Donc, dans la mesure où une écriture à quatre mains, collaboration du père et du fils est une option possible, l'édition préfère ne pas trancher, et sépare clairement les textes signés de Perrault père (en vers: Griselidis, les souhaits ridicules et Peau D'âne) et ceux d'attribution plus difficile. Auxquel il adjoint en annexe d'autres textes de Perrault Père (La métamorphose d'Orante, La Peinture, Le labyrinthe de Versailles) D'une veine plus classique, plus galante, plus ancrée dans la littérature de cour du grand siècle. ce n'est donc pas absurde de séparer les contes proprement dits qui sont d'une veine populaires et en prose, des textes en vers d'inspiration antique ( souvent Ovide) ou Renaissance ( Le décaméron ou le pentameron)
mission 1 du RAT d'été: un livre avec un détail vert, ici, le fond vert olive derrière le Petit Chaperon Rouge |
Car , et là, ça a été une découverte pour moi, merci la préface et les notes, Charles Perrault est suttout connu du grand public pour ses contes, qu'il a en fait écrit sur le tard. J'étais vaguement au courant de sa prise de position pour les Modernes dans la querelle des anciens et des modernes, mais pas vraiment de toute sa carrière politique avant d'opter pour la littérature, soit la majeure partie de sa vie consacrée à autre chose.
Comme son contemporain La Fontaine ( auquel les contes font de fréquent clins d'oeil) en fait.
Je trouve intéressant de mettre en parallèle les deux auteurs en fait: La Fontaine a écrit des contes et des fables, mais on se souvient quasi uniquement des fables. Perrault a écrit des fables et des contes, et ce sont surtout les contes qui sont passés à la postérité, et pas toujours dans leur vraie version. Souvent, c'est la réécriture des frères Grimm qui a été choisie pour les adaptations cinéma et qui ont plus marqué les mémoires. Hé oui, pas de chasseur qui vient sauver le petit chaperon rouge ici, elle finit mangée! Ce qui est logique, puisque la finalité du conte, qui comme les fables, tiens donc, a une visée instructive et se finit par une moralité ( ici, mettre en garde les jeunes femmes de la bonne société, contre les "loups" qui en veulent surtout à leur pécule et n'hésiteront pas à les manipuler et à se débarrasser d'elles une fois qu'ils ont obtenu ce qu'ils veulent. Pas de sauveur, c'est logique et c'est même un contre sens. comme dire " Ce n'est pas trop grave, il y aura toujours quelqu'un pour te sauver la mise")
Donc les contes se concluent sur une moralité voire plusieurs, parfois même assez drôles ( La deuxième moralité de Cendrillon. La première insiste sur le fait qu'un bon caractère est le bien le plus précieux et qu'il permet de s'en sortir même si l'on est désargenté. La deuxième, plus cynique, mais tellement plus réaliste, prend le contrepied en nous disant textuellement que peu importe l'argent, l'apparence, les qualités de quelqu'un , le meilleur moyen pour parvenir à se hisser au somment c'est d'avoir une marraine ou un parrain qu oeuvre pour vous. En clair: rien ne vaut le piston!)
Dans les deux cas cependant, La Fontaine ou Perrault, les fables et les contes font partie clairement de ce que ma prof de FLE de textes à Charge Culturelle Partagée ( oui, des CCP, donc...); des mots ou des textes qui sont tellement connus souvent depuis la petite enfance qu'ils font partie du "paysage" culturel d'une société. Qu'ils peuvent être cités complètement hors contexte, tout le monde ou presque repèrera l'allusion ou comprendra, qu'ils sont parfois passés à valeur de proverbe.
