Après le petit extrait visuel d'hier, voilà l'album d'où provient l'illustration des willis.
Hooo le joli album, acheté il ya quelques années en souscription, je n'ai pas pu résister à cette beauté et à ses magnifiques ilustrations. Et en bonus, j'ai eu la dédicace de la dessinatrice et 6 cartes postales ( au lieu de trois, car une de celle que j'avais choisies etait en rupture ) et deux fonds d'ecran. Donc déjà le coeur geant de ce sujet, ce sera pour Senyphine. J'aime beaucoup mais alors beaucoup la momie et la sorcière vaudou bien que ce ne soient pas mes couleurs favorites à la base, et Hone-Onna.
Pour la petite histoire, la semaine de mon arrivée en Belgique, pour un an, et la veille de la rentrée,il y avait la fête de la BD, dans le parc du Palais Royal. J'y suis allée et et eu la surprise de voir un Stand du Héron d'Argent, tant cette petite maison d'édition est peu connue. J'ai donc pu discuter avec Vanessa Callico qui était là, lui expliquer que j'avais participé à la souscription et que j'avais doncnchez moi en France l'exemplaire dédicacé par sa collègue dessinatrice.. et de fil en aiguille nous avons parlé de musique, elle m'a donc conseillé la symphonie des Songes, édité au meme endroit. Entièrement basé sur la musique, autant dire que je l'acheterai des que possible, et fourni avec un CD pour faire connaître les morceaux dont il est question. Et voyant que l'un des morceaux choisi est interprété par Samuel Ramey, je n'ai pu m'empêcher de dire à quel point j'adorais la voix de ce chanteur. C'est elle qui a insisté pour que ce soit cette version qui soit utilisée car elle est fan au point que son mari en a marre d'entendre chanter Samuel Ramey.
Ca fait tellement plaisir de se trouver un point commun avec quelqu'un, et sur un sujet que j'ai difficilement la possibilité d'évoquer avec les gens que je connais.
Et c'est parti pour plusieurs thèmes, chacun avec sa petite explication, suivi d'une page individuelle, avec une petite citation, quelques informations et une illustration. Et on va voyager dans le monde entier!
Au programme:
- Revenants et apparitions ( spiritisme, poltergeist, dames blanches, willis - voilà, vous savez d'où vient l'illustration des danseuses fantomatiques quand j'ai évoqué Giselle - la mort, le chamanisme, les feux follets, les banshee, les moins connues krasue d'Asie ou lavandières de nuit celtes, etc..)
- les lieux hantés ( tourde Londres , forêt d' Aokigahara, chambre de Lincoln, ile de Poveglia...)
Le bateau fantôme, que je ne pouvais pas éviter vu que c'est l'un des sujets proposés au vote thématique cette année.
- les vampires et créatures assoiffées de sang (Strigoï et Moroï - des vampires roumains roux , essayez de le dire vite - le baykok amérindien, le chat vampire de Nabeshima et la Hone-Onna, ou plus inhabituels arbres vampires, tous asiatiques, cihuateteos aztèques, stryges greco - romaines, fruits et légumes vampires du kosovo 🤔😂...pishtaco péruvien qui se nourrit de graisse , là, il y a un marché à faire avec lui!)
- Zombies et morts vivants (Draugr d'Islande, jiangshi chinois, vaudou, goules, tokoloshe du Zilbabwe, momie...)
J'ai sélectionné quelques doubles pages, pour avoir des photos qui rendent bien , mais toutes ne sont pas aussi impressionnantes.
J'ai aussi beaucoup apprécié de voir des monstres du monde entier ( Australie, Thaïlande, Kosovo, Zimbabwe, Pérou...) et pas seulement Européens ou Japonais. Évidemment il en manque plein ( pas de yeti, de jackalope, de chupacabras, de diablesse guyanaise, ou de tarasque, de graoully, de drac, de bête de Gevaudan, car oui nous avons aussi nos monstres en France...) donc un tome deux serait vraiment bienvenu 😉
Danse, concert, son et lumière, opéra.. et on revient à la danse. C'est vendredi, c'est le jour de la sortie virtuelle au spectacle.
Mais qui voilà? c'est Théophile " Théo-la-déprime" qui revient.
Pas comme écrivain, cette fois, et je n'ai pas de formule très galante du type "encore emperlée des pleurs d'argent de l'arrosoir" à vous fournir. Cette fois, il s'est simplement chargé de la trame narrative de cette histoire de revenants sans paroles.
Un écrivain dont on ne lira pas une ligne pour une oeuvre qui n'a pas de texte? Et oui...
Et en plus il a largement puisé dans la littérature allemande ( Heinrich Heine en l'occurrence)
« Dans une partie de l'Autriche,
il y a une légende qui offre certaines similitudes avec les
antérieures, bien que celle-ci soit d'une origine slave. C'est la
légende de la danseuse nocturne, connue dans les pays slaves sous le nom
de "willi". Les willis sont des fiancées qui sont mortes avant le jour
des noces, pauvres jeunes filles qui ne peuvent pas rester tranquilles
dans la tombe. Dans leurs cœurs éteints, dans leurs pieds morts reste
encore cet amour de la danse qu'elles n’ont pu satisfaire pendant leur
vie ; à minuit, elles se lèvent, se rassemblent en troupes sur la grande
route, et, malheur au jeune homme qui les rencontre ! Il faut qu'il
danse avec elles ; elles l'enlacent avec un désir effréné, et il danse
avec elles jusqu'à ce qu'il tombe mort. Parées de leurs habits de noces,
des couronnes de fleurs sur la tête, des anneaux étincelants à leur
doigts, les willis dansent au clair de lune comme les elfes.
Leur figure, quoique d'un blanc de neige, est belle de jeunesse ; elles
rient avec une joie si effroyable, elles vous appellent avec tant de
séduction, leur air a de si doucettes promesses ! Ces bacchantes mortes sont irrésistibles. »
Toute ressemblance est absolument volontaire, c'est la même légende qui a inspiré les Noces Funèbres. allez cette fois, le coeur géant d'Halloween, c'est pour la très vivante et très morte Emily.
Merci Wikipédia. Donc c'est en se basant sur ces quelques lignes de Heine que Gautier et Henri de Saint Georges vont imaginer une histoire qui va avoir beaucoup, mais alors beaucoup de succès et reste encore très souvent représentée actuellement.
Petit détail marrant, la page Wikipédia de Théophile Gautier nous indique qu'il a été souvent mis en musique par des compositeurs célèbres: Fauré, Ravel, Massenet, Bizet, oui d'accord.. Duparc et d'Indy...ils sont quand même autrement plus oubliés que Adam, pourtant classé parmi les " un peu oubliés"
Oublié? Non seulement Giselle est resté dans les mémoires, mais, sans le savoir forcément, vous entendez Adolphe Adam aussi TOUS les ans à la même époque, car il est l'auteur d'un incontournable chant de Noël. Au cas où vous vous demandiez pourquoi celui-là était musicalement plus abouti que la moyenne des chants de noël, c'est bien parce qu'il a été écrit par un compositeur aguerri pour un orchestre au complet. Et d'expérience, je trouve que c'est un compositeur très agréable à jouer.
Mais nous n'en sommes pas encore à Noël. D'abord, les fantômes!
Et en plus je peux faire un lien avec le sujet sur Hoffmann. Déjà l'inspiration allemande. Et vous vous souvenez d'Antonia, la femme au coeur fragile qui aime chanter, au risque de mourir prématurément si elle chante trop? ( pssst, dans la réalité,je n'ai jamais entendu parler d'une telle maladie, hein.. à part une rupture d'anévrisme qui pourrait arriver même en dormant)
Giselle la paysanne a le même problème: elle aime danser, mais ne semble pas en très bonne santé. De plus, il y a la légende locale des willis, femmes mortes d'avoir trop dansé, qui terrifie sa mère, laquelle lui déconseille donc la danse. Mais Giselle n'en a cure et, bien qu'elle craigne la légende et les mauvais présages, ne manque pas une occasion d'aller danser avec Loys, son si sympathique, si souriant, si adorable, si distingué, si gentil, si...(insérer qualité au choix) petit ami. Si menteur aussi. Déjà, il ment sur son prénom, il se nomme Albrecht
Que se passerait-il si Loys/Albrecht venait à lui briser le coeur?
Gagné, c'est exactement ce qui se passe. De manière littérale.
Le garde chasse, qui en pince pour elle, révèle devant tout le monde qu'Albrecht n'est pas un paysan, mais un duc, qui ne tiendra jamais ses belles promesses puisqu'il doit sous peu épouser une noble femme. Giselle, en apprenant ça, devient zinzin ( un passage obligatoire de toute oeuvre dramatique du XIX° siècle où la maladie mentale arrivait soudain, durait quelque minutes, signalé le par le fait de..se détacher les cheveux. Oui, c'est une convention théâtre: personnage décoiffé = personnage fou. Avant d'entraîner un trépas rapide. C'est là qu'il faut accepter une grosse petite suspension temporaire d'incrédulité°. Donc Giselle meurt d'une crise cardiaque sous le nez de tout le village. Fin de l'acte I, où les deux hommes se sentent quand même UN PEU coupables .Encore heureux: un menteur, et un qui manque du tact le plus élémentaire, bravo les gars, vous venez de faire mourir une cardiaque! Oui, s'en vouloir, c'est le minimum. Par contre commencer à se battre parce que " c'est pas moi c'est lui".. Vous vous valez, au niveau muflerie.
Mais on est en Allemagne, pays de légendes et de fantastique. Giselle devient un spectre vengeur, une willi, mi fantôme, mi vampire, bien décidée à se venger du traître qui à causé sa mort. La spécialité des willis, femmes mortes avant leur mariage ou par la faute de la trahison d'un homme, est d'attirer tout représentant du sexe masculin qui a été infidèle, parjure, menteur ou grossier envers les femmes (autant dire, tout homme, à un moment de sa vie, donc) et de lui faire payer pour tous les autres en absorbant son énergie vitale: comprendre, le forcer à danser jusqu'à épuisement.
Promis, vous saurez très prochainement d'où vient cette illustration représentant les danseuses fantômes en pleine vengeance.
Et les willis ont une reine, qui, voyant les deux responsables de la mort de Giselle, venus fleurir sa tombe, les condamne à danser dans le cimetière jusqu'à ce que mort s'ensuive. Les enfoi... heu, les hommes vont-ils réussir à rester en vie jusqu'au matin, à l'heure où les spectres des femmes trahies retournent dans leur tombe? Suspense. Il en existe plusieurs versions, donc ça dépend un peu de celle que vous verrez ( il y a même une adaptation sud africaine, où les esprits vengeurs sont autant des hommes que des femmes trahis, leur chef est un sorcier... et je vous avoue que j'ai terriblement envie de voir cette relecture!).
Donc oui, pour le coup, c'est beaucoup moins mignon que le fantôme du parfum de la rose, j'avais commencé gentiment, mais là, je sors de ma manche les atouts" trahison, vengeance, cimetière". Fallait au moins ça pour que j'arrive à me motiver à regarder, pour la première fois et en entier, un spectacle de danse classique. Ce qui fut fait, par petit bouts. Et même en double,si,si.
Il fallait donc au moins l'histoire de fantôme ET...Si vous avez suivi les
précédents sujets, vous avez deviné. Yep, mon fournisseur officiel
d'informations dans ce domaine, en même temps que mon coup de coeur
absolu sur scène. Ce n'est pas faute d'avoir essayé, je vous jure,
j'ai tenté de voir la version avec Rudolf Noureev, pourtant la star
ultime de la danse au moins du point de vue de la France, où il jouit
encore d'une popularité immense même des années après sa mort. J'en ai
essayé d'autres encore mais... j'y peux rien, je suis tombée d'entrée
sur l'excellence théâtrale. Difficile de revenir en arrière après ça,
tous les autres paraissent platounets.
Mais qui voilà (bis)?
C'est Nikolaï alias "le grand brun" qui revient avec ses jambes
immenses, sa précision d'horloge suisse et sa souplesse hors du commun.
Pas
dans une version, non, dans deux. Très différentes. Même trame
générale, même action, même musique, mais la mise en scène diffère
énormément, les costumes aussi. La première date de 1998, la qualité
d'image n'est pas terrible, mais le spectacle est en entier et bien
cadré. Ce qui saute aux yeux c'est qu'il y a beaucoup de scènes et
danses de groupes.
