Attention, film dangereusement rusé! De toute façon, je l'aime, je l'adore, je ne pourrai pas être objective. Vous êtes prévenus.
Andrew Wykes est un vieil anglais de pure souche, aristocrate,
très riche, auteur de romans policier et amateur de jeux de l’esprit et d’automates.
Milo Tindle, fils d’une anglaise et d’un italien, est un homme d’origine modeste, encore jeune,
coiffeur devenu propriétaire d’une chaine de salons, un travailleur qui n’a pas
vraiment de temps à perdre en futilité.Ces deux personnages que tout oppose
ont pourtant un point commun :
Margaret, la femme de Wykes, qui vient de le quitter pour Tindle.
Andrew invite un jour son rival, pour lui proposer un
étrange marché : il ne supporte plus sa femme, et escompte bien en être
débarrassé pour de bon. Milo n’a pas suffisamment d’argent pour entretenir une
femme dépensière habituée à une vie de luxe, et risque donc de revenir assez
vite. La solution de Wykes est simple : il possède une forte somme en
bijoux, assurés. Il n’y a qu’à simuler un cambriolage, Milo partira avec les
bijoux et, muni des titres de propriété, se fera passer pour Wykes les revendra
à l’étranger , tandis que Wykes déclarera le vol et se fera rembourser, tout le
monde y trouvera son compte.
Ca sent le coup fourré, à plein nez, car bien sûr Wykes n’a
certainement pas envie d’abandonner sa femme, même s’il ne l’aime plus, et ses
richesses à un « rital ». Car, au-delà de toutes les raisons qu’il
invoque, Andrew déteste Milo avant même de l’avoir vu, car il avant tout est
profondément xénophobe, et l’idée que Tindle, né en Angleterre, soit aussi
anglais qu’un noble de vieille souche, le révulse haut plus haut point.
Le vrai but de Wykes est de monter de toutes pièces un jeu
particulièrement cruel, dans le seul but d’humilier celui qui représente tout
ce qu’il déteste : le déguiser en clown, le forcer à monter une échelle dans
ce déguisement, le rabaisser constamment, pour finir par.. ha, je ne vous le
dis pas. Mais la vengeance de Tindle sera du même niveau.
Ce film dure 2h 18, 2h18 avec seulement 2 acteurs ( d’autres
sont crédités dans le générique, mais n’apparaissent pas.. hop première fausse
piste) Et on ne s’ennuie pas une seconde. Parce que la tension et le rapport de
force entre les deux ne faiblit pas, et qu’on se demande constamment
comment va finir cette affaire. Parce que
c’est adapté d’une pièce de théâtre policière de Anthony Shaffer ( scénariste
de Frenzy, de Hitchcock et de l’incroyable « Wicker Man », la folie
est bien présente dans les 3 d’ailleurs ) un huis clos, drôle et terrifiant à
la fois. Parce que Mankiewicz, dont c’est le dernier film ( cinéaste habitué du
film noir) sait créer un ambiance et semer des indices: la maison de Wykes
est remplie d’automates bruyants qui semblent constamment observe l’action, la
juger comme autant de jurés, un automate chinois, un automate indien, qui sont
déjà un indice de la considération de Wykes envers les minorités : leur
place est celle de pantins à manipuler et doit le rester. Une statuette d’Edgar
Poe ici, un portrait d’Agatha Christie au mur…
Et tout le décor qui
indique clairement que Wykes, est surtout particulièrement dérangé : un
jardin en labyrinthe dans lequel il enregistre – à la manière d’une dramatique-
son prochain roman. Un puzzle.. entièrement blanc. Une maison remplie de jeux
jusqu’à l’écoeurement (y compris des mots croisés sur le carrelage mural des
toilettes !). Des automates qu’il fait rire sur commande à ses blagues.
Tout est un jeu pour lui, et surtout la vie et la mort.
L’origine théâtrale est revendiquée dès le générique qui
présente des miniatures de scènes de théâtre. Et bien sûr, Wykes est joué par l’immense Laurence Olivier, toujours souriant,
surtout lorsqu’il prononce les répliques les plus cinglantes et glaçantes.
En face , il y a Michael Caine, qui ne se contente pas
de jouer les pauvres victimes d’un malade mental, mais ajoute juste la dose d’ambiguïté
qu’il faut à son personnage. Peut-être un de ses meilleurs rôles avec « l’homme
qui voulut être roi »
Un duo d’acteurs excellents, de l’humour cynique souvent
glacial, un retournement de situation pile au bout de 1h09 ( le réalisateur a
du calculer à la minute près !)…
Au passage , je sais qu’il y a eu en 2007, une autre adaptation
de ce film a été proposée. Je ne l’ai pas vue, apparemment elle n’a pas eu un
grand succès. Je suis partagée en fait : je trouve ce film tellement bon,
que je ne vois pas vraiment ce qu’une autre version peut bien apporter, d’autant
que je le considère comme l’un des meilleurs films de Joseph Mankiewicz ( pour
mémoire on lui doit « All about Eve » et « Cléopatre »,
pour les plus connus, et « l’aventure de Madame Muir », que j’aime
beaucoup) Mais le choix des acteurs m’interpelle : C’est Michael Caine lui-même
qui reprend le rôle de Laurence Olivier, et Jude Law qui reprend celui de Caine
( rendu encore plus troublant par un certain air de ressemblance physique entre
les deux.
Encore une fois: VO obligatoire, ne serait-ce que pour se délecter de les R roulés de Laurence Olivier, qui truffe ses répliques de " cliché", " crime passionnel" et autres mots français dans le texte.
film policier oblige! |
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