Des locutions comme ' foi d'animal" ou " patience et longueur de temps font plus que force ni que rage", " on a souvent besoin d'un plus petit que soi", " sans autre forme de procès", " tout flatteur vit aux dépends de celui qui l'écoute".. etc
Peut être parce que les fables de La Fontaine ont été apprise par coeur à l'école, ou lues en famille, ce sont vraiment des phrases qui reviennent en citation, quand les contes parlent surtout pour leur trame générale ( après tout le but d'un conte est d'abord d'être dit , plutôt que lu). Quoi qu'il en soit, la CCP est bien là,et même plus universelle pour les contes de Perrault , peu importe lequel, du père ou du fils ( via leur adaptation par les frères Grimm déjà, qui ont élargi l'audience dans le monde germanique puis via les adaptations dans le monde entier - oui, c'est comme ça qu'on peut voir le petit chaperon rouge dans un manga, par exemple- mais aussi par leu côté populaire, donc tiré de traditions orales plus vastes et "mondialisées " que les Fables, qui ont dépassé et quasiment effacé leur modèle antique ( Esope) mais sont restreintes à un public francophone.
Traduction, si je parle de Cendrillon ou Cinderella à un anglophone, il va de suite penser: fée, citrouille, pantoufle de verre, retour avant minuit.. etc. Ca marche internationalement.
Si je dis à un francophone " le lion et le rat", "le loup et l'agneau", " le rat des viles et le rat des champs" les chances sont grandes qu'il connaisse, peut être pas par coeur, mais quand même.
En FLE, c'est essentiel d'avoir cette notion pour penser à inclure ces textes CCP dans le bagage culturel d'un locuteur étranger qui vient apprendre le français, pour lui donner des clefs sur la société, au delà des simples compétences linguistiques pour aller acheter des timbres à la poste ( oui, tiens , les logos font aussi partie des documents CCP)
La preuve qu'il s'agit de textes CCP, c'est que je n'ai même pas eu besoin de préciser la teneur des textes tels que le Chat Botté, Cendrillon, Barbe bleue, le Petit Poucet... Riquet à la houppe me semble un peu moins populaire.
Quand je me dois de donner des précisions sur Griselidis : une nouvelle en vers tirée d'un conte du décameron qui le tirait probablement d'une tradition plus ancienne. Griselidis est une bergère, épousée pour ses qualités par un roi mysogyne qui cherchait ce qu'on appellerait de nos jour un paillasson, doit subir malgré toutes ses qualités la jalousie d'un mari complètement paranoïaque qui lui fait misère sur misère pour éprouver sa patience. Au sens strict: l'aptitude à souffrir sans se plaindre, pas simplement le fait d'attendre sans se plaindre. Le sadique lui fait croire que leur fille unique est morte, répudie sa femme en lui disant qu'elle n'est au final qu'une pécore, la fait revenir pour qu'elle s'occupe de former la future reine qui va la remplacer à souffrir autant qu'elle...Et Griselidis obtempère, persuadée que ce son des épreuve que dieu lui envoie pour lui permettre de se corriger! Oui de nos jours on appellerait ça une illuminée ou une masochiste, ou les deux à la fois.
De même le curieux Labyrinthe de Versailles, qui est un recueil de courts poèmes inspirés de la littérature antique, destinés à orner les fontaines du château de Versailles., elles -mêmes représentant des fables d'Esope. et c'est vraiment très étrange de trouver d'autres versions de textes qu'on connait par coeur, parfois sous l'exact même titre " le lièvre et la tortue", " le renard et les raisins", " le renard et le corbeau" " le conseil des rats"...ça vous parle? CCP, je vous dis!
Mais là où la Fontaine tirait une conclusion plutôt sociale et générale, Perrault en reste à des interprétations galantes, à la mode de sont temps.
Je n'ai pas franchement aimé La Métamorphose ( texte en prose mêlé de vers sur l'allégorie du miroir, portraitiste parfait - le thème littéraire du portrait était en vogue , il n'y a qu'à penser aux Caractères de La Bruyère, Melle de Scudéry s'y est essayée aussi) , ni la peinture ( poème long , trèèèèès long en alexandrins, rimes plates, rempli de références mythologiques assaisonnées à la sauce assez cliché XVII°siècle...) là, j'ai vraiment du mal, d'autant que les vers de Perrault sont loin de valoir sa prose. Ca se fait énormément sentir dans le Labyrinthe, avec le point de comparaison des Fables de La Fontaine
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