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dimanche 16 octobre 2022

Le jeune homme et la mort, le cas de Schubert

Voilà encore un sujet un peu à part, pas en lien direct avec Halloween, mais... après tout pourquoi pas, vu que je vais y parler de maladie et de mort, et qu'il fait suite au dernier cimetière en date. Rendons visite un peu plus personnellement à l'un des locataires les plus illustres.

Lors de mes vacances donc, en plus des cimetières, je suis allée visiter presque tout ce que je trouvais comme hauts lieux de la musique, musées, lieux de vie et, parfois, de mort de compositeurs célèbres, salles de spectacle... Donc, reparlons de Schubert, de sa triste et très courte vie, et de la raison de sa mort, encore sujette à débat.

J'aime beaucoup ce compositeur, j'ai pour lui une affection particulière en tant que chanteuse amatrice, ses lieders sont de petits chef-d'oeuvres, ses symphonies sont magnifiques.. bref, pour moi, c'est un grand compositeur, parmi mes favoris personnels. Mais si je parcours habituellement les biographies des gens pour les cadrer dans leur époque, en général, je ne sais pas grand chose de leurs vies privées, les potins mondains, très peu pour moi.

Donc séquence potins: apprenez donc, via l'office de tourisme autrichien, que le grand homme mesurait 1m57, était plutôt dodu, avec des lunettes, et complexé par son apparence banale. Et, pire, surnommé " petit champignon" pour cette raison, ou "petite éponge" pour sa tendance à "absorber" l'humeur des gens alentours. Or, se moquer du physique ou de l'empathie de quelqu'un, même "amicalement" me paraît très cruel, et pas du tout conseillé quand l'individu est mal à l'aise en société. Je fais 1m58, je suis ronde avec des lunettes, et je suis susceptible. Donc forcément, ça me parle personnellement et je ne peux qu'être du côté de celui qui est victime de railleries. Force est de constater que 200 ans plus tard, on se souvient du grand talent du "petit" gars, qui a utilisé sa sensibilité comme matière créative, et pas de sa taille ou de son poids. Et que les moqueurs sont tombés dans les limbes de l'oubli. Karma!

 statue dans un grand parc de Vienne
Peu importe ta taille d'origine, une fois assis sur un piedestal

Donc, en visitant l'appartement où il est mort, quelque chose m'a frappée: le décalage entre la célébrité du monsieur, et l'endroit où il est mort. Un appartement minuscule de deux pièces où il a habité les deux derniers mois de sa vie, chez son frère, à 5 personnes. 5, dont un malade, qu'on pensait atteint du typhus ou de la fièvre typhoïde, et potentiellement contagieux, dans un petit appartement.
Je ne m'étais pas imaginé une telle misère, même en sachant qu'à cette époque, peu d'artistes pouvaient vivre de leur art. Mais c'est représentatif d'une époque, dans une ville déjà surpeuplée: l'exiguité des logements, et l'impossibilité d'isoler un malade dans un coin tranquille, pour limiter les contagions, mais aussi pour son propre repos.


L'immeuble a une jolie petite cour et a conservé des lavabos communs sur le pallier. Je ne sais pas s'ils y étaient déjà en 1828 ou ont été installés par la suite. Mais il y a une pompe dans la cour, c'est déjà un peu de confort, il suffisait de descendre deux étages pour avoir de l'eau.

Il y a peu de choses dans cet appartement, mais il suinte la tristesse. On y apprend que le compositeur et son frère y avaient emménagé deux mois avant sa mort, que l'appartement venait d'être rénové et était encore humide. Ce qui est loin d'être bon pour quelqu'un qui était déjà de santé très fragile, atteint d'une maladie vénérienne qui l'affaiblissait déjà, et d'autant plus souffrant encore de par les traitements hallucinants de l'époque, au mercure. On faisait littéralement boire des solutions de mercure à des patients. Actuellement ça serait une tentative de meurtre. Beaucoup de malades sont en fait morts moins de leur maladie, qui peut mettre en fait des décennies à évoluer, que du traitement qui les a balayés en quelques mois.
Un joli bureau pliant

