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lundi 5 février 2024

Dark was the night (pièce de théâtre 2022)

 Suite logique d'hier, voilà la pièce qui évoque Blind Willie Johnson... mais pas que.
Elle est très riche et c'est pour ça que j'ai choisi de la détacher.

Donc pour rappel, le lien pour l'écouter: c'est ici.
Et j'ai été bluffée, car il ne s'agit pas d'une pièce radiophonique, conçue pour ce média, mais d'une captation d'une authentique pièce sur scène, avec un décor inhabituel et particulièrement impressionnant et pourtant, le soin apporté à l'ambiance sonore et l'interprétation magistrale fait que l'émotion passe très bien juste à l'écoute.
Et c'est très intéressant, je ne sais pas si l'auteur l'a pensée comme ça, spécifiquement pour cette pièce là, ou si c'est sa méthode de travail, mais c'est particulièrement pertinent, pour moi, de l'écouter au lieu de la voir, dans le sens où le point de départ est l'histoire d'un musicien aveugle.

Photo issue de ce site



Emmanuel Meirieu dit avoir découvert Bind Willie Johnson et son curieux destin pendant le confinement, en regardant une vidéo ( probablement celle de Bruce Benamran, dont je parlais pas plus tard qu'hier, ça ne m'étonnerait pas). Ce qui l'a amené à faire cette constatation, lorsqu'un artiste a du succès, il gagne un disque d'or. Willie a vécu et est mort dans la misère et s'est retrouvé sur le plus extraordinaire des disques d'or, lui qui n'a pas pu vivre de sa musique, lorsqu'une de ses chansons a été intégrée au Golden Record de Voyager.

Alors attention, je vais dire beaucoup de choses, spoiler alert si vous allez la voir ou voulez l'écouter


Et donc sa pièce parle de Willie, mais pas uniquement. C'est un texte triste, je ne vous le cache pas, qui tourne beaucoup autour de la mort, de la maladie  du deuil ( les 4 personnages sur scène, dans un décor de forêt / terrain vague qui évoque à la fois  la France et l'Amérique, ont tous de tristes histoires, mais aussi de l'histoire, de la mémoire, de la responsabilité... donc des sujets pas évidents à traiter sans risquer de devenir ennuyeux, et il ne sombre pas dans cet écueil. C'est une pièce qui n'a pas d'action, certes, mais qui prend son temps par petits tableaux, pour faire découvrir les histoires enfouies de ses personnages, des deux côtés de l'atlantique.
Prenant comme base les enregistrements du Golden Record, qui fait le lien entre ces personnages - du moins pour deux d'entre eux, de manière très concrète - il révèle leur histoire personnelle par petites touches, des tragédies personnelles, vouées à l'oubli. Peu importe qu'elles soient vraies ou pas, que le gamin qui a enregistré la salutation en français aux extraterrestres se nomme réellement François, qu'il ait réellement collé ou non les numéros sur les photos qui ont été enregistrées... c'est un hommage à tous les gens de l'ombre qui ont participé à ce projet.

Côté français, dont il y a le personnage central, François, 7 ans en 1977. La bande son de sa vie est "L'oiseau et l'enfant" qui a gagné l'eurovision cette année là. Comme Marie Myriam qui avait été choisie pour représenter la France dans ce concours, François a été choisi pour représenter la langue française sur le Golden Record, une simple phrase, où il salue les extra-terrestres et espère les rencontrer un jour. Pour lui, c'est un souvenir précieux, mais aussi un fardeau, et plus de 40 ans plus tard, il culpabilise: chargé aussi de coller les numéros sur les photos à destination des extraterrestres, il l'a fait de manière quelque peu négligente, et s'inquiète de ce que penseront ceux qui les regarderont peut être un jour.
Ce détail, cette honte de l'enfant qu'il a été le ronge encore une fois adulte.
Mais d'autres choses aussi le rongent, la mort l'entoure: il est apiculteur, et ses colonies d'abeilles déclinent inexorablement, à cause de la pollution, et s'inquiète du monde que nous laisserons aux prochaines générations. Un monde que lui cependant ne verra pas. Il est malade, et se paralyse petit à petit. Condamné à mourir a brève échéance, il pense à ce "voyageur" qui appelle affecteusement "son vaisseau", qui emporte sa voix, pour l'éternité.

