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dimanche 3 septembre 2023

Pays d'Octobre/ Mississippi blues ( film 1983)

 Oui deux titres qui ne se ressemblent pas pour un seul film documentaire, coréalisé par deux grands: Bertrand Tavernier, le français,  et Robert Parrish, l'américain.

C'est un film qui parle de blues, mais pas que. Tavernier est ( était, puisqu'il est malheureusement mort il y a deux ans) un grand fan de blues, et de musique en général.
Et ce film en collaboration avec Parrish est aussi indirectement un joli témoignage de leur amitié, malgré leur différence d'âge, de pays, de références. Et ça c'est exactement le genre de chose qui me touche. Certains passages nous les montre parlant de cinéma, de cadrage, de décors naturels, de films... c'est très intéressant, puisque le documentaire parle donc non seulement de musique, mais aussi de cinéma et de littérature ( il commence dans le cimetière de la petite ville d'Oxford, près de la tombe de Faulkner).

Pour le reste, le blues est surtout le point de départ, qui permet de rencontrer des gens de l' Amérique rurale, celle qui, du moins en 1983, n'est pas encore couverte d'autoroutes et de fast-foods, mais dont on se désole qu'elle perde peu à peu son identité profonde au profit d'une uniformisation venue du nord.
L'un des principaux sujets du film, c'est l'exode rural, autant dans ce qui est dit ( les églises de campagnes, autrefois points de rencontre et foyers de contestation sociale, qui se vident de leurs ouailles qui partent travailler dans les grandes villes, que dans ce qui est montré: rues quasiment laissées à l'abandon où passent quelques quidams, chômeurs d'un âge certain qui occupent leur temps en jouant de la musique entre deux hypothétiques jobs, voitures qui rouillent dans les cours de ferme.
En 1983, l'Amérique rurale, comme d'ailleurs la France rurale, se vide de ses habitants, seuls restent ceux qui sont trop âgés pour partir, ou trop attachés à leur région pour la quitter. Le rapport avec Faulkner, écrivain de l'époque de la Grande Depression se dessine via l'exode vers le Nord, à l'image des hoboes des années 1920, qui prenaient le train au hasard espérant trouver du travail à l'arrivée. Ici, les gens prennent la route 61, la route du nord ( et la route du jazz et du blues, au passage), qui va vers Chicago et les zones industrialisées, réitérant l'histoire qui a eu lieu 50/ 60 ans plus tôt.

L'autre point important, illustré par une opposition entre les églises blanches et les églises noires ( avec force extraits de répétitions de gospel et de messes tout en musique, pour ma plus grande joie d'athée mais fan de musique), c'est évidemment l'opposition encore très marquée en 1983 entre les deux communautés. Parrish explique que lorsqu'il était enfant en Géorgie, sa tante protestante lui déconseillait de passer devant l'église catholique ( surtout fréquentée par les noirs), car le hopgoblin ( un démon déguisé en prêtre) pourrait l'attraper.  La crainte de l'autre communauté était vraiment inculquée aux gens dès l'enfance, on sait à quel point il est difficile de mettre par la suite les préjugés au placard quand ils vous sont serinés depuis toujours.
Mais la rencontre avec diverses personnes apporte d'autres éclairages:  le révérend Arnold "GateMouth" Moore, ancien chanteur de blues reconverti en pasteur estime qu'il n'y a pas de contradiction, car il s'est vite rendu compte que ceux à qui il tentait la journée d'inculquer la bonne parole était exactement les mêmes que ceux qui venaient l'écouter chanter et jouer le soir dans la salle de concert, et qu'au final, qu'on chante la joie d'avoir trouvé une nouvelle nana ou d'avoir trouvé Jésus, l musique, le rythme reste la même, et les paroles changent finalement très peu.
Drôle de révérend dont le surnom signifie " grande gueule", qui explique être qualifié pour dissuader les gens de pécher parce qu'il en connait un rayon dans le domaine et se permet même de faire quelques blagues sur la religion.

Cadeau: I ain't mad, le titre le plus connu du "révérend Grande-gueule", qu'il évoque comme étant son favori. Et que c'est bon, un swing particulièrement réjouissant!

Et au passage, une playlist entière lui est dédiée sur youtube.


Un sociologue évoque Martin Luther King et Malcolm X et pointe l'importance qu'on eu ces églises dans la formation politique des noirs aux états-unis. Les premiers politiciens venaient souvent des églises, cars il avaient l'art et la manière de savoir s'adresser à une foule, et souvent une foule mécontente et peu encline à s'entendre dire ses quatre vérités.

Et bien sûr, le blues, alors en perte de vitesse, car délaissés par les premiers intéressés: musique de vieux, qui rappelle trop l'esclavage, qui perd son âme à être étudiée par des blancs ( je plaide coupable,  désolée, je suis blanche, mais j'adore le jazz et le blues. Mais j'estime de mon côté que la musique c'est la musique, elle parle d'émotions universelles qui ne sont pas cantonnées à un lieu, une époque et une communauté).
Et pourtant il y a dans ce film, au propos mélancolique sur la société, la fin d'un monde, la perte des traditions et spécificités, quelques moments cocasses et réjouissants: un groupe de chômeurs, apprenant que l'équipe vient de France, se lance dans une impro à la gloire de la France " pays de gens sympas, où on peut boire du vin, et du bon, sur les champs Elysées". Un barbier improvisant un solo irrésistible à l'harmonica, pendant que son client doit attendre, momifiés sous une serviette, que les produits agissent. Parrish qui galère à trouver  à trouver de quel côté souffler dans une flûte en canne à sucre, sculptée par un agriculteur, un brin consterné à le voir tourner l'instrument en tous sens.

Bref, un documentaire fort sympathique, et je me faisais la réflexion que
- on y voit des gamins hauts comme trois pommes, qui devaient avoir le même âge que moi en 1983 ( 6 ou 7 ans). Ils ont probablement aintenant une bonne quarantaine, comme moi, et j'aimerais savoir s'ils se souvienne de l'équipe de français venue tourner dans leur petite ville, ce qu'ils sont devenus, s'ils ont eux aussi quitté leur région pour étudier ou aller travailler, si certains sont restés et ont pris la suite de la ferme familiale..
- La plupart des gens qu'on y voit sont déjà très âgés, et ne doivent plus être de ce monde ( à commencer par les deux réalisateurs).
- Comment à évolué la situation? Un des intervenants était content que le coin soit encore plus où moins protégé de l'invasion des fast-foods, qu'on y mange encore de la vraie nourriture. Qu'en est-il 40 ans plus tard? Est-ce que Nils Tavernier ne pourrait pas y retourner faite un " Mississippi blues, partie 2"?

La page wiki qui parle du film
et de son contexte " automnal et mélancolique" ( donc parfaitement de saison)
Le film est visible ici, sur une de mes plateformes de streaming favorites ( et que je vous conseille, j'ai profité d'une offre à 10€ pour avoir un accès à une bonne partie du catalogue pendant 3 mois)

Je profite de cette occasion pour rejoindre le "mois américain non officiel" de  Belette "Cannibal Lecteur", et pour au moins deux mois, puisque j'ai prévu des sujets américains pour le mois Halloween aussi. Mes participations seront plus filmiques et musicales qu'autre chose.
Et du coup, je continue en pointillés le challenge afro-américain, puisque je l'ai loupé.
Parmi tous les logos plutôt branchés western, j'ai évidemment opté pour celui le moins " wasp" à mon goût.

Et puisqu'il s'agit d'un documentaire, il me permet de valider " un film avec une voix off" ( même si ce n'est pas tout le temps) une des catégories du défi cinéma en 2021.

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