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mercredi 12 octobre 2016

Frankenstein ( film 1931)

Attention , classique parmi les classiques!

Tout d'abord, je note une étrangeté ( ayant lu le roman l'an dernier, je m'en souviens encore pas mal): c'est l'anarchie au niveau des noms des personnages. Le prénom de Frankenstein le savant n'est plus Victor, mais Henry. Il y a bien un Victor, Victor Moritz, qui n'existe pas du tout dans le roman ( Justine Moritz, oui, c'est la servante de la famille Frankenstein), or Victor Moritz est donc ici un ami de Henry Frankenstein ( rôle dévolu au nommé .. Henry Clerval dans le roman). Je conçois à la limite d'inventer un personnage pour en résumer plusieurs, mais pourquoi donc inverser les prénoms?
J'avais déjà noté la même bizarrerie dans le Dracula de Tod Browning ou Lucy et Mina avaient échangé aussi leurs prénoms, faisant de Lucy la femme, ou la fiancée, je ne sais plus exactement,  de Jonathan Harker. Je n'aurais qu'un mot.. WHY?.

Autre différence, là où le roman peut se permettre sans trop de souci d'enchâsser le récit de la créature, dans le récit de Victor, lui même enchâssé dans le récit du capitaine, c'est une autre paire de manches pour un scénario. Exit donc les introductions et conclusions, on commence directement dans le vif du sujet: Henry (sérieusement ça me gêne cet échange de prénoms) est un adulte qui est parti quelques mois plus tôt pour "Goldstadt"  où il travaille en secret avec juste un serviteur dans une tour paumée à des expériences dont sa famille ignore à peu près tout, mais il écrit quand même à Elizabeth sa fiancée, quand Victor, parti jeune pour Ingolstadt pour ses études s'était isolé, ne donnant plus de nouvelles à personnes et surtout, travaillant seul nuitamment dans sa chambre pour ne pas éveiller les soupçons.
ouverture du film, deux types suspects écument les cimetières sous l'oeil d'une statue squelette, un petit mélange avec "the body snatcher", nouvelle de Stevenson.

Du coup, l'évolution mentale de Victor était crédible, tandis qu'on est en droit de se dire qu'Henry devait déjà être relativement bargeot quand il est parti. Ca colle avec le fait que sa famille essaye vraiment de récupérer celui qu'ils savent plus ou moins timbré et dangereux. D'ailleurs Henry est encore plus dingue et orgueilleux que ne l'était Victor, et ça n'est pas peu dire.

En tout cas, le film a quand même eu un retentissement énorme, et ses inventions ont eu une postérité plus importante que le roman.
Visuellement, le coup du serviteur bossu et sinistre accompagnant le savant, c'est de là qu'il vient.
Et c'est un abruti fini!

L'idée que l'expérience de ramener la vie chez un cadavre se fait aussi via l'électricité d'un orage, via un paratonnerre et des fils , il me semble bien que Mary Shelley restait assez vague sur les méthodes employées par Frankenstein pour ressusciter un mort. Or toutes les adaptations suivantes vont reprendre cette idée du paratonnerre, de l'orage et de l'électricité.
Le récit de 1831 était documenté en fonction de la science de l'époque, pour le film de 1931, l'électricité est un phénomène bien connu. C'est donc presque anachronique de la voir encore utilisée comme un "ingrédient" presque magique, quand on a vu Henry et son acolyte au début du film, volant des cerveaux en bocaux, dans une pièce qui 5 minutes auparavant était largement éclairée avec des ampoules.  Ou Henry préparer son expérience avec un casque audio sur les oreilles. L'électricité est partout..Même dans la cabine de projection au cinéma, c'est dire.
Donc pour l'ingrédient magique, on rajoute une louche de rayons cosmiques ( du coup, j'aimerais connaître l'utilité de l'orage? Parce que les rayons cosmiques sont censés venir de loin par dessus l'atmosphère, donc la présence de nuages ionisés devrait à la limite gêner plus qu'autre chose, mais bon... suspension consentie de la crédulité, tout ça, TGCM,  ta gueule, c'est magique!)

