Bienvenue amis curieux!

Pourquoi le Cabinet de curiosités?

Tout simplement parce qu'on y trouve un peu de tout, par ordre de pagaille. Cette idée de collection sans thème déterminé me plaît...

Vous trouverez donc ici un peu de tout, de ce qui fait ma vie, mes loisirs: musique, lecture, voyages, etc...
Bonne lecture

Qui passe par ici?

Flag Counter

dimanche 11 février 2024

Polychromie musicale (8) - Jesse Johnson

Allez, je l'avais dit, chiche que je profite de ce mois pour mettre en avant des gens moins connus/ oubliés. Après Blind Willie Johnson, et si je revenais à une époque moins lointaine?

Commençons par le grand oublié des années 1980. Dans la famille funk, je demande le petit frère, Jesse Johnson. Yep, un autre Johnson.
Il a eu son heure de gloire, mais a été oublié assez injustement. Et ce, bien qu'il soit toujours vivant et, apparemment donne encore des concerts de temps en temps. Ca faisait des années que je ne l'avais plus écouté, lui non plus, j'ai eu vraiment envie d'y revenir et de lui accorder plus d'attention à lui aussi. Il la méritait totalement.

Le pauvre Jesse a eu la double ou triple peine.
Déjà son nom, qui ne marque pas spécialement les mémoires, et le fait confondre avec Jesse Jackson, politicien de la même époque, et Michael Jackson. Ensuite, être contemporain de Michael Jackson et Prince, bon, ça n'aide pas à se faire une place au soleil non plus.
Et, en plus, être de la bande de potes de Prince, quand on a peu ou prou le même style farfelu (mais c'était le cas de toute la bande de copains dans le Minnesota des années 80), haut en couleur, qu'on est aussi chanteur et guitariste, qu'on joue aussi du funk, qu'on est recruté par ce dernier pour jouer de la guitare dans un de ses projets annexes, ben... ça devient difficile ensuite d'arriver à tirer son épingle du jeu.

les gens de ma génération se souviendront peut être d'avoir vu ce dandy à chapeau, sans arriver à se rappeler son nom. Ben voilà, Jesse Johnson, c'est lui. Guitariste du groupe The Time avant de prendre son envol en solo.

Tellement oublié en fait que je l'ai moi aussi zappé dans ma liste de messieurs à chapeaux alors que c'est presque son signe distinctif (et un de plus qui semble confirmer l'étrange lien entre chapeau et guitare :D)
oubli réparé, le voilà avec un chapeau, il semble lui aussi en avoir une belle collection de toutes sortes.
Une belle collection de guitares aussi

Allez on va commencer par une chanson qui a eu un gros succès à sa sortie, et qui thématiquement est parfaite pour ce mois:  " Black in America" (avec, en prime un sombrero à pompons et une veste à épaulettes, parfaitement années 80. Cette extravagance généralisée me manque, je dois avouer)
Mais surtout ça permet de l'entendre jouer de la guitare acoustique à 12 cordes, et il se trouve que j'adore la 12 cordes, le son est bien plus riche que la guitare habituelle à 6 cordes. Deux fois plus de cordes, deux fois plus de fun! Par contre la qualité d'image n'est pas géniale, c'est pas faute de chercher, et c'est bien dommage. Pas trouvé nom plus les noms des choristes, mais leur trio est vraiment sympa.

Nota, il n'a pas l'air d'être particulièrement grand ou taillé comme une armoire normande, mais plutôt d'avoir de grandes mains, ce qui, a mon avis, aide bien pour faire des barrés sur une 12 cordes (dixit celle qui a laissé tombé l'idée car elle n'y arrive déjà pas sur une 6 cordes, même si le manche n'est pas, de fait, 2 fois plus large mais juste "un peu" plus large). En faisant un arrêt sur image, c'est quand même impressionnant de voir à quel point le manche de cette guitare a l'air petit dans sa main.
Les paroles, pour les curieux

Mais alors, j'ai beau fouiller, c'est quasiment impossible de trouver une photo de lui souriant, il a toujours l'air hyper sérieux, voire un peu austère. Alors que dans les clips, ce n'est pas tout à fait la même ambiance et, quand il l'air un peu moins sérieux, beeeeen... je pense que les nanas ne font pas toutes semblant juste pour les besoins de la vidéo de le trouver à leur goût. Je peux comprendre. Le monsieur ne manque pas de charme.

