Une lecture courte ( difficile de dire s'il s'agit d'un court roman ou d'une longue nouvelle. Comme il y a plusieurs chapitres, j'ai envie de dire "court roman").
Alors première précaution : éviter de prendre les personnages principaux en sympathie. Le titre ne le cache pas, ils sont sept, ils vont tous mourir pendus.
Pour diverses raisons. Tous ont commis un crime et ont été rattrapés par la justice. Tous attendent le moment de leur exécution.
Les raisons qui les ont poussés au crime sont soit inconnues, soit connues mais sans grande importance, ce qui intéresse Andreiev c'est " que se passe-t-il dans la tête de quelqu'un qui SAIT qu'il va mourir à très brève échéance?"
Et ce qui rend la vie supportable, n'est-ce pas précisément de ne pas savoir quand la camarde va arriver. Au delà de la peine de mort, le plus cruel n'est-il pas de savoir et d'attendre?
Le premier de ces "condamnés" n'en est pas un. C'est un ministre, dans la Russie du début du XX°siècle. Le récit a été écrit en 1908, donc juste après la première tentative révolutionnaire de 1905 et donc, bien ancré dans sa réalité contemporaine.
Le ministre est malade, il n'en a probablement plus que pour quelques mois avant d'être emporté par une maladie rénale, son médecin lui conseille de ne plus tarder à faire son testament. mais dans sa tête, cette sentence n'a pas beaucoup de réalité, pas plus qu'une vague menace, donc.. rien ne presse. Mais au moment où commence l'histoire, il vient d'être averti qu'un groupe terroriste prévoyait d'attenter à sa vie le lendemain à 13 heures pile. La police s'occupe de sa sécurité, il n'y a rien à craindre, les terroristes sont connus et seront pris sur le fait avant de passer à l'attaque. Donc pas de danger, il peut dormir sur ses deux oreilles.. sauf qu'il va passer une très mauvaise nuit, du fait de savoir qu'il aurait pu mourir le lendemain à 13h00, heure qui " efface toutes les précédents et les suivantes" et l'obsède.
Hop, petit saut dans le temps, les terroristes ont été appréhendés, pris en flagrant délit, ils sont jugés et condamnés à la peine capitale, ils sont 5, ils sont jeunes, mais leur vie est finie.
Leur motivation ne sera jamais connue: pourquoi ont -il tenté d'assassiner le ministre?
Seule compte leur personnalité et la manière dont ils vont faire face à leur sentence.
D'abord , il y a Serguei Golovine ( je me permets de lui rendre son vrai prénom, là ou la traduction s'obstine à l'appeler Serge. Serguei me pose un problème: non seulement le récit insiste pour le rendre sympathique, son prénom est celui d'un ami, et son nom de famille celui d'un camarade de classe de primaire.. damn', comment faire pour ne pas l'apprécier..).
Serguei est un jeune homme bien sous tous rapports, vraiment pas le genre de type qu'on imagine impliqué dans un attentat et pourtant.. Jeune sportif, sympathique, énergique, rieur, fils de dignitaire militaire, attaché à ses parents, presque l'incarnation du printemps, du renouveau et de la vie. Et ironie du sort, pile au moment où l'hiver s'en va, ce printanier personnage va être pendu.
Tania non plus n'est pas le genre de personne qu'on imagine commettre un attentat: prévenante, gentille, amicale, plus soucieuse du sort de ses camarades que du sien ( elle semble même oublier qu'elle est aussi condamnée), et même si elle n'a pas posé de bombes, elle est pourtant receleuse d'explosifs...
Vassili.. on se demande bien aussi comment il a pu se laisser embarquer dans cette histoire. Par bravade surtout. Il a été arrêté bardé d'explosifs, risquant d'exploser avec eux d'un moment à l'autre, sans que ça ne lui pose problème, car il estimait que de cette manière il gardait la main sur la mort, qui avait autant de probabilité d'arriver que la vie. Mais du moment où la mort, prononcée par un tribunal devient certaine, il perd pied et est terrorisé d'avoir perdu ce contrôle imaginaire...
Les eux autres sont plus "classiques".
