'elle. Mais qui est Mélisande? La honte de la famille! une cousine de Mélusine, bête comme une oie, vêtue de rose bonbon, avec des chaussures à pompons, un chapeau pointu, une baguette magique en forme d'étoile et des ailes de libellule.. une bonne fée! Ses principales passions dans la vie sont : faire apparaître des pâtisseries en prononçant des formules du genre " choubidouuuuu!" et tenter de "mignonniser" de force l'environnement des sorcières.. enfin ça, c'est avant d'être mordue par monsieur le Comte, car une fée vampire, ça peut vite déraper, pour le plus grand bonheur de tous.
Le tome 8 est entièrement consacré à Halloween, tandis que le sujet principal du 9 est l'hypnose.

 Le 10 joue sur le sujet des contes, où on découvre que dans le fond, toute sorcière qu'elle est, Mélusine est une sacrée fleur bleue comme on avait pu l'apercevoir avant, et qu'elle n'a pas encore renoncé à son obsession pour les princes/rois/chevaliers et gens du même tonneau.

Le 11, l'école des maléfices se rapproche plus de l'univers scolaire développé depuis dans une série de roman jeunesse super-célèbre.



Au passage je l'avais dit il me semble, mais le début de Mélusine, le concept donc d'une école de sorcellerie, est antérieur de 2 ans à Harry Potter, et les auteurs se gardent bien d'y faire une quelconque référence. A toute fin utile pour tous ceux qui râleraient au plagiat.
Il introduit surtout un nouveau personnage : Herr Doktor von Kartoffeln, le savant fou, qui va continuer à faire des apparitions régulières dans les tomes suivants en tant que nouveau professeur à l'école de sorcellerie. Car oui on avait les sorciers, les sorcières le loup-garou le vampire, le fantôme, la momie, la fée, les dragons la créature de Frankenstein.. mais pas encore de savant fou. Et celui là en tient une bonne louche

 Maintenant , il y a plus souvent des gags de deux pages, et une histoire plus longue en fin de tome qui donne son titre au tome en question, de 4 ou 5 pages, plus des gags qui se suivent avec une certaine logique ( dans l'un la duchesse fantôme est exorcisée par accident. Accident dont il est question dans les planches suivantes, jusqu'à son retour par invocation..), se répondent, ça donne à l'ensemble une unité qui manquait dans les premiers (par la suite il sera fait référence dans un tome à un événement passé dans une tome précédent, c'est une bonne chose: le scénariste a maintenant une vue d'ensemble sur son univers et du coup, même en gardant le principe des gags courts d'une page ou deux, la narration est plus fluide ( après je comprend tout à fait le principe des 2 planches maximum, la série a été prépubliée dans le magazine Spirou, d'où contrainte de format)

Et j'avoue une affection particulière, une fois de plus pour les personnages secondaires, comme à ma bonne habitude: tante Adrazelle et ses idées souvent farfelues, le professeur Haaselblatt et son manque total de pédagogie, ou le loup-garou qu'on voit trop peu souvent à mon goût.
Et sinon, BD jeunesse, hum.... disons qu'il y a deux niveaux de lecture.. celui relativement innocent.. et un autre qu'il est beaucoup moins. Je le disais déjà dans le premier sujet, et ça se confirme, il y a quelques sous-entendus olé-olé par moment. Mais vous êtes seuls responsables de votre interprétation , bande de petits galopins! (et puis bon, c'est pas du Servais non plus, hein..)


samedi 2 mai 2015

Mélusine Tomes 1 à 6 ( MAJ) - Clarke et Gilson

Je profite de la semaine Sorcellerie pour ressortir et remettre à jour un ancien article, publié en 2010 à l'origine. En fait, comme je me suis procuré les tomes suivant, j'ai décidé qu'une petite relecture ne serai pas de trop avant d'attaquer la suite.

