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jeudi 15 février 2024

Quelques nouvelles de Tennessee Williams

 Au départ, j'avais prévu de parler du Masseur Noir, que j'ai trouvé en version lue par Renée Faure ( c'est dire si ça ne date pas d'hier, les enregistrements datent de 1971 à 1973), mas je me suis rendu compte que la même actrice avait enregistré plusieurs nouvelles de l'auteur dans le cadre ce ces lectures.

Donc, ni une ni deux, j'ai décidé de les grouper, vu qu'elles sont assez courtes (et encore les durées comprennent 1minute 30 de présentation) , et ça tombe bien je n'avais pas encore eu l'occasion d'aborder vraiment cet auteur pourtant très célèbre. Je ne connaissais de lui que l'adaptation filmée de La chatte sur un toit brûlant et Un tramway nommé Désir

Donc seule la première concerne pleinement le sujet de ce mois. Peut-être un peu la seconde, puisqu'elle se passe à La Nouvelle-Orléans.

Mais bon, l'ensemble de ces nouvelles est quand même bien souvent la réunion de nos inséparables Eros et Thanatos. Oubliez le 14 février, on va plutôt se vautre dans la luxure.

- Le masseur noir (25 minutes): on attaque directement par la nouvelle la plus... cheloue. Sado-masochisme et cannibalisme, vous êtes prévenus.
Un homme blanc qui souffre du dos (et pas que, sa tête bat aussi un peu la breloque) se rend dans un établissement où un masseur noir prodigue des massages très énergiques. Très très énergiques.. qui se terminent avec quelques côtes et une jambe cassée pour le client, mais... visiblement il aime ça et revient régulièrement se faire littéralement mettre en morceaux, parce que pour lui se faire casser la gueule, c'est de l'expiation. Le masseur et le client se font dégager du salon, et le délire christique continue, puisque le client fini mangé par le masseur. Je me demande s'il n'y a pas là en fait une dimension politique, dans la mesure où le blanc veut expier quelque chose et où le masseur noir trouve en échange le punching ball idéal, qui en plus le paye pour se faire démolir. D'autant que l'affaire se passe à Pâques dans une ambiance d'expiation collective et d'exhortation à la souffrance. J'ai bien l'impression que Williams se paye la fiole de la religion et de la société américaine tout entière et de son hypocrisie de manière grand-guignolesque.
Le texte, pour ceux qui préfèrent la lire.


- La statue mutilée (30 minutes): La statue mutilée, c'est Oliver Miller, un bel homme qui avait été promis à un bel avenir de boxeur. Mais suite à un accident, Oliver a perdu un bras. Que peut faire un boxeur manchot? Oliver a mal tourné, sombré dans la débauche, est devenu gigolo et pour finir, prostitué, un peu partout aux USA, jusqu'à un tournage de film érotique qui se finit en meurtre et vol... et voilà Oliver emprisonné et condamné à mort. Mais étonnamment, Oliver a marqué les mémoires partout où il est passé et dans sa prison, il reçoit des centaines de lettres d'admiratrices et d'admirateurs, auxquels il répond avec une certaine dose d'humour particulièrement noir et sarcastique. L'approche de la mort inéluctable le conduit à repenser ses relations avec tous ces gens. Mais c'est aussi une réflexion sur ce qui peut bien se passer dans la tête d'un condamné à mort, qui devient de plus en plus une bête sauvage. Oliver refuse même le " secours de la foi". Un pasteur troublé par le décalage entre la description du personnage et sa photo dans le journal conduit un pasteur à se donner cette mission de sauver son âme... parce que sur la photo Oliver lui rappelait la panthère en cage qu'il a vue au zoo, quand il était enfant. Et qui lui avait inspiré des rêves érotiques (heu...si, si je vous jure, il y a dans cette histoire un pasteur, qui fait des rêves érotiques avec une panthère, et transpose ça sur le prisonnier qu'il doit confesser)
Je suis quand même assez étonnée par le côté très osé de cette nouvelle qui va directement dans l'évocation de la prostitution, de la bisexualité, de l'homosexualité.. alors que la nouvelle date de 1948, à une époque où la censure ne laissait pas passer grand chose.