Occasion de constater que lui et moi avons la même caractéristique, les "dents de la chance", ou du bonheur... ou de lapin, selon la bienveillance de qui le dit. Et le batteur m'éclate, déjà c'est sec comme un paire de claques, et rythmiquement, ça donne une irrésistible envie de taper du pied,  mais en plus sa manière de jouer est plutôt drôle à voir.

Un beau gars avec un goût marqué pour le rose vif, et un style extravagant, qui joue des chansons entraînantes ou ses peines de coeur, ça l'a fait classer un peu trop rapidement comme " chanteur à midinettes", ou en tout cas, à ne pas trop prendre au sérieux. Et pourtant, Jesse mérite d'être écouté pour ce qu'il fait, et non uniquement en tant que "pote et collaborateur de",  que " le type farfelu à la guitare rose" ou que "le gars avec un joli minois qui chante des ballades sentimentales", ce qui n'est pas du tout son seul sujet. Il est loin de démériter, que ce soit vocalement ou en tant que guitariste.

Hop, quelques bonnes années plus tard. Style un peu moins haut en couleurs, mais ouf, toujours chapeauté!


Petit détail marrant: le fait qu'il soit né dans un patelin appelé "Rock Island", c'est top pour un guitariste.

Et ce qu'il faisait était quand même bien sympa, un peu blues, un peu rock, un peu pop, un peu folk, beaucoup funk. Malheureusement, il n'a sorti que 5 albums solo entre 1985 et 2009, ça n'aide pas non plus, et il est vite passé sous les radars. Donc autant dire qu'il est bien resté dans l'ombre médiatiquement déjà à l'époque et est toujours éternellement oublié des listes de guitaristes ( même quand une revue décide d'en lister pas moins de 250. Ceci dit, ils ont aussi oublié Rory Gallagher, ce qui me fait douter de la pertinence de cette liste)

Et pourtant, allez je vais le dire, il a été relégué au rang de 3°,mais  POUR MOI (notez!), il est largement plus intéressant que Michael Jackson, qui est pourtant celui que j'ai le plus entendu dans ma jeunesse. La raison est simple: Michael Jackson était un excellent chanteur et danseur, mais ne jouait pas d'un instrument, ne composait pas vraiment, et était produit par d'autres (et cette circonstance est tragique puisqu'il a été exploité toute sa vie par tout le monde) et là, on a quelqu'un qui chante, danse, joue d'un instrument, écrit, compose et produit.

Manque de chance pour Jesse, il s'est trouvé à bosser avec celui qui faisait également tout ça ET maîtrisait un paquet d'instruments variés. Cette collaboration a certes fait démarrer sa carrière, mais l'a aussi entravée ensuite à force de comparaison, et aussi, il faut bien le dire, du fait que Prince a vu un potentiel vrai rival dans son entourage, et ne l'a pas autant mis en avant que d'autres collaborateurs, probablement pour le garder pour lui-même, ça m'arrangerait que tu n'ailles pas bosser avec quelqu'un d'autre, ou que tu ne fasses trop parler de toi, tu vois...
Bon, il y avait aussi probablement une vision du travail différente entre le stakhanoviste de la musique capable de sortir au moins un disque par an, et celui qui en a sorti 5 et une compilation en 30 ans.

Ce qui amène à l'histoire de Shockadelica.
C'est le titre du second opus solo de Jesse, qui n'a pas de chanson éponyme. Pour l'anecdote, lorsqu'il l'a fait écouter en avant-première à Prince, celui-ci a trouvé dommage de ne pas avoir de morceau titre, en a composé un pour son pote dans la foulée en lui disant, voilà, comme ça tu auras une chanson avec ce titre, chanson qui ressemble d'ailleurs énormément au reste de l'album, et n'aurait donc pas choqué dans l'ensemble. Mais, refus de Jesse qui ne voulait pas de collaboration sur son disque, ce qui est parfaitement son droit. Que faire de la chanson?

