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samedi 16 mai 2015

Le goût du noir - Collectif

Un tout petit livre trouvé en passant dans les rayons de, aheum, "l'agitateur de curiosité" (oui c'est à peu près la seule librairie généraliste qui reste , pas trop loin de chez moi), le titre m'a plu, je l'ai pris un peu par hasard, je ne conaissais aps cette collection " le goût de.. "  déclinée sur à peu près tous les sujets possibles.
Le principe est simple: un sujet, une compilation de textes qui y font référence de près où de loin. J'aime bien cette idée, même si je n'ai pas trouvé les textes toujours très bien choisis.


Le noir. qu'est-ce? Une couleur.. ou une non-couleur selon le point de vue adopté, la nuit, le mystère, l'élégance, la tristesse le deuil.. enfin, dans la tradition Judéo Chrétienne, en Asie, le blanc sera plutôt associé à la mort. Mais c'est aussi, l'origine, le début ce qu'il y avait avant.. et la fin. autant dire qu'on peu y mettre à peu près tout ce qu'on veut.

Personnellement j'aime le noir. Je l'ai toujours aimé. Je travaille 5 jours par semaine en noir et blanc, et encore, ça m'ennuie particulièrement de devoir y ajouter ce blanc. Pour moi c'est une couleur, une couleur que je trouve reposante, absolument pas triste. Ca m'a toujours évoqué, la nuit, la tranquillité, et certainement pas le deuil que j'associe justement plutôt au blanc, qui est pour moi la couleur non de la pureté mais de la maladie, de l'hôpital, etc..

Ce petit ouvrage nous propose 6 axes de réflexions, regroupant chacun quelques textes littéraires présentés par une brève introduction:

- l'origine du noir: La genèse qui nous dit qu'avant toute chose, il y avait le noir! que la lumière fut, c'est bien, mais sans la nuit, il n'y aurait pas de jour, hé oui.. Hésiode raconte l'origine de Nyx, déesse de la nuit, avec en miroir un texte de Pascal Quignard sur Nyx, Nox dans la tradition latine. Pline explique comment les peintre de son époque produisait le pigment noir, Michel Pastoureau évoque l'histoire du noir et son appropriation par la vogue Romantique au XIX°S ( j'ai son ouvrage sur le Noir à lire, j'ai beaucoup apprécié celui sur le bleu que je n'ai pas encore présenté ici). Et étonnamment dans cette catégorie "Voyelles" de Rimbaud, parce que A noir, et que A est la première lettre de l'alphabet . Voilà, quand je disais que le choix de certains textes était pour le moins étrange. Mais les textes mythologiques ou sociologiques sont intéressants et à leur place.

Nyx vue par Bouguereau
- Noirs singuliers: on y trouve pèle-mêle le " dîner funèbre" donné par Des Esseintes dans à rebours de Huysmans, une évocation de l'obscurité ( pas vraiment du noir!) d'une maison de plaisir de Kyôto par Tanizaki ( éloge de l'ombre) un texte de Michel Tournier qui parle principalement du gris et de sa place dans le spectre des couleurs, et un texte de Roger Caillois - j'ai failli écrire Caillou, véridique, acte manqué - sur sa passion des pierres et l'onyx noir dans ses collections.

- Noirs des mystères: Cette fois ça y est, on y est.
Henri de Régnier évoque le costume noir d'un personnage sur une scène de Carnaval Vénitien peinte ( Esquisses Vénitiennes). Barbey D'Aurevilly dresse un portrait de criminelle, une brune aux yeux sombres, vêtue de noir, qui a autrefois empoisonné une autre femme avec de l'encre - ok, c'est pour le symbole, mais l'encre en elle même n'est pas toxique, en tout cas l'encre de seiche, il devait y avoir quelques petites choses en plus dans son encre- et, en visite au zoo, s'amuse à provoquer une panthère, qu'on deviene noire elle aussi ( Le bonheur dans le crime). Suit un extrait d'un "roman noir" de Raymond Chandler, un peu tiré par les cheveux, ou une pin up clame porter du noir "parce qu'elle est méchante": quand il faut faire des coupes sombres  marquées (...) dans le texte pour le faire cadrer avec le sujet, c'est qu'on aurait pu trouver plus approprié. Là il y en a beaucoup.
Plus logique: le chat noir d'Edgar Poe, et la Peau de chagrin  de Balzac ( dans la pénombre d'une boutique, ce morceau de cuir noir aux propriétés magiques semble aimanter le regard de Raphaël, le futur acquéreur de l'objet maudit.
L'étrange cas du Dr Jeckyll de Stevenson fait plutôt référence à la "noirceur " de l'âme humaine, qu'à la réelle couleur, donc il fait aussi partie de ce que je trouve un peu tirés par les cheveux.

