Mais comme il s'agit d'une courte nouvelle... et si j'en profitais pour faire un exercice de traduction? A ma connaissance ce texte là n'est pas traduit en français, et, en général, bien peu de textes de l'auteur l'ont été à ce jour.
Voilà le texte d'origine
Donc pour comprendre l'ironie de la situation (inextricable), il faut savoir que ça se passe dans le couloir d'un appartement communautaire soviétique. Les appartements communautaires étaient de grands appartements bourgeois redistribués aux prolétaires. Les parties communes, sanitaires, cuisine, couloirs étaient utilisées par tous, et chaque "locataire" ou famille avait sa pièce personnelle.
Un peu comme avoir une chambre en cité U. Et évidemment, ça pouvait poser des problèmes.
Mais il y avait en plus l'obligation d'être inscrit dans un appartement communautaire, ce qui était mentionné jusque sur le passeport intérieur.
Du moment que quelqu'un était inscrit dans un appartement communautaire, il résidait là, c'était aussi simple.
Mais imaginons qu'il y ait une erreur et qu'on ait inscrit un locataire de plus qu'il n'y a de pièces? Il habite là, il est dans son bon droit. Oui,mais il est aussi légalement tenu de rester dans sa chambre et de ne pas occuper les parties communes. Oui, mais s'il le fait, parce qu'il n'a pas de chambre, on ne peut pas non plus l'expulser puisqu'il est dans son droit.
C'est en gros la situation de Mychine ( dont le nom dérive de "souris", et ça convient parfaitement), héros de cette nouvelle, contraint de squatter le couloir faute de place.
(il y a bien des façons de transcrire les noms, j'opte vite fait pour la plus classique en français, Myshin , voire Myšin est aussi possible. Les slavistes internationaux écrivent par convention Puškin, là où on transcrit Pouchkine en français, je garde celle du français plus connue du public francophone, plutôt que d'opter pour la transcription internationale qui donne l'impression d'être en tchèque)
L'auteur lui-même est parfois transcrit " Kharms" ou" Harms". Et avait une tête disons, qu'on n'aimerait pas croiser dans une ruelle sombre, pour être gentille :))
Je crois qu'il a pris le pari de tirer la pire tronche possible pour la photo, il y en a de moins effrayantes, c'est vrai. |
C'est parti, traduction de moi-même, merci de ne pas vous l'attribuer, ou l'emprunter sans en indiquer l'origine, ça serait sympa! Je vous rappelle que je suis étudiante dans le but d'être traductrice professionnelle, ce n'est donc pas une copie d'une traduction officielle faite par quelqu'un d'autre mais bien mon travail personnel et bénévole en tant qu'amatrice.
Ce n'est jamais agréable de se faire voler son travail, et encore moins de voir d'autres personnes le faire passer pour le leur. C'est déjà arrivé avec les courts métrages sous-titrés par Sergei et moi, et d'autres personnes l'ont fait passer pour leur travail. Je ne m'amuserais certainement pas à faire pareil.
Le hasard peut faire qu'on arrive à des traductions proches entre deux traducteurs, mais rarement 100% identiques.
A tout hasard je mentionne ici la date à laquelle je l'ai faite en cas de réclamation ou de contestation :
LE 13/03/2020
Maintenant si vous êtes éditeurs et que vous voulez que je travaille pour vous, on peut s'arranger, je traduits du russe et de l'allemand vers le français, et peux vous fournir une liste de mes traductions déjà en ligne.
La victoire de Mychine
Daniil Kharms
Il dirent à Mychine : "Hé, Mychine, lève-toi !"
Mychine répondit : "Je ne me lèverai pas" et resta allongé par terre.
Alors Kalouguine s'approcha de Mychine et lui dit "Mychine, si tu ne te lèves pas de toi-même, je te ferai lever."
"Non", dit Mychine, toujours allongé par terre.
Selezneva s'approcha de Mychine et lui dit :
"Vous, Mychine, vous traînez toujours par terre dans le couloir et vous nous empêchez d'aller et de venir."
"J'empêche et j'empêcherai encore" répondit Mychine.
"Eh bien, vous savez..." dit Korchounov, mais Kalouguine l'interrompit et dit : "Ca n'a pas de sens de continuer à discuter ! Appelez la police".
Ils appelèrent la police et demandèrent à ce qu'on envoie un officier de police.
Une demi-heure plus tard, un policier arriva avec le concierge.
"Qu'est-ce qu'il se passe ici?" demanda le policier.
"Regardez-moi ça", dit Korchounov, mais Kalouguine l'interrompit et dit : "Voilà. Ce citoyen est tout le temps allongé sur le sol. Il nous empêche de passer dans le couloir. Nous lui avons dit ceci et celà..."
Mais alors Selezneva interrompit Kalouguine et dit "Nous lui avons demandé de partir, et il ne part pas."
" Oui" ajouta Korchounov.
