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lundi 21 avril 2014

La 4° note - Luc Leruth


Juin 1914, à Rome. Le chanteur, professeur de musique, et responsable des choeurs de la chapelle Sixtine Alessandro Moreschi met la dernière main à l'ouvrage de sa vie, un livre consacré à l'histoire du castratisme dans la musique. Il faut dire qu'il est concerné au premier chef: lui et son collègue Sebastiano sont, au début du XX° siècle, les deux derniers castrats encore en vie. Mais le livre et la majeure partie des notes préparatoires lui sont volés. Oeuvre d'un jaloux, ou d'un religieux fanatique qui espère éviter que l'église soit publiquement ridiculisée en rappelant ce qu'elle a fait subir pendant près de quatre siècle à des milliers d'enfants: la mutilation afin de leur conserver toute leur vie durant une voix d'enfant.

Moreschi, déséspéré n'a pas le courage de recommencer un travail de plusieurs années, et , sur le conseil de Sebastiano, va utiliser un instrument tout nouveau: le graphophone, pour y enregistrer cylindre par cylindre non plus l'histoire en général des castrats, mais celle du petit Alessandro, enfant de famille pauvre doué pour le chant, dans la région de Rome, que sur les conseils du curé du village, ses parents vont sacrifier  l'église. En espérant que le gamin en grandissant, devienne célèbre, gagne de l'argent, et comme l'a dit le curé, leur fasse profiter de la manne gagnée grâce à leur décision. Mauvais calcul... non seulement Alessandro devenu grand n' a aucune intention de "payer" en retour la famille qui a commis cette infamie, mais en musique comme partout les modes passent. Après 4 siècles d'existence, les castrats sont en voie de disparition - on a envie d'ajouter : heureusement- ce qui fait qu'après quelques succès mondains, le pauvre Alessandro passe vite du statut de chanteur célèbre à celui de curiosité locale, au même titre que le colisée. Et va aller d'échecs en échecs, entre révolte et résignation.
Formaté pour les besoins de l'église, c'est petit a petit l'église même qui se débarrasse de lui, le cantone à des fonctions de plus en plus subalternes et autorisant peu à peu les femmes à revenir dans les choeurs ( après avoir inventé, 4 siècles plutôt le castratisme pour évincer les femmes des choeurs). Sebastiano et Alessandro sont deux survivants, mais au dessus d'eaux plane le souvenir de Domenico Mustafa le dernier castrat  a avoir eu un vrai succès musical, personnage très très important dans l'histoire, même s'il est mort depuis longtemps lorsqu'Alessandro en parle. En effet, l'acte de mort des castrats a été entériné lorsque Mustafa a accepté d'enseigner à la chanteuse Emma Calvé "la 4° note", une technique de chant autrefois réservée aux castrats, passant symboliquement le relai aux femmes, comme une dernière humiliation pour les deux compères jugés trop médiocres chanteurs.

Un livre que j'avais déjà lu, il y a très longtemps, mais que j'ai pris plaisir à relire: les nombreux chanteurs, musiciens, ou compositeurs sont intégrés à l'histoire de manière suffisamment fluide pour ne pas donner trop une impression de catalogue, et la triste histoire de Moreschi , qui, au même titre que Domenico Mustafa a réellement existé est plutôt intéressante. On est vraiment à une période charnière, pas seulement au niveau des chanteurs, mais des musiciens ( on commence à vouloir modifier les anciennes compositions pour les moderniser), et de l'histoire tout court. En Juin 1914, bientôt plus personne en Europe ne se souciera plus de musique religieuse, ni de musique tout court.
L'auteur est peu connu, le livre m'avait été offert il y a une bonne dizaine d'année, je crois que depuis, il en a écrit un second, de style tout à fait différent. En tout cas, je conseille celui-ci aux amateurs de musique.

Ce roman mentionne une quantité incroyable d'auteurs et de morceaux, de la renaissance jusqu'à la fin du XIX° siècle, il est donc difficile de choisir: Dufay, Roland de Lassus, Allegri, Haydn, Massenet, Gounod, Wagner...