Et un piano, qui donne l'échelle de taille des pièces.
En fait il y a peu de choses d'origine, ce sont des objets de même époque pour reconstituer un intérieur crédible. ( enfin, sauf le ventilateur et le chauffage, hein)
Quand quelqu'un mourrait, dès le lendemain, les huissiers venaient estimer les biens qui étaient vendus très rapidement, ici pour couvrir les frais d'empoisonnement, mieux connus comme " frais médicaux"


Et donc un malade qui a conscience de son état, et, quelques jours avant sa mort, écrit à un ami qu'il n'a rien pu manger depuis 11 jours, et presque rien bu, ne peut plus aller que du lit à la fenêtre et inversement, mais lui demande instamment de lui faire envoyer un livre de Fenimore Cooper, auteur qu'il aime bien, mais pas tel ou tel titre qu'il a déjà lu.
J'ai trouvé ça incroyablement touchant: quelqu'un à l'agonie, mais qui garde l'espoir de pouvoir encore lire un livre, malgré son affaiblissement. Et, évidemment, sa mort a été précipitée par les médecins, car, en plus du mercure en boisson et en pommade, quel est le traitement proposé contre tout? La saignée. Oui. On voudrait accélérer le trépas de quelqu'un qu'on ne s'y prendrait pas mieux. 2 ou 3 jours après, couic. Exit Franz. J'ai donc pris conscience que, si je connaissais sa musique, je savais en réalité très peu de choses sur celui qui l'avait composée. Et après quelques recherches, sa vie a été particulièrement déprimante.

Beaucoup de moments en sont obscurs, tant l'homme était discret, introverti, mal à l'aise en public.. peut-être d'une timidité maladive. Et pourtant sociable, organisant des concerts entre proches dans les cafés viennois, et connu pour avoir entretenu au long de sa courte vie des amitiés très solides...

Ceci dit allons y pour les tuiles de l'ami Franz.
- Déjà, il est né dans une famille où la mortalité infantile était très élevée, donc, on commence assez mal dans la vie quand on est entouré par la mort. Sa mère est aussi morte quand il était en bas âge.
- Pour quelqu'un de très attaché à sa vie tranquille, il a été envoyé en pension à 9 ans dans sa propre ville, avec impossibilité de rentrer chez lui... autant dire que la sensation d'être abandonné a dû être forte.
- Il a comme beaucoup été contraint par les conventions sociales et la volonté de son père a opter pour un métier qui lui déplaisait tout à fait: tu seras institueur comme ton père. Un instit très peu doué, qui rend son tablier dès que possible. Et opte pour une vie étrange, passée à squatter chez des gens, à vivre de manière plutôt spartiate afin de se consacrer à la composition, jusqu'à ce que les problèmes de santé arrivent et la dépression. Et paradoxalement, une frénésie de travail.

Tout celà doit être reconsitué par petites touches, parce que peu de sources écrites ont été conservées, une poignée de lettres et quelques témoignages de proches. Et une oeuvre ultraprolifique, qui en dit peut être plus sur l'auteur que tous les écrits, puisque c'était son mode d'expression de prédilection. Mais il en ressort des paradoxes: une vie très compliquée, un caractère jovial cachant une profonde tristesse, une passion dévorante pour la musique et la composition, et un gros complexe d'infériorité.

Son voisin de carré au cimetière est Beethoven. Les deux compositeurs étaient contemporains et Schubert était fan, absolument fan de Beethoven, lui vouant une admiration sans bornes et se minorait face à ce mentor qu'il n'a jamais rencontré. Tout juste a-t-il fait partie de la procession funéraire, à peine un an et demi avant sa propre mort, et demandé par testament à être enterré à proximité de son idole.
Mais voilà, presque toute sa vie, il s'est comparé à sa propre défaveur, à ce géant. C'est incroyable de penser qu'un compositeur aussi marquant, aussi célébré actuellement ait pu avoir un tel complexe d'infériorité. Et pourtant...

Schubert est mort à 31 ans. Voilà encore une chose à laquelle je n'avais pas pensé. Enfant prodige, comme Mozart et Haydn avant lui, et Strauss après. Première oeuvre achevée: fantaisie en sol majeur pour piano à 4 mains, en 1810. Il né en 1797, et avait donc 13 ans. Sur les 18 ans qu'il lui restait à vivre, on compte plus de 1000 compositions achevées et un bon nombre d'inachevées ou de partitions perdues. Si même une seule de ces partitions perdues était retrouvée, ce serait un événement musical.

