Alors première chose, ce livre est sous-titré "conte avec mort inopinée de l'auteur", or l'auteur est vivant, je le connais, il habite non loin de chez moi. Nous avons fait connaissance par hasard et c'est comme ça que j'ai eu l'occasion de le lire.
Et c'est vraiment un ouvrage difficile a résumer. L'écriture est très agréable et souvent humoristique voire sarcastique ( les notules de bas de page sont savoureuses).
Mais difficile à résumer.
Tout commence par un avant propos, où on apprend que M. Gilles, auteur, est né la veille. Qu'il est visiblement patient en psychiatrie, il a plus de 80 ans, et semble amnésique, suite à un traumatisme vésu 50 ans plus tôt, mais vraisemblablement lié à une guerre.
Suivent trois chapitres très ubuesques, chez M. et Mme Ptôme, écrivains et auteurs d'absolument toute la littérature existante: la bible, c'est eux, l'Odyssée , c'est eux, le Capital c'est eux, Ubu roi, c'est eux. Ils ont partout chez eux des caisses pleines de manuscrits où il est souvent questions de choses comme " Alfred Jarry est l' auteur imaginaire de la pièce imaginaire " Ubu roi" personnage central du roman d'Onuphre Ptôme." Vous voyez l'idée.
M et Mme Ptôme ont deux enfants, Andromède, qui fête ses 9 ans dans ces premiers chapitres, et son petit frère Sirius. Les deux sont passablement étranges et ont un goût pour le macabre. Andromède a déjà une collection de poupées, et veut un nouveau poupon, mais un original.
Le cadeau sera donc un poupon chimique à fabriquer soi-même, à partir de poudre colorées empoisonnées, à faire cuire un certain temps et dans un certains ordre. Puis Andromède doit en manger un cuillère pour avoir la connaissance du nom de l'homme chimique qu'elle s'apprête à fabriquer. Ca semble quand même dangereux, elle ne le fait pas, donne à son futur poupon en kit ( dont elle trouve les morceaux éparpillés dans la maison) un nom au hasard " Vivien" ( il vit, il vient). ce n'est donc évidemment pas son " vrai" nom, et la suite sera donc la quête que va faire Vivien, pour trouver sa vraie identité, quête qui l'amènera à rencontrer des gens étranges: un pacifiste, recherché pour trahison ( dans un monde où la guerre fait rage que ce soit chez les humains, les fourmis et toute autre espèce vivante de toute taille), un homme-monstre doté d'une main normale et d'une aile de chauve-souris, d'une dictatrice dans un pays non nommé qui fait perpétuellement la guerre au dictateur du pays d'en-face, chacun accusant "les autres" d'être les vrais monstres qui l'ont commencée. Sur cette toile de fond, les monstres " réels", c'est a dire l'homme chimique, l'homme chauve-souris, le pacifiste, et une femme imaginaire qui se demande comment devenir pleinement réelle, partent en quête de leur part d'humanité.
Oui, c'est délirant, et souvent poétiquement drôle, avec des réflexions sur la paix, la guerre, l'évolution ( c'est quoi, être un humain, où se trouve la frontière entre humanité et monstruosité?) mais aussi et surtout sur la créativité. Que feriez-vous, vous l'auteur, si vous inventiez un personnage, et qu'il vienne plus ou moins vous demander des comptes sur sa personnalité et les aventures que vous lui faites vivre?
Dans le fond, une des idées principales, c'est le lien entre l'auteur, le monde et les personnages qu'il crée. L'autre aussi, c'est le libre- arbitre, la conscience, le courage et la lâcheté en temps de guerre. Qui peut être sûr dans ce cas de ce qu'il ferait réellement, mis devant le choix: survivre au prix d'une action qui vous révolte, ou refuser d'agir et mourir? Ce qui fait penser à l'expérience de Milgram vis à vis de la pression de l'autorité, laquelle n'intégrait même pas le paramètre de la propre survie du cobaye.
On est aussi, en filigrane dans le conte délirant, dans une réflexion assez philosophique sur l'existence, la réalité, les liens humains, la sensation de l'exil, et ça n'est pas du tout pour me déplaire. Donc une jolie découverte, avec le bonus que le dernier chapitre se passe à Avignon et dans des lieux bien concrets. Et des petits détails qui me rendent le récit presque personnel (la tour de 15 étages, je la vois de ma fenêtre en fait, les arbouses poussent dans la haie qui entoure le pâté de maison. C'est marrant de voir comment l'auteur transforme certain détails très concrets de sa vie quotidienne pour les utiliser dans son récit)
Alors, c'est bien sûr l'occasion de parler d'un auteur peu connu, édité chez un éditeur dont je n'avais jamais entendu parler ( une maison d'édition franco italienne nomme " art-digiland")
Et hop, il me permet de valider le Vaucluse dans le challenge des départements, en prime!
Fiche de l'ouvrage.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire