Voilà enfin l'auteur qui a motivé le thème de ce challenge ABC. Je n'avais pas encore lu un seul Zola, je n'ai donc pas eu à chercher bien loin pour trouver ma lettre Z. Quand au titre, c'est une descente chez un libraire d'occasion qui a décidé: un volume quasi neuf à 1e, ça ne se refuse pas. D'autant que j'ai quelques Jules Verne dans cette édition déjà, ils iront bien ensemble sur l'étagère " XIX° siècle".
L'édition "petite bibliothèque Lattès", des livres de tout petit format, tout mignons, tout bleus... hélas, j'avais oublié un détail, mais de taille: les coquilles. Nom d'un chien qu'est-ce qu'il y en a! Des lettres qui sautent, ce qui donne parfois quelque chose comme " un con de son fichu", au lieu d'un coin, bien sur.. Ou un personnage qui perd une lettre, Coupeau - un nom pourtant hautement dérisoire-, qui se trouve appelé "Coupeu".. et j'en passe. Ca serait peu important s'il n'y en avait pas autant, ce qui est assez indigne d'un éditeur de cette importance.
Donc l'Assommoir, les aventures - mésaventures plutôt-, de Gervaise, blanchisseuse quittée par son concubin Lantier, qui se marie avec son voisin monsieur Coupeau, un brave homme, couvreur, qui de sobre qu'il est, sombre dans l'alcoolisme, par accident, par hasard, et qui y entraine sa famille. C'est ainsi qu'on le présente en général, un drame social sur l'alcool et ses ravages. Mais c'est bien plus que ça. C'est aussi la peinture d'une humanité qui creuse sa propre tombe, à force d'accoutumance: accoutumance à l'alcool, mais aussi accoutumance à la misère: plus personne ne s'offusque de voir une femme ou un enfant mourir sous les coups d'un parent alcoolique, c'est normal! plus personne ne s'offusque de voir un vieux voisin mourir de faim, c'est normal! On se prend à espérer que Gervaise, l'héroïne qui veut prendre sa vie en main va ruer dans les brancards, mais non, elle se laisse submerger par l'indolence - Zola nous précise régulièrement que sa vraie nature la porte à l'indolence et à la gourmandise. Et si Coupeau boit son patrimoine, Gervaise est aussi coupable que lui: mal vue par la famille, elle laisse son orgueil prendre le pas sur sa raison, et se ruine pour un dîner pantagruélique au lieu de payer ses dettes, à seule fin de faire crever sa belle-soeur de jalousie. Et bien sûr, c'est un mauvais calcul. Le plus rageant dans l'histoire, c'est que le lecteur la voit s'enfoncer dans les dettes à force de mauvais choix, et continuer à s'enfoncer sans sourciller lorsqu'elle a l'occasion de faire changer les choses. Il y a longtemps que je n'avais pas autant pesté contre un héros de bouquin - preuve indéniable chez moi que je suis à fond dans l'histoire. C'est pourquoi j'ai du mal à voir Gervaise entièrement en victime d'un sort qui s'acharne. Elle ne saisit pas les occasions de s'en sortir, aveuglée qu'elle est par le fatalisme. Inversement Coupeau n'est pas non plus entièrement coupable: à la suite d'un accident de travail, il n'a plus le courage de remonter sur un toit risquer sa peau pour un salaire de misère, et devient alcoolique à la suite de ce qui serait maintenant considéré comme une dépression nerveuse, mais qui à l'époque passe pour de la flemme pure et simple. Et la plupart des personnages sont à cette image: pas entièrement blancs ni noirs. Gervaise se fait plumer par Lantier son ex, revenu mettre son nez dans les affaire du ménage coupeau, Virginie la langue de vipère qui se moquer se fait plumer à son tour. La belle-soeur (assez langue de vipère elle aussi), que Gervaise imagine riche et avare trime toute la journée au dernier étage d'un appartement délabré, pour un salaire peu mirobolant. Il n'y a pas grand monde qui soit tout blanc ou tout noirs là dedans, hormis la petite Lalie, la voisine de 8 ans, la seule vraie de vraie victime, battue et laissée mourir de faim par son sadique de père : la fille justifie son père, en plus, n'ayant connu toute sa vie que la violence par " c'est l'alcool qui l'a rendu fou, il n'y est pour rien, on doit tout pardonner aux fous", - alors qu'il devait déjà avoir des penchants sadiques à al base. Et bien sur tout le monde ou presque autour meurt emporté par la cirrhose, sauf lui. Là encore on peut être heureux que les mentalités aient changé! Par contre, ce qui ne change pas, c'est le rapport à l'argent, les gens qui se complaisent dans l'endettement, se laissent écraser, font des dettes pour payer les dettes qui leur serviront à payer leur dettes.. et finalement achètent autre chose. Pour Gervaise, ce sera de la nourriture fine hors de ses moyens, pour le Quidam du XXI° siècle, le dernier objet hi-tech à la mode... . Et sur ce point là, qui n'était peut-être pas le propos principal de Zola à son époque, l'histoire reste très très actuelle.
Un autre sujet secondaire très intéressant est amené par le forgeron Goujet, qui voit évoluer son usine avec la révolution industrielle, et le chômage augmenter par contrecoup: la mécanisation arrive, la production à la chaîne apparait, les usine commencent par baisser les salaires, plus on licencie. La aussi..ce n'est plus la mécanisation qui pose problème, ce sont les délocalisations. Les paroles ont changé, mais la musique est la même. Au final, c'est plutôt tout ce qui tourne autour de l'alcool qui est daté, depuis que les gouvernement on fait des efforts dans le domaine de la santé publique.
On m'avait prévenue, Zola, c'est ennuyeux, gnagna, des descriptions, gnagna.. (personnellement je ne comprends pas ce que la plupart des gens a contre les descriptions, mais bon..). Et, partie comme ça, je ne m'attendais pas à adorer. Hé oui! Au contraire, j'ai trouvé tout ce là très bien écrit - même si l'argot de l'époque a un peu vieilli, mais sinon, c'est vivant, bien écrit.. Et je retrouve ce que j'ai déjà dit pour Alexandre Dumas (voir sujet sur le Comte De Monte-Cristo): quel talent narratif! Celui que je retrouve d'ailleurs chez pas mal d'auteurs de la même époque: Dumas donc, mais aussi Jules Verne, Balzac, ou Jules Vallès également. Cet art de savoir raconter une histoire, sans perdre le fil, cette manière de donner l'impression de savoir où l'ont va dès les premières lignes, sans pour autant écrire une histoire cousue de fil blanc dont la fin se devine à des kilomètres. Chapeau, rien que pour ça, il mérite l'appréciation maximale!
Une chose est sûre: il y a déjà sur mon étagère un autre Zola qui attend l'occasion d'être lu!
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