J'ai décidé pour des raisons bien compréhensibles, de faire de cette histoire de fantôme signée Pouchkine mon fil rouge pour ce mois Halloween.
Pour tout dire, je prends de l'avance (j'écris ce premier sujet le 5 mars en fait) en sachant que je serai trèèèès occupée en novembre, si mon projet se concrétise.
Et pouquoi une histoire que j'avais déjà lu et chroniquée?
Parce que j'ai découvert par hasard cet album illustré et que j'ai immédiatement dit " je le veux!" tant les illustations sont magnifiques.
D'autres part parce que j'ai envie de faire un tour d'horizon des adaptations. En album illustré, en opéra par Tchaïkovski, et en danse par Roland Petit. Il y a également un film de Pavel Lounguin, assez récent, mais qui s'éloigne ( le sujet ebrode autour d' un chanteur qui va interpréter le rôle du héros dans la version opéra, donc plus une adaptationd e l'adaptation. Ca peut être intéressant à voir si je le trouve). Mais il y a nombre d'autres adaptations filmiques, plus directement inspirées de la nouvelle, je verrai à l'occasion si j'en sélectionne une.
L'interêt ici étant d'avoir des supports variés: peinture, musique, chorégraphie, film etc...
Comment résister? Cette harmonie de bleu blanc et jaune est somptueuse |
J'avais donc lu la nouvelle il y a quelques années, voilà la même avec illustrations.
Je note que la version française n'est pas signée de n'importe qui, puisque contrairement à la " traduction" de Gogol par Louis Viardot qui ne parlait pas russe, il s'agit cette fois de Prosper Mérimée qui lui, parlait russe. Et, autre avantage était également auteur de nouvelles, y compris fantastiques.
Donc aucun souci pour la qualité du français ou le respect du procédé fantastique.
Il rend également bien l'ironie et l'humour de Pouchkine, particulièrement cynique à l'égard de la vieille dame ridicule, qui s'obstine à vouloir à 87 ans s'habiller comme dans sa jeunesse et courir les bals, que les gens saluent et laissent ensuite dans un coin, que sa famille a plus ou moins déjà mentalement enterrée ( on n'est vraiment pas loin de " ces gens -là".. Il y a la petite vieille, on attend qu'elle crève, vu que c'est elle qui a l'oseille). Pas moins effrayante vivante, telle une momie en tenue de dentelles, qu'après sa mort, sous forme de fantôme.
Sa toute première présentation visuelle, devant un miroir, m'a énormément fait penser aux "vieilles" de Goya.
A l'égard aussi de la famille et de la société petersbourgeoise, un ramassis de fêtards vains et vides, que seul l'argent et les apparences intéresse. Qui dépensent sans compter un argent qu'ils ne gagnent pas. Le mari de la comtesse lui faisant remarquer lors de l'évocation de sa jeunesse, qu'à Paris il n'a pas accès à ses terres de Russie et à ce qu'elles lui rapportent. Il y a là quelque chose de très intéressant et subtil politiquement: le mari n'a pas travaillé un jour dans sa vie, l'argent lui arrive par le travail des paysans serfs, exploités pour un salaire de misère. On sait que Pouchkine était proche des Décembristes, mouvement réclamant des réformes de grande ampleur, parmi lesquelles l'abolition du servage.
Il fait ici passer discretement le message sans jamais parler de réforme, simplement en ridiculisant ces paniers percés, capables de perdre en une seule soirée l'argent gagné en plusieurs années par le travail des autres. Ils n'ont évidemment pas la moindre idée du labeur nécessaire pour le gagner, puisqu'ils n'ont pas à se fatiguer pour le gagner.
