Pays basque espagnol, en 1609. Dans un petit village de pêcheurs, plusieurs femmes qui n'ont rien de particulier sont brutalement arrêtées par l'Inquisition. En prison, elles se demandent ce qui leur a valu ce traitement. elles sont pauvres, l'une d'elle a volé une chèvre, elles supposent donc qu'elles sont accusées de vol et recel.
Mais non, elles sont accusées de sorcellerie. Quelqu'un les a vues aller faire une petite fête improvisée à la clairière et les a dénoncées. Interrogées l'une après l'autre, elles se soupçonnent mutuellement, là où elles devraient se serrer les coudes.
Outre le fait d'être des femmes, d'être joyeuses, d'aimer la vie, leur autre tort est d'être basques. Car c'est aussi le mépris des gouvernements espagnol ET français ( on est à l'époque d'Henri IV, Navarre, tout ça!) vis à vis des régions éloignées qu'ils ont du mal à contrôler qui est dénoncé. Lorsque l'une d'elles, pendant son interrogatoire, s'adresse au curé de son village en basque, celui-ci lui répond en espagnol " ici, on parle chrétien", pour se mettre les espagnols dans la poche. Le basque est considéré comme un langue " démoniaque , faite pour parler aux bêtes" Les accusées doivent répondre à des questions posées littéralement par des étrangers, dans une langue qu'elles ne maîtrisent pas toutes bien, le juge considère que les silences, les hésitations, les imprécisions sont des preuves de mensonge, car c'est ce qu'il a décidé... ou que sa hiérarchie a décidé. erroriser la population locale par des accusations aléatoires est aussi un moyen de garder, ou d'essayer de garder la population sous contrôle, en lui rappelant qu'au moindre soupçon, la punition peut tomber, sans discernement.
Tout est jugé en fonction du résultat que veut atteindre l'autorité: qu'elles ricanent devant la stupidité de la manipulation qui est tentée, et le greffier noter " rire pervers", qu'elles se tiennent assises comme des paysannes qu'elles sont, le greffier inscrit " position obscène des jambes", Qu'elles chantent une vieille chanson sentimentale en basque, et de suite, ça devient une invocation au diable. Qu'elles aillent danser entre filles dans la forêt pendant que les hommes sont partis pêcher en mer, et l'accusation de sabbat tombe. Sabbat dont elles ne savent pas du tout ce que c'est, puisque même le curé local pense qu'il s'agit du rituel juif du même nom et que donc, on les suppose juives. Et lorsqu'il demande lui aussi une précision sur " pouvez vous me dire au juste ce qu'est un sabbat de sorcières?", la réponse qui lui est donnée est simple: " non, car personne n'en a jamais vu".
Evidemment leur apparence est aussi considérée comme aggravant leur cas: il y a la blonde ( je me souviens avoir lu une interview d'une actrice espagnole qui disait que dans les légendes de son enfance, la sorcière typique n'est pas brune, mais blonde. L'autre est toujours celui qui est différent, ici dans un pays où les femmes sont majoritairement brunes..), il y a celle couverte de tâches de rousseur (marque du diable), la plus jeune à les cheveux très frisés et légèrement roux, il y a celle qui est trop jolie, celle qui a trop d'imagination, et celle qui a plus de poils au jambes que la moyenne...
Dès lors, les filles ont une idée dangereuse, mais qui peut leur permettre de sauver leur peau: si elles ne font rien, elles seront brûlées sans procès deux jours plus tard, elles ont été averties que c'est ce qu'il s'est passé dans presque tous les villages de la côte basque. Les curés qui ont pris la défense de leurs ouailles ont aussi été exécutés, il n'y a donc aucun soutien à attendre de ce côté, le curé local va se mettre du côté des accusateurs. Leurs pères et maris pêcheurs doivent revenir la semaine suivante à la pleine lune, elle vont donc faire le jeu du juge et piquer sa curiosité. Le basque est ici leur arme secrète pour organiser un plan, puisque personne parmi les espagnols ne le comprend.
Elles vont se faire passer pour sorcières, révéler leurs pseudo-secrets, incantations, et autres au compte-goutte, façon Shéhérazade, en espérant faire durer l'histoire suffisamment longtemps pour tenir jusqu'au retour de leurs familles. Ana la plus inventive se dévoue et prétend être la seule sorcière, avoir envouté les autres et raconte au juge une histoire rocambolesque, sauf que... sauf que, partant du principe que les sorcières mentent, si elle raconte ça, ce ne sont que des paroles, ça n'est pas concret elle peut aussi mentir sur le fait d'être une sorcière ( ho le beau syllogisme). Ce qu'il veut c'est des actes. Il va donc falloir aller plus loin et lui montrer un sabbat.
Alors je préfère prévenir, ce n'est pas un film d'action, tout est dans l'ambiance, car beaucoup de scènes se passent en prison ou pendant les interrogatoires. ce n'est pas trop violent non plus, les séquences de torture sont suggérées plutôt que montrées. Et la fin reste ouverte en plus. Donc ça ne plaira pas à ceux qui veulent un suspense de dingue et des rebondissements incroyables. L'histoire est plutôt simple : que vont faire les " sorcières" pour essayer de s'en sortir?
Par contre les avis sont assez unanimes sur le côté visuel, l'éclairage, la photo et le cadrage sont magnifiques, inspirés par la peinture de la Renaissance espagnole. Ce qui lui a valu de rafler pas mal de "Goya" (prix cinématographique espagnol)
Donc un film un peu lent et contemplatif, qui se veut plutôt réaliste, et non fantastique, raconte en filigrane le sexisme de la Renaissance, mais aussi l'opposition basque au pouvoir espagnol, qui ne date clairement pas des années 1980 et de l'ETA. Apparemment le pays basque a été particulièrement touché par la chasse aux sorcières en 1609, ne fut-ce que parce que les villageois ne se laissaient pas faire et opposaient une bonne résistance aux espagnols, aidés par leur langue non-indoeuropéenne, qui n'offre aucun point de comparaison pour les hispanophones ou les francophones. J'ai presque l'impression que c'est ça le vrai propos, un hymne à la résistance basque.
Information sur les lieux de tournage.
Et un film qui donne à entendre une langue aussi peu connue, bien que parlée en partie sur deux des grands pays d'Europe, c'est suffisamment rare pour mériter l'attention.
Le lien pour le voir
En VOST obligatoirement, parce que du peu que j'ai vu, la VF fait parler tout le monde en français, et fait donc disparaître la principale caractéristique et l'un des ressorts narratifs du film.
Premier film du mois Halloween, une (fausse) histoire de sorcières.
Et c'est un film qui valide une des catégories du défi cinéma de 2020 ( tout en lui étant postérieur!) film qui n'est ni en anglais ni en français: un film espagnol , en espagnol, mais aussi en basque
Rebonsoir, un film que je recommande absolument mais il faut prévenir que c'est un film qui comporte des scènes d'une grand violence. Les acteurs sont tous sensationnels. Bonne soirée.
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