Et Brüsel était un choix parfait pour ce mois belge.
Dans un monde parallèle, à la géographie curieuse, mais tout à fait reconnaissable, Schuiten et Peters imaginent des villes miroir de celles du monde réel. Toute ressemblance avec une célèbre capitale n'est absolument pas fortuite!
Dans Brüsel, une ville un peu poussiéreuse, mais en pleine mutation, aux mains d'un entrepreneur mégalomane qui veut raser les "vieilleries", pour laisser place à un gigantesque complexe futuriste.
le fleuriste Constant Abeels, amateur de sciences et de progrès, va se retrouver bien malgré lui aux prises avec la lourdeur administrative et l'incurie des pouvoirs publics, plus occupés à se congratuler et à détourner des fonds qu'à s'intéresser au réel bien-être des citoyens.
Sa rencontre avec Tina, fonctionnaire " sans-culotte" (réellement, c'est une adepte du naturisme, et de manière imagée, c'est aussi une rebelle), qui semble avoir une passion pour le sabotage, et une étonnante capacité à retrouver malgré tout du travail, va tout changer.
Non que Constant ait une âme de résistant, il se laisse plutôt porter par les événements, mais ceux-ci vont lui démontrer que si la ville avait réellement besoin d'une modernisation ( les hôpitaux y sont encore dignes du moyen-âge, 3 malades par lit, non séparés pour éviter les contagions), vouloir la propulser de force et trop vite dans la modernité n'est pas une solution non plus.
En tout cas, j'ai bien aimé le soin apporté à ces architectures futuristes, la référence réjouissante au Médecin malgré lui, la présence de Joseph Poelaert parmi les malades, l'ambiance steampunk avant même que le concept n'existe, le parallèle entre le début : la boutique de Constant, dans un immeuble proche de la décrépitude, où il "monte" des plantes en plastique, pâles ersatz d'une nature qu'il estime imparfaite, au son de "la mer" de Charles Trenet, et la fin, en pleine mer, suite à l'inondation de la ville sur un radeau de fortune.
Constant est d'ailleurs malade, d'une probable allergie à cette ville confinée, humide et sale.. qui disparait soudainement dès qu'il reprend contact avec le plein air.
Il y a de l'eau partout d'ailleurs:celle qui est coupée et justifie les démarches de constants face à l'administration, la pluie ou la neige qui tombent sans cesse, celle de la Senne.. malsaine, l'inondation causée par une rupture de digues, la mer...
Le tout avec une petite dose de Kafka ( Constant n'est pas loin du Joseph K, très paumé, du Procès), donc oui, j'ai aimé cette BD dont la ville est le personnage principal - à se demander si l'inondation n'est pas sa manière de se révolter contre le traitement qu'on lui fait subir.
Et j'en profite pour ajouter, puisque je suis à Bruxelles, le magnifique " tramapatte", décoré pour les besoin d'une manifestation par les frères Schuiten ( François, le dessinateur de villes imaginaires, et Luc, l'architecte) que je vois parfois passer sur certaines lignes.Une oeuvre d'art mobile qui transforme le tram en chenille géante aux pattes mécaniques..
Magnifique série !
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