C'est ainsi qu'on se retrouve avec Shockadelica, album de Jesse Johnson, qui n'a pas de chanson portant ce titre, et Shockadelica, single de Prince, qui ne figurait pas sur un album de ce dernier, sortis au même moment. Le public de l'époque a dû se demander pourquoi deux oeuvres avec un titre aussi bizarre.
Juste un cadeau refusé et évidemment, ça s'est soldé par une brouille durable entre les deux musiciens.
Et pourtant musicalement, sur tout l'album les influences mutuelles s'entendent (au point qu'on peut faire un mix entre la musique de DMSR et les paroles de Be your man et ça passe plutôt bien. Ceci dit il mélange aussi lui même en concert Be your man et Controversy, donc, bon...le temps a dû atténuer les griefs)

L'album vs La chanson

Mais comme je le disais, ce serait dommage de s'arrêter à la période de cette collaboration et de ne faire que chercher les ressemblances ou les influences de l'un sur l'autre, car oui, ça marche dans les deux sens.
Chose étonnante, la page Wikipédia qui lui est consacrée le mentionne en tant que producteur des Rita Mitsouko, ce que je n'avais clairement pas vu venir. Je n'ai rien trouvé de plus précis à ce sujet qu'une reprise de Andy et le fait qu'il a assuré les parties de guitare et de batterie sur quelques titres des Rita.

Allez, rien que cette collaboration vaut le détour, je ne la connaissais pas, et ça fait plaisir d'entendre cette version alternative encore plus pêchue que celle qu'on connaît.
Andy des Rita Mitsouko feat. Jesse Johnson ( et rien qu'écrire ça me fait tripper)


Il a aussi remixé " le petit train" et je n'arrive pas à m'y faire, c'est tellement improbable :D

Et ici, le témoignage d'un admirateur français qui a eu la chance de le rencontrer, de discuter et dîner avec lui, et il s'avère qu'en plus l'ami Jesse est un authentique type sympa, qui a envie de savoir ce que ses auditeurs pensent de sa musique, qui s'intéresse à la France et à sa politique, et est ouvert d'esprit, ça fait toujours plaisir de le savoir.

Et maintenant, musique!

Bon allez, seulement 5 albums, je peux vous lier tout ce que je trouve.
1985: Jesse Johnson's Revue ( je me demande s'il y a un clin d'oeil à Parade de son fameux copain, sorti la même année). Pas suuuuper original, en même temps c'est un premier disque solo, mais très agréable à écouter.

1986: Shockadelica . Un mot qu'il a inventé et qui pour lui signifie un choc, dans le bon sens du terme, quelque chose d'enthousiasmant, comme voir passer une jolie fille ou entendre une musique qui vous met d'excellent humeur. On comprend que se faire piquer le concept et se retrouver mis sur la touche par les médias qui l'ont pris une fois de plus pour un suiveur l'ait vexé, y'a de quoi.

1988: Every Shade of Love ( je me souvenais bien de cette pochette et de cette curieuse veste. Il y avait l'homme orchestre, voilà l'homme accordéon. Oui je sais mais c'est vraiment l'idée qui me vient en tête. Si charmant soit-il, la veste me fait beaucoup rire).
Le premier titre, Lovestruck, avait marché fort à l'époque, du moins je me rappelle l'avoir entendu  quelques fois à la radio. Mais amputé de son solo de guitare pour cadrer avec les durées requises par la radio, et pourtant mazette, c'est là qu'on se rend compte que c'est un excellent guitariste qui mérite qu'on s'y intéresse. La suite confirme cette impression, qui était un peu cachée sur les 2 opus précédents, il y prend un virage plus rock. La deuxième piste est titrée " So misunderstood" et je pense que ça résume bien la situation. Donc pour ceux qui aiment la guitare foncez, il y a du très bon.

1996: Bare my naked soul (double).
 Coup de coeur! La première très courte piste est simplement un phrase où il précise faire un disque "plus orienté guitare". Et pas qu'un peu, il poursuit l'orientation rock amorcée précédemment, mais pas que. Il montre vraiment tout ce qu'il sait faire: ballade à la guitare acoustique dédiée à sa fille, tranches de vie blues ou hard rock...
Et le paradoxe est que la critique, après lui avoir reproché de trop rester dans les limites du funk sur les premiers disques lui a cette fois reproché... de s'en être éloigné.
Mais pour moi, wow, c'est une belle preuve de son vrai talent de guitariste capable d'aborder plusieurs styles, sans, justement, se restreindre.

