Bienvenue amis curieux!

Pourquoi le Cabinet de curiosités?

Tout simplement parce qu'on y trouve un peu de tout, par ordre de pagaille. Cette idée de collection sans thème déterminé me plaît...

Vous trouverez donc ici un peu de tout, de ce qui fait ma vie, mes loisirs: musique, lecture, voyages, etc...
Bonne lecture

Qui passe par ici?

Flag Counter

mercredi 14 février 2018

chansons d'amour...et râteaux à la russe.

14 février.
Ceux qui me suivent régulièrement le savent, j'ai une dent contre la saint Baratin et son cortège de décos roses de mauvais goût, et le principe de "devoir" dire à son ou sa chérie, une fois par an, qu'il ou elle compte pour vous.
Donc j'aime bien fêter ça de manière paradoxale: en parlant de choses disons... moins meugnonnes.

Cette année ce sera un billet spécial "râteaux". Plantages, vents, bides, fins de non-recevoir, appelez-ça comme vous voulez.
Oui, ce moment douloureux qu'on a toutes et tous vécu au moins une fois dans notre vie.
Et c'est plus drôle quand ça arrive à un personnage fictif qu'à soi-même, on est bien d'accord.



Et comme c'est encore l'hiver russe, je vous propose donc une doublette de râteaux en russe et en musique.

Et non ce ne sont pas des chansons folkloriques, je ne vais donc pas vous parler de Katioucha qui attend sans fin son bien aimé parti à la guerre, ou envoyer les violons et les guitares de la musique tzigane pour célébrer les yeux noirs d'une ou d'un inconnu.

Pourtant, c'était loin d'être gagné puisque les deux ont été composées par Tchaïkovksy, compositeur qui a souvent le don de me gonfler ( pour les musiques de ballets, je précise, ses opéras et compositions symphoniques sont un peu plus à mon goût). Mais pour une fois, on évite miraculeusement de sombrer dans le tartignolle, au moins pour les deux airs qui vont suivre.

Donc deux extraits d'opéras qui ont en commun d'être inspirés d'oeuvres de Pouchkine:

Eugène Oneguine à ma gauche, La Dame de Pique à ma droite.

Parce que dans les deux cas, le chanteur arrive alors qu'on ne l'a (quasiment pas) encore vu, ou juste une fois, chante le meilleur air de toute la pièce, et en gros revient juste à la fin pour saluer et être acclamé comme il se doit.
Parce qu'il y a des similitudes entre les deux personnages qui sont un peu le miroir l'un de l'autre.
Et que dans les deux cas, à la fin, quelqu'un va se prendre un râteau magistral, directement ou indirectement.

Parce que vous savez maintenant à quel point j'aime, j'adule, je vénère les voix graves.
Messieurs, Я Вас люблю!
Et, ça tombe bien, c'est justement le titre d'un des deux airs. Oui, même pas peur, je VOUS aime (c'est, en russe comme en français, soit adressé quelqu'un qu'on vouvoie, soit un pluriel)
Et dans ma tête, c'est du pluriel, parce que j'assume, entre les basses et les barytons, mon coeur d'artichaut musical balance.

Donc air n°1, le râteau bien mérité ( ou le râteau-boomerang, comme vous voulez)

Extrait d'Eugène Oneguine. Air de Gremine

Je n'ai pas encore parlé en détail du texte d'origine, j'y reviendrais à l'occasion mais même si j'aime bien, je dois d'emblée dire que, j'ai beau retourner la chose, je trouve Eugène con comme un panier.
Si, si, je vous l'assure. A un moment, donc, il reçoit une lettre d'amour d'une femme nommée Tatiana ( qu'il a quand même bien embobinée avant, soyons clairs) et l'envoie bouler sur le thème " tu es trop bien pour moi"
Les gars, sachez que cette seule phrase prouve que, oui, vous êtes de gros crétins, et qu'en effet, nous sommes trop bien pour vous!
Mais avant d'en convenir, elle nous donne juste envie de vous mettre aussi un râteau. En pleine tronche et les dents en avant. Juste pour extérioriser la colère. C'est bon pour nos nerfs.