La seconde date de 2008, donc tout pile, 10 ans plus tard, la qualité visuelle est meilleure. Même interprète principal, mais j'ai préféré la danseuse qui tient le rôle titre ici. Par contre cette version a été filmée par quelqu'un de la famille ou des amis du gars qui joue le garde chasse et on arrive à cette absurdité: lors de la scène cruciale, la mort de l'héroïne principale, la personne filme tout... ce qui se passe sur le côté. Et on rate le noeud de l'intrigue. Bravo! Mais la grosse différence, c'est que la plupart des scènes de groupe sont remplacées par des duos. Un peu comme si, dans une pièce de théâtre, il y avait deux textes alternatifs très différents, et qu'on change des dialogues entiers en fonction du nombre d'acteurs disponibles ( Ce qui n'est pas le cas,on parle du Bolchoï teatr, il y a beaucoup de monde qui y travaille, c'est donc bien un choix de mise en scène voulu)
Je pourrais bien vous lier une vidéo où l'ami Nikolaï lui-même compare deux versions différentes mais... c'est en russe. Fort
instructif, mais je ne pense pas que les visiteurs de mon blog apprennent
le russe (et si c'est le cas bravo, et merci, je me sens moins seule! Allez donc écouter ses
mini-conférences de présentation, ça dure 10/12 minutes et c'est une
mine d'or sur les arts de la scène et en vocabulaire spécialisé)
Outre les mises en scènes différentes,
il y a au moins deux possibilités d'interprétation: Albrecht est-il un
enfoiré de première qui s'amuse à promettre monts et merveilles à une
femme naïve pour passer le temps en espérant une petite aventure
pré-matrimoniale, c'est une paysanne, ça ne porte pas à conséquence? Ou
est-il un pauvre type, pas volontairement mauvais, mais coincé dans une
situation qu'il n'a pas choisie, subissant les conventions sociales
d'un mariage arrangé par sa famille, et qui essaye de vivre un peu pour
lui-même sans avoir bien conscience des conséquences qu'entraîne son
désir de liberté? Le garde chasse est-il motivé uniquement par des intentions altruistes afin d'éviter une déconvenue à Giselle, ou par
des motifs beaucoup moins nobles du genre " éliminer un rival tout en
passant pour un homme intègre, et consoler la fille de très près" .Giselle est-elle vraiment naïve ou essaye-t-elle
aussi de se bercer d'illusions en faisant taire ses soupçons jusqu'à ce
que la situation soit révélée devant tout le monde (ce "paysan" est
quand même bien éduqué, et bien raffiné par rapport aux autres,
impossible de ne pas le voir). Le "devant tout le monde" est peut-être
crucial ici, puisqu'elle perd la face en public, pas sûre que la même
chose à 3 personnages aurait eu le même résultat. Une bonne crise de
nerfs ou une colère monumentale. Ou un fataliste "dans le fond, je m'en
doutais". En tout cas, il semble que le fantôme de Giselle ait son point
de vue
sur la question et en veuille plus au garde-chasse pour l'humiliation
publique qu'il lui a fait subir, qu'à Albrecht pour ses mensonges.
Les deux sont possibles et vont orienter l'interprétation, selon le résultat qu'on souhaite. Evidemment d'un point de vue narratif, les secondes solutions sont beaucoup plus riches et intéressantes y compris pour les interprètes, vu qu'il faut faire ressortir le côté innocent du malhonnête désigné, le côté malhonnête du chic type, et le côté moins naïf de la naïve fille. A vous de voir si vous préférez une lecture très droite ou plus tortueuse.
Voilà pour le spectacle. C'est maintenant l'heure de la suite du feuilleton" les tuiles de Nikolaï", je vous l'ai dit, je n'arrive même pas à savoir si c'est un poissard d'anthologie ou le type le plus chanceux du monde. Episode 2.
Donc qu'est-ce qui peut être pire que de gros ennuis juridiques avec un employeur et d'être faussement accusé d'une tentative de meurtre? Avoir failli mourir, avoir failli être amputé d'une jambe, et s'en être sorti vivant ET entier par un hasard monumental. De quoi mettre les nerfs de n'importe qui à rude épreuve.
En 2004, lors d'une tournée en France, le danseur qui a alors une trentaine d'années (donc un âge qui peut vite devenir un handicap dans une profession où d'autres plus jeunes arrivent et attendent de pied ferme la retraite des aînés...) est victime d'un accident lors d'une répétition: rupture des ligaments d'un genou. Aïe. Déjà en soi, c'est la vraie grosse tuile bien douloureuse. Sauf que... opérations, re-opérations, infection nosocomiale et début de gangrène. Et maintenant, imaginez-vous dans cette situation, avec un métier, qui est aussi une passion, et qui impose de pouvoir se mouvoir sur deux jambes en bon état. Et que les médecins vous disent, " va falloir songer à vous couper la jambe si on veut vous sauver" Une partie de moi arrive à imaginer l'horreur de la situation, une autre se dit que le choc psychologique a du être bien pire que tout ce que je peux imaginer. Pauvre homme.
Il pris sa décision, probablement insensée pour la plupart des gens, mais que je comprends, et qui demande du courage car il faut envisager sereinement une issue fatale: laisser faire la nature, en comptant sur la chance, la médecine et une forme physique exceptionnelle.
ET... décidément, l'étoile a une bonne étoile (et, merci les sources en VO c'est aussi à peu près le sens de son nom de famille en géorgien, "première étoile". En plus d'être un nom au sens super classe, ça paraît trop beau pour être vrai, mais pourtant, si. Et je ne vois pas comment on pourrait avoir un aptonyme plus adapté, c'est le destin!).
Il s'en est sorti. On lui a dit "vous aurez de la chance si vous arrivez un jour à remarcher normalement sans canne, faites une croix sur votre carrière". On parie? Deux ans de rééducation et d'entraînement pour revenir au plus haut niveau - sans même avoir la certitude d'y parvenir - et il l'a fait. En utilisant sa convalescence pour parfaire son français et passer des diplômes.
J'ai d'ailleurs trouvé son blog personnel où un article explique son ressenti. Il y raconte qu'en fin de compte, cette expérience dramatique a eu des conséquences positives, sur sa manière de voir la vie, sur son rapport à sa propre santé, aux gens en général et en particulier à ceux qui lui font des compliments ( lui qui n'aimait pas ça avant, s'est rendu compte que " les compliments sincères sont plus que de simples mots"), ou sur la chance en général, qui est surtout une question de point de vue et de savoir tirer parti des situations même défavorables.
Mais rassurez-vous, l'histoire n'est pas terminée... Nikolaï a 46 ans, est en pleine forme, avec ses deux jambes. Il ne danse plus professionnellement, mais est directeur d'une des plus importantes académies de danse de Russie, et forme d'autres gens à être aussi bons que lui. Toujours grand, mais moins brun. Il a pris de l'âge, des cheveux gris, quelques pattes d'oie, mais a toujours une énergie communicative et un sourire magnifique, en plus d'une culture phénoménale. Que lui souhaiter de mieux qu'une longue vie en pleine santé et sans autres tuiles?
A la question " quelle vedette voudriez-vous rencontrer?", ma réponse est toute trouvée. La première fois que j'ai vu ce monsieur dans un extrait de spectacle, je me suis dit "wow, charmant et talentueux, mais il y a autre chose, ce n'est pas n'importe qui"... et en effet, "pas n'importe qui" c'est un doux euphémisme, j'étais loin du compte. Je respecte immensément les gens qui ont une telle force de caractère, une telle détermination et une personnalité aussi haute en couleurs. Le coup de foudre artistique du début se justifie totalement. Je pense que vous comprenez mieux maintenant pourquoi je vous bassine avec cet interprète en particulier. Son atypicité saute aux yeux en quelques secondes. Et "atypique" est un énorme compliment pour moi.
Vendredi au théâtre n° 2, cette fois, on va l'opéra. Après le mignon fantôme rose de Théophile Gautier, j'embraye donc sur ETA Hoffmann, et son double théâtral mis en musique par J. Offenbach.
Un oeuvre musicale fondamentale pour moi, je l'ai écoutée en boucle étant enfant . Oui c'est bizarre mais j'ai plus écouté de classique et de jazz que de trucs pour enfants.