A côté de François, il y a son copain, sans nom, presque un fils: un homme, musicien ou chanteur, dépressif, qu'il a rencontré aux alcooliques anonymes. Sa bande son à lui, c'est le Lamento de Didon, extrait de Didon et Enée de Purcell, qui fait curieusement écho à la chanson de Blind Willie. Didon , la reine parle de sa mort prochaine et fait ses recommandations à une amie ( tout comme François fait les siennes à son ami): "Quand je serai en terre, que mes torts ne te troublent pas, souviens toi de moi, mais oublie mon destin".
Cet anonyme va devoir un jour prendre la suite de François et s'occuper des abeilles. C'est devenu son salut, à lui aussi.

Côté américain, il y a une femme, qui se promène la nuit dans la forêt et regarde le ciel en pensant elle aussi à voyager. Elle est en deuil, son mari Ethan, vient de mourir. son nom a elle, on ne le connait pas, ce n'est pas important. C'est son métier qui importe: bruiteuse. Elle et son mari ont été chargés de l'enregistrement qui, sur le Golden Record, raconte en 12 minute l'histoire du système solaire et de la Terre, et de la sélection des enregistrements sonores. Elle explique que l'un des enregistrements, ce sont ses propres données vitales. Juste avant de le faire, Ethan l'a demandée en mariage, et elle se demande, si son émotion de ce jour-là, immortalisée, sera comprise par les extra-terrestres. Ses battements de coeur, un bruit de baiser, une marmite qui bout, et des chants pygmées c'est sa bande son à elle.

Et le dernier, le plus important, appelons le J.D, puisqu'il dit que c'est son nom, et qu'il l'a vu sur une pierre tombale. celle de son homonyme.
J.D. est dans un cimetière, un ancien cimetière noir, oublié, transformé en terrain vague, réservés aux descendants d'esclaves,morts pendant la ségrégation. Il explique que son fils a été fortement impressionné par l'histoire de Willie Johnson, leur compatriote de Beaumont au Texas. Et depuis lors, l'enfant et son père se sont donné comme mission de retrouver sa tombe pour lui élever un monument décent. Ils viennent là, ôtent les détritus, quadrillent le cimetière, répertorient les tombes en espérant trouver Willie.
Le gamin ne comprend pas pourquoi ces tombes sont si modestes, souvent anonymes, pourquoi ce cimetière est en mauvais état. Et le père ne sait pas comment lui expliquer, comment lui raconter l'histoire de l'esclavage, mais aussi de sa propre famille, enterrée aussi à la va-vite dans un autre cimetière  semblable. Comment expliquer à un enfant l'horreur de la traite dont ses ancêtres ont été victimes? Comment expliquer que l'insulte à leur mémoire va jusqu'à transformer ces anciens cimetières en décharges ou aires de repos sur le bord de la route. Sa bande son à lui, c'est "Dark was the night" de Willie, mais plus généralement le blues.

Quelle pépite, mais quelle pépite!
Les deux acteurs principaux, François Cottrelle ( François) et Jean-Erns Marie-Louise (J.D) m'ont franchement convaincue, ils croient à leurs personnages au point que leurs émotions passent vraiment bien, même sans support visuels. J'aimerais vraiment ré-entendre ces deux acteurs dans des lectures, leurs voix passent très bien. Pour les deux autres, je n'ai rien à redire, leurs rôles sont plus courts, donc un peu moins marquants. L'actrice qui joue le rôle de la femme en deuil est Patricia Pekmezian, je ne suis malheureusement pas sûre de l'identité du dernier, car le rôle a été joué en alternance, et donc je ne sais pas quel acteur a été enregistré.

Il n'est pas impossible que la pièce continue à tourner, elle a été jouée à plusieurs reprises dans divers théâtres français, suisses, belges. Mais, en attendant, si vous avez 1h20 de libre, je vous conseille vraiment de vous caler et de l'écouter.

Présentation vidéo du projet
Le décor, pour s'en faire une idée ( peu de chance de voir cette pièce au festival off, vu la logistique et la taille de scène nécessaires. Peut être au In?)
Un avis sur une chaîne youtube dédiée au théâtre. Où il est donc précisé que le spectacle utilise aussi les odeurs, ce qui évidemment est perdu à la radio, tout comme l'espace scénique. Mais comme dit plus haut, ça ne m'a pas gênée pour suivre la narration.



4 commentaires:

  1. belle découverte! Merci pour ce partage!

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    1. Yep, j'ai pensé à toi, ça pourrait te plaire, du moins si tu apprécies d'écouter du théâtre.

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  2. Merci! J'essaierai d'écouter la version audio!

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    1. yep, c'est une jolie découverte, pas légère, mais très prenante.

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