Il faut dire, à ma décharge, que les éditions sont en général trompeuses, accompagnées d'un portrait de l'artiste adulte: comme ici, la miniature intégrée à la vidéo de son quatuor à cordes n°3. Si on ne prête pas attention aux dates, que l'on n'a pas en mémoire celles de naissance et de mort du compositeur, on passe à côté d'un point important: le portrait induit en erreur, on suppose par défaut qu'il s'agit de l'oeuvre d'un adulte.

 Or, non: quatuor écrit entre 1812 et 1813, c'est l'oeuvre d'un ado de 16 ans, peu sûr de lui dans tous les domaines, y compris en musique. Vous pouvez recalculer, c'est bien ça. Il n'avait alors clairement pas cette tête-là.

Je ne sais pas ce que vous faisiez à 16 ans, ou si vous étiez sûr de vous, mais voilà le Schubert qui l'a composée. Déjà doté de ses célèbres lunettes, mais le décalage entre la réalité et la manière dont on la montre est frappant. Ce n'est pas l'adulte un peu rondouillet présenté juste au dessus, mais un tout jeune homme à l'air perdu dans ses pensées, louchant légèrement derrière ses lunettes. Finalement, il ressemble beaucoup à un geek contemporain.
Franz Schubert en 1814.
Je tiens à souligner, à l'usage des moqueurs, que les lunettes ne sont pas un problème, mais au contraire, une solution. Parole de bigleuse.

Gardez cette image en tête pour ce qui va suivre.

Voilà, c'est donc ce geek de 16 ans qui a composé sa première symphonie en 1813, et en 1814 - donc tout à fait l'année du portrait - le Lied " Gretchen am Spinnrade" ( Gretchen au rouet). Une pépite de composition, où le piano imite le son du rouet de la fileuse, en train de raconter à quel point elle fantasme sur un homme (Faust en l'occurence) qui lui inspire des pensées que la morale de l'époque réprouve (texte de Goethe où elle décrit le monsieur en détail et dit à quel point elle aimerait le toucher, l'enlacer et l'embrasser à n'en plus finir). Je suppose que si Schubert a décidé de le mettre en musique, comme tant d'autres poèmes, c'est que le texte lui inspirait quelque chose, et c'est donc plutôt parc ces choix qu'on peut arriver à approcher la manière de penser du compositeur. Ce n'étaient pas des pièces de commande, mais des mises en musique personnelles de textes qu'il choisissait. J'adore ce morceau et en particulier le chanter et le jouer, c'est une mini pièce de théâtre où une femme dit des choses particulièrement osées pour l'époque, et parle ouvertement de désir au sens le plus physique du terme.
ici, le texte en allemand, si vous le lisez (sinon un passage sur deepl arrangera le problème), elle y parle clairement de rouler des galoches à un homme, sans jamais se lasser. C'est dit plus poétiquement, mais c'est exactement l'idée.

Ca parait anodin, mais pour moi, ça apporte un autre éclairage: un chant d'obsession amoureuse d'une jeune femme de 16 ans, mis en musique par un jeune homme de 16 ans. Et je vais garder ça en tête à chaque fois que je vais le retravailler, essayer de me remettre dans la peau d'une ado ou d'un ado timide  qui est raide dingue de quelqu'un sans oser l'aborder (facile: autant dire, moi à 16 ans)

Petit calcul, entre 1814 et 1815, ce bourreau de travail a composé presque 240 oeuvres, beaucoup de mises en musique de poèmes de Goethe et Schiller, mais aussi des trios, des quatuors à cordes, des oeuvres religieuses, des symphonies. et une de ses oeuvres les plus célèbres, Der Erlkönig, histoire de hantise où un enfant malade voit le roi des aulnes, une sorte de démon le harceler pour l'emporter
Là encore, chanté à pleine voix par l'un des plus grand chanteurs de Lieder ayant jamais existé, mais tout à fait adulte, on occulte le fait que l'auteur avait 17-18 ans. Et c'est aussi une mini pièce de théâtre, à 4 personnages ( le narrateur, l'enfant, le père, le roi des aulnes, qui le chanteur inteprête à la perfection, son roi est terrifiant à force d'être doucereux...) et un cheval - l'ostinato au piano imite le bruit des sabots. C'est génialement pensé une fois de plus.