Mais visuellement, ça claque ( autant qu'un orage, oui). J'aime bien le contraste de l'installation moderne, dans une tour médiévale aux murs de travers, dotés de chaînes et de lourdes portes à grilles. Ou la cellule biscornue où le "monstre" est cloîtré après sa création, tellement expresionniste.

J'ai bien aimé aussi la personnalité sarcastique du Père Frankenstein, à l'opposé de son modèle littéraire: dans le roman, il soutient Victor coûte que coûte , ici, le père est un râleur invétéré qui a conscience que son fils est loin de tourner rond, et envoie bouler quiconque lui dit qu'Henry est l'image de son père. Assez résigné sur son rejeton.
Elizabeth, aussi, bien plus dynamique que son homologue romanesque, qui ne servait pas à grand chose il faut dire.

Donc a-t-on vraiment affaire à une adaptation cinéma du roman?
J'ai envie de dire non, pas vraiment, car seul quelques noms sont semblables, quelques péripéties et le concept de créer un corps humain de toutes pièces pour lui insuffler la vie.

Ce qui diffère? hé bien, tout le reste. Plus qu'une adaptation, c'est carrément une version alternative d'un même point de départ.
Le film est de fait tiré d'une pièce de théâtre, ce qui explique l'action concentrée, le petit nombre de personnages et les décors. Ce qui est loin d'être inintéressant. Surtout dans la mesure ou l'impact du film a effacé celui du livre.
Mais voilà, dans un film d'1h10, difficile d'intégrer toute la noirceur et les interrogations métaphysiques du texte d'origine, sur l'orgueil, sur la responsabilité du créateur envers sa créature, les causes de la violence suggérée dans le film quand la créature tue Fritz, le bossu qui la martyrisait, trop content de s'acharner sur plus faible que lui.

Et, pour le coup, la fin est un peu trop happy end à mon goût: pas de série de crimes par vengeance, le monstre noie une petite fille par accident, non comme tout le monde le croit parce qu'il est doté d'un cerveau de criminel et donc forcément mauvais, mais parce qu'il n'a pas été instruit de la différence qu'il y a entre jeter des fleurs et jeter un être humain à l'eau. C'est d'ailleurs  la scène la plus intéressante du film. Et qui fait écho, en miroir au Golem - un enfant élimine le Golem par accident, sans savoir ce qu'il fait.

 Pour mémoire:




Pour le coup, le monstre est aussi plus réaliste: laissé à lui même avec un cerveau non formé, il agit par impulsivité, comme un enfant qui fait des bêtises et cause du tort sans s'en rendre compte. Pas d'apprentissage sur le tas ( déjà pas le temps, l'action est ramassée sur quelques jours au lieu de plusieurs années), il en parle pas, et ne peu donc exprimer ce qu'il ressent par la logique et la réflexion. Gageure pour  Boris Karloff qui doit faire exister son personnage avec le seul ressort de l'expressivité corporelle, qui plus est entravée par un lourd maquillage qui prenait plusieurs heures à être mis en place. Il s'en sort très bien, et ce n'est pas étonnant que le rôle ait marqué l'acteur au point de faire oublier tout ce qu'il a pu faire d'autre ( la momie, et Fu Manchu, quand même, les amis! sans compter une carrière déjà bien fournie au temps du muet, et pas moins de 16 films pour la seule année 1931, merci Allociné).

Et au point de voir arriver un glissement d'identité du savant Frankenstein vers la créature qui n'a même pas eu droit à un nom chez Mary Shelley ou dans les premières adaptations, au travers de toute une série de nouvelles versions, plus ou moins sérieuses ou complètement  parodiques.
Franchement, Abbott et Costello contre Frankenstein... et le savant n'y apparaît même pas!
Ou "Frankenstein rencontre le loup garou", qui exploite le filon de Frankenstein et du Loup garou, deux films à succès des années précédentes. L'exploitation à outrance de franchises à succès n'est pas un phénomène récent au cinéma, loin de là. En ce moment on mange du super héros à tout bout de pellicule dans les années 40, c'était du film de monstre plusieurs fois par an. J'avoue que je n'ai pas franchement envie de voir ces suites qui ont 99% de chances d'être décevantes.
Enfin, revenons à notre Frankenstein.