Moussia, elle c'est l'illuminée de la bande, une marxiste pure jus qui appelle tout le monde " frère" ou camarade" et sa réaction devant la sentence est de se dire qu'elle a bien peu fait pour mériter un tel honneur.. avant de se dire que oui, elle le mérite, elle sera un exemple pour les camarades, une martyre pour sa cause.
Et Werner, c'est le chef de la cellule, ou presque, le penseur aux nerfs d'acier, aussi imperturbable que Moussia exaltée, il est profondément misanthrope, déteste le monde entier, et se désintéresse de son sort.Il est d'ailleurs en train de faire une partie d'échecs mentale au moment où tombe le verdict.
Ca ne fait que 5 condamnés, il faut donc ajouter à ces 5 apprentis terroristes que le fait d'avoir été arrêtés avant de passer à l'action n'a pas sauvés de la potence deux autres vrais criminels: Ivan l'estonien, qui ne parle pas russe est violent, alcoolique, ce qui ne fait rien pour arranger ses problèmes mentaux. Employé de ferme il a tué son patron, agressé sa femme, volé leur argent et ne regrette qu'une chose: ne pas avoir eu le dessus et avoir été maîtrisé par la femme. Pour ce simple d'esprit la chose est claire: on ne peut pas le pendre, c'est impossible, car il ne veut pas être pendu. Et on ne peut pas se passer de la permission des gens pour les pendre, pas vrai?
Le dernier gibier de potence est un criminel endurci: Michka dit " le tsigane", bandit de grand chemin, qui revendique ses crimes, vols, incendies, assassinat, comme autant de faits d'armes. Pour lui, c'est logique d'être arrêté et condamné, mais c'est l'emprisonnement qu'il a du mal à supporter étant par nature un homme libre.
et donc tout le récit va passer de la tête de l'un à celle de l'autre, en écho à ce qui se passait dans celle du ministre. Où on découvre que les plus endurcis ou les plus imperturbables ne sont pas forcément ceux qi résistent le mieux à la pression de cet arrêt de mort, au son de l'horloge qui égrène les quarts d'heures hors de la prison, où chaque minute qui passe étant une victoire sur la mort, mais aussi un pas de plus vers elle, dans une situation étrange: la vie et la mort coexistent déjà ans un même espace, donc que dire à la famille qu vient vous rendre une dernière visite, tout sonne faux dans ces cas là.
Et pourquoi continuer à faire de la gymnastique pour rester en forme, si on doit être bien portant, mais mort? Ou pourquoi s'en abstenir d'ailleurs, ça occupe les longues heures d'attente? ( car oui, il y a malgré tout quelques passages drôles dans cette histoire sombre , lorsque Serguei le sportif se fout à poil sous l'oeil médusé du surveillant et lui explique le genre de gymnastique qu'il pratique et en quoi ça serait bénéfique aux gardiens de prison, ou lorsque le surveillant voit Moussia dormir comme un loir alors que tous les autres sont en train de perdre la tête, car sa folie au final la protège de la perte d'esprit)
Quelque part, hormis le bandit de grand chemin, les 6 autres seraient plutôt à plaindre, même Ivan car il est clairement incapable de comprendre le rapport entre son acte et la sentence.
Les terroristes ne sont clairement pas taillés pour le crime organisé et s'ils ont été démasqués, c'est probablement que quelqu'un de leur groupe les a dénoncés, ils ne sont pas " méchants", ce sont des gens normaux qui portent le chapeau pour une organisation au sein de laquelle ils ne sont que des pions... mais ne pourront jamais expier cette erreur de jeunesse.
Donc évidemment, il y a sous-jacente la réflexion sur la peine de mort et son absurdité, mais contrairement à Hugo, ça n'est pas le sujet exact. On est vraiment amenés à voir la chose d'un point de vue philosophique: ce qui donne la saveur à la vie, c'est l'incertitude du moment de la mort.
Ce n'est pas un thème neuf mais il est bien amené et ce petit livre se lit avec plaisir. Même s'il finit évidemment mal, au moins le titre n'a pas menti sur le contenu. Mais étrangement, l'écriture ( et la traduction) étonnamment poétiques par moment, et pudique nous épargne les détails horribles. Tout est silencieux, pas de cris d'agonie, à peine si on sait que l'un vient de mourir parce que c'est au tour du suivant...
