Bienvenue amis curieux!

Pourquoi le Cabinet de curiosités?

Tout simplement parce qu'on y trouve un peu de tout, par ordre de pagaille. Cette idée de collection sans thème déterminé me plaît...

Vous trouverez donc ici un peu de tout, de ce qui fait ma vie, mes loisirs: musique, lecture, voyages, etc...
Bonne lecture

Qui passe par ici?

Flag Counter

mercredi 30 janvier 2019

projet de traduction "cinéma russe"

Faut que je vous raconte:

Certains l'ont lu, je suis inscrite sur une application d'échange linguistiques, nommés Tandem.
On y rencontre des gens variés, plus ou moins sérieux,certains qui ne veulent que parler de la pluie et du beau temps, d'autres qui veulent draguer et enfin, au milieu.. on déniche parfois une perle.

Et la perle en question est un très sympathique monsieur nommé Sergei, fan de cinéma comme moi, et membre d'une association en France qui promeut le cinéma russe et cherche des bénévoles.
Et donc entre les corrections de russe et de français, une idée a germé dans nos têtes: je veux faire de la traduction, il s'intéresse à la partie technique du sous-titrage.. Il y a une collaboration intéressante à mettre en place non?

Et donc, je suis super fière de présenter officiellement le premier résultat de notre travail à 4 mains. Sergei ne s'est pas crédité, mais s'est occupé du relevé et du minutage des dialogues et de caler ma traduction avec le son et l'image. Il n'est donc que justice de le mentionner, car sans son fichier, je n'aurais rien eu à traduire, tout simplement.

Voici donc : "le mathématicien et le diable", court-métrage fantastique de 1972
Les amateurs de ciné SF reconnaitront peut-être Aleksandr Kaidanovski dans le rôle du diable, qui tenait également le rôle principal dans Stalker d'Andrei Tarkovski, un film de dystopie assez planant que je ne peux que vous conseiller chaudement... sauf si vous cherchez des effets spéciaux et de la grosse action.
Il reste une ou deux coquilles qui seront rapidement corrigées: mon ordinateur a des moments de faiblesse et la barre espace se coince ou certaines lettres sautent.. ou se rajoutent intempestivement.



Et comme notre association fonctionne bien, d'autres courts-métrages seront traduits prochainement, avant qui sait, de passer à quelque chose de plus ambitieux? :)

Quoi qu'il en soit, je suis ravie de vous annoncer ce joli projet culturel.

lundi 21 janvier 2019

La salle n°6 et autres histoires de fous - Anton Tchékhov

Allez, cette année pour l'hiver en Russie, je retrouve l'un des auteurs les plus célèbres.

Ma première lecture ne m'avait pas laissé une forte impression, mais j'ai fait meilleure pioche avec ce petit recueil de 3 nouvelles sur le sujet de la folie.

Youpi, deuxième lecture russe...

La salle n°6: dans un hôpital vétuste où règne la gabegie la plus totale , la salle n°6 loin de tout et encore plus délabrée que le reste abrite les fous. Et de fait, on y colle comme aux oubliettes tous ceux qu'on ne sait pas, ne veut pas soigner:ils sont 5: un simple d'esprit indigent qui n'est pas dangereux, un paralytique, un paysan complètement amorphe, un type réellement dans un autre monde, et Ivan Dmitrich, arrivé là par un concours de circonstance.

Ivan est intelligent, jeune et cultivé, mais souffre de crises d'angoisses incontrôlées, suite à une série de coups de malchance. Comptable, sa hantise était de faire une erreur à son travail, d'être arrêté sur une calomnie, ou par erreur et de finir en prison.. un médecin trop pressé de se débarrasser d'un patient problématique a décidé de le coller là.. ce qui est pire que la prison.

Mais un jour le médecin en question, revenu de tout, crevant d'ennui dans la petite ville où il ne trouve pas un interlocuteur sensé et cultivé, à deux doigts de la dépression ( il continue à expédier ses patients au prétexte que " je soigne tant de malades à l'année, ils retombent malades, ils reviennent, ça n'en finit pas, ça ne sert à rien. Et leur sauver la vie ne sert à rien non plus, puisqu'ils vont tout de même finir par mourir") passe par la salle n°6.. et découvre en Ivan "le fou" l'interlocuteur qu'il attendait. Même un potentiel ami.
Sauf que pour la hiérarchie, un médecin qui copine avec un malade mental est suspect lui aussi.. et mériterai bien également d'avoir une place réservée comme patient, surtout si son subalterne vise son poste.
J'ai beaucoup aimé cette histoire, qui épingle à la fois le marasme de la Russie campagnarde à la fin du XIX siècle, désert médical où les gens compétents manquent cruellement, mais où les arnaqueurs pullulent à tous les niveaux, mais aussi la société, qui en prend pour son grade et c'est jouissif (car en effet, Ivan est peut être même le type le plus sensé, voire le seul type sensé de sa région.. et c'est lui qui est enfermé)