Et c'est cette version qu'avaient mes parents, avec sa couverture psychédélique un peu flippante. Et j'étais en train de me dire " comment s'appelait le chanteur principal, impossible de me souvenir de son nom?" Que.. QUOI?!... non?... si! Encore un! Je vous jure que je ne fais vraiment pas exprès. Purée, il y a vraiment un lien mystique entre ce prénom, ou ses variantes et moi. Je commence à me dire que l'univers m'envoie un signe très appuyé. Bon, ben, un Nico de plus. Que j'ai toujours pris pour un italien, je viens donc juste de découvrir qu'il était suédois, et mort il y a 3 ans. Elizabeth Schwarzkopf et Victoria de Los Angeles, rien à redire sur la distribution 3 étoiles.
Hoffmann, donc, le vrai, Ernst Theodor Amadeus, est un auteur allemand moins connu du grand public que ses prédécesseurs Goethe et Schiller. C'est l'un des meilleurs représentant du genre fantastique allemand, avec ses contemporains les frères Grimm. Oui je classe les contes en fantastique, on y reviendra un de ces jours. Et pourtant c'est un de mes favoris. Car il a écrit des nouvelles, donc ça se lit très facilement quand on a peu de temps. Et surtout, pour qui veut tenter la lecture en VO, une nouvelle est peut-être moins contraignante qu'un roman entier.
De plus, si j'ai mentionné Mérimée, Gautier, Maupassant aussi pour le fantastique bien qu'ils aient écrit beaucoup d'autres choses, Hoffmann, lui, s'est vraiment illustré dans le domaine des nouvelles fantastiques. Des fantômes, des apparitions inquiétantes, un prototype de robot ( automate, mais quand même, c'est déjà presque une histoire SF!), le diable, un sorcier par ci, une malédiction par là.
Et le tout saupoudré d'un humour sarcastique qui fait plaisir. Je cite "Hoffmann est donc un provocateur qui use d'un comique littéraire subtil et que remarque Charles Baudelaire dans le conte Princesse Brambilla, chef-d'œuvre de son art humoristique. Le poète français explique que « ce
qui distingue très particulièrement Hoffmann est le mélange
involontaire et quelquefois très volontaire, d'une certaine dose de
comique significatif avec le comique le plus absolu. » Il poursuit : « Ses
conceptions comiques les plus supranaturelles, les plus fugitives, et
qui ressemblent souvent à des visions de l'ivresse, ont un sens moral
très visible. » Selon Baudelaire, Hoffmann donne l'impression d'être un physiologiste ou « un médecin de fou » (un aliéniste) tant ses descriptions sont réalistes. Ainsi, Princesse Brambilla est un véritable « catéchisme de haute esthétique »39." Merci wiki.
Je ne le savais pas. Une fois de plus, Charles et moi sommes d'accord. Ca a beau être le mois halloween, je vais continuer à distribuer des coeurs géants, pire que le 14 février. Moi qui voulait faire de la Saint Baratin un Halloween bis... C'est Halloween qui devient une déclaration d'amour à l'art.
Et donc les contes d'Hoffmann ( l'opéra) se base sur principalement 3 nouvelles de Hoffmann ( l'auteur) qui sont racontées par Hoffmann ( le personnage principal) lors d'une soirée de beuverie.
Ce n'est pas un bug dans la Matrice.
Rembobinons: Dans l'opéra, le personnage nommé Hoffmann est un écrivain en panne d'inspiration. Il est particulièrement doué pour s'embarquer dans des histoires sentimentales pas possibles, ce qui a le don d'irriter la Muse de la poésie, puisqu'il préfère draguer et se saouler plutôt que se consacrer à l'Art. Elle va donc emprunter l'apparence de Nicklaus, meilleur ami d'Hoffmann, pour le tirer de force de la taverne où il est retranché avec force bouteilles et joyeuse compagnie.
Dans le théâtre voisin, la chanteuse Stella, dernière conquête en date du - z- héros, fait envoyer à Hoffmann une lettre avec la clef de sa loge. Lettre interceptée par le conseiller Lindorf, qui se dit qu'il irait bien volontiers à ce rendez-vous qui ne lui a pas été donné. Et évidemment, Lindorf le notable et Hoffmann l'écrivain ne peuvent pas se supporter.
Ce triangle amoureux de base va réapparaitre sous forme codée dans les histoires racontées pendant les trois actes qui suivent. On pourrait les intituler "les pires échecs sentimentaux d'Hoffmann", puisque chaque fois, il va raconter comment il s'est ridiculisé devant pas mal de monde, à cause de l'avatar de Lindorf dans l'histoire du moment, qu'il fait à chaque fois intervenir dans ses récits comme un "diabolus"ex machina, tant il le déteste.
Acte I: Olympia. Adaptation de"l'Homme au sable". Hoffmann tombe amoureux d'une femme qui n'en est pas une. Non, ce n'est pas un homme, mais un automate. Evidemment, tout à été mené par le nommé Coppélius- Lindorf, qui, pour se moquer d'Hoffmann, lui a vendu des lunettes magiques, qui lui font voir Olympia comme un être vivant alors qu'elle est pour le reste du monde qu'un automate bien raide. Hoffmann, amoureux d'une femme qui n'a pas de coeur (et pas de cerveau non plus).
Acte II: Antonia. Adaptation du "violon de Crémone/ Le conseiller Crespel" Antonia est la fille du conseiller Crespel. Feue sa mère était une chanteuse d'opéra, décédée d'une crise cardiaque. Antonia aime chanter, et a elle aussi une jolie voix, qui pourrait lui ouvrir une carrière sur scène. Mais son père le conseiller refuse qu'elle se lance dans une carrière artistique, dangereuse d'après lui pour sa santé. Hoffmann veut la convaincre de tenter sa chance ( sans savoir le risque qu'elle court). Arrive le docteur Miracle - Lindorf, qui, avec ses pouvoirs magiques, fait apparaître le fantôme de la mère d'Antonia, lequel la pousse aussi à chanter, bien que ça puisse lui être fatal. Et c'est évidemment ce qui se passe. Hoffmann, amoureux d'une femme qui a un coeur cette fois, mais défaillant.
Acte III: Giulietta. adaptation des aventures de la saint Sylvestre. Pour oublier ses deux précédents échecs, Hoffmann est parti en Italie.Il va tomber entre les griffes de Giulietta, une prostituée vénale, payée par le dénommé Dapertutto, pour "voler" des choses à ses conquêtes grâce à des objets magiques. Au précédent, Peter Schlemihl, elle a volé son ombre - d'après " l'histoire fantastique de Peter Schlemihl ou l'homme qui a vendu son ombre" A.Von Chamisso. Ce titre long comme une année sans vacances est un petit livre très drôle qui revisite avec humour le Faust de Goethe. Faust vend son âme, Peter son ombre.. et ça va lui poser beaucoup de problèmes.Très peu connu en France, et c'est bien dommage. Sa nouvelle mission est donc de voler dans un miroir le reflet de Hoffmann. Pourquoi? Bah, comme ça, parce que Dapertutto, le docteur Miracle, Coppélius sont les versions fantasmées de Lindorf, qu'Hoffmann met à toutes les sauces dans ses récits, tant il le déteste. Hoffmann, amoureux d'une femme dont le "coeur" est à vendre.