Donc plantage mémorable pour Tatiana, je compatis, mais au moins elle a tenté sa chance contrairement à la plupart de ses consoeurs littéraires qui attendent sagement qu'on les repère dans la foule.

Mais Eugène se dit, avec plusieurs années de décalage horaire, que peut-être finalement, il a fait une erreur et que, non, Tatiana n'était pas trop bien pour lui.
Sauf que lorsqu'il revient, Tatiana s'est mariée au comte Gremine, très bon parti qui l'adore (hé oui, mon p'tit Eugène, elle n'a pas attendu plusieurs années que tu changes d'avis après le vent d'anthologie que tu lui as mis)

Et donc Gremine en rajoute involontairement une bonne louche avec une chanson où il explique à quel point il aime sa femme, qu'elle est exceptionnelle, qu'il ne pourrait pas se passer d'elle etc... ( et donc, forcément, ce sera une basse, puisque le personnage est plus âgé que sa femme, et en plus militaire de carrière, deux catégories qui appellent une voix de basse)

Et je prends cette occasion pour évoquer des chanteurs plus anciens que précédemment. Voici donc Boris Shtokolov, basse des années 70, peu connu à l'Ouest (pour évidemment, de stupides politiques de rideau de fer, qui ont limité les tournées des chanteurs et musiciens côté occidental...). Nul besoin de vous dire à quel point mes oreilles sont conquises.


Et donc, après Eugène qui l'a bien cherché, la suite prouve que même le roi de coeur peut faire une mauvaise pioche - métaphore tout à fait voulue, on va parler de cartes.

Air n° 2 le râteau immérité ( alias " En amour comme aux cartes, si tu n'as pas un bon partenaire.. " je vous laisse compléter la suite, et oui, j'ai osé...)

Air de Yeletzky, la Dame de Pique. J'avais parlé de la nouvelle, sans vraiment donner de détails.

Donc, pour commencer nous avons Hermann. Soyons honnêtes, même Eugène paraît sympa à côté: Eugène était un boulet, Hermann est un hypocrite, manipulateur ET joueur invétéré. Oui. Tout ça à la fois. Ce qu'on appelle un sale type pour rester polie. En général, c'est d'autres mots plus fleuris que j'utilise pour ce genre de gens.

Un de ses camarades de beuveries et de jeux d'argent lui raconte que sa vieille grand-mère est richissime car elle a en fait passé sa vie à tricher aux cartes, qu'elle a une combine infaillible pour ça, mais qu'il n'a jamais réussi à la lui faire avouer.
Hermann décide donc d'aller forcer mamie à lui donner ladite combine.
Oui mais pour ça, il faut entrer chez elle, donc plan: séduire Liza, la dame de compagnie de la grand-mère, suffisamment pour qu'elle le laisse entrer chez elles, et essayer de menacer mère-grand pour la faire avouer (manipuler la jeune pour arnaquer la vieille, quel homme charmant n'est-il pas?)
Et voila pour la nouvelle. C'est à peu près tout, même si une histoire de fantôme s'y ajoutera à la fin.

Mais alors le fameux Yeletzky dans tout ça? Hé bien il n'existe pas chez Pouchkine.

C'est un ajout, spécialement pour la version scénique, qui d'ailleurs prend pas mal de libertés avec la nouvelle d'origine.
D'abord parce qu'une nouvelle à 4 personnages c'est court, qu'il fallait donc déployer, broder, ajouter des ballets et tout le toutim. Et la nouvelle manquait d'un contrepoint positif face à ce pourri d'Hermann.
Qui je l'avoue est quand même beaucoup adouci sur scène, cette fois c'est surtout un pauvre type qui cherche de l'argent pour pouvoir courtiser une jolie inconnue vue au parc.. qui n'est autre que Liza. Et Liza devient au passage la petit fille de la comtesse, ouf, l'honneur et la position sociale sont saufs.
Le compteur de clichés par contre est en train de s'affoler sur le coup de " je l'ai vue, elle me plaît, je suis amoureux, je n'ai pas échangé un mot avec elle, mais si elle se marie avec un autre, j'me fous à l'eau de dépit!"

