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samedi 24 février 2018

Les 12 mois ( dessin animé 1956)

Je continue mon hiver russe, version cinéma d'animation cette fois...

J'ai déjà parlé plusieurs fois de l'animation soviétique et des studio d'animation Soyouzmultfilm lorsque j'avais chroniqué leur production la plus célèbre La Reine des neiges de 1957.

De mémoire, dans les années 80, la TV française avait diffusé plusieurs de ces dessins animés, dont je gardais un vague souvenir, en tout cas j'étais bien certaine d'avoir aussi vu ce 12 mois, bien que je le confondais dans ma mémoire ( il est question d'une petite fille qu'on envoie en plein hiver chercher des perce-neige, et il me semblait qu'ensuite on l'envoyait chercher des fraises, ce n'est pas le cas... Avis à la population donc, je recherche une histoire ou un enfant était envoyé en plein hiver cueillir des fraises. C'est peut être même une histoire écrite ou qu'on m'a lue, d'ailleurs et que j'aurais mélangé avec celle là)

La particularité de ces dessins animés est qu'outre certains vraiment axés propagande politique, beaucoup reprennent en fait des contes populaires. Mais à la différence des Disney qui se sont concentrés sur les textes les plus connus d'Europe occidentale, les dessins animés russes adaptent volontiers les contes et légendes et le folklore d'Europe de l'est. Et s'il y a des thèmes communs avec ceux célèbres à l'est, les histoires elles-mêmes sont moins connues.

Attention toutefois, il y  a plusieurs versions animées de cette histoire tirée d'un conte. Celle -ci est russe et remonte à 1956, et je me souviens l'avoir vue à l'époque,  mais une autre adaptation datant de 1980, japonaise cette fois. 

Les images trouvées en ligne me parlent aussi, c'est peut être dans celle là qu'on trouve l'histoire des fraises ce qui expliquerait que j'aie mélangé les deux?
Apparemment dans les années 80, la TOEI animation a repris pas mal des sujets de Soyouzmultfilm pour les adapter à nouveau pour le marché japonais.  Il semble que dans la version japonaise, ce soit une autre plante qu'elle va chercher, mais c'était bien des perce-neige que je me souvenais principalement, ce qui me fait penser que si j'ai vu les deux, c'est la version d'origine qui m'a surtout marquée.


(idée , en mars c'est entre autres le mois japonais, je vais aller chercher la version japonaise pour la regarder aussi, histoire de vérifier mes souvenirs)


Il était donc une fois, une petite fille de la campagne, débrouillarde et amicale, qui, un peu comme Cendrillon, est exploitée par sa belle-mère et sa belle-soeur depuis la mort de ses parents. Ou en tout cas par une "famille" adoptive qui la traite en esclave.

 La belle-doche abusive à tronche de guenon, on la trouve dans tous les pays et toutes les cultures.

On la découvre au moment où,la veille du jour de l'an , elle est allée seule en forêt ramasser du bois, tandis que les autres sont bien au chaud à se gaver de victuailles. Mais comme elle ne se laisse pas abattre -et pour une fois ce n'est pas par pure niaiserie que l'héroïne est toujours contente, plutôt que ça ne l'avancerait à rien de déplorer sans fin son sort. Elle a conscience de l'injustice de la situation- elle y va et profite même de l'occasion pour observer les écureuils et lapins qui s'amusent ( en chantant hein, quand même. J'hésite à mettre ça sur le compte de l'influence Disney ou du goût prononcé de la culture slave pour la musique. disons moitié-moitié).



Là, elle rencontre un vieux militaire envoyé en pleine forêt comme elle par une personne abusive,  chercher un sapin pour le nouvel an Pas de bizarrerie là dedans, à cause du décalage des calendriers julien et grégorien, le jour de l'an officiel et le noël orthodoxe tombent plus où moins à la même période, et si on ne fêtait plus vraiment noël à l'époque soviétique, apparemment l'habitude de décorer des sapins s'est conservée pour le nouvel an.
Le militaire lui explique qu'il est envoyé là par la reine qui a une dizaine d'années, est orpheline elle aussi,mais rien à voir avec l'orpheline héroïne travailleuse et courageuse.La reine est capricieuse, faignante, exigeante, nulle en calcul et en orthographe et capable de condamner quelqu'un à mort parce que le mot " mort" est plus court à écrire que " gracié" sur un papier administratif.
Voilà pour le passage politique.