Mélusine est rousse, comme il sied à une sorcière digne de ce nom, elle est jeune encore ( 119 ans..) et pour payer ses études de sorcellerie, elle travaille comme femme de ménage chez la Duchesse Aimée Döperzonn, une châtelaine fantôme au caractère épouvantable, et son mari Gonzague, vampire pantouflard qui passe ses nuits en robe de chambre à siffler des pintes de sang. Quelques personnages récurrents complètent le tableau: Wilson le majordome, aux allures de créature de Frankenstein version Boris Karloff, la momie obsédée ( elle passe son temps à essayer d'épier Mélusine par le trou de la serrure), le loup garou, qui ne peut se montrer dignement que les jours de pleine lune, sa véritable apparence humaine de maigrichon à lunettes ne l'aidant pas à séduire les femmes. Et aussi, côté sorcières, la tante Adrazelle, 549 ans au compteur, LA sorcière telle qu'on l'imagine, nez crochu, genoux cagneux, marmite au contenu douteux, et une propension a réaliser le café le plus infâme du monde. Ainsi que Cancrelune, la meilleure amie de Mélusine, et pire sorcière de l'univers, incapable d'atterrir correctement en balai ou de fabriquer une potion qui n'explose pas.

Autant le dire de suite, on est dans de la BD très classique, les premiers volumes sont uniquement constitués de gags d'une page, 2 maximum, à partir du volume 4 seulement, on aura une histoire plus longue d'une dizaine de pages,  par tome. Ca ne révolutionnera pas la BD en général, ni la BD jeunesse, mais ça reste sympathique à lire, sans prétention, et d'une bonne humeur assez communicative, basé sur le gag récurrent ( Cancrelune qui atterrit une fois sur deux à travers une fenêtre, le café imbuvable de la tante Adrazelle, le vampire qui se trouve transformé en cendres, les gaffes de Mélisande..) L'intérêt, pour un adulte en tout cas est d'y chercher les fréquentes références à tel ou tel film ( genre " le bal des vampires", les "Dracula" de la Hammer), de trouver, comme dans Pierre Tombal les clins d'oeil aux autres scénaristes ou dessinateurs aux noms inscrits sur des stèles funéraires, de voir apparaitre un monstre de Midam ( Kid Paddle) dans un coin de page. 
Ou de constater que volume en volume, les vêtements de la jolie sorcière Krapella ( copine de classe de Mélusine) ont une nette tendance à raccourcir, tandis que notre héroïne se retrouve de plus en plus régulièrement en tenue légère, voire en culotte, en fonction de sorts plus ou moins réussis.. BD jeunesse, mais les malins scénaristes et dessinateurs se font un petit plaisir au passage. Mais rassurez vous, ce n'est pas de la BD érotique, ça reste soft!
Le dessin assez sommaire au début, va en s'améliorant bien au fil des volumes, comme souvent en Francobelge. Et parallèlement, les gags deviennent un peu plus noir et un peu plus féroces, ce qui ne fait pas de mal.
A noter qu'il y a à ce jour 23 volumes (6 lus pour l'instant pour ma part), et qu'une partie, outre leur édition habituelle chez Dupuis, en couverture cartonnée, sont également disponible en collection "pirate", chez le même Dupuis, en couverture souple, ce qui donne une BD moins épaisse, et de bonne qualité malgré tout pour 3€. Et ça c'est une très bonne initiative.
Et depuis la première version de ce sujet, la BD est également disponible en version numérique,à 5, 99€. Je vais donc la continuer en version numérique, ça prend moins de place, c'est moins cher et du test que j'ai fait, ça passe pas mal sur la tablette 10 pouces.


vendredi 1 mai 2015

Häxan (film muet)


Un film que j'avais en attente depuis pas mal de temps, et que j'ai décidé de regarder enfin à l'occasion de cette semaine spéciale  sorcellerie. Häxan ( sous titré en français "la sorcellerie à travers les âges) est un film muet de 1922, coproduction Danoise-suédoise de Benjamin Christensen. Moins connu que les films allemands de la même époque, car il a été censuré, considéré comme érotique et pervers dans plusieurs pays :on y voit une paire de fesses, une femme nue en ombres chinoises et une évocations des tortures médiévales, ce qui pour certains a justifié la censure. C'est intéressant car ça confirme justement le propos du dernier chapitre.

