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vendredi 20 octobre 2023

Candyman ( film 1992)

 Le voilà, depuis que j'en parle, j'ai enfin eu la possibilité de le revoir.
Allez, direction universciné une fois de plus, en passe de sponsoriser mon mois Halloween.

Ce bon vieux festival d'Avoriaz. 1993 était sa dernière édition, avant de partir à Gerardmer et le film y a raflé les prix du public, de la meilleure actrice et de la meilleure musique ( yes! depuis le temps que je le dis!)
Cependant cette année là c'est Braindead de Peter Jackson qui a gagné le grand prix. Pour moi les deux sont incomparables: un film gore tellement violent qu'il en devient à pleurer de rire, et un presque contemplatif qui limite les scènes violentes au strict minimum



Je l'avais vu à sa sortie, il y a donc plus de 30 ans, et.. je ne me souviens même pas avoir eu à montrer ma carte d'identité, pourtant j'avais tout juste les 16 ans requis pour le voir, pourtant j'ai toujours fait plus jeune que mon âge.
Mais ils se peut que ma mémoire me fasse joue des tours et que je ne l'ai vu que quelques années plus tard, le cinéma d'art et d'essai de ma ville l'ayant peut-être reprogrammé dans la foulée du deuxième volet? C'est fort possible, bien  que je ne me souvienne absolument pas avoir vu la suite, c'est pourtant probablement le cas.
Pour la simple raison qu'en revoyant le film, j'avais bien gardé le souvenir de trucs précis : les graffitis dans la cité HLM, les armoires à pharmacie qui communiquent entre les appartements, l'internement de l'héroïne supposée zinzin, la séquence où elle passe littéralement de l'autre côté du miroir et trouve le coquemitaine endormi (et j'ai eu le flash d'avoir pensé déjà à l'époque " ça a besoin de sommeil un croquemitaine?" Séquence que j'ai d'ailleurs maintenant comprise sous un autre jour finalement beaucoup plus intéressant qui rend le film plus subtil qu'il n'y paraît), la fille qui escalade un monceau de déchets pour sauver un jeune enfant coincé dessous.. 

Et là je me suis dit " attends, mais il manque des passages". Je me souvenais d'une séquence "flashback" qui montrait la mort de celui qui devient spectre vengeur, creusant son histoire personnelle, et de son prénom " Daniel", or non... pas du tout, son histoire est juste mentionnée en passant par un personnage secondaire et son nom n'est jamais indiqué. Effet Mandela?
Vérification faite, non, ces passages sont dans l'opus 2, que j'ai donc du voir bien que je n'ai plus du tout souvenir d'y être allée. Vu que les deux se sont mélangés dans mon souvenir, il s'agissait probablement d'une séance double.

Mais revenons au premier film, 30 ans après qu'en reste-il? Exactement ce qui m'avait plu au premier visionnage: ce n'est pas un film d'horreur pur et dur, en tout cas le scénario est plus fûté que ça. Je n'ai pas lu la nouvelle d'origine, mais vu que Clive Baker, l'auteur, s'est chargé de remanier son histoire pour en faire un scénario, les commentaires que j'ai vus " mais la nouvelle d'origine se passe en Angleterre, le film se passe à Chicago, trahison! " sont nuls et non avenus.

Et oui, les avis de spectateurs sont très tranchés (lol): soit on adore, soit on déteste:
- dans la première catégorie, les gens qui apprécient le côté réaliste du cadre, le fait que le film ait une ambiance te prenne bien son temps pour l'installer ( le personnage titre n'apparait qu'au bout de presque la moitié du film, et on ne voit que ses chaussures, son manteau.. avant de le voir en contre-jour, bref, ce qu'il faut pour faire durer le mystère), qu'il n'y ait un autre ou plusieurs autres propos au service desquels se mette le fantastique, et non l'inverse ( les clivages sociaux entre riches et pauvres, noirs et blancs, la déterioration des liens sociaux, la superstition, la santé mentale - l'héroïne est elle réellement poursuivie par un spectre, ou complètement schizophrène?)

- Et la seconde catégorie: ceux qui veulent de l'horreur rapide, saignante... et n'y trouveront pas leurs compte, puisque s'il y a des meurtres violents, très souvent, du moins dans la première partie, ils ne sont pas à l'écran, simplement hors champ, et transmis par la bande son (autant dire exactement ce que moi j'aime: de la suggestion et une utilisation intelligente de l'audio).

