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lundi 1 octobre 2018

La dame blanche - Scribe et Boïeldieu


On commncegentiment le challenge Halloween et sa thématique "fantômes"!

J'ai choisi de commencer par une pièce de théâtre - opéra comique, un peu oubliée de nos jours, avec une vraie " fausse histoire de fantôme", un légendaire trésor tout à fait réel, lui, un château en ruine supposé revenir à un héritier mystérieusement disparu , le tout en Ecosse bien évidemment! Et qui a le bon goût de jouer à fond avec les clichés, ans se prendre au sérieux.

Eugène Scribe, auteur dramatique et librettiste star au XIX° siècle est assez oublié maintenant, mais il n'y a qu'à voir l'impressionnante liste de ses pièces pour se faire une idée de sa célébrité de son vivant. Et puis, Scribe, quel nom idéal pour un écrivain, n'est-ce pas?



La Dame blanche, texte de Scribe et musique de Boïeldieu, a été composée pour l'Opéra comique en 1825. Les circonstances de la création très rapide sont assez savoureuses: l'actrice principale de la pièce qui était programmée, enceinte, se retrouve dans l'impossibilité d'assurer les représentations prévues deux jours plus tard.
Trop court pour trouver une remplaçante.
Il a donc fallu pour la direction de l'opéra trouver une autre solution, demander à un compositeur célèbre de l'époque son concours avec.. 3 semaines de délai, et donc ruser avec Boïeldieu, insatisfait chronique qui mettait souvent plusieurs années à composer quelque chose, même quand il avait un an de temps imparti, et mettait au rebut l'équivalent de 3 ou 4 fois le résultat final, tant il passait son temps à tout remanier. Et donc ruser avec Boïeldieu pour l'empêcher de tout jeter au panier sitôt écrit et recommencer encore et encore.

Mais malgré tout cet opéra humoristique et léger fait en 4° vitesse est le plus gros succès à la fois de l'auteur et du compositeur.

Replaçons dans le contexte des années 1820. Walter Scott a été traduit en France et ses livres se vendent bien, l'Ecosse est à la mode...  Hop on va donc s'inspirer vaguement de Guy Mannering et Le Monastère ( deux textes de Scott que je n'ai pas lus, je l'avoue), ce sera donc une histoire écossaise, avec fantôme légendaire, gros magot planqué quelque part, et château en ruine que tout le monde se dispute, l'héritier légal étant porté disparu alors qu'il était enfant, et introuvable depuis une quinzaine d'années.

Au milieu de tout ça, il y a George Brown, la vingtaine fringante, militaire anglais totalement farfelu, amateur d'aventures cocasses, de bons repas, de grosses fêtes, et charmeur au possible.
Il déboule à l'aventure, un peu paumé, au milieu d'une fête organisé par un riche paysan nommé Dickson.

George cherche une auberge, Dickson cherche un parrain pour son enfant qu'on doit baptiser le lendemain, le parrain prévu étant cloué au lit.
Pas de problème, le serviable -mais fauché - George accepte en échange d'un bon dîner, et s'entend très bien avec les paysans du coin qui lui racontent la légende du château local: depuis 400 ans, un fantôme, ou une fée, surnommée la Dame Blanche, y apparaît parfois, annonçant soit une catastrophe soit une grande chance pour la région.
Les anciens propriétaires sont morts en exil, et l'héritier légal a disparu depuis des années, le château ( deux châteaux sur le même terrain en fait: une ruine inhabitable, mais pittoresque, et un autre plus récent et assez cossu, raison pour laquelle tout le monde lorgne sur les lieux) va être mis en vente aux enchères, et si personne ne se porte acquéreur, c'est un nommé Gaveston, intendant et gestionnaire de la fortune de Julien, l'héritier évaporé, qu'il a bien sûr canalisée à son propre profit, qui va l'emporter.

