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Tout simplement parce qu'on y trouve un peu de tout, par ordre de pagaille. Cette idée de collection sans thème déterminé me plaît...

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lundi 23 mai 2022

Nouvelles russes en VO

noubelle étape du voyage en 80 livres , on quitte un peu les rives de la Mer noire pour celles de la Baltique ( entre autres)
Liban-> USA-> Grèce-> Israël -> Russie
langues d'origine:
arabe du Liban -> anglais des USA-> grec ancien-> hébreu ancien-> russe
(je souligne ce que j'ai lu en langue d'origine)


Ne sachant pas trop comment les classer, j'ai décidé d'en faire un sujet gobal.
En voilà donc 5, il n'est pas impossible qu'un autre sujet se rajoute par la suite, si d'autres lectures en vo arrivent dans mon cursus.

Puisque dans le cadre de mes études j'en ai lu quelques unes cette année. Il n'y a donc pas de lien logique entre elles, que ce soit d'époque, du sujet ou de genre.
Commençons donc par les vivants, et en l'occurence les vivantes, et je vais remonter dans le temps en fonction des dates de naissance.

- шарфик ( la petite écharpe, le foulard) - Dina Rubina (née en 1953)
Une poétesse, Nina Arkadievna, 50 ans, reçoit un jour une proposition: une édition spéciale de son recueil de textes. Mais pour ce faire, elle doit fournir une photo d'elle, or elle n'en a pas de récentes, ni qui convienne spécialement à une quatriéme de courverture. L'éditeur insiste et a convainc de prendre part à une séance photo, avecle meilleur photographe possible, même si elle déteste ça.
Mauvaise surprise, le jour dit, le photographe n'arrive pas seul, il est accompagné d'un styliste, la journée de Nina s'annonce un calvaire. Et effectivement elle est très pénible. Mais contre toute attente,  le courant passe bien entre elle et le syliste, un jeune homme calme et qui ce jour là, fait des merveilles pour mettre en valeur la digne dame avec des foulards de couleur. Nina qui a quand même quelques préjugés se dit qu'un styliste est forcément homosexuel, bien qu'il ne corresponde pas vraiment au cliché du styliste expansif et introverti, et que c'est quand même un peu dommage, un si charmant garçon... or il n'en est rien, ils ont l'occasion de discuter lorsqu'il revient lui apporter les épreuves photo à choisir et lui raconte comment lui, si discret et réservé est devenu styliste: son ex petite amie, une mannequin coréenne lui appris l'art de nouer les foulards - elle était complexée par son lond cou et des " clavicules moches" et s'entortillait toujours de nombreuses écharpes pour masquer ces défauts. Le garçon a simplement pris goût à cet art de la "draperie". Les deux ont rompu fort longtemps avant, leurs différences de caractère les ayant progressivement éloigné plus encore que leurs différences de culture.

Une nouvelle que j'ai bien aimée, parce qu'elle parle de différences, que l'on surmonte ( le décalage d'âge entre Nina et le styliste ne les empêche pas de nouer une relation amicale) ou pas ( le styliste et son ex ont toujours vécu dans ceux mondes différents, et leurs aspirations étaient différentes) il y est question de liberté, de suivre sa voie, sans regret, en gardant un bon souvenir du passé, avec plus ou moins de nostalgie. Pas un coup de coeur absolu, mais une lecture plutôt sympathique.
texte en VO

-Дочь Бухары (La fille de Boukhara)- Lioudmila Oulistkaya (née en 1943).

Peu après la seconde guerre mondiale, un médecin militaire, Dmitry, rentre dans sa ville natale, avec sa jeune femme: une ouzbèque, très jolie, toute petite, une poupée. La foule de voisins, qui admire cette jolie femme, est cependant un rien raciste, personne ne se donne la peine de la connaître, et se contente de l'appeller " Boukhara" du nom de sa ville natale. Les choses vont empirer lorsque va naître une petite fille, Mila. Mila est malheureusement trisomique. Boukhara entreprend de tout faire pour que Mila ait la vie la plus normale possible, mais Dmitry, qui se sent coupable de la maladie de sa fille, ne peut plus supporter de la voir. Terrifié à l'idée d'avoir un autre enfant qui aurait la même maladie, il quitte femme et fille pour une autre femme, stérile, avec qui il n'y a donc pas de risque d'avoir un autre enfant " défectueux", et se contente d'envoyer périodiquement un peu d'argent pour se donner bonne conscience.
Or tant que Boukhara était mariée avec le médecin les choses allaient à peu près normalement. une fois que le mari la quitte, elle est une moins que rien, contre qui les voisins s'acharnent, font des pétitions, craignant ou feignant de craindre une " contamination" par la petite Mila.