épilogue: Hoffmann jure qu'il en a fini avec les femmes, toutes des... et explique à ses compagnons de picole que ces 3 histoires sont de fait des inventions pour représenter Stella, l'artiste, qui, en résumé, se fait passer pour une pure jeune fille mais ne vaut pas mieux qu'une.. euh, on va dire gentiment, courtisane. Devinez qui arrive à ce moment?
Stella.
Qui, entendant ce que Hoffmann (qui a peut être un coeur mais pas de jugeote), raconte à ses potes, le plaque instantanément. Pour Lindorf. Au moins, ce n'est pas un soiffard de taverne qui l'insulte en son absence. Ne reste donc plus à Hoffmann qu'à cuver en maudissant les femmes en général, et se consacrer enfin à sa seule muse , qui, toujours travestie en Meilleur ami, ambiguïté XXL, fait littéralement une déclaration d'amour à son écrivain.
Vous comprenez pourquoi j'adore? Ce n'est pas une intrigue linéaire, on est loin du simple triangle amoureux de base, le personnage décrit comme un diable n'est qu'un type normal, le héros assez misogyne se fait plaquer par sa nana après l'avoir descendue en flamme devant tout le monde et c'est bien fait pour lui. Et pour finir une scène plutôt culottée. On est loin du standard des intrigues d'opéra.
Musicalement, c'est un bijou. Offenbach était un petit rigolo, mettant en musique des sujets souvent humoristiques, mais qui pour moi est musicalement du même niveau que Rossini. Ses adaptations musicales des fables de la Fontaine sont des pépites d'opéras en miniature. Clairement, c'est un de mes compositeurs favoris et un de ceux que j'ai le plus de plaisir à chanter. Les contes d'Hoffmann sont remplis du début à la fin d'air plus brillants les uns que les autres.
A noter que c'est le même baryton/basse qui interprète Lindorf et ses variations, et c'est pour moi un vrai plaisir à écouter.
Surtout "Scintille diamant", de l'acte III. Peut-on avoir un coup de foudre pour UN air? Oui. Depuis ma première écoute, ce morceau " diabolique" est mon absolu favori - et je regrette presque d'être une femme car je ne peux pas le chanter. Enfin si, seule chez moi.
Au choix, José Van Dam (baryton-basse, tonalité habituelle)
Ou Samuel Ramey, grand spécialiste des rôles de diable ( tonalité abaissée pour basse, plus rarement entendue, vous pouvez donc écouter ici la différence entre baryton-basse et basse)
La barcarolle est plus connue, mais pour moi c'est vraiment "Scintille Diamant" qui est le diamant de cette oeuvre.
Oui c'est très exactement l'endroit que vous pensez. Belle nuit d'amour... tarifée et en groupe.
Olympia, l'automate qu'il faut réparer comme une formule 1. A chanter évidemment de manière extrêmement raide et cocasse.
Trio Antonia, Miracle et le fantôme . Les 4 rôles féminins ne sont pas tenus par la même chanteuse, ce sont toutes de soprani, mais aux timbres différents. En tout cas Olympia est une colorature, donc beaucoup plus dans les aigus que les autres (une voix caractérisée par peu de graves, mais des aigus très virtuoses. Je n'aime pas du tout, heureusement la nature m'a épargné ça)
l'air de Kleinzach ( référence à " le petit Zacharie" autre nouvelle de ETA Hoffmann), qui part en vrille parce que Hoffmann est rond comme une bille et délire sur Stella.
Vraiment pour les gens qui ne connaissent pas le chant ou la musique
classique, c'est par cette oeuvre- là que je conseillerais de commencer:
humoristique, fantastique, qui ne se prend pas au sérieux, avec un héros
loser qui reçoit la monnaie de sa pièce.
Et une lecture imprévue qui s'est glissée dans mon programme.
Pour laquelle je retrouve mon fil rouge littéraire, l'autre Nikolaï ( décidément cette année, j'aurais été marquée par ce prénom, qu'en plus j'aime bien, y compris sa variante francophone Nicolas). Et après Théophile et Edgar, c'est presque une thématique "moustaches internationales" en ce début de mois Halloween.
En fait, cet été, dans ma ville, a eu lieu un festival de son et lumière, comme depuis plusieurs années maintenant. Et l'une des animations était faite sur la musique de Moussorgski " une nuit sur le mont chauve".. Tout en précisant " d'après une nouvelle de Nikolaï Gogol"... Euh oui, mais laquelle?
Ni une ni deux, j'ai cherché, j'ai trouvé, j'ai téléchargé et j'ai lu cette histoire d'épouvante mettant en scène un couple de paysans cosaques, un personnage diabolique et " la reine des sorcières " dont le nom n'est pas mentionné dans la traduction que j'ai trouvée, mais qui est bien reconnaissable à son isba montée sur pattes de poules: Baba Yaga. Probablement parce que les traductions gratuites sont anciennes et trafiquaient un peu pour ne pas perdre un lecteur novice du XIX°siècle, qui n'aurait pas su qui était Baba Yaga.
Cette nouvelle est tirée des " veillées du hameau près de Dikanka", largement inspirées des contes et traditions ukrainiennes.
Kolia, le joyeux drille. J'adore ces vieilles photos, ça donne une réalité à l'auteur, qui n'est plus seulement un nom sur une couverture. Il aurait même eu une bonne tête, avec un sourire, mais bon... encore un qui a eu une vie bien torturée d'auteur slave.
Un conteur très haut en couleur nous raconte une histoire, évidemment absolument vraie (que le diable nous patafiole si nous n'y croyons pas!) que racontait son propre grand père, qui la tenait de... etc...
Donc il y a très très très etc....longtemps, près du hameau de Dikanka, dans un village depuis longtemps détruit, vivait un cosaque veuf avec sa fille, la jolie brune Pidorka, et son fils Ivas, 6 ans. Pidorka avait un galant, Petro, trop pauvre pour prétendre à sa main. Le père avait donc résolu de la marier avec un riche Polonais. Apprenant cela, Petro fit donc ce que tout cosaque ferait dans ce cas: noyer son chagrin à la taverne. Où se trouvait un très inquiétant personnage, Basavriouk, à la réputation de mécréant, voire de diable.
Or Basavriouk propose un marché à Petro: de l'argent, beaucoup d'argent, bien plus que nécessaire pour pouvoir épouser Pidorka. A la condition de l'accompagner la nuit de la saint Jean (en fait, lors de la fête d' Ivan Koupala*, une fête d'origine païenne déguisée comme beaucoup d'autres en fête chrétienne), cueillir la " fleur de fougère" qui ne se trouve que cette nuit là,pour la remettre à la reine-sorcière. Cette fleur magique permet de faire de la divination et de localiser un trésor.