Donc oui, 1815, l'auteur à 18 ans, donc à peine plus que sur le tableau, pareil pour Der König inThule, c'est encore et toujours le même jeunot à lunettes qui l'a composé.
19 ans? Symphonie tragique.
20 ans? La jeune fille et la mort

21 ans? Lebenlust ( joie de vivre). Wow, un titre positif! Et pour une fois pour la vidéo, quelqu'un a choisi un autre portrait d'âge approprié.

voilà, le même quelques années après, sans lunettes et encore en bonne santé.. pour peu de temps.
Ce jeune gars n'en a plus que pour 10 ans à vivre, 10 années particulièrement éprouvantes, qui lui feront dire que chaque soir il va se coucher avec l'espoir de ne pas se réveiller le lendemain, et avec le désespoir au matin d'être encore là. Oui, ça s'appelle de la dépression.

Ha et c'est aussi à 21 ans qu'il a écrit son oeuvre la plus célèbre, version quintette à cordes avec piano: La Truite.

Hop un bon en avant, 1822 ( donc l'auteur a 25 ans et sa santé s'est déjà sérieusement dégradée): La symphonie inachevée. Inachevée, mais un summum musical. Vous l'avez forcément entendue, elle a été utilisée très souvent dans de nombreux films. Inachevée peut être justement à cause de ses problèmes de santé ou de déprime. Toujours est-il que si elle avait été terminée, ce serait une symphonie parmi les autres. Certains ont tenté de l'achever et pour moi, c'est une mauvaise idée.

Quelle que soit la raison pour laquelle il "manque" 2 mouvements (peut être bêtement pécuniaire: une oeuvre de commande plus lucrative à composer qui passe avant l'oeuvre personnelle, ou un manque d'inspiration pour continuer, ou XYZ raisons), c'est ce qui fait la particularité de l'oeuvre. Tout rajout s'entendra. Encore plus lorsque la tentative de compléter est faite par une IA, clairement pour démontrer les capacités du logiciel, posant ici cette très intéressante question philosophique  "L'art sans créateur peut-il encore être considéré comme de l'art ?".
Pour moi la réponse est clairement non: une IA est une base de donnée qui a une " compétence technique", mais, du moins à ce jour, ni conscience, ni sentiment, ni intention...bref, il lui manque justement l'intelligence au sens large. Tout ce qui, très précisement, était contenu dans les 2 premiers mouvements. Appliquer une recette technique est une chose, mais sans la volonté de création, sans l'émotion positive ou négative de l'auteur, sans l'intention consciente de susciter une réaction chez l'auditeur, ça n'est qu'une coquille vide.
Surtout pour le mouvement Romantique - au sens le plus artistique- qui place le ressenti personnel au dessus de tout. Sans âme ( ou esprit, ou inspiration pour éviter un terme trop connoté religieusement en français, mais les instruments à cordes aussi ont une âme après tout), on ne peut pas parler de création.
De plus l'oeuvre a depuis pris une dimension presque métaphysique. Bien qu'elle ait été composée 6 ans avant la mort de Schubert, elle a depuis acquis un sens allégorique ou, disons, prémonitoire. Une symphonie a en général 3 ou 4 mouvements. Une vie a en général 4 étapes: enfance, jeunesse, maturité, vieillesse. La symphonie n'a que 2 mouvements, le compositeur est mort à 31 et reste donc éternellement jeune. En ce cas, vouloir y toucher maintenant relève presque du sacrilège artistique et philosophique.


Par contre, on peut garder le portrait habituel pour son trio pour piano et cordes n°2 (1828) Beethoven est mort un an plus tôt et les choses tournent mal pour Schubert aussi. A-t-on jamais rendu de manière plus poignante la tristesse et l'angoisse? Et pourtant ça n'est pas fini, dans l'urgence de s'exprimer au maximum, il va composer comme un malade, c'est le cas de le dire, pendant cette dernière année.