Les lieux ne sont plus habités que par Marguerite, la vieille dame qui loge au château neuf, et Anna, une orpheline que les anciens propriétaires avaient plus ou moins adoptée pour tenir compagnie à leur fils Julien,  avant même que la famille ne quitte l'Ecosse pour  le continent qui vient juste de revenir avec Gaveston après plusieurs années au loin. Elle détient un secret: l'emplacement d'un fabuleux trésor caché avant l'exil par ses protecteurs, qui pourrait permettre d'acheter la propriété entière.
Problème, Anna a les mains liées, car elle est aussi pupille de Gaveston depuis la mort de ses protecteurs. Donc, même si elle mettait la main sur le magot caché, ça ne servirait à rien, elle ne pourrait pas s'en servir pour acheter le château, et pis, vu qu'il est planqué sur le terrain, il deviendrait en plus de ce fait automatiquement la propriété de Gaveston.

Or, à ce moment là, le paysan Dickson a reçu un message de la dame blanche, lui demandant d'honorer une promesse qu'il a faite il y a 15 ans quand il était ruiné. Car la Dame blanche lui a nuitamment prêté de l'argent, en échange de lui rendre un service quand elle en aurait besoin.

Evidemment, on se doute vite qu'il n'y a pas vraiment de fantôme, c'est Anna elle même qui joue les apparitions, comme les anciens châtelains l'avaient fait 15 ans plus tôt, en exploitant une vieille légende, et en espérant utiliser à son profit la crédulité et la dette de Dickson, lui confier l'argent et en faire son homme de paille pour la vente aux enchères,  en quelque sorte.

Dickson est un trouillard, qui croit voir sa dernière heure arrivée, menacé par un fantôme, ou une fée, ou des lutins... C'est donc George qui va aller au rendez-vous à sa place: l'aventure est originale et si le fantôme est une jolie fille, ce n'est que mieux!
Et suite à un quiproquo ( on est au théâtre, forcément!) c'est George le fauché qui se retrouve à acheter le château qu'il ne peut pas payer, pour complaire au "fantôme", qui lui a promis de lui faire revoir la fille qui lui plaît, une femme rencontrée sur le continent quelque mois plus tôt et qui a disparu sans un mot du jour au lendemain.



Pas grave, George est aussi naïf et manipulable, et il fera l'affaire, d'autant que par un coup de théâtre (ouiiii! la grosse ficelle, taille câble de marine...) Anna est justement la femme que George espère revoir.
Donc Anna-la-fausse-fantôme va, sans se faire connaître, demander à George de l'aider en lui promettant comme récompense de revoir Anna-la-femme.

et Julien me direz vous?
Vingt dieux, on est au THEÂTRE.
Dans une histoire d'héritage.
Avec un type que personne n'a revu depuis des années.
Bien sûr qu'il va réapparaître, in extremis, façon deus ex machina, pour faire valoir ses droits. Mais, je ne vous dirai pas comment.

Comment dire c'est à la fois très peu original, avec des coups de théâtre qu'on voit venir à 10 kilomètres mais en même temps très sympathique, drôle, frais, léger et pétillant.

Déjà parce qu'on passe pas mal de temps à se demander si George est juste un peu couillon sur les bords ou s'il a bien toute sa tête et que c'est un malin qui feint d'être un abruti..

Spoiler: il est quand même un peu con-con sur les bords. Mais dans le genre con-con excentrique. 

Chacune de ses interventions est un grand moment de n'importe quoi rigolo et de fantaisie charmante.
Et qu'Anna est maligne, débrouillarde et gentiment manipulatrice. Oui, du coup, j'ai bien aimé ce personnage, pas loin des soubrettes futées du siècle précédent, et son involontaire comparse naïf, mais attendrissant. Un peu comme le pote farfelu qu'on a tous, imprévisible, qu'on trouve parfois crétin, mais qu'on aime quand même justement parce qu'il sort du lot.

Ca, c'est pour la pièce qui en serait évidemment pas aussi sympathique sans la musique, elle aussi légère et pétillante. Boïeldieu est un contemporain de Rossini, et un peu son équivalent français... donc on est dans ce genre de musique enlevée, brillante et humoristique, très agréable à entendre et probablement à jouer...