A l'égard aussi de la gentille et naïve Lisa, dame de compagnie de la tyrannique vieille comtesse, mais trop naïve justement: habituée à faire tapisserie au bal ou à ne participer que lorsqu'il manque une cavalière, habituée à s'effacer, elle tombe dans le premier piège venu. Elle n'est pas non plus très instruite, contrairement aux autres dames de la bonne société qui souvent parlaient mieux français, anglais ou allemand que russe. Elle n'a pas lu beaucoup et ne se rend pas compte que Hermann, d'origine allemande, la drague en lui servant mot pour mot des extraits de romans sentimentaux allemands, traduits en russe. Cependant, Lisa sait ce qu'est le travail: noble désargentée, elle est obligée de travailler pour subsister, logée dans une chambre miséreuse par la vieille avare (ce que l'on comprend à des détails comme une bougie de suif, un chandelier de cuivre, le tapis élimé, tout le peu d'argent qu'elle reçoit doit passer en toilettes de bal: " on exige d'elle qu'elle s'habille " comme tout le monde", c'est à dire comme fort peu de gens". Le reste de l'appartement est à l'avenant, les couloirs sont sinistres, les tapis usés, les fauteuils hors d'âge, seules les pièces d'apparat sont remplis de bibelots, portraits statuettes, faïences... un décor dont la comtesse " momie vivante" semble être un élément.
Et bien sût à l'égard de Hermann, le héros, un des types les plus ignobles de la littérature. Sachant que la vieille dame connait un système infaillible pour tricher aux cartes, mais refuse de le dire à quiconque, son plan es simple: draguer la jeune pour s'introduire en douce chez elles, et menacer la vieille pour lui faire avouer son secret. Par appât du gain.
L'auteur nous indique bien qu'il a, à un moment " quelque chose qui ressemble à du remord", mais que ça lui passe vite, la rapacité fait vite taire ce qu'il pourrait avoir de conscience. Un mec odieux, manipulateur, capable de pointer un révolver sur une octogénaire pour lui extorquer son secret, tout en se faisant passer pour quelqu'un de bien, travailleur et honnête. Une morale de bandit de grand chemin sous un vernis de respectabilité, qui se sent en plus supérieur aux autres. Même Raskolnikov, qui commet un meurtre juste pour voir l'effet que ça fait n'est pas aussi détestable, du fait qu'il développe une culpabilité, pour rester dans la catégorie " tueurs de vieilles dames".
Donc pas un personnage pour rattraper l'autre, mais un goût prononcé pour le sarcasme de la part de Pouchkine, que décidément, je conseille à quiconque veut tenter la littérature russe, en pensant tomber sur un cliché d'auteur tragique et dépressif. Il n'est pas du tout comme ça: fin, sarcastique, cynique avec un talent pour croquer en trois lignes des portraits qui font mouche.
Et pour les illustrations? Je vous laisse juger. Je ne connaissais pas cet illustrateur, et peintre. Et ça fait toute la différence. Ce sont de somptueuses pages, avec une composition magnifique. J'ai totalement été conquise par sa manière de rendre les architectures sous la neige, les couleurs tranchées des bâtiments de Saint Pétersbourg, et l'épaisseur, le poids des tissus; par son jeu de lumières de toute beauté.
Un autre avis? Voilà celui de Pierre, alias Pedro Rabbit. Il a aussi été conquis :)
Meme si les illustratons sont contemporaines, avec un texte de Pouchkine traduit par Mérimée, j'ai tout bon ! |
Maintenant que j'ai lu la nouvelle, j'ai envie de découvrir ton album illustré ! J'ai eu du mal à imaginer les rues, les costumes des personnages, l'intérieur de la demeure de la comtesse, par exemple. Je n'ai évidemment pas perçu non plus toutes les subtilités du récit, les détails ne me sont pas tellement restés en mémoire et ne m'ont pas amené de réflexions particulières, je l'ai lue deux fois pourtant.
RépondreSupprimerMalgré tout, j'ai apprécié la lecture, l'atmosphère, le petit côté piquant de l'histoire avec cette conclusion brutale mais assez réjouissante malgré tout. ^^ Merci de nous avoir incité à découvrir ou redécouvrir ce récit. :)
Je ne connaissais pas cette histoire et cette version illustré à l'air vraiment magnifique. Merci pour la découverte, je note
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