Pendant ce temps là, la capricieuse reine vient de décider qu'elle en avait marre de l'hiver, qu'elle avait envie de voir des perce-neige, ses fleurs favorites, et de proclamer par oukase que le printemps était arrivé malgré la tempête de neige. Et de faire promettre un plein panier d'argent à quiconque lui ramènerait des perce-neige.
Evidemment la belle famille de la gamine voit là une excellente occasion de l'envoyer à nouveau en pleine forêt: va nous chercher des perce-neige et ne reviens pas avant d'en avoir trouvé.si par miracle elle en trouve, c'est la richesse; si elle n'en trouve pas, on en sera débarrassés.



Mais comme il s'agit d'un conte évidemment,tout va bien se passer: après avoir failli être mangée par un loup, quand même, la gamine rencontre en pleine forêt un groupe de 12 personnes d'âges variés, près d'un feu. comme elle est polie est sympathique, et qu'elle apprécie également toutes les périodes de l'année, ils vont lui rendre service, car ce sont les personnifications des 12 mois. Les 3 mois d'hivers sont des vieux sages à l'allure de magiciens ou de DedMoroz, les 3 mois du printemps des enfants, ceux de l'été et de automne des adultes munis d'épis de céréales, de fruits, de paniers de champignons, bref les attributs de chaque saison.



Donc temporairement l'esprit d'avril "emprunte" un peu de temps à celui de janvier, pour provoquer un mini-printemps localisé et faire pousser les perce-neige à toute vitesse. Et celui de juin, qui pressent que les choses ne vont pas se passer si simplement, lui confie un bijou magique et une  incantation. Si on lui cause encore des ennuis, elle pourra les invoquer pour qu'ils viennent la sortir d'affaire.

Et bien sûr, entre une belle famille cupide et une reine particulièrement capricieuse, c'est ce qui va se passer.

L'animation est un peu datée, bien sûr, on est en 1956 . Pas d'équivalent Disney cette année là, le précédent datait de 55: la belle et le clochard et il y aura la belle au bois dormant en 59. Je dirais que l'animation est d'un niveau normal pour cette époque. Par contre la gamine débrouillarde est autrement plus intéressante que la donzelle qui pionce et n'a que quelques lignes de dialogue. Ce n'est pas le meilleur de Soyouzmultfilm, évidemment la Reine des neiges est hors catégorie, mais j'ai bien aimé cette histoire d'esprits des mois et des saisons.

De mémoire, c'est même grâce à ce dessin animé que j'ai découvert l'existence de cette plante...

Le dessin animé est court, une cinquantaine de minutes, il aurait gagné à en avoir quand même quelques unes de plus, au moins le temps de donner un nom à ses personnages. Mais outre la critique sociale et politique, il faut bien reconnaitre que c'est assez sympa d'avoir une mise en avant des femmes , car il y a peu d'hommes là-dedans, et de leur endurance et de leurs capacités à se sortir d'affaire certes avec l'aide de la magie, mais aussi de leur cervelle. L'héroïne est avant tout maligne, fidèle aux promesses qu'elle fait, travailleuse et responsable malgré son jeune âge. elle n'attend pas qu'un homme lui amène une solution toute prête, et c'est même elle qui sort le vieux militaire de l'embarras en lui montrant où trouver un beau sapin. Et cette mise en avant de la débrouillardise est un trait classique des mythes et contes nordiques et de l'est ( sauf pour Ivan-dourak "Ivan le crétin", personnage récurrent un peu couillon, parfois moins qu'il n'en a l'air, mais chanceux, et surtout très drôle). Et il n'y a pas d'histoire d'amour, ce qui est logique vu qu'elle a 10-12 ans...

Je l'avais trouvé il y a pas mal de temps en ligne, et téléchargé à l'époque, je ne suis pas sûre qu'il soit encore trouvable, en tout cas en VOSTF .

Je mets par contre un bémol sur les sous titres français, bourrés de fautes d'orthographe, apparemment traduits par un logiciel d'après les sous-titres anglais. On sait ce que ça peut donner de traduire d'une langue qui n'a pas d'articles dans une langue qui en a... Je serais ravie de pouvoir revoir ces dessins animés russes même en streaming payant, avec des sous-titres décents. Ceci dit je suis ravie de constater que mon niveau en russe s'améliore de jour en jour car oui, je continue mon autoformation, et que je peux repérer des choses dans les dialogues en m'aidant des sous titres! Je n'en suis pas encore, loin de là, à pouvoir suivre un film même pour enfants sans sous-titres, mais c'est un bon début.

