Hop, on continue le cinéma du vendredi soir , en piochant dans le catalogue du cinéma indépendant, parce que honnêtement, déjà, trouver des films égyptiens, ce n'est pas évident dans l'absolu.
L'affiche est plutôt joyeuse, mais je le dis d'emblée c'est très mais alors très trompeur. Sauf sur " déroutant et sidérant" |
Il était présenté comme film fantastique et comédie, et ce n'est pas vraiment, voire pas du tout le cas.
u contraire, ça commence dans une ambiance très mais alors très réaliste, autour d'une famille pauvre, le père, la mère et leur 3 enfants qui vivent dans un deux pièces miteux, dans un quartier défavorisé d'une ville non identifiée d'Egypte. Et ça commence par un suicide dans une cour d'usine. Hein, un film prétendument comique?!
Sans explication, donc la vie de la famille. Famille très traditionnelle, le père ne s'adresse à sa femme que pour lui donner l'argent pour les courses du jour, lui donner les consignes sur ce qu'il veut qu'elle fasse à manger ou les tâches de la journée. Il communique étonnamment plus avec ses enfants, probablement parce que ce sont des garçons, hein...
Arrive l'anniversaire d'un des fils, qui fête ses 4 ans, et les parents ont mis le paquet: tout l'immeuble est invité et on a même fait venir un magicien pour animer l'anniversaire. Le genre qui transforme une canne en bouquet, un mouchoir en papier en long ruban... un prestidigitateur donc.
Qui va réussir son tour suivant au delà des espérances, puisqu'il transforme, sans même savoir comment, le revêche père de famille en poulet. Et impossible de lui rendre forme humaine. Ni le magicien (qui quitte vite les lieux en douce, après avoir été traité de possédé, d'escroc, de sorcier...), ni le désenvoûtement par des marabouts douteux qui vivent dans les bidonvilles.
Il faut se rendre à l'évidence, non seulement le mari sous sa forme de volaille ne peut même plus faire la seule chose qu'il devait faire, à savoir travailler et gagner quelques sous, mais il a laissé s'accumuler les dettes en dépensant le maigre pécule en babioles ridicules.
Et maintenant il ne fait plus rien, à part coûter de l'argent en nourriture, en frais vétérinaire et fienter partout. Les maigres économies fondent vite. La dame soumise va devoir se prendre en main, chercher du travail, payer les arriérés de loyer et rembourser l'argent emprunté par-ci par là. Et qui peut bien donner un travail à une femme silencieuse, effacée et qui n' a pas d'expérience? L'usine où travaillait son mari ne recrute pas du femme, elle réussit à se faire engager comme servante chez une femme riche mais se fait licencier pour avoir volé des morceaux de viande destinés au rebuts.. La seule solution serait que l'aîné de ses fils, celui qui vient de fêter ses 4 ans, reprenne l'emploi de son père, mais pour ça il faut prouver qu'il a disparu ou est dans l'incapacité de travailler. Mais que faire, présenter un poulet à la police en disant " voilà, c'est mon mari, il a été transformé en poulet par un magicien"? Ce n'est pas franchement envisageable non plus.
Alors évidemment ici le fantastique n'est que l'excuse pour parler de l'Egypte défavorisée ( et clairement à ce niveau, il ne vend pas du rêve, défavorisée est un euphémisme, c'est le tiers-monde dans cette cité et même dans cette ville) et de la condition féminine: exclure socialement la moitié de la population pour la cantonner aux tâches domestiques est un très mauvais calcul, car personne ne peut plus vivre avec un seul salaire. Mais la condition de l'anonyme héroïne n'est même pas la pire, même si elle est à deux doigts de la misère, et qu'elle ne peut plus payer le loyer de son taudis, elle a quand même un toit, et on la voit traverser au fil du film divers lieux : bidonvilles où survivent les migrants venus probablement du Soudan, ou villa avec piscine d'une femme aisée, mais tout y est dans un état de délabrement rare, et j'ai rarement vu un film avec autant de plans montrant des gens en train de compter de l'argent. Je pense comprendre où le réalisateur veut en venir... vu que la corruption est pointée à tous les niveaux.
Par contre je me demande pourquoi ce film est classé comme comédie, car il est tout sauf une comédie. Un drame sur la misère, une fable allégorique, oui.. mais pas franchement une comédie (le film s'ouvre d'emblée sur un suicide par immolation, sans explication, dont on se doute que l'explication viendra plus tard et que tout le film est un flashback qui va expliquer cette scène... sauf que même pas vraiment, au spectateur d'en décider). Sinon à ce tarif, il faudrait aussi prétendre que l'Assommoir est un livre humoristique.
Ceci dit, si je l'avais initialement prévu dans ma liste de films fantastiques d'octobre, je l'en ai retiré parce que le côté fantastique n'est que le début du sujet, et que c'est bien le côté misère et avenir sans espoir qui est au coeur du sujet. J'ai envie de penser que la femme qui essaye comme elle le peut de s'en sortir est, pour le réalisateur, une allégorie de l'Egypte tout entière, exploitée par un fonctionnariat corrompu, plus que la narration d'une histoire personnelle, mais franchement fait s'accrocher, c'est tout sauf un film facile. Je ne dirais pas que je n'ai pas aimé, mais... je regrette qu'il ait été présenté comme une comédie fantastique, car il n'est ni l'un ni l'autre. J'aurais été probablement moins interloquée en sachant le vrai sujet.
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