Et donc, exit les brumes toutes britanniques du mois Halloween édition anglaise, je vous emmène quasiment sous l'Equateur.
Ici pas d'ombre et c'est sous un soleil de plomb que j'ai du en faire le tour le 2 octobre dernier. Mais à mon avis le soleil de plomb c'est un peu tout le temps.
Et malgré le cagnard sans merci, nous avons croisé une autre personne en train de faire du tourisme funéraire. Ouf je me sens moins seule!
Il faut dire que j'ai réussi à trouver sur place un guide papier mettant en avant les principales curiosités à y voir. Mais du coup, désolée pour les photos souvent à la limite de la surexposition ( c'est le plus pénible à cette latitude, le soleil est quasiment vertical, alors qu'en métropole on est à 45° environ, et du coup la luminosité est TRES forte toute le temps)
une profusion de tombes: celles des enfants et jeunes gens morts de la fièvre jaune. Il y en a dramatiquement beaucoup.. |
En fait plus que d'y assister je l'ai entendu, car la coutume, ainsi que nous l'a expliqué la commerçante qui se trouve dans la rue du cimetière, c'est de s'enfermer et de fermer les volets au passage du cortège funèbre, par respect pour la famille, peut être aussi par un vieux fond de superstition, ça se fait aussi dans d'autres régions du globe.
Mais là où les cortèges sont absolument silencieux en métropole, ici, la famille a accompagné le défunt jusqu'au cimetière en chantant à pleine voix dans la rue des cantiques sur la paix et le renouveau. Il devait s'agir d'une famille religieuse, mais, même dans les familles très religieuses ici, ce sont mines contristées et silence absolu qui dominent.
J'aime cette façon de penser et de transcender l'événement triste en quelque chose de... normal ou presque. La famille dépasse le deuil en chantant au lieu de se lamenter et c'est une manière de penser que j'apprécie, ne pas reléguer la mort dans une zone marginale, mais la considérer comme faisant partie de la vie.
Après je ne sais pas comment ça se déroule dans les familles non religieuses, mais voilà ce à quoi j'ai assisté.
autre différence, les gens ne sont pas vêtus de noir de la tête aux pieds, mais de noir et de blanc, qui sont les couleurs traditionnelles de la mort ( et oups, aussi ma tenue obligatoire de travail)
Couleurs qu'on retrouve aussi en motif de damier sur les tombes traditionnelles couvertes de carrelage. 'emploi de carrelage est une solution retenue ici pour construire une tombe en dur, et un peu protégée lors de la saison des pluies, mais sans y mettre non plus une somme colossale.
La version la moins chère étant un simple tumulus de terre retenu dans un coffrage de bois. Mais il y en a très peu, elles résistent mal aux intempéries.
et comme partout il y a les gens qui ont les moyens et veulent que ça se sache même dans l'au-delà.. toujours en gardant ici les couleurs traditionnelles, mais avec un pseudo temple grec par dessus! |
la version : j'ai des sous et je veux que ça se sache |
lui a carrément fait mettre un escalier pour lui rendre visite. Ha oui, sinon, le ciment, ça vieillit mal à proximité de la mer. |
monument en mémoire des victimes de Mapa |
les couleurs traditionnelles sont délaissées, même si le carrelage est toujours la principale solution retenue, et le cimetière déborde de tombes colorées |
A cause de la saturation lumineuse on voit mal mais cette tombe est entièrement repeinte, plaque comprise, en bleu ciel |
Autre particularité de la Guyane, la multiculturalité: la population est très mélangée et ça se ressent aussi au cimetière. Il n'y a pas un carré catholique, un carré protestant, un carré bouddhiste, etc.. mais ici et là des tombes en forme de pagode pour les guyanais d'origine chinoise, laotienne ou vietnamienne qui sont assez nombreux, en tout cas à Cayenne.
La tombe la plus ancienne du cimetière de Cayenne est celle d'un sale type: Victor Hugues, gouverneur de Guyane et abolitionniste.. devenu négrier notoire lors du rétablissement de l'esclavage |
sous couvert de motifs "habituels" sablier ailé, et tête de mort, cette grille et la suivante renferment apparemment des symboles maçonniques |
le pavot symbolise le sommeil éternel, l'étoile renversée, l'homme de vitruve, mais mort |
les flambeaux à l'envers pour la vie qui s'éteint. |
Et d'autre moins érudits, mais assez étonnants:
concession ou prison à perpétuité? |
j'habite au 23 bis |
dernière anecdote: Le révolutionnaire Collot D'Herbois, mort en exil, y a été enterré. Il n'y est pas resté longtemps, les cochons et les vautours locaux se sont chargé de sa tombe en quelques jours. Non seulement le type n'était pas franchement apprécié, loin de là, mais il a eu le malheur de mourir en pleine fête, et les fossoyeurs pressés de revenir aux festivités ont sérieusement bâclé le travail, laissant aux charognards le soin de le terminer.
avec un jour de retard sur le planning prévu, une visite de cimetière |
Oh waouh ! J'adore (surtout les tombes en carrelage N/B et celles avec un numéro de rue !), et ton article est passionnant. On apprend plein de choses !! Je suis comme toi, j'aime bien visiter les cimetières quand j'ai un peu de temps. Aucun ne se ressemble ! Merci pour le voyage...
RépondreSupprimerBon, une visite pas si macabre sous le soleil zénithal...Oui, les carreaux, ça change mais pas beaucoup de verdure...C'est dommage!
RépondreSupprimeren effet mais je pense surtout que tout arbre qui tente de pousser est irrémédiablement enlevé au plus vite.. avant que les lieux ne soient transformés en jungle... c'est que ça pousse vite sous ces latitudes.
SupprimerJe te rassure, tu n'es pas la seule à faire du tourisme funéraire... j'essaie aussi de faire un petit tour au cimetière local pendant mes voyages ! Ce cimetière donne une impression de vide, peut-être car les tombes sont un peu espacées ? Ou l'absence de végétation ? Ton billet est très intéressant, tu as vraiment mis en avant les différents types "d'architecture" et des détails intéressants, voire amusants (comme ces escaliers...). Etonnant ce contraste entre les caveaux bourgeois classiques (comme ceux qu'on trouve en métropole) et les tombes carrelées et colorées !
RépondreSupprimeren effet, non seulement par endroit les tombes sont espacées ( et c'est le cas dans d'autres cimetières que j'ai vus dans le coin) mais aussi, les maisons sont souvent immenses avec beaucoup de terrain. Ca s'explique: le département a une taille équivalente à un quart ou presque de la France métropolitaine, donc ce n'est pas la place qui manque en fait :D
SupprimerPour l'anecdote, c'est une invention des royalistes qui sont arrivés un an après le mort de Collot d'Herbois. Il n'était pas apprécié ni par les royalistes, ni par les planteurs esclavagistes, ça c'est sûr car il voulait distribuer de la terre aux anciens esclaves! Ce cimetière n'existait pas encore en 1796, l'année de décès de Collot d'Herbois.
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