Ce que Petro fait, voyant alors des montagnes d'or apparaître à ses pieds... mais qu'il ne pourra obtenir qu'au prix d'un sacrifice humain. Or Petro n'est pas d'un naturel violent, et assassiner quelqu'un gratuitement n'est pas son genre. Pire, la victime qu'il doit décapiter n'est autre qu'Ivas, le petit frère de Pidorka et son futur beau-frère.
Que va-t-il faire? Je ne le dirai pas, ce serait gâcher la suite de la nouvelle.
Car ce n'est pas la seule manifestation étrange, les autres villageois assistent à des phénomènes et hallucinations causées par Basavriouk. De fait, le village entier subit sa présence maléfique.
Mais comme l'auteur fait un récit de conteur, tout ceci est entremêlé de détails pittoresques, de descriptions des innocentes festivités de village (où on mettait le feu aux jupes des filles, histoire qu'elles les enlèvent et qu'on puisse voir leurs jambes, haaaa on savait s'amuser en ce temps là!)
Et donc c'est vendredi, c'est spectacle et théâtre:N°2: on va au concert. Et voir un spectacle son et lumières dans la foulée.
Une nuit sur le mont Chauve- que beaucoup de gens connaissent via Fantasia avec un diable qui a traumatisé des générations de gamins.
Et donc la version de Moussorgski (écrite pour piano, remaniée pour orchestre par Rimski-Korsakov, rien que ça) se base librement sur cette histoire pour composer un poème symphonique narratif décrivant un sabbat de sorcières lors de la fête de Tchernobog - dieu slave des ténèbres, un peu hâtivement assimilé au diable par les autorités chrétiennes - jusqu'à ce que résonne la cloche annonçant l'aube et le retour des esprits dans leur monde ( donc un peu Halloween, un peu Walpurgis).
Comme c'est une musique narrative, elle décrit; dans l'ordre: les voix souterraines, l'apparition des esprits, l'apparition de Tchernobog, l'adoration de Tchernobog, le sabbat des sorcières, la cloche du matin, la disparition des esprits
Tchernobog "dieu noir", l'un des deux principes primitifs de la religion des anciens slaves. Le dieu de la mort, de la nuit, du mal, de la destruction. Comme comme le noir ne peut exister que par contraste avec le blanc, la nuit avec le jour,la destruction avec la création, Tchernobog a bien évidement un frère, Belbog " dieu blanc" ( oui, les noms ne sont pas très originaux!), qui représente, lui, les principes opposés. Le yin et le yang donc..
Et voilà, pour l'exhaustivité, le son et lumière sur une façade d'Avignon (la silhouette de chien n'en fait pas partie!). Evidemment ça rend moins bien qu'en réalité, mais ça reste très sympa. J'ai essayé de le filmer aussi, mais mon appareil photo n'a pas un son génial...)
* parlons donc de cette fête: Il est quand même rare qu'un dieu ait un prénom aussi banal qu'Ivan. Donc un dieu avec un prénom, ça intrigue.
De fait il s'agit d'une fête païenne dédiée à Koupalo, dieu de la fertilité et des récoltes, qui se déroulait au solstice d'été. Le nom "Koupalo" est vraisemblablement lié au verbe qui signifie " se baigner", et la fête implique justement de se baigner à la rivière, de sauter par dessus le feu, bref tout ce genre de rites purificateurs: on brûlait des vêtements appartenant aux malades en espérant se débarrasser magiquement de la maladie, les guérisseurs cueillaient des plantes médicinales et préparaient des médicaments et surtout, on festoyait, on dansait, on chantait, on picolait.. hommes et femmes allaient deux par deux cueillir les fleurs de fougères car on pensait que les fougères fleurissaient cette nuit là, indiquant l'emplacement de fabuleux trésors. Bon, les gens ne revenaient pas forcément avec une fleur ou un trésor, plutôt en ayant conclu une promesse de mariage. Bon en un sens, si tu pars avec un charmant monsieur et que tu reviens en l'appelant " mon trésor" ou équivalent ukrainien, techniquement, c'est que la magie a opéré.
Mais gare aux sorcières qui sortaient aussi jouer de mauvais tours aux humains cette même nuit.
Donc une fête joyeuse, désordonnée, et tout à fait de mon goût, qui n'a pas plu aux autorités chrétiennes, lesquelles se sont empressées, comme partout ailleurs, de la rhabiller de manière plus chrétienne en fête de Jean le Baptiste. Hop,on colle un prénom au dieu païen et on en fait un saint, on garde l'idée de l'eau et de la purification, le fait de sauter au dessus du feu, et exit les sorcières et la magie ( même si techniquement, un miracle, c'est simplement un autre nom pour un "TGCM"). De fait, cette célébration n'a pas totalement disparu, bien qu'elle déplaise toujours beaucoup aux religieux de tous bords. Il y a des mouvements " païens", qui revendiquent leur slavité,et les fêtes préchrétiennes, mais malheureusement, ils sont souvent noyautés par des groupes extrémistes politiques, et au final la sympathique fête où il s'agit de se baigner en chantant et en tressant des couronnes de fleurs se transforme en meeting politique nationaliste.
Le 7 octobre, c'est la journée d'Edgar Allan Poe,un auteur absolument incontournable pour le défi halloween!
In memoriam Edgar mort le 7 octobre 1849
dessin de Rayaan Cassiem, dessinateur Sud Africain, c'est peu de dire que j'adore
A l'origine j'avais prévu la lecture de la nouvelle et une adaptation en film, mais faute de temps, j'ai du opter pour une autre solution. Le film viendra donc plus tard. Et plutôt que la lecture, j'ai trouvé une version " mise en onde" par Radio France.
Je ne suis pas adepte des livres audios, mais là, c'est une adaptation en "pièce radiophonique", avec ambiance sonore.Et quelle ambiance sonore!Musique angoissante à souhait, les voix des 3 acteurs sont agréables, c'est très réussi. J'ai quelques difficultés à me concentrer et à suivre l'intrigue quand on me raconte un texte, sans le support papier, mon cerveau a tendance à battre la campagne assez facilement( et là,surtout sur le long passage du poème improvisé de Rodrick Usher) Mais par contre effectivement, l'ambiance sonore glauque à souhait apporte un plus.
Je n'avais jamais lu, ni vu ce texte ou ses adaptations, je suis dont partie dans l'écoute sans rien en savoir, cette nuit à Minuit et quelques. Et ça fait franchement son petit effet.Cette histoire de maison, non pas hantée, mais " vampirique", qui semble prendre possession de l'esprit de ses habitants, m'a bien tenue en haleine. Un très joli travail donc, 55 minutes à écouter, si possible comme moi, passé minuit, dans la pénombre!