Boukhara va donc devoir seule , avec juste l'aide d'une vieille infirmière qui travaillait chez son connard d'ex mari, trouver un travail, élever sa fille l'aider au maximum à atteindre l'autonomie, et ce en temps limité, car elle est de plus atteinte d'une maladie incurable. Sa dernière tache sera de trouver un mari convenable à Mila, histoire qu'elle ait une vie " standard". Elle jette donc son dévolu sur un gentil garçon lui aussi trisomique, et arrange une rencontre entre lui et sa fille, en négociant avec le père du garçon un véritable marriage arrangé. Mais par chance les deux jeunes gens handicapés s'entendent à merveille. L'idée est plus qu'il fassent front ensemble face aux moqueries, plutôt que de rester seuls chacun.

La nouvelle est assez courte, mais pour moi, elle pèche par son accumulation de thèmes difficiles: le déracinement, le racisme, la maladie, le parent fuyant, les difficultés économiques, la mère courage, re-la maladie. Il y avait là la matière à 3 ou 4 nouvelles, et j'ai une sensation de trop plein.
J'avais lu " Les enfants de Médée" de la même autrice il y a de nombreuses années, je l'ai encore sur mon étagère, mais il ne m'a pas laissé beaucoup de souvenir. Il faudra que je le relise. ca fait des années que son nom est pressenti pour un prix nobbel de littérature et disons qu'à priori, si je ne me souviens pas du roman, c'est qu'il ne m'a pas fait une forte impression. Ou que je l'ai lu à un mauvais moment, , seule une relecture me permettra de trancher.

texte en VO
Je n'ai pas trouvé de traduction, mais ce n'est pas non plus ma priorité, j'ai plus envie de tenter de traduire les deux suivantes.

- Корзина с еловыми шишками (Le panier de pommes de sapin)
- Konstantin Paoustovski (1892 - 1968):


Une courte nouvelle qui se passe en Norvège, près de Bergen. Un vieux monsieur qui se promène en forêt, rencontre par hasard une petite fille qui porte un lourd panier rempli de pommes de sapin ( comprendre: elle est d'une famille très pauvre, et elle a été envoyée ramasser des pommes de sapin pour que la famille puisse se chauffer en hiver). La petite fille, une petite rousse aux yeux verts de 8 ans,  Dagni Pedersen, est la fille du garde forestier. Le vieux monsieur se nomme Edvard Grieg. Touché par la vivacité de Dagni, il lui promet un joli cadeau.. mais pas tout de suite, car il lui faut le temps de le faire. Elle l'aura pour ses 18 ans, avant ce serait trop tôt. Dagni, qui ne sait pas qui il est, pense qu'il va lui fabriquer un jouet, et déçue, pense qu'il est un peu lent, s'il lui faut 10 ans pour fabriquer un objet. Ou bien qu'il la croit maladroite et qu'il craint qu'elle ne casse son cadeau, lorsque Grieg lui dit que c'est un cadeau " pour les adultes"
Elle aura l'occasion, effectivement 10 ans plus tard, de découvrir son cadeau: après son diplôme, elle part à Christiania ( Oslo depuis 1925), chez sa tante et son oncle, pour se détendre et qui sait peut être trouver un travail dans la grande ville. Ses parents travaillent dans un théâtre et elle découvre aussi le monde de l'art. Et elle va découvrir son cadeau lors d'un concert: Grieg, qui ne l'a jamais oubliée, lui a composé tout spécialement un morceau pour ses 18 ans. Un morceau qu'elle n'aurait effectivement pas apprécié à sa juste valeur en étant plus jeune.
Une fort jolie histoire sur l'amitié entre gens de générations différentes, le pouvoir expressif de l'art, et. la beauté des paysages norvégiens, le tout écrit dans un russe à la fois élégant pour les descriptions, mais également assez accessible ( niveau B1/B2)

texte en VO
Je ne l'ai pas trouvé traduit, donc... je suis fort tentée de faire ma propre traduction cet été, ça fait longtemps :)

- Состязание ( le concours)Vikentii Veressaeiev ( 1867 -1945).

