Et le premier musicien mis à l'honneur ce mois-ci sera Blind Willie Johnson, bluesman. Il y en aura d'autres, évidemment.
Parce que j'ai trouvé plusieurs documents parlant de Blind Willie Johnson, au fil des années, et que sa vie est tellement typique de ce que pouvait être la vie d'un noir américain, pauvre et handicapé au début du XX° siècle, qu'elle mérite d'être racontée.
Une vie bien évidemment tragique, mais qui connaît un rebondissement de manière surprenante, bien après la mort de Willie, quand en 1977, la sonde Voyager a emporté parmi ses enregistrements un de ses titres, témoignage de l'existence de l'humanité, vers l'espace interstellaire.
Beaucoup de gens l'ont découvert par hasard, après que Bruce Benamran, habitué des vidéos scientifiques, a décidé de consacrer une pastille à ce musicien, moins connu du grand public que Robert Johnson. Et l'émotion de Bruce est palpable.
Quand on y pense la situation est incroyable: quelqu'un qui a été maltraité par son propre pays durant sa courte vie est devenu un des symboles de l'humanité, en étant choisi pour représenter le style blues parmi les musiques proposées. Voilà le morceau ( sans paroles). " Dark was the Night, Cold was the Ground"
En écoutant ça, j'ai surtout honte de ce que "l'humanité" peut se faire endurer à elle-même. Si les extra-terrestres trouvent un jour le disque ( et s'ils parviennent à l'écouter, du moins s'ils sont dotés d'un sens auditif), mieux vaut qu'ils ignorent ce que cache le blues.
Sur l'origine de la cécité de Willie, il faut cependant signaler que si l'histoire de la maltraitance par la belle mère est racontée le plus souvent, d'autres raisons possibles et plausibles ont été évoquées: maladie, ou le fait qu'il ait pu regarder à l'oeil nu une éclipse de soleil qui a été justement visible en 1905 depuis le Texas. Ce qui serait fort crédible, puisque beaucoup de gens ignorent encore en 2024 qu'il ne faut pas regarder le soleil sans protection spécialement prévue, alors en 1905...
Son influence musicale est pourtant loin d'être anecdotique, ses chansons ont été reprises par diverses personnes. Nobody's Fault but Mine par exemple.
Reprise par Nina Simone. Reprise par Page & Plant ( version que je préfère à celle présente sur Mothership de Led Zeppelin, car plus roots, plus blues, mais avec une touche presque irlandaise dans l'accompagnement)
Et c'est sublime dans tous les cas.
Ou John the Revelator
Reprise a Capella par Son House ( tout aussi blues, mais l'enregistrement est probablement plus récent, et de meilleure qualité sonore)
Reprise blues-metal par Steve Vai
Reprise...inclassable par Tom Waits ( je crois que "Blues à la Tom Waits" est un genre à part, j'aime bien l'accompagnement presque industriel), sur un disque précisément de reprises variées de Blind Willie.
The Soul of a man, qui a donné son titre au documentaire de 2003 ( misère, déjà 20 ans!?*) de Wim Wenders, pour la série de films " The Blues, a musical Journey" de Martin Scorcese. Le film de Wenders s'intéressait plus particulièrement à trois musiciens: Blind Willie Johnson, Skip James et JB Lenoir.
Et le dernier document (1h22) est une pièce de théâtre (2022) d'Emmanuel Meirieu " Dark was the Night" qui évoque aussi le musicien et ses déboire en prenant comme point de départ l'année 1977, qui a vu Voyager prendre son envol, au sens propre, vers l'infini et au delà.
Pour écouter la pièce, c'est ici.
Pour la pièce, comme j'ai des choses à dire, je vais faire un sujet à part elle le mérite.
* Mission: chercher les 7 films et les revoir (je ne suis même pas sûre d'avoir vu les 7 à leur sortie. Celui de Scorsese, celui de Wenders, et celui d'Eastwood, oui, mais pour les autres, je ne sais plus exactement)
Très intéressant, merci!
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