La mort d'un fonctionnaire: une très courte nouvelle, ou le héros se nomme presque pareil que le précédent: Ivan Dmitriévitch, fonctionnaire, éternue par mégarde sur son voisin au théâtre. Ce qui n'était qu'un banal incident qui aurait du être réglé en moins de 5 minutes d'excuses prend des proportions ahurissantes: "est-ce que le type a bien compris , est-ce qu'il m'en veut, je suis sur qu'il m'en veut... " et donc Ivan va insister, s'excuser, se ré-excuser, ne pas croire que l'incident est réglé, revenir à la charge pour s'excuser, ce qui agace évidemment l'autre gars qui avait déjà classé la chose.
Des excuses, c'est bien,  c'est normal, c'est poli, trop d'excuses ça devient pénible et ça tape sur le système de n'importe qui.
Bon, une nouvelle mineure, et peu intéressante, en fait.

Un homme dans un étui: deux copains devisent des gens qui ont peur de tout: il y a la femme du maire, tellement inquiète d'être vue qu'elle ne sort qu'à la nuit tombée. Mais pire que ça, l'un des deux avait un collègue de travail, Monsieur Bélikov surnommé "l'homme dans un étui", qui ne sortait jamais, même en plein soleil sans parapluie, chaussures en caoutchouc, col relevé, chapeau, lunettes de soleil; mais pire, il avait aussi un cerveau formaté pour la crainte et l'inquiétude.
Un tel inquiet chronique qu'il ne voyait toujours que le pire dans tout ce qui aurait pu arriver: " oui, mais si ça se passait mal?" au point de contaminer tout le village, sans rien imposer. Tout le monde finissant par ne plus rien faire de crainte de devoir affronter les sempiternelles remontrances et questions de Bélikov, et par se mettre spontanément aussi "dans un étui".
Bélikov, qui contre toute attente a fini un jour par tomber amoureux d'une femme vive, pétulante, rieuse et insouciante... et ça va évidemment mal se passer!
Une histoire là aussi mineure, mais qui prend un peu plus de temps de se développer, et plutôt drôle. On en connait tous, des psychorigides comme ça, qui voient toujours le verre à moitié vide.

Donc voilà,des trois, je retiens la Salle n°6, plus longue et plus cynique, les autres sont plutôt des compléments plaisants pour atteindre le nombre de pages requis. En tout cas, c'est celle que je conseillerait.
Il me reste maintenant à découvrir le théâtre de Tchékhov, ce que je n'ai pas encore fait, et pour lequel il est surtout célèbre.

Bon pour le moment j'en reste encore aux traductions..mais j'engrange de la culture russe pour la poursuite de mes études, au passage.
3/4.. ouiii je vais pouvoir augmenter mes ambitions


vendredi 18 janvier 2019

Les sept pendus - Leonid Andreiev

Hooo une lecture "hiver russe", c'est quasi miraculeux.
Une lecture courte ( difficile de dire s'il s'agit d'un court roman ou d'une longue nouvelle. Comme il y a plusieurs chapitres, j'ai envie de dire "court roman").

Alors première précaution : éviter de prendre les personnages principaux en sympathie. Le titre ne le cache pas, ils sont sept, ils vont tous mourir pendus.
Pour diverses raisons. Tous ont commis un crime et ont été rattrapés par la justice. Tous attendent le moment de leur exécution.

Les raisons qui les ont poussés au crime sont soit inconnues, soit connues mais sans grande importance, ce qui intéresse Andreiev c'est " que se passe-t-il dans la tête de quelqu'un qui SAIT qu'il va mourir à très brève échéance?"
Et ce qui rend la vie supportable, n'est-ce pas précisément de ne pas savoir quand la camarde va arriver. Au delà de la peine de mort, le plus cruel n'est-il pas de savoir et d'attendre?