- Le champ des enfants bleus (26 minutes): Myra est une étudiante, en proie à un malaise, une insatisfaction grandissante, d'ordre philosophique. Ce dont elle souffre, c'est le besoin de s'exprimer, dans une société trop matérialiste. Elle s'inscrit donc à un cercle de poésie et rencontre Homer, un étudiant solitaire lui aussi passionné de poésie et qui en pince particulièrement pour elle. Coup de foudre pour lui, coup de foudre artistique pour elle, lorsqu'elle lit les textes d'Homer. Et pourtant, ce qui aurait pu être une mignonne histoire d'amour... n'aboutit pas, car Myra est fiancée à un nommé Kirk. Et, effrayée par ses propres sentiments au lieu d'opter pour le garçon bizarre, mais qui lui correspond intellectuellement, et lui plaît aussi physiquement, et malgré une brève et sensuelle aventure avec Homer, elle suit les conventions. Elle épouse celui qu'elle n'aime pas, qui ne lui cause aucun émoi, surtout, pour ne pas avoir à accepter ses désirs (scandaleux, à l'époque, pour une femme), préférant garder en mémoire le souvenir de cette rencontre, dans sa vie rangée de femme mariée.
Il est curieusement question de fleurs bleues dans cette histoire qui est moins une histoire " fleur bleue" que de frustration et de désirs inavoués. Je me demande si Williams parlait ou connaissait le grec, parce que les noms de ses personnages sont grec. Evidemment, appeler Homer le garçon qui écrit de la poésie est une référence transparente, et Myra est soit lié à la ville de Myre (en Turquie grecque) soit à la myrrhe ( parfum en grec), or elle se roule dans les fleurs et s'imprègne de leur parfum dans un accès d'enthousiasme presque dionysiaque, mais est plus probablement une référence à Adam et Eve et au paradis perdu. J'aimerais bien savoir quelle a été son inspiration pour cette nouvelle.

- La nuit où l'on prit un iguane (30 minutes): un texte que je connaissais de nom, pour son adaptation apparemment très libre en pièce de théâtre, puis en film ( De John Huston quand même avec Ava Gardner et Richard Burton. Je ne l'ai pas vu, mais quand même, une telle affiche est tentante.
En vacances dans un hôtel à Acapulco, la jolie Miss Jelkels, célibataire, rencontre deux hommes écrivains, qu'elle tente de charmer, mais... sans effet. Les deux hommes l'ignorent et même fuient cette curieuse femme qui les colle, les espionne et le reluque (bon visiblement Miss Jelkels n'a pas l'air d'avoir trop compris que ces deux gars n'ont pas vraiment envie qu'elle se mêle de leurs affaires). Et, alors qu'elle gardait une certaine distance, un événement se passe: le fils de la patronne a attrapé un iguane, qui est attaché pile sous la fenêtre de Miss Jelkels et fait du bruit, ce qui dérange la pimbêche, la brave dame, laquelle décide illico de changer de chambre pour en avoir une juste à côté des deux vacanciers.
Imaginez la situation, vous êtes en vacances avec votre... euh, disons meilleur copain, et une dragueuse vient vous casser les oreilles avec les concepts de souffrance, d'expiation et de sadisme parce qu'elle a entendu un iguane attaché gratter la terre.
Oui... la casse-bonbons de base, envahissante au possible. Evidemment, les deux hommes ne sont pas dupes et sachant qu'elle les espionnent, en profitent pour se moquer ouvertement d'elle, jusqu'à ce que le plus âgé des deux décide finalement de lui accorder ce qu'elle est venue chercher, histoire d'avoir enfin la paix.
Oui, je n'ai absolument aucune sympathie pour cette femme, pucelle de 30 ans, qui tient à sa virginité mais... drague à mort en même temps. Choisis ton camp ma grande, soit tu gardes ton pucelage, soit tu jettes ta gourme, mais tu ne peux pas faire les deux à la fois. En fait c'est exactement ce qui m'avait saoulé avec la Blanche ( l'oie blanche?) d'un Tramway nommé désir, malsaine au possible.

Bon, c'est quand même très chelou cette collection de nouvelles. Elles ne sont pas mal, mais je l'ai dit je ne m'attendais pas, en fonction de l'époque à quelque chose d'aussi ouvertement sexuel, sado-masochisme, obsessions et zoophilie quand même. Bon, pour l'homosexualité, connaissant un peu de réputation l'auteur, je m'y attendais.
Même si je sens confusément qu'il y a dans tout ça une dimension allégorique, bien plus sociale, au delà qu'une simple collection de névroses de personnages englués dans leurs principes et surtout leurs principes religieux. Du sarcasme aussi. J'ai l'impression qu'en faisant faire les choses les plus tordues possibles à ses personnages, c'est sur la société américaine en générale qu'il tire à boulets rouges.
Mais bon , je n'irais pas jusqu'à dire que c'est un coup de coeur littéraire.
Disons que pour moi, qui ait en général du mal avec les audiolivres, ce n'était pas plus mal pour une fois de trouver ces nouvelles en version lues, parce que j'aurais probablement eu du mal à accrocher à son écriture un peu fouillis ( je mets ici un bémol, puisqu'il s'agit de traduction)

pour la première nouvelle qui retourne la situation par rapport au temps de l'esclavage.

Bonus, 2° auteur du mois de février




4 commentaires:

  1. Je n'en connais aucune cela a l'air très particulier !

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    1. Je dirais " à lire ou à écouter à petite dose", c'est à tenter, mais en ce qui concerne les personnages ils sont tous demi/ complètement / immensément timbrés. donc ça pourrait me lasser assez vite. 4 nouvelles était une dose suffisante de déraison pour le moment :D

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  2. Comme quoi, le challenge fait aller encore plus loin que prévu ;-)

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    1. Tout à fait, maintenant je me dis que je vais aller plus loin encore dans l'ignoble et la démence, le jour où j'aurais le courage d'écouter les podcasts sur le KKK...

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