Peu de lectures pour moi pour ce mois anglais, et pour cause, celui-là m'a pris beaucoup de temps. En fait j'avais emprunté le tome 1 à la médiathèque, avant de voir que le niveau des dialogues m'était probablement accessible en VO. D'autant qu'il s'agit d'une BD avec pas mal de cases muettes. Et si je tentais la VO? Un BD anglaise en plus, ça n'est pas si souvent, et c'est parfait pour le mois anglais.
On peut la lire ici ( mais attention, prévoyez du temps, on en est à 1787 pages à ce jour, dernières en date parues hier, et ce n'est pas fini. Ca fait l'équivalent de 5 gros tomes, et d'un sixième en cours)
J'ai beaucoup entendu parler de cette BD, vu son succès phénoménal qui lui a valu une adaptation en série sur Netflix ( mais comme je n'ai pas Netflix, je ne l'ai pas vue et n'en ai pas l'intention, je ne suis pas vraiment fan de séries, alors qu'en BD, bizarrement ça va. Faut dire que lorsqu'on a 10 minutes, lire un chapitre de BD est possible, regarder une série, beaucoup moins)
Et donc j'ai attaqué la BD pour ce mois anglais, en me disant que vu sa teneur, ce serait aussi une lecture clin d'oeil au mois des fiertés.
Sur la papier le scénario est simple: l'histoire d'amour de deux lycéens, l'un ouvertement homosexuel, l'autre qui découvre sa bisexualité.
Alors oui, mais pas que.
Parce qu'autour de ces deux là, de leur rencontre et de leur coup de coeur (c'est le titre après tout!), se greffent peu a peu tout un monde : le lycée, les amis, la petite ville du Kent où se passe l'action, leurs loisirs respectif ( et ça donne de la profondeur aux personnages en plus de ménager des ressorts narratifs: l'un joue au rugby et espère pouvoir dans l'idéal devenir professionnel.. ce qui fait que lorsqu'arrive le moment du choix d'orientation après l'équivalent du bac, il se retrouve dans une impasse n'ayant jamais envisagé un parcours scolaire. L'autre joue de la musique, se passionne pour la batterie et intégrer un groupe pour jouer sur scène lui donne la confiance nécessaire pour surmonter un traumatisme psychologique), les familles plus ou moins présentes et/ ou compréhensives...
Car l'homosexualité, ou plus généralement les problèmes d'identité sexuelle et de genre n'est qu'un des sujets abordés parmi tous ceux qui peuvent concerner des jeunes de 16/ 17 ans et on y aborde des thèmes sérieux, que jamais l'auteur ne traite de manière légère ou sous un jour flatteur: la consommation d'alcool par les mineurs y est précédé d'une mise en garde " attention sujet sensible" (pour que le lectorat anglo - saxon, moins habitué à ces choses que le lectorat français par exemple, ne vienne se plaindre. Et de fait le binge drinking est un vrai fléau outre-manche) est suivie d'une gueule de bois monumentale qui n'embellit pas la chose. Certains personnages sont harcelés, soit au lycée, soit en famille, on y mention les ravages que fait justement le harcèlement pouvant causer l'apparition de troubles mentaux ou comportementaux...
Les bons comportement sont mis en avant: le soutien psychologique et le fait d'aller le chercher quand on en a besoin, le fait de dénoncer le harcèlement, la notion de consentement qui que soit la personne avec qui on sort, les sujets de la protection en matière d'éducation sexuelle sont directement traités ( même s'il s'agit d'enfiler un préservatif sur un concombre en cours de biologie, ce qui est discrètement charrié car peu en phase avec la réalité), les difficultés à décider à 17 ans ce que l'on veut choisir comme orientation professionnelles, sa filière d'études, son futur travail...
Donc en soit c'est intéressant d'essayer de traiter un maximum de thèmes, mais c'est aussi un peu le problème de la série pour moi.