Ci-dessous, le lien d'une très intéressante émission de 45 minutes, entretien avec Jean-Louis Michaux, médecin et pathologiste, mélomane, qui s'est fait une spécialité d'analyser l'histoire de la musique au travers des déboires de santé des compositeurs. C'est un angle d'approche fort original, et où j'ai donc appris pas mal des choses que j'ai écrit en début au sujet de l'auteur.
Mais je n'ai pas dévoilé ici la conclusion à laquelle arrive l'auteur sur la mort de Schubert, qui de son point de vue médical, n'est probablement pas liée à la fièvre typhoïde ou à la syphilis. Il faudra aller écouter l'émission pour avoir son opinion: L'énigme Schubert, une mort aux causes incertaines.
Et pour un autre point de vue, un article qui met en parallèle Beethoven et Schubert, chacun révolutionnaire dans son style ( mais ici l'auteur voit plus le compositeur en client des péripatéticiennes de Vienne qu'ayant une orientation considérée comme "illégale" à l'époque, comme le suppose Michaux). Chacun l'interprète à sa façon devant l'absence de preuves, et c'est ce que Michaux a l'intelligence de souligner: lui le perçoit comme ça et en fait part, en souligant que ses arguments sont un faisceau de suppositions mais nullement des preuves. 

Pas de réponse à cette question, dans le fond, peu importe avec qui il a chopé la maladie, seule la musique importe. Et la souffrance autant physique que morale qui en est la toile de fond.
Les poèmes qu'il a choisi de mettre en musique étant soit macabres ou mystérieux dans la veine la plus Romantique (la majuscule est importante), soit des aspirations à un bonheur sans cesse fuyant et idéalisé, l'envie d'un ailleurs supposé meilleur, le voyage  (toujours Romantique avec la majuscule) qui reflètent les motivations intérieures d'un grand lecteur, qui voyage en pensée plus qu'en réalité, et cherche une échappatoire à une vie insatisfaisante.

Je ne suis cependant pas d'accord avec le second article dont l'auteur estime que, s'il avait vécu plus longtemps, il serait tombé dans l'oubli. Précisément, parce que ça se contredit avec ce qu'il souligne par ailleurs: la fragilité, la sincérité, la manière de parler directement à l'auditeur... ça c'est intemporel. Le "petit binoclard" a son propre charme musical, différent de celui de son contemporain, et c'est justement ce qui fait leur intérêt à tous deux. Eût-il choisi de copier Beethoven, on l'aurait oublié. Il a suivi sa propre voie (ou voix), on s'en souvient. Au panthéon musical, il y a de la place pour tout le monde.

Ironie du sort pour celui qui écrivait à Salieri "je me demande s'il sortira quelque chose de moi, peut-on même encore écrire quelque chose après Beethoven?".
Alors que Beethoven peu avant sa mort écrivait de son côté: “Wahrlich, in dem Schubert wohnt ein göttlicher Funke!…dieser wird noch viel Aufsehen in der Welt machen.”  Soit: "En vérité, une étincelle divine habite ce Schubert !...celui-ci fera encore beaucoup parler de lui dans le monde.".
Chacun admirait l'autre et aucun des deux ne l'a jamais su. C'est peut être ça le plus tragique. Si on y réfléchit, le jugement prémonitoire de Beethoven est encore plus stupéfiant dans la mesure où il n'a jamais entendu une note de son confrère, mais a simplement lu ses partitions. Beethoven avait cette capacité unique d'entendre par la pensée et de pouvoir juger de l'effet seulement par la lecture. Et, marque des gens réellement talentueux, de savoir apprécier les oeuvres des autres et d'en dire du bien, sans pointe de jalousie.

Ironie du sort ( bis), la musique de Schubert a été utilisée dans le cadre d'une étude médicale de réduction de la douleur par l'écoute de musique en soins palliatifs, surnommée "le pansement Schubert". Je ne sais pas quel aura été le résultat de l'étude, j'hésite entre me dire que le malchanceux Franz est encore associé à la maladie longtemps après sa mort; que si sa musique se révèle bénéfique en soin palliatif, il aura d'ailleurs été le premier à l'expérimenter. Mais aussi que, quelque part, le symbole est beau, si la musique de quelqu'un qui a souffert permet d'apaiser d'autres malades.

1 commentaire:

  1. ET bin tout un sacre article sur ce phenomene...oui et bien triste cette visite...
    En tout cas merci pour ce long reportage...vraiment interessant

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