Et je profite de l'occasion pour dire que même si le défi " hiver en Russie" finit officiellement le 28 février, le mien va se prolonger un peu, car justement en mars, c'est e mois des contes et légendes, et j'ai encore des contes slaves en réserve d'une part, le printemps d'est officiellement le 21 février d'autre par, la Russie est l'invitée du salon du livre de Paris qui a lieu courant Mars d'autre-d'autre part. Et j'ai une lecture en cours, pas encore finie, pour conclure. donc il y aura encore des sujets russes dans les semaiens à venir.

mercredi 14 février 2018

chansons d'amour...et râteaux à la russe.

14 février.
Ceux qui me suivent régulièrement le savent, j'ai une dent contre la saint Baratin et son cortège de décos roses de mauvais goût, et le principe de "devoir" dire à son ou sa chérie, une fois par an, qu'il ou elle compte pour vous.
Donc j'aime bien fêter ça de manière paradoxale: en parlant de choses disons... moins meugnonnes.

Cette année ce sera un billet spécial "râteaux". Plantages, vents, bides, fins de non-recevoir, appelez-ça comme vous voulez.
Oui, ce moment douloureux qu'on a toutes et tous vécu au moins une fois dans notre vie.
Et c'est plus drôle quand ça arrive à un personnage fictif qu'à soi-même, on est bien d'accord.



Et comme c'est encore l'hiver russe, je vous propose donc une doublette de râteaux en russe et en musique.

Et non ce ne sont pas des chansons folkloriques, je ne vais donc pas vous parler de Katioucha qui attend sans fin son bien aimé parti à la guerre, ou envoyer les violons et les guitares de la musique tzigane pour célébrer les yeux noirs d'une ou d'un inconnu.

Pourtant, c'était loin d'être gagné puisque les deux ont été composées par Tchaïkovksy, compositeur qui a souvent le don de me gonfler ( pour les musiques de ballets, je précise, ses opéras et compositions symphoniques sont un peu plus à mon goût). Mais pour une fois, on évite miraculeusement de sombrer dans le tartignolle, au moins pour les deux airs qui vont suivre.

Donc deux extraits d'opéras qui ont en commun d'être inspirés d'oeuvres de Pouchkine:

Eugène Oneguine à ma gauche, La Dame de Pique à ma droite.

Parce que dans les deux cas, le chanteur arrive alors qu'on ne l'a (quasiment pas) encore vu, ou juste une fois, chante le meilleur air de toute la pièce, et en gros revient juste à la fin pour saluer et être acclamé comme il se doit.
Parce qu'il y a des similitudes entre les deux personnages qui sont un peu le miroir l'un de l'autre.
Et que dans les deux cas, à la fin, quelqu'un va se prendre un râteau magistral, directement ou indirectement.

Parce que vous savez maintenant à quel point j'aime, j'adule, je vénère les voix graves.
Messieurs, Я Вас люблю!
Et, ça tombe bien, c'est justement le titre d'un des deux airs. Oui, même pas peur, je VOUS aime (c'est, en russe comme en français, soit adressé quelqu'un qu'on vouvoie, soit un pluriel)
Et dans ma tête, c'est du pluriel, parce que j'assume, entre les basses et les barytons, mon coeur d'artichaut musical balance.

Donc air n°1, le râteau bien mérité ( ou le râteau-boomerang, comme vous voulez)

Extrait d'Eugène Oneguine. Air de Gremine

Je n'ai pas encore parlé en détail du texte d'origine, j'y reviendrais à l'occasion mais même si j'aime bien, je dois d'emblée dire que, j'ai beau retourner la chose, je trouve Eugène con comme un panier.
Si, si, je vous l'assure. A un moment, donc, il reçoit une lettre d'amour d'une femme nommée Tatiana ( qu'il a quand même bien embobinée avant, soyons clairs) et l'envoie bouler sur le thème " tu es trop bien pour moi"
Les gars, sachez que cette seule phrase prouve que, oui, vous êtes de gros crétins, et qu'en effet, nous sommes trop bien pour vous!
Mais avant d'en convenir, elle nous donne juste envie de vous mettre aussi un râteau. En pleine tronche et les dents en avant. Juste pour extérioriser la colère. C'est bon pour nos nerfs.


Donc plantage mémorable pour Tatiana, je compatis, mais au moins elle a tenté sa chance contrairement à la plupart de ses consoeurs littéraires qui attendent sagement qu'on les repère dans la foule.

Mais Eugène se dit, avec plusieurs années de décalage horaire, que peut-être finalement, il a fait une erreur et que, non, Tatiana n'était pas trop bien pour lui.
Sauf que lorsqu'il revient, Tatiana s'est mariée au comte Gremine, très bon parti qui l'adore (hé oui, mon p'tit Eugène, elle n'a pas attendu plusieurs années que tu changes d'avis après le vent d'anthologie que tu lui as mis)

Et donc Gremine en rajoute involontairement une bonne louche avec une chanson où il explique à quel point il aime sa femme, qu'elle est exceptionnelle, qu'il ne pourrait pas se passer d'elle etc... ( et donc, forcément, ce sera une basse, puisque le personnage est plus âgé que sa femme, et en plus militaire de carrière, deux catégories qui appellent une voix de basse)

Et je prends cette occasion pour évoquer des chanteurs plus anciens que précédemment. Voici donc Boris Shtokolov, basse des années 70, peu connu à l'Ouest (pour évidemment, de stupides politiques de rideau de fer, qui ont limité les tournées des chanteurs et musiciens côté occidental...). Nul besoin de vous dire à quel point mes oreilles sont conquises.


Et donc, après Eugène qui l'a bien cherché, la suite prouve que même le roi de coeur peut faire une mauvaise pioche - métaphore tout à fait voulue, on va parler de cartes.

Air n° 2 le râteau immérité ( alias " En amour comme aux cartes, si tu n'as pas un bon partenaire.. " je vous laisse compléter la suite, et oui, j'ai osé...)

Air de Yeletzky, la Dame de Pique. J'avais parlé de la nouvelle, sans vraiment donner de détails.

Donc, pour commencer nous avons Hermann. Soyons honnêtes, même Eugène paraît sympa à côté: Eugène était un boulet, Hermann est un hypocrite, manipulateur ET joueur invétéré. Oui. Tout ça à la fois. Ce qu'on appelle un sale type pour rester polie. En général, c'est d'autres mots plus fleuris que j'utilise pour ce genre de gens.

Un de ses camarades de beuveries et de jeux d'argent lui raconte que sa vieille grand-mère est richissime car elle a en fait passé sa vie à tricher aux cartes, qu'elle a une combine infaillible pour ça, mais qu'il n'a jamais réussi à la lui faire avouer.
Hermann décide donc d'aller forcer mamie à lui donner ladite combine.
Oui mais pour ça, il faut entrer chez elle, donc plan: séduire Liza, la dame de compagnie de la grand-mère, suffisamment pour qu'elle le laisse entrer chez elles, et essayer de menacer mère-grand pour la faire avouer (manipuler la jeune pour arnaquer la vieille, quel homme charmant n'est-il pas?)
Et voila pour la nouvelle. C'est à peu près tout, même si une histoire de fantôme s'y ajoutera à la fin.

Mais alors le fameux Yeletzky dans tout ça? Hé bien il n'existe pas chez Pouchkine.

C'est un ajout, spécialement pour la version scénique, qui d'ailleurs prend pas mal de libertés avec la nouvelle d'origine.
D'abord parce qu'une nouvelle à 4 personnages c'est court, qu'il fallait donc déployer, broder, ajouter des ballets et tout le toutim. Et la nouvelle manquait d'un contrepoint positif face à ce pourri d'Hermann.
Qui je l'avoue est quand même beaucoup adouci sur scène, cette fois c'est surtout un pauvre type qui cherche de l'argent pour pouvoir courtiser une jolie inconnue vue au parc.. qui n'est autre que Liza. Et Liza devient au passage la petit fille de la comtesse, ouf, l'honneur et la position sociale sont saufs.
Le compteur de clichés par contre est en train de s'affoler sur le coup de " je l'ai vue, elle me plaît, je suis amoureux, je n'ai pas échangé un mot avec elle, mais si elle se marie avec un autre, j'me fous à l'eau de dépit!"

Mais il reste toujours le paramètre: dévaliser la vieille pour courtiser la jeune. C'est.. euh.. un peu moins salaud? Enfin je crois? Mmmm, malgré tout à quel moment tu arrives à la conclusion que tenter de soutier de l'argent à la grand-mère d'une femme te ferai gagner des points avec elle?

Et c'est là qu'arrive Monsieur Yeletzky, en guise de fiancé officiel de Liza.
Mais, et c'est là que ça devient drôle: les deux Tchaïkovsky ( Piotr à la musique, son frère Modest au livret) ont trollé leur monde avec ce nouveau personnage, qui sert surtout à démontrer que Liza est vraiment naïve/ cruche/ peu douée pour faire les bons choix.

Il est noble, il est (très) riche, il est aimable, il est sincère, il est moderne - si si, même en prenant les critères du XXI°siècle - puis qu'il explique à Liza qu'il l'aime sincèrement, qu'il espère gagner réellement son affection, mais qu'avant tout il souhaiterait qu'elle l'estime comme un ami et comme quelqu'un à qui elle peut raconter ses soucis en toute confiance, qu'il n'est pas jaloux et qu'il veut qu'elle se sente libre de ses choix, qu'il les respectera, etc etc...

Arrêtez tout! On tient l'homme idéal, les filles...
A ce tarif là, on ne regarde même pas, il peut être chauve et borgne, ça se réfléchit.
Oui, même moi, pure et dure célibataire, je pourrais me laisser convaincre, c'est dire :D 

Mais non, Liza lui met un vent magistral, vu qu'elle n'a d'yeux que pour le manipulateur.

SPOILER que tout le monde voit venir de loin: c'est un mauvais choix.

Re-SPOILER: malheureux en amour, heureux au jeu. Le type bien sorti de nulle part va au moins gagner aux cartes face au p'tit con. Ca fait plaisir.

D'autant que les frangins Tchaïkovsky y mettent le paquet: déclaration d'amour splendide et sans en faire trop, probablement le meilleur air de toute la composition, qui doit être chanté avec toute la douceur et l'affection possibles, etc... pour zéro effet sur l'action de la pièce.
Par un personnage qui n'existe pas à l'origine.
A ce niveau, c'est presque un gag.

Mais merci, grâce à vous, les barytons ont un air magnifique à chanter. Pour le plus grand plaisir de mes oreilles.

(et cette fois, c'est Pavel Lisitsian que j'ai sélectionné, contemporain du précédent  et lui aussi peu connu à l'ouest, puisqu'il n'a pas quitté L'URSS pour la même raison que son compatriote. Magnifique diction au passage, même si je trouve le tempo un peu trop rapide)

Donc je trouvais que les deux situations se répondent pas mal:
Dans la première c'est Eugène-le-crétin qui loupe le coche, et doit s'avouer vaincu face au type sympa qui a saisi sa chance.
Dans la seconde, c'est Liza qui loupe le coche et plante là le type sympa pour le p'tit con.
Et dans les deux cas, c'est le baryton qui est envoyé sur les roses, et comme il n'y a pas des masses de chanteurs en mesure d'assurer ces rôles là, c'est donc souvent le même qui va se prendre les deux râteaux scénaristiques - Eugène et Yeletzky -  par le même compositeur, saison après saison. Oui, c'est vachard, mais ça me fait sourire.

Ou comment détourner une fois de plus la non-fête, pour parler de musique, tout en collant à la thématique de l'hiver russe et en parlant de chanteurs peu connus. Méga combo!

samedi 3 février 2018

Le manteau & le nez - Nikolaï Gogol

Mmm hiver russe.. et défi lecture de classiques ( et même relecture dans ce cas là).. oui, c'est facile, je fouille le net et les e books gratuits.

J'avais lu ces nouvelles de temps de la fac,si ma mémoire est bonne, donc ça fait plus de 15 ans. Et à part le côté absurde et la charge contre la bureaucratie je ne m'en souvenais pas vraiment.

Et c'est avec un vif plaisir que j'ai redécouvert ces histoires grotesques, qui utilisent un ressort fantastique pour mieux se moquer de la bureaucratie russe du XIX° siècle ( et d'expérience, je peux vous dire que la bureaucratie française du XXI° siècle n'est guère plus logique, j'ai l'impression d'être au quotidien employée dans un roman de Kafka ou donc , une nouvelle de Gogol).
Avec cerise sur le gâteau, un humour volontiers noir et grinçant qui est totalement mon truc.




Le manteau: Où l'on découvre Akaki Akakievitch ( approximativement Acacia fils d'Acacia, l'explication sur son nom peu courant nous est donnée, histoire de bien nous faire comprendre qu'Akaki est marqué par la malchance dès le jour de sa naissance ) fonctionnaire terne de Saint Petersbourg, donc le train-train quotidien va être bouleversé par un manteau neuf.
Le brave Akaki est un quinquagénaire routinier, ne vit que pour son travail pourtant fastidieux de copiste dans une administration. Il est régulièrement la cible des moqueries de ses collègues, en particulier parce qu'il traîne depuis des années au manteau ridiculement usé. Jusqu'au jour où, l'hiver approchant,il se rend enfin compte qu'il va falloir investir dans un manteau neuf. Pour lequel il économise sou après sou.
Et le manteau lui est volé le jour même de l'achat.