étrange choix, cette image de la grande dame et du moine n'est pas dans le film, en tout cas pas dans la version que j'ai vue. Et je ne savais pas qu'Agnès B éditait des DVD oO
Car, comme beaucoup de films de l'époque, il est divisé en chapitres, 7 ici. Le premier est une sorte de conférence en plan fixe, où des explications sont données sur des gravures médiévales via les cartons: les origines de la sorcellerie dans la croyance aux esprits malins, la superstition, depuis la plus haute antiquité. S'ensuit une série de tableaux, liés les uns aux autres. le "vrai" film avec acteurs... et effets spéciaux. Et Christensen exploite toutes les possibilités de l'époque: déguisements, marionnettes, ombres chinoises, effets de surimpression.

Dans une petite ville nordique en 1448, Karna la sorcière prépare philtres et potions pour des clients, ici, la bonne d'un moine désireuse de faire prendre un philtre d'amour à son employeur ( qui est plutôt du genre " frère Tuck", plus intéressé par les jambons et pâtés que par la gaudriole). A cette époque tout le monde voit des sorcières et sorciers partout: les médecins qui autopsient un mort pour découvrir l'origine des maladies sont considérés comme sorciers, l'ivrogne qui chancelle accuse la vieille mendiante de lui avoir jeté un sort aux jambes, qu'un malade vienne à mourir sans qu'on sache de quoi, gare encore à la première personne qui viendra taper à la porte: si c'est une vieille miséreuse et laide, elle sera aussitôt dénoncée à l'inquisition. Si c'est une femme jeune et belle dont le souvenir hante un moine, elle sera aussi considérée comme sorcière et dénoncée. Car quiconque refuse de dénoncer une sorcière ou un sorcier est considéré comme complice et condamné. Ainsi, c'est justement dans les endroits les plus religieux qu'on condamne le plus: sous l'effet des tortures chacun accuse les autres d'avoir participé au sabbat, et des familles entières sont emprisonnées. Même les endroits  les moins risqués ( couvents, où vu le nombre de croix, peu de diables pourraient entrer) sont en proie à une vague de folie collective.
horreur, une soeur possédée, la preuve: elle tire la langue à l'abbesse!

Car c'est le propos du film résumé dans la dernière partie: au XX° siècle on  ne croit plus au diable - mais les superstitions sont toujours là et on va se faire tirer les cartes chez la voyante - les cas de possessions diaboliques ont été rattachées à des maladies nerveuses et mentales: hystérie, mythomanie, kleptomanie, hallucinations... on ne brûle plus les vieux à cause de leur apparence, mais les malades sont encore craints et mis au ban d'une société qui continue à voir le mal partout.. ce que je disais plus haut sur la censure.

Le film a vieilli, comme tous les films muets, mais il garde son importance comme prototype de conférence filmé et comme pionnier du cinéma d'horreur. Et la vieille dame qui joue Maria la mendiante torturée a un visage absolument incroyable, le réalisateur -qui joue lui même le diable - a du chercher longtemps SA sorcière et l'a trouvée.

Plastiquement c'est intéressant aussi: beaucoup de cadrages très travaillés qui rappellent les scènes de genres et natures mortes de la peinture du nord, à la renaissance, justement l'époque évoquée.
mais alors, une nature morte.. très morte...

A voir donc pour les amateurs de films muets. Par la version que j'ai a un gros défaut: une bande son contemporaine de 2006, pas toujours très réussie. C'est plus pénible qu'autre chose.  La version en question est également colorisée au filtre ( j'ai presque envie d'écrire " philtre"), ce qui est toujours mieux qu'au pinceau, et explique les différences de colorisation des illustrations: piochées ici et là, elles viennent probablement de différentes versions, car comme souvent pour les films muets, ils ont été montés, perdus, remontés...Il en existe une avec moins de cartons, mais avec un texte ajouté narré par William S Burroughs., avec une bande son jazzy sur les scènes de cuisine des sorcières qui me pose un vrai de vrai problème: ça ne colle pas!!!