D'une part, oui, deux jeunes découvrent leur homo/ bisexualité, et passent beaucoup mais alors beaucoup de temps à se bécoter. Donc oui, c'est bien de montrer que c'est avant tout une relation sentimentale de deux individus, qui vont sortir ensemble avant même d'avoir l'idée de passer aux choses sérieuses, mais il y a un peu TROP de pages de bisouillages. Ca ne fait pas franchement progresser l'action, ça lasse vite et ça fait un peu trop fan-service à mon goût. Les pages de tranches de vie sur les loisirs, la santé mentale , l'orientation sont bien plus intéressantes en fait.
D'autre part, j'ai l'impression qu'après être partie sur l'histoire d'un homosexuel qui assume sans honte son orientation , bien qu'on lui ai fait auparavant la vie dure à ce sujet, et d'un bisexuel qui découvre être moins hétéro qu'il ne le pensait, l'autrice a voulu traiter tous les cas de figure. Et là ça sonne artificiel. Hormis les parents, personne ou presque dans cette ville ne semble être hétéro. Alors oui, je comprends que des gens qui ont une particularité commune se rassemblent et se soutiennent mais là, la bande de copains compte un homo, un bi, deux lesbiennes dont l'une s'avère non binaire, une fille trans qui sort avec un ancien camarade de classe qui est au courant que sa petite amie était un garçon auparavant, une asexuelle, et ce n'est probablement pas fini. La variété des origines des personnages fait aussi " on essaye de mettre un maximum d'ethnies ou d'origines différentes " et ça donne un côté publicité Benetton. Le père de Charlie est Portuguo-allemand, celui de Nick est français, les grand parents de Elle son égyptiens, Tao est asiatique sans que son origine ne soit directement nommée, Sahar est aussi d'origine probablement moyenne orientale ( et en surpoids),la prof de sport est indienne, un des profs est probablement marocain... trop d'inclusivité tue l'inclusivité, et à chaque nouveau personnage on se demande: il vient d'où, quelle est son orientation, quel est son trauma... littéralement, tout le monde a un secret ou un gros problème.
Pour moi le point de balance a été les deux profs du voyage scolaire qui s'avèrent homosexuels. En soit pas de problème, si on avait pas déjà eu ce même ressort scénaristique auparavant, puisque la prof de sport est mariée avec une autre femme
Ce qui gomme même l'existence de potentiels copains hétéros, sans drama personnel, de gens parfaitement indifférents à l'orientation des autres, qui ne s'en mêleront pas, mais peuvent prendre fait et cause en soutient au droit à l'égalité
(et c'est pourtant l'immense majorité de la société. "Tu sais quoi, Machin est homo..."
" du moment qu'il est cool, il peut bien faire ce qu'il veut avec qui il veut, c'est pas mes oignons. Par contre si quelqu'un vient l'emmerder à cause de ça, on sera deux contre lui parce que c'est mon pote et je suis de son côté")
Mais oui, on frôle l'indigestion à vouloir tout traiter, et certaines révélations font soit doublon, soit arrivent comme un cheveu sur la soupe en donnant l'impression que c'est une case à remplir.
Ces défauts font que pour ma part c'est une bonne lecture mais pas un coup de coeur ( pun intended) absolu. Néanmoins, ça reste un plaisir de trouver un BD qui traite de problèmes quotidien et de thématiques LGBT sous un anglais positif ou qui suggère des pistes pour sortir d'un problème grave ( l'importance de s'adresser à un médecin en cas maladie mentale par exemple, car le soutien des amis est important mai ne peut pas suffire à aider le malade et la guérison est lente avec des risques de rechute, mais oui on peut s'en sortir). Donc je la suivrai en VO, peut être pas semaine par semaine, je vais probablement attendre la fin de l'année que les chapitres s'ajoutent pour avoir un peu plus de lecture. L'autrice a la sagesse de savoir mettre en pause ponctuellement et prendre des vacances, sans cacher que c'est pour éviter le surmenage et risquer un burn-out
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