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lundi 20 juin 2022

Papicha ( film 2019)

 Voilà un film dont j'ai entendu parler à sa sortie, mais aussi, récemment en moins d'une semaine par ceux personnes différentes. Visible en streaming jusqu'au 22 juin, j'ai vite profité d'avoir un soir tranquille pour le regarder.




L'histoire est simple mais hélas toujours contemporaine, si on songe à la situation des femmes  en Afghanistan.
Dans les années 90 à Alger, Nedjma, étudiante et styliste amatrice, tente de résister à la situation politique, qui oppresse chaque jour davantage les femmes: faisant le mur de la cité U, elle se rend avec sa copine Wassila clandestinement en boîte de nuit, avec la complicité (payante) du gardien de la cité U et des chauffeurs de taxi. Là, elle vend ses créations vestimentaires aux jeunes femmes ( "Papicha", c'est la jolie fille en dialecte algérois). Rien que le fait d'y aller est complexe: il faut se mettre en tenue de soirée dans la voiture, mais avoir  un hijab à portée de main pour se cacher, en cas de contrôle de police. Arrêter très vite la musique " profane". Prétendre qu'on revient d'un mariage. Faire semblant, tout le temps.

Et que fait on en discothèque, à par vendre des vêtements? Comme partout ailleurs sur la planète: on retrouve des amis, on fume, on boit, on danse, on rit, on se dispute, on drague.. en oubliant la situation politique.

Pendant ce temps les affiches de propagande se multiplient sur les murs de leur cité U,  qui vantent le "hijab de la musulmane" ; comprendre la "bonne musulmane", comme leur copine Samira qui se lève à 5h00 du matin pour faire la prière dans la chambre, pas les joyeuses fêtardes comme Wassila et Nedjma, qui rentrent à 5h00 du matin.
Samira c'est tout le contraire: la fille ecoincée malgré elle dans la tradition, un peu supersititieuse ( elle pense que boire debout et de la main gauche attire le démon) ce qui lui vaut d'être charriée par ses copines. Mais Samira a un gros problème: elle va se marier, mais... pas de son plein gré. Son fiancé a été choisi par son frère, elle doit obtempérer, alors qu'elle préfèrerait son petit ami, qui la laisserait finir ses études et travailler. Elle doit en même temps renoncer à ses études, alors qu'elle voudrait passer son diplôme, et envie la liberté des autres qui sortent, ont des amis. Sa liberté se limite a improviser un rap dans la chambre.

Kahina, elle, veut partir et ne rêve que d'aller au Canada, quitte à faire "Alger -Montréal à la nage s'il le faut"

Lassées de voir les affiches de propagande et de les enlever tous les jours, les filles, qui ont encore le droit de s'habiller en jogging ou de marcher dans les couloirs sans foulards - mais pour combien de temps - décident de se rebeller. ce qui est risqué, le colleur d'affiches est armé.
La menace est partout présente:  évoquée par les informations à la TV, par un contrôle par une police armée jusqu'aux dents, la mention de faux barrages de police qui sont des embuscades terroristes.
Les espérances de la jeunesse, passent au travers des paroles de chanson, d'un cours magistral en français sur Albert Jacquard qui évoque la société telle qu'elle devrait être...Cours violemment interrompu par un groupe de femmes endoctrinées, en hijab intégral et gants, qui viennent manifester contre l'emploi d'une langue étrangère, interrompre le cours, en sortir de force le professeur.
Le prosélytisme se fait jusque dans le bus,  des gens montent distribuer des prospectus" couvrez les filles".
La mère de Nedjma, montre à ses filles un haïk, une autre sorte de voile qu'elle a du porter des années auparavant. Une explication sur la manière traditionnelle de le draper, est très "parlante": une célibataire peut laisser une mèche de cheveux dépasser, une femme mariée ne le peut pas. L'idéal social est même qu'elle cache un oeil par pudeur, ce qui fait dire à Nedjma qu'elle sont des cyclopes. Mais comment le faire tenir? Entre les dents. Comment faire alors pour parler? Réponse: elle ne doit pas parler. Le vêtement est conçu pour empêcher même physiquement les femmes de s'exprimer. Mais 30 ans  plus tôt, il a eu son utilité, on pouvait y dissimuler des armes facilement.

Lorsque sa propre soeur, portant encore le haïk sur elle est assassinée en sa présence par une intégriste ( avec une séquence incroyablement forte de linceul qu'on noue.. tout à fait comme le voile avec lequel les trois femmes jouaient dans la séquence précédente) Nedjma décide de se venger symboliquement: elle va utiliser ce tissu, symbole de l'opression, et recruter ses copines pour organiser un défilé de haïk.. transformés en vêtements interdits. dans la cité U.
Ce n'est pas gagné, l'oppression masculine est partout: les hommes collants suivent les femmes dans la rue, le concierge se met à faire du harcèlement sexuel sur les étudiantes, le petit ami " idéal" de Nedjma n'est pas macho, mais essaye quand même de décider pour elle " après ton défilé on se mariera et on ira habiter en France, il n'y a pas d'avenir ici" ( ce en quoi il n'a pas tout à fait tort, les gens crachent dans la rue quand ils croisent une femme habillée à l'européenne, ou l'insultent. Le marchand de tissus a été racheté par un émirati et du jour au lendemain ne vend plus que des hijabs; La nourriture du restau U est farcie de bromure supposé " calmer les ardeurs" des filles, mais surtout dangereux pour leur santé; les lieux de loisirs sont détruits les uns après les autres; l'université est noyautée par les intégristes religieuses... le temps est compté et d'ici peu Nedjma et ses copines ne pourront plus aller à la plage se baigner en maillot )

Les femmes ne peuvent plus compter que sur une solidarité qui est de plus en plus fragile, chaque jour, car beaucoup cèdent à la pression sociale pour simplement ne pas risquer leur vie.

Ce passé tragique, c'est celui de beaucoup de femmes pendant la "décennie noire", victimes anonymes à qui la réalisatrice Mounia Meddour donne des noms et des visages. Les jeunes actrices (et les quelques jeunes acteurs aussi, bien que leurs rôles soient plus secondaires) sont excellentes.
Par contre attention, c 'est un drame,et plus dur que je ne pensais, donc je préviens pour ceux qui sont sensibles, ça finit plutôt mal...
Mais c'est une jolie découverte inattendue, qui a d'ailleurs gagné pas mal de prix Je l'avais repéré mais je n'étais pas vraiment libre en 2019, et je n'avais pas pu y aller.

S'il vous tente, vous pouvez le voir ici, jusqu'à après demain, le 22/06

Plus d'informations sur allociné
Film où on entend plusieurs langues: arabe algérien majoritairement, mais aussi anglais et français, par ci par là. Et c'est d'ailleurs assez marrant d'entendre les gens passer naturellement d'une langue à l'autre en plein milieu d'une phrase. Le biliguisme le plus total.

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