Mais il reste toujours le paramètre: dévaliser la vieille pour courtiser la jeune. C'est.. euh.. un peu moins salaud? Enfin je crois? Mmmm, malgré tout à quel moment tu arrives à la conclusion que tenter de soutier de l'argent à la grand-mère d'une femme te ferai gagner des points avec elle?

Et c'est là qu'arrive Monsieur Yeletzky, en guise de fiancé officiel de Liza.
Mais, et c'est là que ça devient drôle: les deux Tchaïkovsky ( Piotr à la musique, son frère Modest au livret) ont trollé leur monde avec ce nouveau personnage, qui sert surtout à démontrer que Liza est vraiment naïve/ cruche/ peu douée pour faire les bons choix.

Il est noble, il est (très) riche, il est aimable, il est sincère, il est moderne - si si, même en prenant les critères du XXI°siècle - puis qu'il explique à Liza qu'il l'aime sincèrement, qu'il espère gagner réellement son affection, mais qu'avant tout il souhaiterait qu'elle l'estime comme un ami et comme quelqu'un à qui elle peut raconter ses soucis en toute confiance, qu'il n'est pas jaloux et qu'il veut qu'elle se sente libre de ses choix, qu'il les respectera, etc etc...

Arrêtez tout! On tient l'homme idéal, les filles...
A ce tarif là, on ne regarde même pas, il peut être chauve et borgne, ça se réfléchit.
Oui, même moi, pure et dure célibataire, je pourrais me laisser convaincre, c'est dire :D 

Mais non, Liza lui met un vent magistral, vu qu'elle n'a d'yeux que pour le manipulateur.

SPOILER que tout le monde voit venir de loin: c'est un mauvais choix.

Re-SPOILER: malheureux en amour, heureux au jeu. Le type bien sorti de nulle part va au moins gagner aux cartes face au p'tit con. Ca fait plaisir.

D'autant que les frangins Tchaïkovsky y mettent le paquet: déclaration d'amour splendide et sans en faire trop, probablement le meilleur air de toute la composition, qui doit être chanté avec toute la douceur et l'affection possibles, etc... pour zéro effet sur l'action de la pièce.
Par un personnage qui n'existe pas à l'origine.
A ce niveau, c'est presque un gag.

Mais merci, grâce à vous, les barytons ont un air magnifique à chanter. Pour le plus grand plaisir de mes oreilles.

(et cette fois, c'est Pavel Lisitsian que j'ai sélectionné, contemporain du précédent  et lui aussi peu connu à l'ouest, puisqu'il n'a pas quitté L'URSS pour la même raison que son compatriote. Magnifique diction au passage, même si je trouve le tempo un peu trop rapide)

Donc je trouvais que les deux situations se répondent pas mal:
Dans la première c'est Eugène-le-crétin qui loupe le coche, et doit s'avouer vaincu face au type sympa qui a saisi sa chance.
Dans la seconde, c'est Liza qui loupe le coche et plante là le type sympa pour le p'tit con.
Et dans les deux cas, c'est le baryton qui est envoyé sur les roses, et comme il n'y a pas des masses de chanteurs en mesure d'assurer ces rôles là, c'est donc souvent le même qui va se prendre les deux râteaux scénaristiques - Eugène et Yeletzky -  par le même compositeur, saison après saison. Oui, c'est vachard, mais ça me fait sourire.

Ou comment détourner une fois de plus la non-fête, pour parler de musique, tout en collant à la thématique de l'hiver russe et en parlant de chanteurs peu connus. Méga combo!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire