Quoi de mieux pour un tour du monde de la littérature étrangère que d'y intégrer une histoire de voyageurs. En l'occurence des pirates qui écument la méditerannée sur leur bateau. Le mois anglais part en vacances en Grèce.
Et ça aura été l'occasion d'apprendre le prénom de Byron, que je ne connaissais pas, et de lire cet auteur célèbre, que je n'avais pas encore lu. J'avoue que le choix est venu parce que j'ai vu mentionné l'adaptation scénique en Russie du texte de Byron. Bon, mon retour ayant été plus que précipité, je n'ai même pas eu le loisir de décider si j'irais la voir ou pas ( mais il y a toujours la solution facile: en fouillant le net, il y a des captations)
Hissez haut, on part à l'aventure. A l'abordage! ambiance "musique de films de pirates" ou Bouzouki, ou encore une adaptation par Verdi, au choix.
Alors attention, je vais être critique, j'ai été assez consternée par ma lecture, eu égard à la célébrité de l'auteur. Et donc, comme il faut que j'explique, ça va spoiler et à grands coups de sabre d'abordage!
Faisons donc connaissance avec le héros de l'histoire, le redoutable pirate Conrad, qui comme son nom ne l'indique pas est grec, et qui terrorise avec son équipage l'est de la méditerranée, et en particulier la flotte turque. Corsaire est un abus de langage, rien d'officiel dans leur activités, il s'agit bel et bien de pirates.
La description que Byron fait de Conrad est... disons pour le moins étrange, car bien qu'il soit décrit précisément, il est difficile de s'en faire une idée. On sait qu'il est de taille moyenne, d'allure sportive, le teint mat, brun aux cheveux ondulés, le goût de l'aventure. Franchement, dit comme ça, c'est vendeur, il aurait du succès sur "peeratic.com" ou sur "plunder".
En tout cas, jusque là, c'est mon genre de gars, donc je demande à voir. Regardons de plus près son profil:
Pseudo: Conrad_la_terreur_ de_Méditerranée
En Bref: Propriétaire d'un bateau, j'aime l'aventure et les jolies femmes. Femmes d'action ok, mais seulement si elles ne tuent personne pour m'aider, ça me complexe qu'une
Loisirs: j'aime le pillage, les rapines, le butin, les sous, la grosse thune, les actions d'éclat, faire peur aux gens et les lampes décoratives.
Qualité principale: je suis né pour être le chef. Mais je suis un peu sentimental: par exemple je ne laisse pas mes subalternes massacrer des
Défaut principal: j'ai des tendances suicidaires, mais je suis aussi très indécis et j'ai parfois du mal à savoir si je veux vivre ou mourir. Les deux à la fois.
Valeurs personnelles: on peut tuer mille personnes sans remord dans le feu de la bataille, mais trucider nuitamment pour sauver sa peau celui qui vous a fait prisonnier et veut vous faire executer sans jugement, c'est lâche et indigne d'un pirate.
Photo de profil
longs cheveux bouclés, yes! Bon, je ne suis pas fan de la moustache... mais bon, je ne critiquerai pas ouvertement la moustache d'un pirate ronchon qui a un sabre à la main. |
Mais, pour tout le reste, son apparence est si étrange qu'elle met les gens mal à l'aise, car l'homme est passé maître dans l'art de cacher ses pensées. Par contre il n'est pas doué pour cacher le fait qu'il cache des choses. On voit comme le nez au milieu de la figure et la moustache juste en dessous qu'il est louche. Et donc pas franchement le type sympa et avenant, plutôt une bonne tronche de conspirateur. Ce caractère très renfermé, très sombre, voire carrément sinistre fait qu'il est craint de tous, y compris de ses subalternes.
C'est beaucoup moins mon genre de gars, d'un coup.
Et pourtant ce type intraitable a une faiblesse, sa nana, Médora (et là je vous laisse le temps de ricaner, comme je me le laisse aussi) qui est une parfaite femme de marin, attendant le retour de celui qui passe parfois la voir en coup de vent:
" je suis venu te dire bonjour. Bonjour. Ca m'a fait plaisir de te voir. Je repars.
- tu restes quand même dîner avec moi?
- non j'ai des trucs de pirate à faire, on mangera ensemble dans quelques jours si je suis encore en vie d'ici là. Allez, je pars: j'ai une furieuse envie de piller. Pense bien à allumer la lampe en haut de la tour, pour que je retrouve l'île en revenant"
C'est presque ça. Et là, j'étais déjà en train de regretter qu'elle ne soit pas une femme de pirate, prenant au minimum à bras le corps la gestion du repaire, à défaut d'être elle même une vraie de vraie piratesse.
Non, elle reste à se lamenter dans son phare " ouin, il est parti, que vais-je devenir?" ( heu suggestion: un individu autonome, je te propose de commencer par apprendre que tu peux exister et même penser en l'absence de quelqu'un. Après un cran au dessus dans l'autonomie: tu apprendras à lacer seule tes chaussures...)
Oui, je sais, Byron n'était pas réputé pour être le plus féministe des auteurs, mais là, c'est un non-personnage: à part son nom un peu "gentil toutou" on sait juste qu'elle a les yeux bleus et des tresses brunes. Et la personnalité, disons, moins d'un phare que d'une lampe de chevet ( vous connaissez le " test de la lampe"? Si dans un roman, un film, ou autre, vous pouvez remplacer un des personnages par , disons, une lampe, et que le scénario ne change pas d'une virgule, c'est que le personnage ne sert à rien. Or la différence flagrante entre Médora et une vraie lampe, c'est que parfois une lampe a du génie)
Et donc pendant que Médora, très décorative, reste assise à ne rien faire en s'ennuyant comme un rat mort, Conrad et ses camarades vont mettre la peignée aux méchants turcs et à leur chef le Pacha Seyd, avant qu'il ne décide d'attaquer le premier, car il déteste les pirates...
Mais comme pirates ne veut pas dire" gougnafiers sans foi ni loi", ils font quand même gaffe à sauver les femmes du harem, avant de foutre le feu aux bâtiments.
Bonne idée: Gulnare, la favorite du sultan, qui se pensait déjà cuite au sens le plus littéral, se dit qu'elle va devoir le remercier de l'avoir libérée de sa condition d'esclave. Et que, bon, il n'est pas mal le moustachu, elle se le taperait bien elle lui exprimerait volontiers sa gratitude en tête à tête. Mais RETOURNEMENT DE SITUATION, siiiii imprévisible: une poignée de pirates mal organisés attaque une forteresse remplie à ras bord de gardes professionnels armés jusqu'aux dents, et ils perdent la bataille. Quelle surprise!
Mais ouf, Gulnare qui a un minimum d'instinct de survie et sait à quoi sert sa cervelle, se met à réfléchir: "Adieu la liberté. Bon, à moi de trouver un moyen de les libérer. Comme ça p't'être que je pourrai partir avec eux et si tout se passe bien, devenir la nana de leur chef, monter en grade, me débarasser du chef, m'approprier le bateau et voguer à l'aventure yo-ho!" Hélàs, cette dernière partie n'est pas mentionnée par Byron.
Ni une ni deux, Gulnare entreprend de manipuler le pacha, en lui faisant miroiter que la bande des pirates étant amoindrie, il serait judicieux de relâcher le chef: il est affaibli et sera facile à reprendre, mais surtout il a amassé au cours de sa turbulente carrière des trésors qu'il serait trop bête de laisser perdre: relâche-le, surveille-le de loin, suis-le jusqu'aux trésors et empare toi en même temps des sous et du pirate, elle est pas cool mon idée?
Sauf que le pacha a bien compris qu'elle essaye de le doubler: "fais gaffe, on ne me la fait pas, il t'a sauvée, tu veux te me quitter pour lui, garce! En fait, il pourrait bien me prendre l'idée de faire une double exécution du pirate et de la traîtresse."