Akaki désespéré va donc passer au dessus de sa réserve et de sa timidité naturelles pour la première fois de sa vie, et essayer, lui le petit fonctionnaire, de mettre en branle l'administration pour faire enregistrer sa plainte et essayer de faire valoir ses droits. Mas ça n'est pas parce qu'on travaille pour l'administration qu'on y arrive plus facilement que le commun des mortels. Il y a toute une hiérarchie à faire bouger, chaque échelon étant seulement préoccupé ... d'en faire le moins possible.
Il mourra de froid avant que que ce soit ne se passe ( quand je vous parlais d'humour noir)..mais l'histoire n'est pas finie pour autant. Car son fantôme revient hanter les lieux du vol, pour dépouiller à son tour les passants de leurs manteaux.
j'ai adoré cette histoire, finalement bien triste, mais racontée avec une verve irrésistible qui charge à fond les rouages de l'administration et la paresse de ceux qu'on appelle maintenant les cadres. Akaki est un des rares personnages nommés, et le seul qualifié réellement d'"être humain". Bien qu'un peu ridicule il est le seul pour qui l'auteur a une certaine sympathie. Ceux qui ont un nom sont secondaires, et ceux qui sont caractérisés.. n'ont pas de nom ( le jeune employé" qui prend Akaki en sympathie se rendant compte que se moquer gratuitement de quelqu'un a pas de sens ne réapparaît pas et n'a pas de nom, le "haut fonctionnaire" lui a bon fond malgré son autoritarisme et ses colères  et dont "le seul défaut est de ne pas laisser paraitre ses qualités, par orgueil" n'a pas de nom non plus)

Totalement noir, totalement cynique, on est bien dans un registre voisin de celui de Kafka.

Le nez: alors là, on oublie l'humour noir pour aller vers l'absurde et l'incongru. mais toujours en se moquant de l'administration.
Tout commence lorsque, fin mars, un barbier trouve dans son pain ( pourtant fraîchement cuit le jour même par sa femme).. un nez. Et pas n'importe quel nez, le nez d'un de ses clients. Se demandant s'il ne 'aurait pas coupé par accident, et pour éviter les ennuis,, il décide de s'en débarrasser en le jetant à la rivière.
Le même jour, Platon Kovaliov, le client en question, se réveille a sa grande surprise sans son nez.
Oui le nez de l'assesseur de collège ( mais il se fait appeler "le major", c'est plus ronflant) semble avoir décidé de se faire la malle en s'affranchissant de son propriétaire.
Mais le problème principal de Kovaliov, homme assez vain et orgueilleux et dandy très attaché au paraître, c'est qu'on ne peut pas se présenter dignement en société sans son nez. Comment peut on décemment aller à la soirée mondaine de la comtesse X ou au salon de madame Y et courtiser les jolies femmes lorsqu'on a un défaut qui se voit autant que le nez ( ou l'absence de nez) au milieu de la figure.
Pendant ce temps là, le nez en question voyage, et fait sa vie, se faisant passer.. pour un haut fonctionnaire.
Et personne ne semble trouver le fait incongru ( pas le même type de fantastique selon les définitions de Tsvetan Todorov)*
Et Gogol lui même reconnaît l'absurdité de la chose en proclamant ne pas comprendre comment des auteurs peuvent avoir des idées pareilles et les publier.

J'ai légèrement préféré le Manteau, tout simplement parce que j'ai un goût pour ce qui est noir et grinçant, par rapport à ce qui est simplement absurde, mais les deux se lisent bien, rapidement et avec plaisir. Mais voilà,pour moi le Nez n'atteint pas le niveau de cynisme du manteau.
Le nez date de 1836, le manteau de 1843, donc il y a peut être une évolution de l'auteur vers plus de noirceur et de cynisme. A vérifier, mais je n'en ai pas fini avec Gogol ( j'avais bien aimé une version raccourcie - pour le festival off - du Revizor il y a quelques années, donc, je lirais la pièce en entier à l'occasion)


* en voulant vérifier sa nationalité, je viens de voir que Todorov est mort le 7 février  2017, et que je ne le savais absolument pas. Je vous conseille son essai " introduction à la littérature fantastique", l'ouvrage de base pour qui s'intéresse au fantastique et à l'imaginaire