Le policier s'approcha de Mychine.
"Vous, citoyen, pourquoi êtes-vous allongé ici ? " demanda le policier.
"Je me repose", dit Mychine.
"Citoyen, ça n'est pas acceptable de se reposer ici", dit le policier. "Citoyen, où habitez-vous ?"
" Ici" répondit Mychine.
"Où se trouve votre chambre ?" demanda le policier.
"Il est enregistré dans notre appartement, mais il n'a pas de chambre" déclara Kalouguine.
"Attendez, citoyen" dit le policier " C'est à lui que je parle. Citoyen, où dormez-vous ?"
" Ici" dit Mychine.
" Permettez-moi..." dit Korchounov, mais Kalouguine l'interrompit : "Il n'a même pas de lit et est allongé à même le sol "
"Ils se plaignent de lui depuis longtemps" dit le concierge.
" Il est absolument impossible de passer dans le couloir" déclara Selezneva, "je ne peux pas enjamber sans cesse quelqu'un. Et il étire volontairement les jambes, et les bras, et il s'allonge sur le dos et vous regarde. Je suis fatiguée quand je rentre du travail, j'ai besoin de repos."
" J'ajoute..." dit Korchounov, mais Kalouguine l'interrompit et dit : "Il est couché ici aussi la nuit. Tout le monde trébuche sur lui dans le noir. J'ai déchiré ma couverture en l'enjambant."
Selezneva ajouta : "Il a toujours des clous, qui tombent de sa poche. Vous ne pouvez pas marcher dans le couloir pieds nus, vous vous blesseriez sur les clous."
"Ils voulaient le brûler avec du kérosène" dit le concierge.
" Nous avons versé du kérosène sur lui...", dit Korchounov, mais Kalouguine l'interrompit et dit: " Nous l'avons aspergé de kérosène juste pour lui faire peur, mais nous n'allions pas l'incendier".
" Je n'accepterais pas qu'on fasse brûler un être vivant en ma présence" dit Selezneva.
" Et pourquoi ce citoyen est-il allongé dans le couloir ? " demanda soudain le policier.
"Excusez.." dit Korchounov, mais Kalouguine l' interrompit et dit :
"Parce qu'il n'a pas d'autre espace pour vivre : Là, c'est la pièce où j'habite, voilà la pièce où elle habite, là, c'est la pièce où il habite, et Mychine habite ici, dans le couloir."
" Ce ne va pas" déclara le policier. "Il faut que chacun reste dans son espace de vie."
" Et il n'a pas d'autre espace de vie que le couloir" dit Kalouguine.
"C'est exact" dit Korchounov.
"Voilà, il est sans cesse couché ici" dit Selezneva.
"Ca ne va pas" déclara le policier et il partit avec le concierge.
Korchounov s'approcha de Mychine d'un bond.
"Alors, quoi ?", cria-t-il. "Ca vous a amusé?"
"Attendez" dit Kalouguine. Et, s'approchant de Mychine, il dit :
"Tu as entendu ce que le policier a dit ? Dégage le plancher !"
" Je ne me lèverai pas" dit Mychine, en restant allongé sur le sol.
" Et à présent, il va encore plus s'étaler ici, exprès, et continuera sans cesse de le faire" dit Selezneva.
"Certainement" dit Kalouguine avec irritation.
Et Korchounov dit " Je n'en doute pas"
Parafaitement !*
* tel quel en " français" dans le texte
Evidemment ce genre de texte se prête particulièrement bien au théâtre,et voilà, pour continuer une petite série de vidéos en cours de publication ( un court métrage par mois) adapté des textes traduits en français.
Donc profitez-en, non seulement la démarche de faire connaître un auteur peu connu est très appréciable, mais en plus le résultat me plaît bien, vu que j'aime le format court métrage. Avec une petite préférence pour l'instant pour le cynique " une étude approfondie", l'absurde "Poids de la foi" et le fantastique de "Makarov et Petersen - Malguil"
Les films
les textes
- septembre "une étude approfondie"
- octobre "toc!"
- novembre "le mariage"
- décembre "le poids de la foi"
- janvier "aujourd'hui c'est dimanche"
- février " Makarov et Petersen - Malguil"
- Mars: " phénomène et existence 2"
Classique oui, dans son pays, mais inconnu ou presque chez nous avril: des nouvelles |
Sa photo fait un peu peur effectivement !! Et quelle mort horrible, les pauvres...
RépondreSupprimeroui, entre lui et Vladimir " la gueule" Maïakovski, on dirait une paire de bandits.
SupprimerOui, il y a beaucoup d'histoires comme ça, pendant la guerre, et je ne parle même pas des camps de prisonniers en Sibérie :/
L'histoire est vraiment absurde effectivement !! N'hésite pas à nous donner tes liens ;)
RépondreSupprimeret rajouter les nouvelles vidéos faires depuis septembre par le collectif aussi :)
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