Mais le compositeur qui revient le plus souvent est Palestrina, directement ou via les adaptations que lui fait subir don Lorenzo Perosi ( qui a tout à fait existé, un contemporain de Puccini et Leoncavallo, qui, comme nous le dit Leruth par la voix de son héros, connu pour son instabilité psychologique)
Parmis les morceaux cités : sicut cervus desiderat, motet à 4 voix
La messe du pape Marcel, supposée élever tellement l'esprit vers des considérations religieuses que les évêques en perdaient toutes pensées sacrilèges ! (ici le Kyrie eleison à 6 voix)..
Surtout de la musique religieuse, mais il est aussi fréquemment fait référence à la musique profane via le Lamento della ninfa de Monteverdi ( que les chanteurs répètent en toile de fond pendant qu'Alessandro enregistre son récit).. fin renaissance début du baroque. Des retards, des silences judicieusement placés, des intervalles audacieux, une vraie réussite. Bien sûr de nos jours, c'est une femme qui chante la partie de la nymphe.

Mais comme alssandro a aussi fait une petitecarrière dans la musique profane, il parle régulièrement de Crociato in Egitto, de Meyerbeer, un de ses morceaux favoris ( là c'est toujours un homme qui chante, un contre ténor, mais c'est apparemment un des derniers opéras - 1824- avec un rôle écrit pour un castrat, si tardivement, c'est surprenant, d'autant qu'il s'agit d'un croisé avec femme et enfants, dans le livret)




et je ne résiste pas à lier aussi 2 extraits enregistrés précisément à l'époque dont il est question: La séguedille par Emma Calvé, la  supposée dernière dépositaire du secret de la 4° note
Ca grince, ça craque, mais c'était le summum de l'époque. bien sur niveau technique, on ne peut plus du tout chanter comme ça, en roulant bien tous les R, mais c'est super d'avoir ce genre de témoignage pour évaluer les changements de goûts en musique, en quelques décennies.

Dernière dépositaire supposée de la technique de la 4° note, ici, "ma lisette", un morceau où elle emploie ces techniques de passage soudain en voix de tête. Ce qui permet d'avoir une note à la fois aigue et soutenue en écho. Personnellement je trouve ça très désagréable à entendre en fait, ça tranche de manière pénible avec sa voix naturelle. Quand je vous disais que les goûts changent!

Idem pour l'extrait d'Aida chanté par Caruso (ici une version "nettoyée" des craquements, c'est déjà plus écoutable)


et pour ce qui est de Moreschi lui même? Hé bien oui, j'en ai trouvé, et c'est hélas, assez souvent douloureux à entendre, parce que d'une part, il  n'est pas toujours très juste, hélas, mais aussi, justement à cause de ce que je disais sur les changements de goûts, la technique employée - les retours soudains en voix de poitrine par exemple - sont vraiment passés de mode. Sans compter que l'enregistrement sur graphophone perd beaucoup d'harmoniques de la voix, les graves justement.

auteur belge wallon
surtout de la musique religieuse, de toutes périodes
car Moreschi est à la fois chanteur et professeur de musique

3 commentaires:

  1. Que tout cela a l'air intéressant, en effet ! Merci pour tous ces extraits musicaux !

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  2. Dis, au fait, j'ai bien noté le lien dans les deux "challenges" mais n'oublie pas de venir déposer tes liens en commentaire, s'il te plaît, c'est plus sûr (je consulte tout le temps les commentaires du blog, beaucoup plus que FB...) tss on vous l'a demandé plusieurs fois... ;-)

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    1. oui oui pas de souci je manque juste de temps en ce moment pour faire le tour des blogs pour lier mes sujets partout, j'ai juste à peine suffisamment de temps libre pour rédiger et passer le signaler sur facebook, je ferai la livraison à domicile mon prochain jour de repos :)

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