Donc un auteur qui ne me convainc pas toujours, et c'est une fois de plus le cas.
Donc trois soeurs, et un frère, qui n'est pas mentionné dans le titre. C'est vraiment un type incolore et mou, et dont la mollesse va être pour beaucoup la cause des déboires de la famille.
Nous sommes dans une petite ville de province, où ces 4-là habitent depuis 11 ans dans la grande maison de feu leur riche père ancien militaire. Et ils s'y ennuient ferment, ne songeant qu'au moment où ils retourneront enfin habiter à Moscou.
Spoiler, dont on se doute dès les premières minutes: ils n'y retourneront pas.
Le travail et la manière de l'aborder est au coeur de l'action en fait.
Les soeurs sont probablement de petite noblesse, mais, au tournant du siècle, commencent à prendre conscience qu'on ne peut plus vivre comme aux siècles passés.
L'aînée, Macha est mariée avec une professeur, gentil mais ennuyeux comme la pluie, et traîne perpétuellement un malaise à la lisière de la dépression nerveuse. Olga, la seconde fille, travaille comme institutrice, un travail qui ne la passionne pas et lui donne des maux de tête et la vide de son énergie. Irina 20 ans au début de la pièce, quand elle cherche un travail, surtout pour tromper son ennui. Elle va en changer plusieurs fois au fil de la pièce, n'arrivant pas à concilier ses idéaux un peu naïfs sur le monde du travail et la réalité: le travail c'est fatiguant et très souvent, barbant au possible.
Autour d'elles gravitent des militaires, principalement,qui sont leurs locataires: un médecin sexagénaire et alcoolique qui a conscience de n'être plus bon à rien, et plusieurs autres qui se vantent presque de n'avoir jamais levé le petit doigt de sa vie.
Et il faut rajouter Andrei, leur frère, qui se rêvait professeur d'université à Moscou, amateur de science, qui joue du violon. Il ne peut rien espérer de mieux que devenir secrétaire du zemstvo local, une assemblée agricole. Et est entièrement soumis à sa femme Natacha , qu'on découvre d'abord comme une fille timide, mal à l'aise en société, une petite bourgeoise provinciale mal fagottée, qui va devenir un vrai dragon, une parvenue insupportable qui tyrannise tout le monde, surtout Anfissa, la bonne de 80 ans, qu'elle considère comme inutile puisqu'elle ne peut travailler.
D'ailleurs elle méprise aussi ses belles soeurs " jamais là dans la journée parce qu'elles travaillent" et finit par tout vouloir régenter, décide unilatéralement qu'Olga et Irina n'auront qu'à partager la même chambre car elle a besoin d'une chambre entière pour son nouveau-né, bien que les soeurs soient les vraies propriétaires de la maison ( et le jour où Irina annonce qu'elle va se marier et partir, la réaction de Natacha est à peu près " tu vas me manquer, je t'aime bien, mais je vais pouvoir récupérer ta chambre pour ma fille) Andrei, se laisse manoeuvrer par cette femme qu'il a très vite fini pas ne plus aimer, s'enlise dans sa vie mesquine, est visiblement très vite cocu, fait des dettes de jeu, hypothèque la maison pour donner l'argent à Natacha.. et ne comprend pas pourquoi ses soeurs lui en veulent à lui, et la détestent, elle.
Donc, un portrait de groupe peu glorieux de la vie provinciale, où les gens ont de nobles idées sur le travail, mais en pratique, semble se raccrocher aux dernières bribes d'un monde révolu, ou en train de disparaitre - comme la ville ravagée parles flammes au III° acte.
Sauvons le baron qui courtise Irina, il est naïf sur le travail, mais essaye de faire un peu changer sa vie qui ne le satisfait pas, pareil pour Olga, qui est digne et respecte sa vieille domestique bien qu'elle ne soit plus efficace, et Irina, qui cherche aussi à changer sa situation... Fiodor le mari de Macha est aussi, disons, comme le dit sa belle soeur " c'est le meilleur des hommes.. mais pas le plus intelligent.
Les autres sont des vestiges, préoccupés de maintenir les apparences, thé à heure fixe,visites de courtoisie. On pourrait espérer que l'arrivée dans cette haute société d'une fille de la province ferait bouger les choses, mais non, c'est elle qui prend le pire e l'esprit petit-bourgeois
Et comme il est assez pénible de lire une pièce de théâtre, j'avais commencé mais décroché au bout d'un acte tant l'action me parait sure à suivre, et l'artificialité de conventions théâtrales est lourde à l'écrit. Première réplique: Olga qui raconte à sa soeur qui habite avec elle tout ce qui s'est passé depuis un an et la mort de leur père autant à l'écrit dans un roman, le narrateur peut expliquer cela, autant dans une pièce, le spectateur ne le sait pas et doit être informé, MAIS dans le cadre de l'action, le personnage qui raconte à l'autre ce qu'ils ont vécu ensemble, ça sonne faux sur le papier. Alors que remis dans le cadre de la représentation codifiée, ça passe.
Donc version théâtre, et lire la pièce par la suite est beaucoup plus "vivant". En VF quand même, rassurez-vous.
Et avec une distribution de premier ordre: Jean-Pierre Marielle, Roger Blin, Jean-Pierre Darras, Michael Lonsdale...
Accessoirement, je me dis ( au risque de passer pour une vieille râleuse) que c'était une autre époque, celle où le théâtre dans le petit écran ne se résumait pas à des seuls-en-scène comique et une pièce de Feydeau ou Labiche une ou deux fois par an, jouée par des animateurs TV. Mais où on osait programmer AUSSI du théâtre un peu plus sérieux. Même pas imaginable en 2019 qu'une chaîne de TV non spécialisée propose à heure de grande audience une pièce de Tchekhov, même jouée par la Comédie Française.
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