- Nuitamment au creux du noir: cette fois, c'est le noir dans son cadre nocturne dont il est question via the City of dreadful night de James Thomson ( je ne connais pas du tout, je note ce titre qui me tente bien), l'aventure d'Eros qui a épousé Psyché mais ne lui rend visite que la nuit, afin qu'elle ne voit pas qui est son mari ( chez Apulé).  Evidemment, impossible de faire l'impasse sur une pièce aussi nocturne qu'Hamlet,

Hamlet Vu par Delacroix, il en sera question plus bas...
Les souvenirs des nuits de Combray de Proust me confirment que non, décidément non; cet auteur n'est vraiment pas pour moi,  comment dire...parfois à peine arrivée au milieu de la page, mes yeux se ferment si vite que je n'ai pas le temps de me dire  " je m'endors" ...
Victor Hugo dans William Shakespeare fait du noir une sorte d'étendard de l'esthétique de son époque qui conduit naturellement à la section suivante:

-Noirceurs chères aux poètes. alors là je me demande bien pourquoi ne pas y avoir intégré Oceano Nox, qui aurait été un enchainement parfait sur le thème de la nuit. Au lieu de ça on a le satyre extrait de la légende des siècles. Allez comprendre.
Erlkönig de Goethe traduit par Michel Tournier. La traduction n'est pas mauvaise et évide l'écueil de vouloir artificiellement reconstruire des rimes qui sonneront forcément faux, et c'est tout à son honneur, mais, j'ai toujours du mal avec la poésie traduite lorsqu'elle vient d'une langue, et même d'un texte que je connais - ici par coeur pour l'avoir travaillé en chant en tant que Lied de Schubert.
En voilà une autre avec le texte originel en regard.
(C'est toujours mieux avec le son:  Erlkönig mis en musique par Schubert, interprété par Dietrich Fischer Dieskau, grand spécialiste du Lied)

Même chose pour l'extrait du Paradis Perdu de Milton traduit par Chateaubriand, qui , pour le coup, ressemble vraiment trop à du Chateaubriand et pas à un texte plus ancien de 2 bons siècles. Par contre Nuit de décembre de Musset, El Desdichado de Nerval sont deux excellents choix. Pour Baudelaire, Sed non Satiata n'est pas ce que j'aurais chois en premier, j'aurais plutôt vu " Quand le ciel bas et lourd".
Le tout conclut sur un texte pour le moins hermétique de Mallarmé sur l'encre ( mais bon, Mallarmé est toujours plus ou moins hermétique, là il est presque déjà dans l'écriture automatique du siècle suivant)

- Noir en peinture: le chapitre le plus intéressant pour moi, avec celui sur la poésie et sur la mythologie. Des extraits d'interview de peintres ou de catalogues d'exposition. Paul Valéry parle d'un tableau de Manet représentant sa "Tante Berthe" (il était un neveu par alliance de Berthe Morisot elle même belle soeur du peintre Manet),

 un autre d'Yves Bonnefoy sur les estampes de Delacroix, par ailleurs formidable coloriste en peinture, mais qui s'est réservé le noir pour l'estampe, et sur les noirs de Goya , et particulièrement " el sueño de la razon"qui cause des cauchemars à un personnage de Jean Lorrain

Un catalogue d'exposition date l'apparition de l'art abstrait avec le Carré noir sur fond blanc de Malevitch.

Pierre Soulages explique sa démarche picturale, et ça c'est passionnant: parce que ses grand tableaux noirs sont quelque chose que j'ai du mal a apprécier, vu que l'art contemporain est rarement expliqué. Là, sans forcément tout aimer, je comprends et c'est déjà une bonne chose.

Pour Henri Michaux, le noir, c'est l'origine, le fondamental, Kandinsky semble ne pas l'aimer du tout et.. voit tout en noir si j'ose dire, il ne s'en sert que pour sa capacité à mettre les certaines couleurs en valeur et d'autres en retrait.
de faux caractères chinois par Michaux

Un petit livre inégal, mais un principe sympathique, que j'ai quand même plutôt apprécié. A lire évidemment avec sous la main:

 ( il existe d'ailleurs un opus " goût du café" et un " goût du chocolat". Je lirais quand à moi probablement le "goût de Kyoto", s'il croise ma route) Dommage il manque quand même un mot sur les vases grecs à figures noires

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