Le premier de ces "condamnés" n'en est pas un. C'est un ministre, dans la Russie du début du XX°siècle. Le récit a été écrit en 1908, donc juste après la première tentative révolutionnaire de 1905 et donc, bien ancré dans sa réalité contemporaine.
Le ministre est malade,  il n'en a probablement plus que pour quelques mois avant d'être emporté par une maladie rénale, son médecin lui conseille de ne plus tarder à faire son testament. mais dans sa tête, cette sentence n'a pas beaucoup de réalité, pas plus qu'une vague menace, donc.. rien ne presse. Mais au moment où commence l'histoire, il vient d'être averti qu'un groupe terroriste prévoyait d'attenter à sa vie le lendemain à 13 heures pile. La police s'occupe de sa sécurité, il n'y a rien à craindre, les terroristes sont connus et seront pris sur le fait avant de passer à l'attaque. Donc pas de danger, il peut dormir sur ses deux oreilles.. sauf qu'il va passer une très mauvaise nuit, du fait de savoir qu'il aurait pu mourir le lendemain à 13h00, heure qui " efface toutes les précédents et les suivantes" et l'obsède.

Hop, petit saut dans le temps, les terroristes ont été appréhendés, pris en flagrant délit, ils sont jugés et condamnés à la peine capitale, ils sont 5, ils sont jeunes, mais leur vie est finie.
Leur motivation ne sera jamais connue: pourquoi ont -il tenté d'assassiner le ministre?
Seule compte leur personnalité et la manière dont ils vont faire face à leur sentence.

D'abord , il y a Serguei Golovine ( je me permets de lui rendre son vrai prénom, là ou la traduction s'obstine à l'appeler Serge. Serguei me pose un problème: non seulement le récit insiste pour le rendre sympathique, son prénom est celui d'un ami, et son nom de famille celui d'un camarade de classe de primaire.. damn', comment faire pour ne pas l'apprécier..).

Serguei est un jeune homme bien sous tous rapports, vraiment pas le genre de type qu'on imagine impliqué dans un attentat et pourtant.. Jeune sportif, sympathique, énergique, rieur, fils de dignitaire militaire, attaché à ses parents, presque l'incarnation du printemps, du renouveau et de la vie. Et ironie du sort, pile au moment où l'hiver s'en va, ce printanier personnage va être pendu.
Tania non plus n'est pas le genre de personne qu'on imagine commettre un attentat: prévenante, gentille, amicale, plus soucieuse du sort de ses camarades que du sien ( elle semble même oublier qu'elle est aussi condamnée), et même si elle n'a pas posé de bombes, elle est pourtant receleuse d'explosifs...
Vassili.. on se demande bien aussi comment il a pu se laisser embarquer dans cette histoire. Par bravade surtout. Il a été arrêté bardé d'explosifs, risquant d'exploser avec eux d'un moment à l'autre, sans que ça ne lui pose problème, car il estimait que de cette manière il gardait la main sur la mort, qui avait autant de probabilité d'arriver que la vie. Mais du moment où la mort, prononcée par un tribunal devient certaine, il perd pied et est terrorisé d'avoir perdu ce contrôle imaginaire...
Les eux autres sont plus "classiques".
Moussia, elle c'est l'illuminée de la bande, une marxiste pure jus qui appelle tout le monde " frère" ou camarade" et sa réaction devant la sentence est  de se dire qu'elle a bien peu fait pour mériter un tel honneur.. avant de se dire que oui, elle le mérite, elle sera un exemple pour les camarades, une martyre pour sa cause.
Et Werner, c'est le chef de la cellule, ou presque, le penseur aux nerfs d'acier, aussi imperturbable que Moussia exaltée, il est  profondément misanthrope, déteste le monde entier, et se désintéresse de son sort.Il est d'ailleurs en train de faire une partie d'échecs mentale au moment où tombe le verdict.

Ca ne fait que 5 condamnés, il faut donc ajouter à ces 5 apprentis terroristes que le fait d'avoir été arrêtés avant de passer à l'action n'a pas sauvés de la potence deux autres vrais criminels: Ivan l'estonien, qui ne parle pas russe est violent, alcoolique, ce qui ne fait rien pour arranger ses problèmes mentaux. Employé de ferme il a tué son patron, agressé sa femme, volé leur argent et ne regrette qu'une chose: ne pas avoir eu le dessus et avoir été maîtrisé par la femme. Pour ce simple d'esprit la chose est claire: on ne peut pas le pendre, c'est impossible, car il ne veut pas être pendu. Et on ne peut pas se passer de la permission des gens pour les pendre, pas vrai?
Le dernier gibier de potence est un criminel endurci: Michka dit " le tsigane", bandit de grand chemin, qui revendique ses crimes, vols, incendies, assassinat, comme autant de faits d'armes. Pour lui, c'est logique d'être arrêté et condamné, mais c'est l'emprisonnement qu'il a du mal à supporter étant par nature un homme libre.

et donc tout le récit va passer de la tête de l'un à celle de l'autre, en écho à ce qui se passait dans celle du ministre. Où on découvre que les plus endurcis ou les plus imperturbables ne sont pas forcément ceux qi résistent le mieux à la pression de cet arrêt de mort, au son de l'horloge qui égrène les quarts d'heures hors de la prison, où chaque minute qui passe étant une victoire sur la mort, mais aussi un pas de plus vers elle, dans une situation étrange: la vie et la mort coexistent déjà ans un même espace, donc que dire à la famille qu vient vous rendre une dernière visite, tout sonne faux dans ces cas là.
Et pourquoi continuer à faire de la gymnastique pour rester en forme, si on doit être bien portant, mais mort? Ou pourquoi s'en abstenir d'ailleurs, ça occupe les longues heures d'attente? ( car oui, il y a malgré tout quelques passages drôles dans cette histoire sombre , lorsque Serguei le sportif se fout à poil sous l'oeil médusé du surveillant et lui explique le genre de gymnastique qu'il pratique et en quoi ça serait bénéfique aux gardiens de prison, ou lorsque le surveillant voit Moussia dormir comme un loir alors que tous les autres sont en train de perdre la tête, car sa folie au final la protège de la perte d'esprit)

Quelque part, hormis le bandit de grand chemin, les 6 autres seraient plutôt à plaindre, même Ivan car il est clairement incapable de comprendre le rapport entre son acte et la sentence.
Les terroristes ne sont clairement pas taillés pour le crime organisé et s'ils ont été démasqués, c'est probablement que quelqu'un de leur groupe les a dénoncés, ils ne sont pas " méchants", ce sont des gens normaux qui portent le chapeau pour une organisation au sein de laquelle ils ne sont que des pions... mais ne pourront jamais expier cette erreur de jeunesse.

Donc évidemment, il y a sous-jacente la réflexion sur la peine de mort et son absurdité, mais contrairement à Hugo, ça n'est pas le sujet exact. On est vraiment amenés à voir la chose d'un point de vue philosophique: ce qui donne la saveur à la vie, c'est l'incertitude du moment de la mort.
Ce n'est pas un thème neuf mais il est bien amené et ce petit livre se lit avec plaisir. Même s'il finit évidemment mal, au moins le titre n'a pas menti sur le contenu. Mais étrangement, l'écriture ( et la traduction) étonnamment poétiques par moment, et pudique nous épargne les détails horribles. Tout est silencieux, pas de cris d'agonie, à peine si on sait que l'un vient de mourir parce que c'est au tour du suivant...
Au contraire, tout le drame va être concentré dans les détails: la neige qui fond et le bruit des gouttes, le printemps insolent qui se réveille, un soldat qui n'arrive pas à se faire à l'idée de voir mourir des gens et lâche son fusil, la chaussure en caoutchouc perdue par un condamné sur le chemin qui reste là, dérisoire, au milieu du chemin, comme seul témoignage qu'un être vivant est passé, mais jamais revenu la chercher...

Je ne connaissais pas du tout l'auteur ( même si j'ai croisé son nom dans une autre situation, voir tout en bas de ce sujet) trouvé par hasard via le site " bibliothèque russe et slave" qui propose beaucoup de ressources numériques, auteurs inconnus - de moi- ou au contraire célébrissime,dans des traductions un peu anciennes tombées dans le domaine public. Je sais que les 7 pendus ont été retraduits depuis 1908, mais c'est déjà une première approche ). Je vais continuer à explorer ce catalogue et déjà, les bylines me tentent beaucoup.

Et en plus, il y a d'autres littératures proposées: polonaise, tchèque,bulgare, etc...certains gratuits,certains en vente pour une somme raisonnable... Je vais d'abord explorer quand même le catalogue gratuit en priorité. Et en plus, outre les traductions, il y a le texte d'origine! Класс!

Et cette histoire me permet d'aborder un point particulier, sur les prénoms russes.

Je disais que j'ai décidé de rendre à Serguei son nom d'origine. Après tout Michka n'est pas renommé Michel, Vassili n'est pas non plus " Basile".... donc pourquoi en franciser un seul?