2009: Verbal penetration (double album)
De manière surprenante, et qui confirme son intérêt pour la France, la première piste est, je tiens à le signaler, en français. Simplement une voix qui dit le titre de l'album et une autre qui ajout " Regarde, c'est Jesse Johnson", d'autres phrases en français émaillent le disque :D Ce qui suit revient vers le funk, la soul et le jazz, avec de plaisantes touches de flûte, de saxos de chorales gospel, des changements de rythmes, et bien sûr, il ne se limite plus sur la guitare. J'ai bien aimé mais avec une petite préférence pour le précédent album quand même, ce qui ne signifie pas que je n'ai pas kiffé celui-ci, d'autant qu'il y a des instrumentaux et ça, j'adore.
Je n'ai pas trouvé l'album sur Youtube, en voilà j'ai essayé de reconstituer au mieux l'album, mais il manque pas mal de chose, notamment les pistes de liaison entre les morceaux (parlées, or s'il les a intégrées, c'est bien que c'était sa manière de voir les choses). Mais une question me trotte dans la tête: est-ce qu'il parle français ou du moins l'a appris? Il n'est pas louisianais, et peut-être pas francophone de naissance.
Playlist partielle.

Les deux cds ont une orientation très différentes, le premier est dansant, le second plus expérimental, mais dans tous les cas, il y a un sous texte bien plus politique que précédemment. apparemment els auditeurs n'ont pas trop aimé le second qui sort plus de ses habitudes (mais j'ai adoré Ali vs Frazier, évocation en instrumental jazz d'un combat de boxe, preuve qu'il est a l'aise dans différents styles, et je n'ai rien contre les passages de liaison parlés ou qui changent sans cesse d'ambiance, racontent des histoires, ùetttent en musique des bribes d'interviews, et jouent avec les accents, parce que évidemment, ce côté collage, ça parle à la fois à mon côté prog' et amatrice de langues étrangères. "Astrology" m'a faite sourire, parce que c'est un manifeste... pour la réintégration de Pluton en tant que planète officielle, qu'il met étrangement en lien avec une volonté de changement politique sur fond de percus très Carlos Santana et de guitare qui font un gros clin d'oeil à Hendrix. Beaucoup ont détesté parce que "Aucun intérêt, ce n'est pas de la musique". Mais comme je le disais plus haut, il l'a voulu comme ça, c'est ce qu'il a voulu exprimer à un moment précis donc, "on aime ou on aime pas, mais on fait pas beurk!".

Et, allez, en prime, une interview, où il explique entre autre que ce titre n'a rien à voir avec le sexe, que même ses enfants ont eu une réaction négative et qu'il leur a dit "allez ouvrir un dictionnaire, le mot a plusieurs sens, et n'oubliez pas le " verbal" devant". Il n'empêche que la  journaliste a beaucoup de mal à garder son sérieux et à dire le titre, qu'elle appelle à peu près "verbal plantation". Et en plus, ça donne l'occasion d'entendre sa voix parlée qui est, comme très souvent, plus grave que sa voix chantée, et d'apprendre comment il en est venu à jouer de la guitare.

Et en 2024? 

Actuellement, pas de nouvelles, son site personnel n'a plus été mis à jour depuis des années, soit qu'il ait décidé pour x raisons de se mettre en retrait ou en retraite, soit qu'il prenne son temps pour fignoler un nouveau disque, ou qu'il préfère se consacrer a une activité de producteur, en tout cas, il se fait très discret. J'espère simplement qu'il est en forme et, idéalement, qu'il prépare quelque chose musicalement parlant. Avec un rythme de 12 à 13 ans entre 2 albums, si on met à côté la période Covid, il est dans les temps :D


2 commentaires:

  1. C'est intéressant de faire ressortir des personnes moins connues de nos jours!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et pour moi aussi, je connaissais son passage avec the Time, ses premiers tubes en solo du temps où la radio le diffusait encore, mais j'étais totalement passée à côté des deux derniers albums, qui n'ont pas du tout été mis en avant à leur sortie.
      Et pour la collaboration avec les Rita, je ne m'en remets toujours pas :D

      Supprimer