Mais Gulnare n'est pas Médora, c'est une femme d'action, qui revient donc nuitamment expliquer à Conrad: "je m'en fous que tu sois casé, je t'aime, et je vais te libérer. D'ailleurs, si ta dulcinée tenait à toi, elle serait déjà là pour le faire, moi j'dis ça comme ça...Et en plus en t'aidant, je m'aide aussi, sinon je reste esclave du pacha juqu'à ce qu'il en ait marre de moi et me fasse jeter dans un sac à la mer. Allez, on se casse ensemble, chiche. Par contre, pour sortir, il faut passer par la chambre de Seyd qui dort, et un petit peu le tuer pour pouvoir s'enfuir".
Conrad est un homme de principes: buter des tas de gens ouvertement n'est pas un problème, poignarder nuitamment son ennemi qui dort, c'est mal, etc... donc, devant tant de chichis, Gulnare va le faire elle-même, et ce faisant... gagne le mépris de Conrad.
Attention moment WTF n°1: Seyd mort, Conrad la suit, tout en la détestant, parce que c'est une criminelle qui a osé poignarder quelqu'un lâchement.
OUI MAIS, en même temps, il lui doit la vie et l'espoir de revoir son île et de rallumer sa lampe. Donc il ne peut pas trop la détester.
OUI MAIS, il se déteste encore plus qu'il ne la déteste, parce que c'est lui qui est responsable: c'est pour lui qu'elle a tué quelqu'un " ha, je suis un misérable parce que par ma faute une femme, une faible créature faite pour la douceur, a commis un acte criminel" ( heu, non, elle te l'a dit, si elle ne l'avait pas buté, impossible de sortir, et elle et toi vous feriez un double mixte au bout d'une corde le lendemain)
Et pendant ce temps, chez la très peu brillante gardienne de phare: elle voit revenir une barque avec quelques uns des compagnons d'armes, mais sans Conrad. Se disant qu'il est mort, et qu'elle n'a plus personne à aimer, elle n'a donc plus à craindre de le perdre et peut faire sa vie... ( Ok Médora, c'est bien de tenter, ne perds pas espoir: penser, c'est pas évident quand on n'a jamais fait ça)
Oui mais là, l'un d'eux lui dit " En fait il a été arrêté, il est en prison, il n'est pas encore mort, tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir".
Et là moment WTF n°2: tant qu'elle pensait qu'il était mort, elle rafermissait sa volonté. Il est peut être vivant. Elle flanche, ha, je n'en peux plus de ce tourment il n'est peut être pas mort celui que j'aime, DONC ( un bon gros"donc" qui n'a aucun sens) elle se suicide. Pof, la lampe s'éteint. Et Conrad revenant, la trouve morte, verse 2 larmes (oui, mais des larmes de pirate, c'est rare!) puis se tire en barque, abandonnant tout le monde: Gulnare, ses assistants-pirates et un cadavre à enterrer. FIN
J'ai rarement lu un développement psychologique aussi n'imp' dans une oeuvre. Et on n'excusera pas la chose par l'âge, son contemporain Frankenstein est largement mieux mené. Moll Flanders est plus ancien, mais le développement psychologique de l'héroïne était crédible. Mieux, l'Illiade et l'Odyssée sont complètement plus anciens et réussissent à avoir des personnages plus crédibles. Là, tout le monde est tellement perché, que ça devient drôle.
Alors oui je sais, héros romantique tout ça, tout ça, ça me passe au dessus, je ne suis pas romantique pour deux ronds. Mais au moins Goethe avait un sens de l'humour qui rendait Werther supportable (et il y a pire, je ne vous ai pas parlé de René, qui m'a donné envie de le claquer à chaque page, j'ai horreur des personnages geignards. Au moins Conrad n'a pas ce défaut)
Il y a même des moments où l'auteur nous dit sur plusieurs strophes qu'il n'en a pas grand chose à brosser et nous décrit le coucher de soleil puis le lever de lune sur la Méditerrannée avant d'enchaîner que " ha, en fait ça n'a pas de rapport avec mon histoire, c'est beau et pittoresque, mais on n'est pas là pour ça".