Par contre, tous ou presque sont appelés par leur diminutif, soit parce que c'est leur seule identité connue : Moussia est l'un des nombreux diminutifs possible de Maria. Micha (Michka est une version plus " rurale") c'est le surnom habituel de tous les Mikhaïl de Russie.. et des ours dans les contes ( le titre d'origine du dessin animé "Macha - Maria- et Micha", c'est " Macha et l'ours" surnommé Micha comme tous les ours de contes).
Vassili est appelé classiquement Vassia par sa mère- et là le diminutif est gardé tel quel,par contre, une fois de plus, Serguei privé de son prénom est aussi privé de son diminutif " Sirioja" transformé par la traduction en "mon petit Serge". Et Tania n'est pas un prénom à part entière, son prénom complet sera "Tatiana".
Serguei mentionne aussi Ninotchka, sa petite soeur. Donc Nina. Mais, appeler quelqu'un par son prénom complet en Russie ou en zone russophone est très officiel, et ne se fera jamais en famille ou entre amis.


J'ai appris cette année que le prénom complet de mon pote Iacha est "Iakiv".. parce que je le lui ai demandé ( je me demandais si c'était Iaroslav....) et comme c'est un vieux monsieur de l'âge de mes parents, lui n'a jamais intégré le fait qu'en France, il n'y a pas de diminutif standard de prénoms. Donc pour lui, Lydia a toujours été Lida ( le plus courant),voire, vu notre différence d'âge :Lidousha, Lidotchka, Lidienka... J'ai abandonné le combat depuis des années, même si je n'aime pas trop. Et je vois que mon nouveau pote Serguei commence déjà à écrire Lida. Donc le temps n'est pas loin où il va falloir que je l'appelle aussi Sirioja (  voire Siriojenka , imaginons, si les choses devenaient plus... disons personnelles, pas forcément intimes d'ailleurs, mais du genre "meilleurs amis du monde" ça serait aussi une circonstance possible)

Allez, juste parce que j'aime beaucoup: Cette photo pourrait tout à fait représenter un hippie des années 70 dans un champ. La coiffure du modèle les couleurs, ça cadre...

Sauf que c'est un autoportrait d'Andreiev, pris il y a plus d'un siècle. Je suis bluffée par la qualité des couleurs, j'adore ces vieilles photos ( et oui, il est même venu en vacances en PACA, et a immortalisé MArseille au début du XX° siècle. Ca a beaucoup changé!)


2/4

mercredi 16 janvier 2019

Le Horla et autres nouvelles +.... G. de Maupassant

Et on commence le challenge classique en fanfare avec une looooongue sélection de nouvelles.
Car en fait,dans le cadre de la fac, j'ai un cours de littérature  XIX°, où il fallait choisir l'oeuvre sur laquelle on voulait être interrogé lors du partiel .
Et donc, entre Le Horla, une Vie, le Dernier jour d'un condamné + Claude Gueux, Madame Bovary, le père Goriot, le colonel Chabert, et je ne sais plus quoi d'autre, mon goût pour le fantastique et la forme courte m'a forcément conduite à relire Le Horla.

Partiel qui était, soit dit en passant un vrai foutage de gueule: questions "ouverte " : " comment le fantastique arrive en littérature, et qu'est-ce qui fait que le Horla entre dans le genre fantastique".. Ahem,de quoi faire une bonne dissertation d'au moins 3 pages, sauf que je devais répondre en 3 lignes. " Comment avez vous perçu cette littérature fantastique du XIX° siècle avec votre regard de lecteur du XXI° siècle: 4 lignes. Oui je suis en fac et non, je n'aime pas trop qu'on se paye ouvertement ma fiole..

Je précise que j'avais préparé de quoi disserter, ou au moins rédiger et argumenter sur le thème de la transparence et de l'invisible, de la solitude, la maison comme source d'angoisse, le sens du titre et ses possibles références, la monstruosité apparente vs la monstruosité tout court (de jolies femmes nobles évaporées qui se comportent avec cruauté derrière leurs jolis minois, vs Clochette, l'adorable vieille dame à l'allure de sorcière, la famille de bourgeois bien comme il faut qui fait un spectacle de la torture mentale qu'elle fait subir quotidiennement au grand-père " pour son bien"..) ,etc... ben non, j'ai pu remballer mes beaux argumentaire et bien aller me faire foutre, avec un questionnaire digne de la 6°. Oui je suis encore vexée une semaine plus tard!

Sauf que... il y en a trouzmille éditions, que la prof n'avais pas précisé laquelle, que la mienne était restée à Avignon,  et que je voulais m'avancer, donc j'en ai lu une autre " le Horla et autres contes fantastiques" avant de récupérer " le Horla et autres nouvelles " ( édition classique) pendant les vacances.
Donc double dose de Horla.