Après la musique, la peinture. Une autre histoire qui parle du pouvoir d'évocation de l'art.
Dans une ville et un pays inconnu, tous les ans est organisé un concours de peinture. Le gagnant verra son oeuvre exposée sur la place principale de la ville pendant un an et gagnera outre la célébrité, un titre honorifique. Le gagnant des deux précédentes années, un peintre d'un âge disons vénérable, est donc ainsi surnommé " deux-fois-couronné", puisqu'il gagné deux précédentes éditions. et il est évidemment le favori pour la troisième année consécutive. Mais cette année, un autre concurrent, le seul capable de faire peur à " deux-fois-couronné", se présente. Il s'agit ni plus ni moins qu'un de ses élèves, le plus talentueux, nommé " Licorne". Les deux peintres découvrent le sujet en même temps et ont un an pour réaliser un tableau. Le thème de cette année ( est une peu pipeau quand même) " la beauté de La Femme". Il faut donc réasliser un tableau représentant ni plus ni moins que la plus belle femme du monde. Les deux peintres discutent brièvement: Tantdis que " deux-fois-couronné" se met de suite en quête du modèle parfait, "Licorne", lui l'a déjà trouvé . il se propose de peindre le portrait de la plus belle femme du monde, Zorka, sa petite amie. Zorka est une femme pauvre, qui vit dans une chaumière, vend des poissons au marché, pas spécialement laide, mais pas spécialement jolie non plus, une femme objectivement très quelconque, qui fait dire à " deux-fois-couronné" que l'amour est aveugle.
Qui du peintre chevronné qui recherche un modèle parfait, à la beauté surhumaine ( qu'il va d'ailleurs finir par trouver et rendre à la perfection), ou du débutant qui se contentera de peindre une femme du peuple, va gagner le concours? C'est à la foule de décider, car c'est elle qui va voter pour le meilleur tableau.

Celle-ci m'a un peu moins plu, par sa structure de conte un peu trop facile à mon goût, son sujet quand même un peu attendu , le fait que j'ai deviné le résultat avant la fin.. mais aussi la langue assez compliquée. On est en face d'un auteur symboliste, et donc les symboles, c'est toujours très personnel.. soit on adhère, soit on n'adhère pas à l'idée de l'auteur. Et là, bon, j'ai eu plus de mal avec cette quête de la "beauté". Ou plutôt l'idée que tout le monde aura la même conception un peu stéréotypée de la beauté en fait. et puis qui dit symbolisme dit "langue très alambiquée"

Texte en VO

Je n'ai pas non plus trouvé de traduction, donc j'y songe aussi. Peut-être qu'en le décortiquant, je l'apprécierai un peu plus, qui sait.

- Жалобная книга  (Le registre des réclamations) - Anton  Tchekhov ( 1860 - 1904)

Un texte très très court, paru dans un journal, comme s'il s'agissait d'une page d'un recueil des plaintes dans une gare.

Vous avez déjà lu les papiers qui servent à faire l'essai de stylos au rayon papeterie.. ou la porte des toilettes dans une lieu public? Ben voilà, c'est à peu près ça.
On y trouve tout et n'importe quoi SAUF de réelles réclamations sur la gare et les transports: une épigramme avec une caricature, un dénommé gars  qui déplore la perte de son chapeau, quelqu'un qui répond au message du dessus, la dénonciation  "Nikandrov est socialiste!", un autre se plaint du gendarme, encore un autre qui se plaint de la physionomie du chef de gare, un qui dénonce la femme du gendarme vue en galante compagnie, une déclaration d'amour... Le seul qui semble vouloir se plaindre de quelque chose en lien avec les trains a été raturé, et le chef de gare a bien du mal à faire régner l'ordre dans son cahier.

La conclusion m'a beaucoup fait rire, dans le fond, ça m'a rappellé un certain livre d'or dans un certain musée où je travaillais, je confirme que certaines interventions étaient complètement à côté de la plaque ( j'ai souvenir d'une " plainte" concernant les chaussures de la gardienne de telle salle qui faisaient trop de bruit quand elle marchait et que ça gênait et qu'il fallait lui dire de porter d'autres chaussures..)
Oui c'est bien vu, je soupçonnerai même Tchekhov d'avoir copié directement une page dans une vrai registre de plaintes :D

texte en VO
Texte en VF

 Dommage que le texte français perde en saveur : «Ты картина, я портрет, ты скотина, а я нет. Я — морда твоя». La phrase est une épigramme rimée en russe, la traduction  « Tu es l’image, moi le portrait, tu es une bourrique, pas moi. Je suis ta gueule. » ne lui rend pas honneur

 Tchékhov ayant été traduit, les 4 autres n'ont à ma connaissance pas de traduction en français. Laquelle préféreriez vous lire en premier? Je vous avoue que je suis moins tentée par la traduction de Lioudmila Oulitskaya, mais les 3 autres sont envisageables. Le but du jeu est quand même que je m'amuse un peu à le faire :)


Littérature russe, et en VO svp!


mercredi 18 mai 2022

Le cantique des cantiques - anonyme

 Après le Liban contemporain et la Grèce antique, je reste un peu au proche orient et en antiquité, et dans les langues orientales. Traduction de l'hébreu cette fois!
Liban-> USA-> Grèce-> Israël ( un peu artificiellement, en mentionant les pays actuels puisqu'on parle d'un texte antique)

et au niveau des langues d'origine:
arabe du Liban -> anglais des USA-> grec ancien-> hébreu ancien

OMG! Moi athée, qui lit un texte religieux? Oui, mais...
attendez la suite.

En effet, Le philosophe et philoloque Ernest Renan prend le Cantique des Cantiques, un des textes de l'ancien testament, et entreprend de le traduire, déjà, depuis l'hébreu ( et ,non plus seulement depuis els traductions en latin).
Puis suivant la méthode scientifique, il fait suivre sa traduction d'un commentaire de traduction où il explique comment il a procédé au découpage du texte, pour quelle raison il a prodécé comme ceci ou comme cela. ce qui pour moi est incroyablement intéressant puisqu'il se livre à une réflexion sur son travail de traducteur, les difficultés du texte d'origine, les différentes manières dont on peut le comprendre ( autant dire que pour moi, c'est passionnant)

Il voit dans ce texte biblique à la structure obscure une ébauche de pièce de théâtre, et de mon point du vue, il défend ses arguments, et son analyse tient la route:

Pour lui ce poème hébreu antique n'est PAS un texte religieux, bien qu'il soit intégré dans un livre religieux. Et de fait, il voit là dedans un corpus de textes poétiques traditionnels, assemblés, plus comme une anthologie que comme un ensemble cohérent, qui n'ont gagné leur galons de textes sacrés qu'a posteriori,par l'aura de leur ancienneté et par les analyses dans les siècles qui ont suivi faites sur le postulat:
" ce texte est plutôt érotique. Les textes sacrés ne peuvent pas être prosaïquement érotiques. Donc, puisqu'il est dansla bible, c'est un texte sacré et donc c'est qu'il y a un sens caché allégorique. D'ailleurs il a été écrit en Isarël qui ne peut rien produire que de sacré et religieux".
Renan entreprend donc de prouver l'inverse: " pourquoi chercher midi à 14 heures?" C'est un texte profane, tout ce qu'il y a de plus profane,  qui a été ensuite repeint au couleurs de la religion dominante pour en effacer les élément trop ouvertement peu religieux ( quand la paysanne se réjouit à l'idée que son fiancé vienne goûter le jus de ses grenades, pour Renan, il y a bien un sous entendu sensuel.. mais pas du tout religieux. Elle dit clairement ce qu'elle attend avec un certains sens de l'humour). Mais oui il y a une culture profane antique dans cette région, qui a été oubliée ou volontairement mise sous le tapis par la suite.

3° partie, il propose la même traduction, mais cette fois mise en forme à la manière d'une saynète théâtrale, avec les didascalies , les personnages, etc..
Et en effet, le texte obscur ainsi mis en forme paraît beaucoup plus clair. C'est évidemment une proposition d'un chercheur, parmi d'autres, mais elle fonctionne.
Il s'appuie pour ce faire sur sa connaissance des langues et cultures du proche orient, compare le style en hébreu des dialogues, les occurrences de dialectes, les mentions de lieux qui peuvent permettre de dater l'oeuvre ( vers -980) et de la situer géographiquement ( plutôt au nord de ce qui est maintenant Israël)
C'est passionnant, car il compare l'art théâtral officiel grec et, partant du principe que les textes antiques n'étaient pas lus, mais transmis principalement oralement, il en déduit que puisque le théâtre officiel ne faisait pas partie de la culture antique de cette région, il y a fort à parier que cette histoire soit plutôt une série de saynètes qui étaient jouées sur plusieurs heures, voir plusieurs jours, lors des mariages, et auxquelles tout un village pouvait participer.
Un "jeu" célèbre mais privé, qui n'avait pas besoin d'indications de personnages ou scéniques car tout le monde le connaissait et savait de quoi il retournait, qui parlait etc...