Au contraire, tout le drame va être concentré dans les détails: la neige qui fond et le bruit des gouttes, le printemps insolent qui se réveille, un soldat qui n'arrive pas à se faire à l'idée de voir mourir des gens et lâche son fusil, la chaussure en caoutchouc perdue par un condamné sur le chemin qui reste là, dérisoire, au milieu du chemin, comme seul témoignage qu'un être vivant est passé, mais jamais revenu la chercher...
Je ne connaissais pas du tout l'auteur ( même si j'ai croisé son nom dans une autre situation, voir tout en bas de ce sujet) trouvé par hasard via le site " bibliothèque russe et slave" qui propose beaucoup de ressources numériques, auteurs inconnus - de moi- ou au contraire célébrissime,dans des traductions un peu anciennes tombées dans le domaine public. Je sais que les 7 pendus ont été retraduits depuis 1908, mais c'est déjà une première approche ). Je vais continuer à explorer ce catalogue et déjà, les bylines me tentent beaucoup.
Et en plus, il y a d'autres littératures proposées: polonaise, tchèque,bulgare, etc...certains gratuits,certains en vente pour une somme raisonnable... Je vais d'abord explorer quand même le catalogue gratuit en priorité. Et en plus, outre les traductions, il y a le texte d'origine! Класс!
Et cette histoire me permet d'aborder un point particulier, sur les prénoms russes.
Je disais que j'ai décidé de rendre à Serguei son nom d'origine. Après tout Michka n'est pas renommé Michel, Vassili n'est pas non plus " Basile".... donc pourquoi en franciser un seul?
Par contre, tous ou presque sont appelés par leur diminutif, soit parce que c'est leur seule identité connue : Moussia est l'un des nombreux diminutifs possible de Maria. Micha (Michka est une version plus " rurale") c'est le surnom habituel de tous les Mikhaïl de Russie.. et des ours dans les contes ( le titre d'origine du dessin animé "Macha - Maria- et Micha", c'est " Macha et l'ours" surnommé Micha comme tous les ours de contes).
Vassili est appelé classiquement Vassia par sa mère- et là le diminutif est gardé tel quel,par contre, une fois de plus, Serguei privé de son prénom est aussi privé de son diminutif " Sirioja" transformé par la traduction en "mon petit Serge". Et Tania n'est pas un prénom à part entière, son prénom complet sera "Tatiana".
Serguei mentionne aussi Ninotchka, sa petite soeur. Donc Nina. Mais, appeler quelqu'un par son prénom complet en Russie ou en zone russophone est très officiel, et ne se fera jamais en famille ou entre amis.
J'ai appris cette année que le prénom complet de mon pote Iacha est "Iakiv".. parce que je le lui ai demandé ( je me demandais si c'était Iaroslav....) et comme c'est un vieux monsieur de l'âge de mes parents, lui n'a jamais intégré le fait qu'en France, il n'y a pas de diminutif standard de prénoms. Donc pour lui, Lydia a toujours été Lida ( le plus courant),voire, vu notre différence d'âge :Lidousha, Lidotchka, Lidienka... J'ai abandonné le combat depuis des années, même si je n'aime pas trop. Et je vois que mon nouveau pote Serguei commence déjà à écrire Lida. Donc le temps n'est pas loin où il va falloir que je l'appelle aussi Sirioja ( voire Siriojenka , imaginons, si les choses devenaient plus... disons personnelles, pas forcément intimes d'ailleurs, mais du genre "meilleurs amis du monde" ça serait aussi une circonstance possible)
Allez, juste parce que j'aime beaucoup: Cette photo pourrait tout à fait représenter un hippie des années 70 dans un champ. La coiffure du modèle les couleurs, ça cadre...
Sauf que c'est un autoportrait d'Andreiev, pris il y a plus d'un siècle. Je suis bluffée par la qualité des couleurs, j'adore ces vieilles photos ( et oui, il est même venu en vacances en PACA, et a immortalisé MArseille au début du XX° siècle. Ca a beaucoup changé!)
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Merci pour cette participation ! Je ne connais pas grand-chose (voire rien du tout !!) en littérature russe... Pour la photo, c'est franchement étonnant, elle ne fait pas son âge !!
RépondreSupprimerle style "Bee-Gees" avec 70 ans d'avance ( et par conséquent je l'imagine avec une voix de falsetto)
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