 Evidemment, le livre emprunté à la bibliothèque du coin était très scolaire et axé sur le fantastique , avec en plus " lui?", "un fou?", " la peur" - qui a beaucoup en commun avec "l'auberge" de l'autre édition, " la main d'écorché" et " qui sait?".. bon sang, 6 titres et 3 avec un point d'interrogation, j'avais même préparé de quoi développé de quoi répondre à cette question...

Donc allons-y : de mon point de vue basé sur "l'introduction à la littérature fantastique" de Tsvetan Todorov (lisez-le,c'est un essai incontournable!),  donc le fantastique, à la différence du conte, ou de la plus récente fantasy, c'est "dans l'hésitation non résolue du lecteur entre le naturalisme de l'étrange et le surnaturel du merveilleux.". L'arrivée d'un élément insolite et inexplicable dans un cadre tout à fait banal. Et c'est précisément ce ? qui maintient l'ambigüité.
Sympa à lire en tout cas car je ne connaissais pas les 5 autres nouvelles, et les avoir groupées ici par thématique est agréable.

et grâce au Livre de poche, ça fait donc au bas mot plus de 20 ans que l'autoportrait de Courbet est indissociable dans ma mémoire des nouvelles de Maupassant, même si les deux n'ont pas grand chose à voir à part, à la (grosse)louche, leur époque

Pour l'édition classique,c'est celle de l'édition d'origine en fait, mélangeant nouvelles " naturalistes " ( voire burlesques, avec les deux sexagénaires qui se font pincer par un garde champêtre en pleines activités  illégales en plein air), portraits caustiques de petite noblesse qui essaye de maintenir l'illusion de sa supériorité sociale, bourgeois odieux, paysans grippe-sous... et fantastique.. mais même dans la veine naturaliste, Maupassant grade son goût pour le détail qui dérange ou qui intrigue ( un souper des rois - du 6 janvier - dans une région en guerre dont les invités imprévus sont les infirmes de l'asile du coin décrits comme des personnages d'un tableau de Brughel; Une famille de bourgeois qui veut paraître et s'avère être d'une misère intellectuelle pire que celle économique du vagabond fauché et criminel par fatalité social de la dernière nouvelle.. qui sonnait très Hugo ou Zola, en plus concentré et sans les allégories christiques de Claude Gueux.

Et donc mon ressenti de lectrice du XXI°siècle? Je pense que la réponse de mes camarades de 18 ou 20 ans serait différente, de même que ma réponde de 42 ans serait différente de celle que j'aurais donnée à 18 ans probablement. Mais donc (imaginons que je n'aie pas lu d'autres nouvelles fantastiques du XIX°, que je n'ai pas lu Nodier,  que je n'ai pas lu Mérimée, Villiers de l'Île-Adam, Théophile Gautier..
Zut, je n'arrive plus à me revoir privée de toutes ces références, donc pour moi je peux difficilement parler d'un regard du XXI°siècle puisque ma culture s'est progressivement forgée à ce sujet et que ce n'était pas une découverte, mais que ça fait partie depuis des années de mon bagage fantastique.. disons que c'est toujours intéressant de voir comment certains thèmes vieux comme le monde ( bon au moins comme l'Illiade, l'Odyssée et tout ça..) sont réinterprétés à chaque époque. Parce que bien sûr le fantastique n'est pas arrivé dans la littérature française avec Nodier, hein.. mais il m'aurais fallu bien plus de 3 pauvres lignes pour développer ( mais j'ai casé Todorov), et il est intéressant aussi de voir que malgré une perte de vitesse au profit de la fantasy, pour laquelle la magie est une donnée  normale dans le cadre décrit,le fantastique existe encore. Et même sous forme de nouvelles, qui doivent donc beaucoup à Maupassant, sans en avoir toutefois le talent narratif. Et je ne suis pas peu fière d'avoir casé dans mes 3 lignes Mélanie Fazi, juste histoire que la prof comprenne qu'elle n'a pas affaire comme elle l'a clairement fait savoir, à une bande d'incultes.