Pour moi le vrai malentendu est de l'avoir présenté comme ce qu'il n'est pas vraiment, c'est à dire un pur film d'horreur. Alors qu'il s'agit d'un film fantastique (ce serait comme présenter le Horla comme une nouvelle d'horreur, vous voyez la différence) et c'est encore moins un film gore. Forcément, y plaquer  ce genre d'attente , c'est aller droit dans le mur. Evidemment, il n'est "pas assez horrifique", puisque ce n'est PAS un film d'horreur, c'est un film fantastique , un peu saignant et surtout inquiétant.
Et l'inquiétant est moins dans les scènes saignantes que dans toute le reste: la cité laissée aux mains des dealers où enquêtent Helen et Bernadette, les deux chercheuses qui veulent étudier les légendes urbaines. Les petits voyous qui font leur loi et représentent la vraie menace concrète, pour les chercheuses mais aussi pour les habitants du quartier, prompts à mettre sur le dos d'un personnage mythique les différentes exactions qui sont peut-être plutôt des crimes de dealers. Leur hostilité est palpable: Helen est blanche et s'aventure dans un ghetto noir, les voisins se méfient car " quand des blancs viennent ici, c'est pour causer des problèmes". Bernadette est noire, mais universitaire, elle n'est pas non plus à sa place dans ce monde qui la met très mal à l'aise. La vraie horreur est nichée dans une simple phrase d'Helen, attaquée par les loubards " Deux habitants ont été tués ici, la police n'est pas intervenue, mais qu'une blanche soit agressée et la police entière se mobilise".
La fin, avec un feu supposé de joie a quelque chose d'aussi menaçant que... disons qu'il évoque en même temps la fin du Frankenstein des années 1930 que la chasse aux sorcières et les petites habitudes du KKK. Un écho inversé des lynchages, dont celui subi par le personnage central un siècle plus tôt, justement.


C'est un film fantastique donc, mais qui est cache surtout une réflexion sociale sur la violence liée à la misère et à la séparation tout à fait physique de deux sociétés, matérialisée dès l'ouverture par un long travelling sur le périphérique qui sépare très concrètement les beaux quartiers de la zone, deux mondes qui s'ignorent.
Et visuellement il y a de très bonnes idées, qui arrivent même à rendre attrayante une grise cité HLM en ciment, via la créativité des graffitis qui font écho à ce que l'on sait de la vie d'avant du croque-mitaine: fils d'un esclave affranchi et devenu riche, il a étudié, fait partie, du moins en apparence de la bonne société américaine de la fin du XIX° siècle, développé son talent artistique jusqu'à devenir un portraitiste en vue. Son malheur est d'être tombé amoureux d'une femme blanche et d'avoir avec elle une relation " interdite", qui lui a valu un assassinat des plus cruels par la famille de la femme en question. D'où sa transformation en esprit maudit et vengeur, qu'il ne vaut pas mieux prendre le risque d'invoquer.

Helen ne sera pas tuée abruptement parce qu'évidemment elle ressemble comme deux gouttes d'eau à celle qui a été involontairement cause du trépas de son amant (bon ça par contre c'est un peu facile). Mais ce re-visionnage était très intéressant pour les références. Je me souvenais bien des passages à travers les murs et les miroirs, grand classique du fantastique. Les trous dans les murs font quand même penser au terrier du lapin, où Alice  ferait mieux de ne pas s'aventurer, et qui sépare le monde " normal" du monde fantastique, celui des esprits, des fantômes et du croque-mitaine.
Curieux croquemitaine, dont la simple évocation du passé avant même son apparition émeut profondément Helen, qui ne peut s'empêcher de compatir quelqu'un de si injustement traité. Vu qu'elle ne croit pas au fantastique ou à la possession à ce moment, là, elle ressent une empathie qui la rend plus humaine que celui qui raconte sans ciller l'histoire horrible arrivée à un autre humain.
Et chose rare, le "monstre" parle ( ce n'est pas vraiment le cas de Jason, Freddie, Leatherface et leurs copains) à Helen ce qui déjà le distingue des autres et l'humanise un peu.  En clair, oui, tout est fait pour que le spectateur ne déteste pas à 100% le tueur et ça c'est très intelligent, parce que un tout petit peu plus nuancé que la moyenne.
Et non seulement il lui parle mais fait des remarques pertinentes sur l'existence, le fait qu'elle doute et pousse les autres à en douter, ce qui lui coupe en quelque sorte l'herbe sous le pied: sa seule existence possible, est dans la rumeur,  les on-dit, et dans la peur que son nom inspire. C'est graâce à ça qu'il se matérialise. Qu'on rationalise, que les gens cessent d'y croire... et il disparaîtra.

C'est un conte, mais, et c'est une des choses qui m'avaient échappées il y 30 ans: si le Candyman est disons moins excusable (puisqu'il s'en prend à n'importe qui sans discernement) que compréhensible dans la souffrance qui le torture toujours, Helen est dans ce conte là moins la damoiselle en détresse que la "preuse chevalière": elle agit, s'échappe, affronte sa destinée, n'hésite pas à s'aventurer dans une entreprise dangereuse quitte à risquer sa peau pour essayer de découvrir la vérité, à contourner l'hydre à plusieurs têtes qui garde l'entrée des ruines (les bandits), et à explorer les lieux, jusqu'à trouver...