Pas évident de trouver des extraits ( et encore moins une version intégrale), mais voilà l'ouverture


Et l'air de la paysanne Jenny qui raconte l'histoire du fantôme  "prenez garde, la dame blanche vous regarde!"



Et là, attention, retournement de situation: depuis des mois et des années je vous les brise régulièrement avec mon amour, que dis-je? Ma passion dévorante pour les sons et les voix graves.
Hé bien je vais parler d'un ténor pour une fois. Et même d'un ténor léger.

Le morceau le plus célèbre de l'oeuvre est la Cavatine de George à l'acte II, qui attend pour voir la fameuse femme fantôme, et part dans un total fantasme: oui, il la drague, avant même de l'avoir vue! Donc ça confirme, il lui manque quelques cases...

Mais le morceau est splendide, avec une intro magnifique de cors. Et j'aime le son du cor, pas seulement le soir au fond des bois...
Je l'ai découvert à la base un peu par hasard il y a des années.. et un chanteur avec ( de mémoire ça devait être une émission TV type  " victoires de la musique classique") Et ça m'a tellement plu que je n'ai jamais oublié le titre, et le nom du chanteur.

Je vous présente donc Rockwell Blake, chanteur américain au français presque parfait ( même si tout le monde n'est pas d'accord, certains détestent sa voix, personnellement j'aime beaucoup ses forte - pianos et sa diction très claire, à part sur les R, mais le jour où un anglophone arrivera à prononcer des R français normalement n'est pas encore venu)
Mais surtout, ce chanteur avait l'air tellement content de chanter, de s'amuser, et de déguster littéralement chaque note qu'il faisait plaisir à voir. Et c'est hyper important, en tout cas pour moi, et, oui, la joie et le sourire, ça s'entend!

Et ça n'est pas limité au rôle de George le farfelu, mais quasiment chacune de ses interventions quelle que soit l'oeuvre. On trouve facilement en ligne sa version de "il mio tesoro intanto" dans Don Giovanni de Mozart, et je me marre à le voir chanter. Même si c'est en contradiction avec le texte qui parle de vengeance. Ce gars n'est certes pas fait pour les trucs dramatiques, le sérieux, et la tragédie... et c'est très bien comme ça.


(pour l'anecdote, j'ai eu l'occasion de l'entendre des années après, sur scène, dans la Dame du Lac de Rossini. Et aux dires d'un musicien de l'orchestre avec qui j'avais discuté quelques jours après ils s'étaient tous énormément amusés pour cette production, car le chanteur est réellement un type plein d'humour qui bosse sérieusement mais ne se prend absolument pas au sérieux. Ce dont je ne doute pas un instant. Et ça fait plaisir à savoir)

Allez, parce que je vous aime bien, une version par feu Michel Sénéchal, décédé en avril dernier, et autre ténor dont j'aimais beaucoup le timbre. Donc entre le français et l'américain, faites votre choix. moi je ne peux pas.



6 commentaires:

  1. haha meme pas la peine de voir la piece...tu nous l'as fait admirer....excellent...;)

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    1. c'est surtout que c'est tellement rarement présenté qu'à part sur le net, il y a peu de chance de pouvoir la voir.
      Mais enfin, écouter Michel Sénéchal ou Rockwell Blake, ça devait être quand même mieux en live.

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  2. L'ouverture me plaît bien, voilà une œuvre originale, si en plus c'est drôle. Merci pour la découverte.

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    1. oui, je mets un point d'honneur, entre deux films célébrissimes, ou grands classiques, comme tous les ans, à aller chercher des choses moins connues.

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  3. Merci pour cette découverte, en effet je pense que je n'avais jamais croisé ces références... Chouette, je sens que je vais faire de belles découvertes encore ce mois-ci !

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  4. merci pour cette découverte. Je ne connaissez ni l'oeuvre ni les auteurs.

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