Certains profs m'ont marquée parce qu'ils étaient excellents, celle là se distingue par ses mauvais côtés, hélas... je sens la prof frustrée de devoir faire un cours d'une heure semaine en traduction au lieu de s'éclater en section littéraire ( parce que bon, cours d'une heure où elle arrive systématiquement avec 20 minutes de retard, ça ne trompe pas... Quelque part je comprends, hein, j'ai assez subi de boulots non choisis pour ça, mais pas au point de partir du principe que les gens en face de moi sont tous individuellement et collectivement des benêts)

1/4: Maupassant


Ivan Vassilievitch change de profession (film 1973)

 A la recherche d'un pan de la culture russe que je n'ai pas encore abordé, et auquel si possible je ne connais rien, je me suis dit qu'en fait, je n'avais pas beaucoup parlé de cinéma autre qu'animation ( et même, à part un sujet sur l'effet Koulechov, pas du tout ), et je me suis souvenue de ce titre à rallonge, entendu au détour d'une vidéo youtube sur  les comédies soviétiques. Oui, ça existe, et bien évidement l'humour va être disons, assez peu ce qu'on a l'habitude, quoique, finalement je ne l'ai pas trouvé si éloignée ce qui a pu se faire à la même époque en France. Rien a voir par contre avec les comédies récentes bien sûr. Mais il y a des petites vannes qui en disent long sur l'époque et les lieux.

Donc à choisir un film, autant prendre un de ceux qui est le plus connu en Russie, et un des plus appréciés (autant multi-rediffusé que Rabbi Jacob chez nous, pour situer et rester dans les seventies)
Le réalisateur Leonid Gaïdaï est d'ailleurs le principal nom que les gens vont associer avec l'idée de film humoristique.


Donc de quoi ça parle? Qui est Ivan Vassilievitch? et quel est ce changement professionnel?

Mais avant d'en arriver à Ivan, il faut d'abord parler de Chourik, qui semble à première vue être le héros de ce film.
Chourik ( un des nombreux diminutifs possibles d'Aleksandr, même si Sacha, Choura ou Alex sont des surnoms plus connus) est un personnage récurrent des comédies soviétiques, un peu le François Pignon local: il garde le même nom, mais change de statut social, marital ou de métier de film en film. Ingénieur marié, étudiant ou anthropologue célibataire, selon le scénario.

Ici, c'est Chourik l'ingénieur, qui tient pas mal de Gaston Lagaffe. Il planche dans son appartement ( personnel, ça situe donc son niveau économique plutôt aisé, puisqu'il ne vit pas en appartement communautaire) sur des projets loufoques, qui ont pour effet habituel de faire sauter les plombs de tout l'immeuble.

oui, cette machine est très gastonesque!
Sa dernière idée farfelue est de fabriquer une machine à voyager dans le temps, et le plus étonnant est qu'il est sur le point d'y parvenir, lorsque les voisins excédés décident de faire intervenir Ivan Vassilievitch Buncha, le surveillant de l'immeuble, une sorte de concierge/ homme à tout faire et surtout à épier les voisins pour signaler aux autorités les activités suspectes, autant dire qu'il surveille particulièrement Chourik en espérant le coincer pour activités illicites et gagner l'estime de ses supérieurs.
Car Ivan est vaniteux, orgueilleux, cire-pompes et surtout très bas de plafond.

Par suite d'un petit souci de réglage sur sa machine alors qu'Ivan lui casse les pieds, Chourik ouvre non pas une porte dimensionnelle vers le passé, mais un portail entre son mur et l'appartement du voisin, chez qui un voleur vient juste de finir de mettre la main sur tout ce qui a de la valeur.
Aubaine pour le voleur qui se fait passer pour un copain du voisin absent, passe bien tranquillement par le mur, félicite chaudement Chourik pour cette magnifique invention permettant d'ouvrir et refermer les murs à volonté! Georg le voleur est aussi malin et débrouillard qu'Ivan est stupide.
Mais, justement, celui ci vient de refaire son réglage et profite donc de la présence de Georg et Ivan pour leur faire une démonstration, ceux-ci pourront donc voir et témoigner que l'invention est sans danger et n'a rien de suspect.
En tout cas, sans danger tant que la porte dimensionnelle ne conduit pas directement au palais d'un autre Ivan Vassilievitch, assez peu réputé pour son bon caractère puisqu'il était terrible. Mais comme les choses ne sont jamais simples, la machine est endommagée et Georg le malin et Ivan le crétin ( mais heureusement sosie de son impérial homonyme) vont se retrouver coincés au XVI° siècle pendant que le tsar, bougon, mais plutôt sympathique une fois qu'il finit par comprendre que Chourik est inoffensif et que son chat noir n'est pas un démon, déboule au XX° siècle.