Par contre, il nous dit à l'envi que Conrad n'est pas né méchant, qu'il a été poussé à devenir mauvais par les circonstances dans sa jeunesse et... non, ça, il ne nous le racontera pas, alors que ça a complètement à voir avec son histoire et que c'est pertinent . Mais oui, c'est ça que je veux savoir: comment il en est arrivé là! Je suppose que Jojo a eu la flemme de réfléchir à trouver des raisons au comportement de son héros.
Mais, bon sang, elle n'est pas finie ton histoire! C'est que le début, il y a seulement 3 chapitres!
Je veux savoir moi, ce qui va arriver à Gulnare, si elle va devenir piratesse à son tour vu que c'est une femme d'action et que le chef s'est barré, presque en lui laissant le bateau. Si Conrad, dégoûté des aventures maritimes et ne pouvant plus voir un phare en peinture, va décider de changer de vie et pourquoi pas de devenir le gentil gars qu'il aurait du être.
Ou au minimum, Jojo, raconte leur passé: où et comment a-t-il trouvé Medora, comment elle s'est retrouvée dans un phare sur une île perdue au milieu de rien, et comment un chef pirate a-t-il pu s'intéresser cette nana qui n'a pas grand chose sous les tresses, ça, ça aurait été un minimum intéressant. Bref, quelque chose qui donne une raison de s'intéresser tant soit peu aux personnages.
Mais là, il n'y a pas de toile de fond, les personnages n'ont pas d'histoire, et sur les 3 principaux, un est purement décoratif. Tous les autres sont des PNJ 😞
Enfin, à défaut de me convaincre, Byron m'aura faite rire avec la tentative de suicide de Conrad (nuit d'orage hors de sa cellule: il tend ses chaînes au dehors en espérant que la foudre vienne le griller, alors que jojo vient justement de nous dire 1- qu'il est indifférent à son sort et à sa prochaine execution, et donc s'en fout totalement de passer de vie à trépas 2- qu'il s'inquiète de savoir ce que deviendra Médora, qui ne sait pas encore manger toute seule qui ne peut pas vivre sans lui, et donc préfèrerait ne pas mourir quand même. Mais pourquoi tu veux te suicider dans ce cas, crétin?)
En fait voilà ce qui s'est passé dans ma tête pendant toute ma lecture:
pirates + Angleterre. "Les pirates bons à rien" Oui, j'ai vraiment imaginé Gulnare avec une fausse barbe |
Mais, je vais quand même prochainement redonner une chance à Byron, car dans l'édition électronique se trouve Lara, un second texte. Je n'aime pas rester sur un échec.
traduction ici ( ancienne par Amable Regnault)
texte en anglais
Comme il s'agit de poésie, j'ai quand même cherché un enregistrement en VO du texte.. et... impossible. J'ai trouvé nombre d'autres textes, mais la seule version du corsaire enregistrée ici est en espagnol. Dommage j'aurais probablement plus apprécié de l'entendre que de le survoler aussi en VO ( même si la musicalité poétique ne règle pas la pauvreté narrative et les personnages bons pour l'asile)
et comme Byron est on ne peut plus classique:
Classique anglais XIX° siècle |
Etape anglaise |
Bon, pour l'instant je vais passer mon tour et je verrai si, un jour, j'ai l'occasion de lire cet auteur ! Bonne fin de semaine !
RépondreSupprimerDisons que voilà, c'est loin d'être une réussite de mon point de vue. J'ai comme l'impression que la vie de Byron est plus intéressante que ses écrits, tant le gars était infréquentable.
SupprimerJe passe mon tour... Mais tu m'as bien fait rire avec ton histoire de lampe !!
RépondreSupprimerC'est l'objectif :D
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