Car le texte met en scène une paysanne de la ville de sulem, enlevée par le roi Salomon pour en faire une de ses favorites. Enfermée au harem, elle ne cède jamais ni aux vances ( d'une réthorique standard de séducteur ridicule, qui sert toujours les mêmes compliments à toutes les femmes), ni aux cadeaux du roi.
Elle se fiche totalement de la richesse, de la réussite sociale et ne veut que retourner chez elle, dans son village , retrouver son fiancé. Il vient d'alleurs la retrouver et la tirer de là. Ce qui est représenté, c'est le triomphe de l'affection sincère sur les tentatives d'achat. Donc oui, il y a un fond moral, qui est tout à fait ce qu'on peut trouver dans les textes incontournables représentés lors des mariages, avec probablement des interludes de chants et danses ( Cantique, ça vient bien de " chanter").
Mais pas une morale au sens religieux monothéiste, avec tout ce que ça suppose de haine du corps, de refus de la sensualité etc...
La paysanne n'est pas prude, elle veut se réserver le droit de choisir elle-même celui à qui elle accorde le droit de tâter ses grenades! Et a parfaitement raison. Moi aussi, je ne laisse pas le premier venu me tâter les grenades en échange de cadeaux, nan mais!
Et vu ce qu'elle dit du monsieur, il peut se targuer d'avoir été vraiment choisi, c'est.. chou.

"Mon amant a le teint blanc et vermeil ; on le distingue entre mille. 11 Sa tête est de l’or pur ; ses boucles de cheveux sont flexibles comme des palmes et noires comme le corbeau. 12 Ses yeux sont des colombes sur des rigoles d’eau courante, des colombes qui se baignent dans le lait, posées sur les bords d’un vase plein. 13 Ses joues sont comme une plate-bande de baume, comme un carreau de plantes de senteur ; ses lèvres sont des lis, la myrrhe en ruisselle. 14 Ses mains sont des anneaux d’or émaillés de pierres de Tharsis ; ses reins sont un chef-d’œuvre d’ivoire, couvert de saphirs ; 15 ses jambes sont des colonnes de marbre posées sur des bases d’or ; son aspect est celui du Liban, beau comme les cèdres. 16 De son palais se répand la douceur, de toute sa personne le charme. Tel est mon bien-aimé, tel est mon ami, filles de Jérusalem"

C'est plutôt plaisant de voir que dans l'Antiquité aussi on mettait en avant la sincérité des sentiments, les qualités personnelles des gens- le beau brun en question dépeint comme une statue.. euh contemporaine? est en fait un berger, qui garde ses moutons à la campagne, mais c'est lui qui lui plaît et pas un autre. Lui tient à peu près le même langage d'ailleurs: elle et pas une autre. Et les deux ne se cachent pas de ce qu'ils comptent faire ensemble dans la verdure, lorsqu'ils auront réussi à s'enfuir.

Renan, présenté comme auteur athée, est plus subtil que celà, il veut simplement débarasser le texte des exégèses postérieures pour en retrouver la base ( c'est une quatrième partie, critique comparant les différentes manières dont la perception du texte a évolué au fil du temps et a été tordu pour correspondre aux valeurs des époques suivantes)  et montrer que d'une part, l'antiquité était moins prude qu'on a bien voulu le faire croire ( plus récemment JP Vernant a développé les mêmes idées contre une analyse " Freudienne" des mythes grecs qui consiste à juger d'une oeuvre hors contexte pour la lire à l'aune de valeurs plus tardives de plusieurs siècles, et a donner à l'auteur des intentions qu'il ne pouravait pas avoir). Et parallèlement, il fait ressortir du texte une moquerie politique: Salomon, présenté comme un héros de la religions est ici un roi ridicule, qui enlève des femmes pour les mettre dans son harem, essaye de les acheter avec des cadeaux, se permet en public des remarques égrillardes. Les frères de la bergère sont aussi se sacré venaux qui fomentaient de la vendre au roi... si celui-ci ne l'avait pas enlevée avant qu'ils ne s'en rendent compte.

Donc un essai fort intéressant, qui tente d'appliquer une méthode scientifique à un texte antique pour en retrouver l'essence.

C'est dans ces cas que je me dis que l'incendie de la Bibliothèque d'Alexandrie est probablement la pire catastrophe culturelle de l'histoire humaine. La majeure partie des textes antiques ayant disparu ce jour-là. On aurait probablement à l'heure actuelle une tout autre vision de l'antiquité, sans avoir à procéder par recoupements théoriques et des extrapolations.

Alors oui Renan est forcément un peu daté, puisqu'il est de la seconde moitié du XX° siècle, et donc antérieur à des linguistes tels que Meillet ou Benveniste, ou des philologues et anthropologues tels que Dumézil. Donc on a fait mieux depuis, mais.. mais il a bien fallu des précurseurs, et en l'occurence, sa présentation de la culture antique hébraïque et sa volonté de revenir au plus ancien état de texte possible en analysant un texte religieux comme un matérieau littéraire comme un autre sont très intéressantes.
Doublement classique: antique, et traduction commentée du XIX° siècle

4° étape on reste au Proche-Orient