mais il ne faut pas s'attendre à ce qu'un tsar du XVI°s sache se tenir à table.
Ivan Vasilievitch Buncha va donc devoir se faire passer pour le tsar, qui s'appétait à entrer en guerre avec le roi de Suède, et heureusement que Georg pense pour deux. Quelle chance quand même d'avoir déniché des habits du XVI° siècle dans un coffre et pile à leur taille ou presque.

oui, il y a un gros effort sur les décors et costumes, ça fait plaisir. Je surkiffe la veste de Georg ( en blanc)

Dit comme ça: un duo improbable propulsé par accident dans une époque qui n'est pas la sienne, ça sonne un peu "Les visiteurs" - qui peut d'ailleurs allégrement avoir pompé sur un film soviétique ni vu ni connu, j'dis ça comme ça - mais rassurez-vous, on est plus sur un humour absurde que lourd et malgré quelques tics très années 70 ( ralentis, accélérations, effets psychédéliques, courses poursuites un peu longues..) et le film reste bien sympa à défaut d'être très original.
L'ensemble est plutôt orienté sur le burlesque et les quiproquos causés par la rencontre d'un  type du XVI°siècle avec le monde moderne et inversement, comment des types modernes vont pouvoir survivre au XVI°siècle en attendant de pouvoir rejoindre la civilisation - peut être en ramenant deux ou trois objets précieux dans la foulée - oui Georg est souvent très drôle avec son aplomb et son culot.



Mais il y a quelques détails qui m'ont bien plu: le voisin qui cache dans un coffre-fort sa richesse: plusieurs magnétophones, des objets rares donc précieux en URSS, signe de statut élevé, mais dont, dans l'absolu, il est absurde de garder plusieurs exemplaires dans un coffre comme des lingots. Chourik qui cherche des composants électroniques en n'en trouve pas, tous les magasins d'électronique étant en vacances, en inventaire, fermés le jour en question.. et finit par être abordé par un vendeur à la sauvette aux poches exclusivement remplies de tout ce qu'on peut chercher en résistances, transistors et autres diodes. Comme s'il y avait un marché gigantesque du transistor de contrebande...
Ivan le tsar qui déclenche par mégarde une radio chez Chourik, se montre, toute brute qu'il est supposé être, ému aux larmes par une chanson de Vladimir Vissotsky, chanteur dissident pas toujours très bien vu du gouvernement malgré son succès populaire - j'ai déjà parlé de ce chanteur dont j'adore la voix, l'entendre a été le petit bonus qui fait très plaisir.

un gag culturel que j'aime beaucoup: Ivan IV passe devant une reproduction du célèbre tableau d'Ilia Repine "assassinat du tsarevitch par son père Ivan le terrible" ( plutôt un meurtre accidentel, Ivan avait des crises de rage incontrôlables vraisemblablement dues au saturnisme)  mais le fait divers représenté se passera bien des années après le moment où Ivan est expédié dans le monde moderne. Si Ivan avait su de quoi il s'agissait, il aurait pu l'éviter.. et changer l'histoire.

Donc voilà, une découverte qui m'a bien plu, j'ai passé une bonne soirée, et j'essayerai à l'occasion devoir quelques autres de ces films "cultes", Chourik étant un personnage récurrent, il y a quelques autres films le mettant en scène ( et pour moi, c'est même presque inévitable, en étudiant la langue, il faut bien que  je me renseigne sur les références culturelles communes du pays.)
Le film est visible en ligne sur Youtube, avec sous-titres mais attention, même s' il y a possibilité de les paramétrer en français, je suis revenue aux sous-titres en anglais en moins de 10 minutes. Les sous-titres anglais sont à peu près compréhensibles, probablement faits par un être vivant, tandis que les sous-titres français sont une traduction automatique des sous-titres anglais, et souvent n'ont aucun sens compréhensible. Donc autant préférer l'anglais. Mais autant un poème, même long, je peux encore essayer de le traduire car il y a un support écrit, autant là, un film entier, même si j'avais accès aux dialogues, ça serait trop long.

Et hop, billet programmé pour le 16 janvier, faisons d'une pierre deux coups:  Ivan Vassilievitch a été couronné le 16 janvier 1547 et ...la vache, il a eu 8 femmes, 2 de plus qu'Henry VIII.
Toutes n'ont pas été trucidées à sa volonté, il y a des divorces et des mortes de maladie, mais étonnamment, celle qui a été pincée en flagrant délit de cocufiage s'en est sortie avec un divorce (et un allez simple pour le  couvent, non sans avoir eu le "privilège" d'assister à l'exécution de son complice, et de voir à quoi elle échappait... C'est presque clément, en fait, vu l'époque, presque, hein )