A noter qu'il ne s'agit pas ici de la traduction célèbre de Baudelaire,mais d'une nouvelle traduction, publiée il y a 2 ans, donc inutile d'essayer de suivre avec le livre si vous avez la version classique de Charles!
Hormis le 5° spectacle non encore choisi et vu le reste est déjà prévu/ rédigé/programmé , je garde seulement le mystère sur les titres :D
Pas encore décidé si les 2 parties suivantes de Lafcadio Hearn seront ce mois-ci ou plus tard.
Lectures en cours: La sorcière ( Michelet), Fantômes du Japon ( Hearn), Anthologie du fantastique ukrainien ( Multiples auteurs)
Baba Yaga la sorcière
Et en conclusion: comme d'habitude, des activités annexes se sont intercalées, et je n'ai pas réussi à finir mes lectures...ni à proposer un 4° spectacle.
Non, je ne vous ficherai absolument pas la paix avec les spectacles, le théâtre et la danse cette année.Et comme on est encore plus ou moins coincés chez nous et que les spectacles reprennent timidement, mais sans assurance que les salles ne soient pas refermées d'ici quelques jours: C'est vendredi, je vous emmène au théâtre.
Parce que finalement pas mal de spectacles sont adaptés de textes littéraires ou de contes. Qui sont remplis à ras-bord de : sorciers, sorcières, créatures mythiques, divinités, monstres, revenants. Donc une mine pour le mois halloween.
Et qui dit littérature fantastique dit XIX° siècle, et il y a du beau monde, ne serait-ce que pour la France: Théophile Gautier, car l'auteur du Capitaine Fracasse et du roman de la Momie était aussi un amateur de fantastique et particulièrement d'histoires de fantômes (la cafetière, par exemple), Prosper Mérimée ( La Vénus d'Ille, Lokis) ou plus inattendu Alexandre Dumas (1001 fantômes).
Sans parler de l'Allemagne, Heine, les nixes, mais... en fait non, non je ne pourrai pas passer les contes de ETA Hoffman sous silence très longtemps. Ne serait-ce que par l'adaptation faite par Offenbach de plusieurs textes fantastiques ( avec entre autres donc une poupée mécanique et une apparition inquiétante, un fantôme, un pacte démoniaque...)
Difficile de trouver un portrait de Théophile qui ne donne pas l'impression d'être au bord du gouffre. Jeune, ça allait, vieux,c'était"Théo-la-déprime" ou" Théo-les-valoches" Ou peut-être a-t-il été lui même hanté et subi les insomnies causées par les fantômes?
On commence donc gentiment avec Théophile et un fantôme pas du tout effrayant. Peut-on même imaginer - à part Casper le gentil fantôme - un spectre plus sympathique et si peu dangereux que l'esprit d'une fleur coupée qui vient tourmenter sa "meurtrière" sous forme de parfum? C'est adorable.
Extrait de la Comédie de la Mort, recueil de Théophile Gautier ( qui m'a l'air d'avoir eu un sacré bagou pour draguer, un peu baratineur quand même. Mais bon, on ne va pas s'amuser à comparer avec la qualité de la poésie deux siècles plus tard, on en pleurerait. Il me suffit de savoir que mon idole littéraire absolue l'admirait pour que Théo gagne des points avec moi)
Soulève ta paupière close
Qu’effleure un songe virginal ;
Je suis le spectre d’une rose
Que tu portais hier au bal.
Tu me pris encore emperlée
Des pleurs d’argent de l’arrosoir,
Et parmi la fête étoilée
Tu me promenas tout le soir.
Ô toi qui de ma mort fus cause,
Sans que tu puisses le chasser
Toute la nuit mon spectre rose
À ton chevet viendra danser.
Mais ne crains rien, je ne réclame
Ni messe ni De Profundis ;
Ce léger parfum est mon âme
Et j’arrive du paradis.
Mon destin fut digne d’envie :
Pour avoir un trépas si beau,
Plus d’un aurait donné sa vie,
Car j’ai ta gorge pour tombeau,
Et sur l’albâtre où je repose
Un poète avec un baiser
Écrivit : Ci-gît une rose
Que tous les rois vont jalouser.
J'adore cette allitération en"p" de la première strophe, et celles en "s(s)"
(De mon côté, je suis Idéfix: il est absolument interdit de m'offrir des fleurs coupées, je suis capable, vraiment de vous envoyer... sur les roses. Mais bon, dans le doute, il parait qu'il y a un moyen de ressusciter la plante, la dame du texte ne le connaissait pas, elle aurait donc pu apaiser l'esprit en faisant repousser un rosier entier, et avoir la satisfaction de profiter du parfum des fleurs tous les jours sans les sacrifier. Il suffit d'une pomme de terre , la poésie y perd ce que l'horticulture y gagne)
Alors donc, adaptation?
Adaptation! L'avantage c'est que c'est très court, moins de 10 minutes pour un spectacle. C'est déjà pas mal pour un poème de trois strophes.
Mais je tiens d'abord à souligner ce qui peut faire tiquer: les costumes. Oui, c'est très bizarre. Mais ils sont estampillés 1911, et, pas plus qu'on ne pourrait changer la chorégraphie, on ne change les costumes. C'est comme ça, c'est gravé dans le marbre.
Positif: la dame a une jupe longue, personnellement je préfère ça aux tutus qui ressemblent à une fraise de la Renaissance autour de la taille.
Négatif: elle a un chapeau qui évoque un bonnet de nuit couvert de crème fouettée.
Positif: première fois dans l'histoire de la danse que le monsieur a le rôle principal, au lieu d'être un faire valoir qui se contente de soulever la dame le plus haut possible. Et interpréter le rôle d'un parfum requiert un bon talent d'acteur. Négatif: Tenue de natation 1910 avec bonnet de bain à fleurs. Soyons honnêtes, ce n'est pas évident de trouver quelque chose pour habiller quelqu'un en parfum (la suggestion " et s'il ne portait QUE du parfum?" pour tentante qu'elle soit, était irrecevable en 1910. Et s'avèrerait douloureuse en pratique, vu les sauts que fait le spectre)
Voilà les costumes, ça, c'est fait.
Donc le résultat est à la fois très curieux et super mignon, ni vraiment classique ni vraiment moderne. C'est un duo qui n'en est pas vraiment un: les danseurs ne se regardent pas la plupart du temps et se touchent à peine, ce qui est logique, puisque l'esprit est impalpable et invisible. Ce n'est que quand la femme est en plein rêve qu'elle peut l'apercevoir et essayer de le poursuivre, d'où le côté complètement aérien. Le tout sur le "rondo brillant en ré bémol majeur"de Carl Maria Von Weber, alias" Invitation à la valse" , morceau pour piano solo réorchestré par Berlioz, qui a le don de me mettre de bonne humeur. Ce très court spectacle m'a donné un sourire immense.