Vous vous souvenez de ce que j'ai dit:  " ça dort, un croquemitaine?"

SPOILER: je ne l'avais pas vu à l'époque mais là, c'était tellement évident que ça m'a sauté aux yeux. Le rêve, la réalité, le sommeil.. Helen accusée de meurtre et prise pour une dangereuse malade mentale, vient de passer un mois à dormir après une piqûre en hôpital psychiatrique. Lieu dont elle s'enfuit, pour rentrer chez elle, et assister à la ruine totale de sa vie: son volage et peu courageux mari l'a déjà remplacée. Exit le " prince charmant", il n'y a plus que le vilain crapaud.
N'ayant pas d'autre choix que d'aller au devant de son destin, pour sauver un innocent, puisque le croquemitaine lui a proposé un marché: si elle se sacrifie, l'innocent aura la vie sauve. Elle retourne donc, elle, la blondinette bouclée à l'allure de petite poupée, explorer les ruines. Et c'est là qu'elle trouve endormi celui dont elle a provoqué l'éveil via une formule magique...

Ca ne vous rappelle pas un conte super méga connu? Un type qui réveille une femme qui dort dans un champ de ruines... Mais curieusement inversé, puisque le rôle du "réveilleur" y est tenu par la jolie fille, et la personne à réveiller est un robuste gaillard. Bon ok, elle emploie une manière violente qui consiste à le poignarder avec un gros crochet, mais, la référence est transparente, jusque dans les cadrages, l'éclairage...Ceci dit la version originale du conte est tout sauf " mignonne", il y a réellement agression de la dormeuse
/SPOILER

On brouille les codes entre qui est là pour sauver et qui doit être sauvé, Eros et Thanathos ( le bon vieux duo efficace), les rôles masculins et féminins, la limite entre justice et injustice, en employant et en détournant les archétypes des codes. Et ça, ça me rend le film encore plus intéressant malgré certains côtés datés ( vieux ordis sous Windows 3.0, profs qui écrivent à la craie sur un grand tableau - et en cursives, siouplait, ce qui a de quoi faire frémir d'horreur toute une nouvelle génération d'étudiants américains qui n'ont pas appris à lire cette graphie-,  gens qui fument à tout bout de champ - encore un film sponsorisé par " les clopes"-, et fringues et coiffures très datées.

Mais en dépit de quelques défauts, si on le prend pour ce qu'il est, c'est-à-dire un conte fantastique avec un message social, le film ne manque pas de charme et même d'une certaine poésie macabre, largement due à la musique de Philip Glass. Je n'en démords pas, elle est sublime et elle sublime cette ambiance gris béton (même l'université et ses amphis en ciment sont aussi sinistres que la zone). La BO de film fantastique la plus réussie, pour moi, je le disais, avec celle de Suspiria.

Sérieusement, cette musique arrive à rendre flippant et épique un travelling horizontal vu d'avion sur une autoroute. De ce que j'ai pu lire, Glass a employé un choeur pour symboliser la rumeur qui se répand, et les clochettes pour rappeler la boîte à musique enfantine et les histoires de croquemitaines, qu'on raconte justement aux enfants, et je trouve cette explication très mais alors très intéressante.
Faudra un jour d'ailleurs que je parle plus en détail de ce compositeur, tiens..


Allez, zou, l'intégralité de la BO.


Quid des suites? Vu que je n'ai que peu de souvenirs de l'opus 2 et que je n'ai pas vu le n°3, j'ai envie de dire: la fin du premier est suffisamment définitive pour ne pas appeler de suite, mais le film a marché, donc business is business.
Un pseudo remake qui ne s'assume pas vraiment a été fait en 2020, et au vu du résumé, je ne veux même pas le voir, vu que là tous (ceux qui ont vu le premier et l'ont soit aimé soit détesté) sont d'accord pour dire que le remake est un film qui ne sert à rien.
En même temps, des remakes qui ne servent à rien.. c'est presque le principe même du remake.
Donc je ne saurais que conseiller de regarder l'original, en ayant conscience que d'une part, oui, certains côtés sont datés, que oui, il y un propos politique et social et que non, ce n'est pas un bête slasher.

A voir en VO, parce que bon, Tony Todd a une voix très agréable , une vraie "voix de méchant" souvent utilisée en doublage de dessins animés et franchement, au vu de son pédigrée théâtral, c'est vraiment un acteur qui aurait mérité d'être plus connu. Je ne sais pas s'il a enregistré des livres audio, mais il a clairement la voix qui va bien pour ça. J'avais comparé plusieurs lectures du corbeau de Poe il y a quelques années, je pense qu'il ferait merveille là aussi!

Et donc outre le challenge Halloween, il entre en ligne de compte pour les défis américains et Afro-américain ( officiellement pas en cours mais bon, pas grave, je fais ce que je veux!)



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