J'ai l'air critique, c'est vrai, mais en fait j'aime bien ces films anciens jusque dans leurs défauts qui ont parfois un côté comique involontaire bienvenu (et en dépit d'ellipses et de trous narratifs, qui dans un scénario contemporain me ferait hurler: un père laisse sa fille seule sans surveillance près d'une rivière et la retrouve noyée. Il en déduit donc bien sûr que c'est un meurtre causé par le monstre, que personne jusque là n'a encore vu dans la région. Euh... Il n'y a aucun témoin, et même s'il s'avère que c'est bien le cas, l'accident paraît quand même la première explication. Une phrase aurait suffit: mentionner des empreintes de pas géantes sur la berge, par exemple. Mais non!)

Le Golem a clairement inspiré Frankenstein, sur un plan visuel,  lequel a clairement inspiré une foule de films de monstres. Et visuellement, c'est très réussi.
Il me reste à parler de la beauté visuelle  de la mise en scène, des éclairages et des cadrages.. Ou plutôt à l'illustrer.
avec des références picturales pointues. Je ne peux pas ne pas voir un rappel du Cauchemar de Füssli ( Fuseli, selon les sources)
 Preuve?
Trop proche pour être un hasard, ou alors la référence était inconsciente.
sans compter qu'on est en 1931, supposément en Allemagne, cet incendie provoqué par une foule en colère incapable de maîtriser une fureur collective destructrice, envers un seul paria. Bref, j'y vois quand même une sorte de prémonition politique, probablement influencée par les tensions déjà présentes en Europe à cette époque, ou peut-être un souvenir des sinistres exploits du Ku klux Klan. Comment dès lors prendre partie pour la foule, dont le plaisir de lyncher est clairement mis en scène?

Mais quelque part, j'ai quand même préféré le Golem, peut-être parce qu'il était ouvertement plus politique sur ces histoires de fanatisme, peut-être simplement parce que je suis complètement partiale quand il s'agit d'expressionnisme allemand.

Et je dois aussi mentionner les liens avec Dracula de Tod Browning (1931 aussi):

Je trouve cette image de tournage très sympathique: un monstre d'un raffinement tout britannique faisant une petite pause five o'clock tea.
Même maquilleur ( Jack Pierce, un bonhomme à la filmographie elle aussi monstrueuse: Dracula, La créature de Frankenstein, la Momie et l'homme invisible en 3 ans), et même acteur, Edward Van Sloane dans le rôle du Professeur Waldman ici, et du Professeur Van Helsing chez Browning. Et le Professeur Muller dans la Momie, d'ailleurs. Abonné aux rôles de professeur.
Et Bela Lugosi était initialement pressenti pour le rôle de la créature. Rôle qu'il récupèrera à l'occasion dans une des nombreuses suites.

1931 a décidément été une plus que marquante pour le cinéma fantastique!

Un visionnage en commun pour le mois Halloween avec Anne de SKTV 

et pile dans la thématique, puisque William Henry Pratt était anglais. Vous ne savez pas qui est William Henry Pratt? C'était un nom trop classique pour faire carrière dans le cinéma, Boris Karloff sonnait plus exotique, plus marquant.

1 commentaire:

  1. Ah ! Je n'ai pas toutes tes références en peinture (et notamment Füssli, mais c'est tout-à-fait ça !), ni en cinéma (je n'ai pas vu le Golem). Je crois que le film est adapté d'une pièce de théâtre, beaucoup plus que du roman de Mary Shelley. Ceci explique peut-être cela... Bien sympa de croiser nos regards sur ce grand classique, à l'origine de tant de choses en cinéma et dans la culture populaire ! Vive le Challenge Halloween !

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