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Tout simplement parce qu'on y trouve un peu de tout, par ordre de pagaille. Cette idée de collection sans thème déterminé me plaît...

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jeudi 13 octobre 2022

Le temps qui passe

Parce que j'en parlais hier au sujet de Billy Brouillard, et que mon admiration sans faille pour Charles Baudelaire est maintenant connu des visiteurs ici..

Hop, comme ça pour le plaisir, quelques textes de Charles, qui correspondent bien au temps qu'il faisait lors de ma visite du cimetière cental, tiens... Le temps qu'il fait, le temps qui passe...

L'horloge

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : " Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible,

Le plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,
Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! "

 

Il y a une vingtaine d'année ce texte avait été mis en image de manière brillante sur la page " perte de temps", mais l'animation était en flash, et flash, n'existant plus, la page existe encore mais n'est plus accessible, nous narguant d'un ironique " pour visualiser la page, mettez flash à jour".
Il faudra donc se contenter de ma mise en musique par Mylène Farmer, que je trouve assez réussie malgré un synthé très daté.
Le texte me plaît en ce qu'il imite la rythmique du tic-tac en destructurant les alexandrins d'un vers à l'autre. Les rimes embrassées donnent un effet de balancier, les  24 vers de 12 syllabes rendent les 24 heures du jour divisés en quarts d'heures, les allitération en t  rendent le tic tac.. c'est brillant.

Même thématique quoique moins connu du grand public, moins réussi de mon point de vue (8 quatrains d'octosyllabes, le chiffre 4 est mis en avant, et.. crest moins efficace de mon point de vue comme construction. Je suis moins fan des rimes plates, il faut dire)

L'examen de minuit

La pendule, sonnant minuit,
Ironiquement nous engage
A nous rappeler quel usage
Nous fîmes du jour qui s'enfuit :
- Aujourd'hui, date fatidique,
Vendredi, treize, nous avons,
Malgré tout ce que nous savons,
Mené le train d'un hérétique ;

Nous avons blasphémé Jésus,
Des Dieux le plus incontestable !
Comme un parasite à la table
De quelque monstrueux Crésus,
Nous avons, pour plaire à la brute,
Digne vassale des Démons,
Insulté ce que nous aimons
Et flatté ce qui nous rebute ;

Contristé, servile bourreau
Le faible qu'à tort on méprise ;
Salué l'énorme Bêtise,
La Bêtise au front de taureau ;
Baisé la stupide Matière
Avec grande dévotion,
Et de la putréfaction
Béni la blafarde lumière ;

Enfin, nous avons, pour noyer
Le vertige dans le délire,
Nous, prêtre orgueilleux de la Lyre,
Dont la gloire est de déployer
L'ivresse des choses funèbres,
Bu sans soif et mangé sans faim !...
- Vite soufflons la lampe, afin
De nous cacher dans les ténèbres !

L'ennemi, dans le texte du même titre, c'est le temps , qui passe, qu'on perd.. tout autant que le spleen et l'ennui.
(Rimes croisées cette fois, vous les aurez toutes eues)

L'ennemi

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?

- Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !

Allez, encore un que j'adore ( la construction du texte va de plsu en plus vers l'étroitesse, du ciel, vers la toile d'araignée au fond du cerveau).. Le temps et l'ennui entraîenent l'angoisse, et personne, à mon sens ne sait la rendre aussi bien que lui

Spleen : Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

Hum, allez, cette fois ce n'est pas Charles mais il y a une logique ( voir la dédicace des fleurs du mal)

L’HORLOGE

      Vulnerant omnes, ultima necat.
La voiture fit halte à l’église d’Urrugne,
Nom rauque, dont le son à la rime répugne,
Mais qui n’en est pas moins un village charmant
Sur un sol montueux perché bizarrement :
C’est un bâtiment pauvre, en grosses pierres grises,
Sans archanges sculptés, sans nervures ni frises,
Qui n’a pour ornement que le fer de sa croix,
Une horloge rustique et son cadran de bois,
Dont les chiffres romains, épongés par la pluie,
Ont coulé sur le fond que nul pinceau n’essuie.
Mais sur l’humble cadran regardé par hasard,
Comme les mots de flamme au mur de Balthazar,
Comme l’inscription de la porte maudite,
En caractères noirs une phrase est écrite ;
Quatre mots solennels, quatre mots de latin
Où tout homme en passant peut lire son destin
« Chaque heure fait sa plaie, et la dernière achève. » — (Théophile Gautier, L’Horloge)

oui, elle a été repeinte

1 commentaire:

  1. Oh oui tout un maestro ce Baudelaire...j'adore...et la mise en musique de Farmer, je l'aime vraiment bien....un poeme que j'ai retenu longtemps grace a elle...lol....en tout cas bon post de poesie....;)

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