Hooo mais revoilà Nikolaï, mon chouchou "petit russien" qui revient de manière inattendue dans mon mois halloween.
Et pour cause, le film de cette semaine ( ou plutôt les deux: un film et un dessin animé) était une adaptation de cette nouvelle extraite des " veillées du hameau" , comme c'était déjà le cas pour La nuit de la Saint-Jean.
Et là aussi, il va être question de sorcière et de diable. Mais sur un mode plus drôle que terrifiant, contrairement à l'autre nouvelle, qui ne faisait pas dans la dentelle avec son histoire de sacrifice humain.
Haaa l'ami Kolia est décidément un conteur plein d'humour, ce qu'on n'imagine pas forcément avant de l'avoir lu, tant la réputation des auteurs russes est vue par le prisme mystique de Dostoïevki, ou la sinistrose de Gorki. Ce qu'on a aussi du mal à imaginer aussi de la part de quelqu'un qui a sombré dans la folie.
En fait les deux nouvelles, celle sur le solstice d'été et celle sur le solstice d'hiver, sont deux variations sur le même thême.
Ici aussi, il y a un brave gars trop gentil qui aimerait bien se marier avec une femme mais n'arrivera à ses fins qu'en passant un pacte avec un diable. Et ça se passe toujours dans la région de Dikanka, au fin fond de l'Ukraine, qui est visiblement un haut lieu de diableries en tout genre.
Mais dans la première le problèmeétait la différence de fortune entre les deux, Pidorka étant victime du refus de son père de la voir se marier avec un homme peu aisé. Ici Oksana, la capricieuse héroïne, n'est elle-même aps spécialement motivée par la cour que lui fait Vakoula le forgeron.
Commençons pasr le commencement: un mauvais tour joué par le diable aux habitants de Dikanka en cette veille de Noël. En effet, le lendemain, il doit retourner en enfer, la période sainte ne lui réussit pas, c'est donc le dernier jour où il peu faire le mal. Or il a envie de se venger de Vakoula, forgeron et peintre. le pieu Vakoula a peint pour l'église locale un grand tableau, qui représente le diable ridiculisé. Donc le diable veut lui rendre la monnaie de sa pièce et pour ce faire, vole la pleine lune. Quel rapport? Il souhaite simplement empêcher Vakoula d'avoir rendrez-vous avec sa Oksana, et pour ce faire, sa logique est diabolique: le père d'Oksana, un riche fermier, doit se rendre à une fête ce soir là chez le sacristain, avec presque la motié de la ville, et le diable escompte que, si la lune disparait, il fera noir comme un four, le père restera à demeure et le rendez-vous sera annulé. On pourrait faire plus simple!
Donc voici le diable, noir, maigrichon, au nez de cochon qui vole la lune, perdant qu'une sorcière, sortie elle aussi ce jour là, navigue dans le ciel en balai pour cueillir des étoiles. Ils ne se sont pas concertés, mais leur action commune les rapproche, et rapidement, le diable s'invite chez Soloukha la sorcière et fait le joli coeur... avec celle qui s'avère être la mère de Vakoula. Les ragots vont bon train sur cette aubergiste réputée sorcière, mais même son fils semble ignorer qu'elle l'est réellement.
Soloukha, la quarantaine et ni jolie ni laide, a plusieurs galants, dont, Choub, le père d'Oksana. Elle mettrait bien le grappin sur ce beau parti, et donc elle aussi a intérêt à ce que son fils ne se marie pas avec la fille de son "futur" ( parce que ça voudrait dire diviser l'héritage en deux, et, pas génial de son point de vue être la belle-mère de son propre fils, à l'époque, je ne pense pas que ça ait été légalement possible d'ailleurs). Elle s"ingénie donc d'une part, à draguer Choub, et d'autre part à semer la zizanie entre Choub et son fils.
dessin de Oksana Viktorova |
Mais comme par hasard, ce soir là précisément, alors qu'elle dîne avec le diable, 3 de ses galants arrivent successivement chez elle. Le plan " voler la lune" a échoué, le diable a donc créé une tempête de neige pour dissuader les gens de sortir. Choub est revenu chez lui, mais, quiproquo: en toquant à sa porte, c'est Vakoula et non Oksana qui a ouvert. Le simplet Choub s'est dit " sans la lune, et dans la tempête, je me suis égaré et j'ai toqué à la porte de mon voisin, celui qui est marié avec une jolie fille et qui est parti à la fête -> Vakoula sait que je le déteste il ne serait pas chez moi, le gandin est l'amant de la femme du voisin -> super, pendant qu'il fricote avec elle, j'ai le loisir d'aller draguer sa mère".
Mais tous les amants de Soloukha ont eu la même idée: puisqu'on ne peut pas aller à la fête, allons donc passer la soirée chez elle. Pour éviter qu'ils ne se rencontrent, puisque tous ignorent avoir une concurrence, elle les cache, l'un après l'autre, dans de grands sacs.
film de 1961 |
Pendant ce temps, que se passe-t-il chez Choub?
Oksana est une jolie fille... Trop jolie: les compliments que tout le monde lui fait lui montent à la tête, et c'est surtout une coquette qui prend plaisir à mener son fiancé par le bout du nez, et plus généralement, tous les hommes qu'elle croise. Parce qu'une de ses amies venue la voir lui a montré ses nouvelles bottes, et que Vakoula lui en a promis d'encore plus belles, Oksana pour l'envoyer bouler, exige qu'il lui amène en cadeau les chaussures de la tsarine. Dans ce seul cas, elle acceptera le mariage. Et elle se moque de lui sur le même ton à chaque fois qu'elle le revoit. Lui décide donc de partir en lui disant " trouve t'en un autre, tu ne me reverras plus de ton vivant, je n'en peux plus de toi, je vais me jeter à l'eau". Ce qui n'est pas gagné, car les autres hommes, lassés des caprices et du narcissisme d'Oksana lui ont vite préféré des filles moins jolies, mais moins hautaines.
Or en partant Vakoula a précisément emporté le sac où était caché le diable, qui se retrouve à sa merci. Quand même peu désireux de réelement mourir, il cherche une autre solution, et après un bref détour chez le rebouteux " Padziouk le pansu" qui est un peu sorcier lui aussi (un sorcier dont la magie lui sert presque exclusiment à s'économiser le moindre effort, tout en mangeant comme un ogre), Vakoula découvre ce que cache son sac.Solution parfaite: Vakoula accepte de le libérer, si et seulement si le diable l'emmène à Petersbourg chez la tsarine, afin de la convaincre de lui donner une de ses paires de chaussures. Va-t-il réussir ou non? Parce qu'entre temps, Oksana se rend compte qu'elle a abusé et peut-être perdu sa chance avec le seul homme suffisamment patient pour supporter ses caprices.
Cette histoire joyeuse, féérique et drôle est aussi est surtout le prétexte pour Gogol de balancer des vacheries sur les notables de province, les assesseurs judiciaires, les gens qui font les importants parce qu'ils ont 4 vaches quand le voisin n'en a que 3. Le diable et la sorcière sont très drôles, les péquenauds de Dikanka font sérieusement penser aux personnages un peu grotesques de Brueghel, c'est un régal.
L'histoire est très célèbre et a été adaptée de nombreuses fois: j'ai donc regardé deux versions, qui suivent assez bien la trame de la nouvelle: un dessin animé de 1951, un film de 1961, mais on en trouve de nombreuses autres versions: en pièce de théâtre, en comédie musicale et non pas un, mais deux opéras, de Tchaïkovski ( encore lui !) totalement inconnus de moi sous le nom " Vakoula le forgeron" en 1876 puis "Tcherevitchki ou les souliers de la reine" en 1887.
affiche d'une version théâtre/ comédie musicale |
Adaptation en opéra " les souliers de la reine" |
Et pour le point culture, la nouvelle présente quelques éléments typiques de la fête de Noël Slave: la koutia ( le plat que le père d'Oksana se réjouit de manger, traduit par " semoule aux raisins secs"), et les koliadki chants de Noëls slaves, dont le nom dérive peut être de ce joli prénom qu'est "Nikolaï", ce n'est pas Gogol qui protestera :D, car beaucoup sont dédiée à Saint Nicolas, et sont chantés entre le 6 janvier et le 15 février . Cette tradition est en fait païenne, les processions chantées existaient pour différentes fêtes avant la christianisation de l'Ukraine et de la Russie. Et les gens se déplaçaient d'une porte à l'autre en chantant, les habitant leur faisant des cadeaux, exactement à la manière dont sont représentés les chrismas carols Singers anglais.
D'ailleurs un des tubes des chanteurs de Christmas Carol est en fait une kolyadka/ schedryvka ( chanson de nouvel an) ukrainienne, préchrétienne, Щедрик ( la petite hirondelle: une hirondelle qui entre dans la maison est un présage d'année fructeuse et de récoltes abondantes), dont la mélodie imite le chant des oiseaux. Les anglais l'ont traduites en chant de Noël en pensant y entendre le son des cloches.
Et à l'image du choeur ici présenté, les chanteurs de kolyadka et schedryvka se déplaçaient en portant des bannières en forme de soleil, pour annoncer l'allongement des jours et le retour du printemps ( ça aussi, ça a été transformé en symbole chrétien, l'étoile du berger, tout ça).
Donc oui, sans le savoir, vous connaissiez une chanson traditionnelle ukrainienne:
Cette tradition, comme beaucoup d'autres, s'est perdue, en dehors des campagnes profondes, ou a été reléguée dans les soirées de musique folklorique, et peu de chance d'entendre des chanteurs de rues, même le jour de Noël ( 7 janvier, noël orthodoxe) au centre de Kiev.
Merci pour ces articles si complets et qui donnent envie...encore....de se lancer ici dans ce conte....dans ces nouvelles....ouiii
RépondreSupprimeril est trouvable dans le tome II des soirées de dikanka. J'ai appris qu'il y a un débat en Russie pour savoir qui ( à côté de Pouchkine, l'indétrônable)monterait sur le podium des meilleurs auteurs.
SupprimerPour certains, ce sont tolstoï et Dostoïevki.
Mais pour la plupart des spécialistes en littérature ou écrivains, ce sont Tolstoï et Gogol, Dostoïevski n'est pas siiiii bon écrivain que ça de leur avis.
Du mien: Gogol est nettement meilleur que Dostoïevski auquel je n'accroche pas. Donc je conseillerais volontiers de comencer par ses nouvelles, qui pour moi sont du même niveau que celle de Maupassant.
(ou par Tourgueniev, plus " européen" et plus accessible aux novices en littérature russe)
J'avais lu quelquepart que Dostoievski s'en foutait un peu de la forme...Et Boulganov ? ...et Gorki ?....vraiment ils sont d'excellents ecrivains qu'on apprecie sans les classer....;)
SupprimerIl sont assez appréciés je pense, mais plus à l'étranger que chez Eux: Boulgakov a vécu en exil, et n'était pas apprécié en URSS, et inversement Gorki était écrivain en faveur du régime, et met souvent en scène les pauvres et le prolétariat, j'ai l'impressio que ça plait moins maintenant.
SupprimerOh oui effectivement....Mais bon cela reste la vie de Gorki quand meme...;)
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