Et forcément, quand on a l'un des meilleurs sous la main , pourquoi en changer? Je fais donc appel une fois de plus à mon fil rouge brun, le grand Nikolaï. Et il reviendra encore parce que d'une part: talent et charisme. Et ce qu'il fait avec ses bras et ses mains est fascinant, j'ai rarement vu quelqu'un avec des mains aussi expressives, même pour du mime par exemple - et puis je vais avoir besoin d'illustrer d'autres sujets, et j'ai beau essayer de regarder d'autres interprètes, je ne suis pas convaincue, alors autant continuer avec le même. Surtout qu'il y a de quoi raconter à son sujet, même sur le plan humain.
Et d'autre part, alors qu'il est parfois difficile de trouver des sources vidéo de qualité, ou de plus de quelques minutes, il a accepté, pour ne pas dire encouragé, de laisser mettre en ligne des centaines d'heures d'archives, relativement récentes, initialement destinées à lui-même, pour évaluer ses propres prestations ( donc on n'y voit malheureusement pas toujours les spectacles en entier, il n'est pas rare qu'un artiste demande à des amis de le filmer pour pouvoir juger de ce que voient les spectateurs depuis la salle, de ce qui peut être amélioré...et en général on devient dans ce cas le spectateur le plus intransigeant du monde pour soi-même :D . Mais vu qu'à l'époque on filmait avec un caméscope à cassettes, difficile de capter la totalité d'un spectacle, ou l'intégralité de l'action quand le but est d'isoler justement un interprète dans un groupe.)
Probablement en grande partie aussi pour faire enrager ses anciens employeurs, qui aimeraient bien faire oublier qu'il a un jour bossé pour eux. Il ne les a pas officiellement mises en ligne lui-même, mais pour qu'une chaîne "non officielle" ait accès à des archives privées, c'est que le propriétaire les a mises à disposition*
Et donc troisième bonne raison: faire rager les rageux.
D'ailleurs, juste pour voir comment peut évoluer de manière impressionnante le physique de quelqu'un après des années d'entraînement
intensif, histoire de rester dans la botanique, je vous renvoie comparer la rose avec Narcisse je vous assure que c'est le même interprète (comme quoi, il ne faut jamais désespérer à la vue d'un ado un peu maigrichon, ça peut finir par s'arranger)
*Donc il faut que j'explique, parce que les médias européens, en tout cas non russophones n'ont pas parlé de cette affaire, ou alors de manière très imprécise, à chaud, et sans en donner la conclusion.
Episode 1 du feuilleton " les tuiles de Nikolaï", à se demander s'il n'a pas été victime d'un envoûtement.
Histoire de dingue: gros bras de fer de la vedette avec le théâtre du Bolchoï qui, suite à un très gros différent avec la direction. L'artiste a découvert et mis au jour des magouilles, des bricolages pas jolis-jolis, des irrégularités dans les recrutements..., a fait son syndicaliste, les a portés devant un tribunal, parce que c'est quelqu'un qui ne peut absolument pas la fermer quand il y a une injustice ou une malhonnêteté. Signaler les irrégularités à la direction c'est bien... sauf quand des gens hauts placés trempent dedans.
Son contrat n'a donc pas été prorogé et les gens corrompus sont restés en place. La direction a essayé d'effacer tout souvenir de sa présence sur scène: suppression de toute photo où il figurait, pas d'édition en DVD ou VOD des spectacles où il a participé...comme s'il n'avait simplement jamais été là. Même dans les archives du Bolchoï présentant les vedettes des années passées. On y trouve des gens sur les X dernières décennies, mais... pas la moindre trace de son passage.
Petite précision qui a son importance: il a été la vedette masculine absolue de la troupe pendant plus de 15 ans, qui faisait salle comble quasiment rien que sur son seul nom. Oui, à ce point, et non, je n'exagère pas. Quand j'ai découvert cet artiste il y a quelques mois, et avant de chercher des sources en VO pour savoir de qui il s'agissait, n'ayant jamais vu son nom nulle part, j'étais loin de m'imaginer à quel point il était populaire dans son pays. Surtout dans la mesure où la danse est perçue comme un art très élitiste en France. Imaginez juste un danseur classique devenir plus célèbre que l'est un footballeur chez nous. C'est EXACTEMENT ça.
Les imbroglio juridiques entre l'étoile et sa direction ont passionné les journaux, les émissions TV, les amateurs de spectacles, et même les quidams lambda. Ce n'est pas tous les jours qu'il y a une énorme affaire juridique entre la direction du théâtre le plus connu du monde et sa principale tête d'affiche.
Et ça c'est juste la partie "gentille" chapitre 1.2 Car il y a une suite, alors que Nikolaï a vu son contrat non renouvelé et est parti finir sa carrière ailleurs tranquillement, le directeur du théâtre a été attaqué. Pas en justice, à main armée. Et a publiquement accusé évidemment celui qui a été viré est parti d'avoir fomenté le coup. Et là encore, tribunal, procès...avant que le vrai coupable ne soit identifié. Un type discret et tranquille que personne n'aurait soupçonné. Ce qui cadre mieux avec une attaque en traitre que la grande gueule, bardée de diplômes en droit du travail - oui, il a été gravement malade et a occupé sa convalescence en passant entre autre des diplômes dans plusieurs domaines - qui rameute toute la justice parce qu'il est sûr et certain de ce qu'il avance. Mais dans l'idée de certains, pas de fumée sans feu, et une réputation ternie est difficile à rattraper, même lorsqu'on a été innocenté publiquement. La première fois que j'en avais parlé, j'avais émis l'hypothèse, sans avoir de preuves, que ça pouvait être un casse-burettes patenté au tempérament de feu. C'est donc le cas, mais sur un plan juridique.
Je n'arrive même pas à déterminer si le gars est un poissard d'anthologie ou le type le plus chanceux du monde. Disons un poissard qui a une chance insolente pour les trucs vraiment graves et des nerfs à toute épreuve pour tout le reste. Je trouverai l'occasion de vous raconter comment Niko est revenu d'entre les morts, et ce n'est même pas une blague halloweenesque.
Donc, dans ce rose costume vintage qui peut faire sourire, il y a en fait un intellectuel érudit, qui parle couramment français et probablement d'autres langues, anime des émissions littéraires pour parler de sa passion pour la littérature classique et a je ne sais combien de diplômes dans je ne sais combien de domaines. Oui, ça paraît trop beau pour être vrai, mais la réalité dépasse parfois la fiction et il y a donc UN personnage de roman dans le monde réel. Me voilà réconciliée avec le monde réel.
Coeur géant! Ce monsieur a gagné mon admiration et mon respect définitifs et pas seulement pour son talent, son expressivité et son sourire franc et direct. Intellectuel féru de littérature et d'art en général, sens de la justice développé, je-m'en-foutisme total vis-à-vis des critiques et des potins, humour volontiers sarcastique et énergie à soulever des montagnes, voilà quelqu'un selon mon coeur! 👍