En fait j'abrège, puisque le titre entier est " les heurs et malheurs de la fameuse Moll Flanders".
Moll Flanders ( ce n'est pas son vrai nom, mais celui sous lequel elle est devenue célèbre tardivement) a mal débuté dans la vie: née à Newgate ( prison de Londres) au XVII° siècle d'une mère voleuse, ça commençait sous de mauvais auspices. Abandonnée à la charité publique, c'est une petite fille, puis une femme combattive qui apprend vite à se débrouiller seule en comptant sur elle même.
Elle aurait même facilement pu s'en sortir et vivre correctement dès l'adolescence en travaillant comme couturière, seulement voilà, en rencontrant les femmes riches qui viennent lui donner du travail, elle développe un goût du luxe et ne veut pas seulement vivre correctement, mais "être une dame de qualité", pensant d'abord que ça veut dire une femme indépendante qui travaille à son compte, elle ne change pas d'avis en comprenant son erreur et espère monter dans l'échelle sociale. Sa seule obsession sera alors de se faire épouser par un homme riche. Elle y parvient, et le mari meurt vite, lui laissant un héritage colossal... qui sera vite dilapidé par son second mari, joueur qui part un jour pour fuir ses créanciers, lui laissant comme consigne de le considérer comme mort car il ne compte de toute façon pas revenir.
Celle qui se fait dès lors appeler Mme veuve Flanders, se trouve alors un 3° mari, planteur en Virginie, qui s'avère, par un hasard facétieux, être son demi frère. Retour en Angleterre pour la pseudo-veuve bigame, qui continu la chasse au mari, lâche la proie ( un banquier moyennement riche) pour l'ombre ( un homme ruiné qui se fait passer pour fortuné, dans l'espoir de dégotter une femme riche.. l'un abusant l'autre).
5 mariages successifs, quelques amants de passages et une fortune qui diminue d'année en année, puis la rencontre avec des gens douteux.. et il n'en faut pas plus pour que la "veuve" se lance dans la même carrière que feue sa mère. "Travail" dans lequel sa débrouillardise et sa prudence la font exceller. Dès lors, celle que l'on surnomme "Moll Flanders" devient une voleuse suffisamment rouée pour se tirer à plusieurs fois de mauvais pas...
trouvé sur le très drôle 3 panel book review: présentation de lectures en Strips de3 cases |
Que voilà un roman jouissif et amoral, il a d'ailleurs été censuré pendant longtemps aux USA pour cette raison ( je ne sais pas si c'est encore le cas, mais ça ne m'étonnerait pas): l'héroïne est polygame, voleuse et d'une moralité plutôt élastique ( il n'y a que le mariage avec son demi-frère qui au final lui pose un réel problème de conscience). Elle met très vite ses scrupules dans sa poche, abandonne sans ciller la flopée d'enfants qu'elle a eu de ses cinq maris au cours des années et qui l'encombreraient plus qu'autre chose, surtout dans sa quête du riche pigeon qu'elle ne désespère jamais de dénicher.
Elle trompe, elle vole , elle ment.. au départ pour être plus riche, ensuite pour seulement survivre, plus tard encore pour échapper à la prison et à la peine capitale. Une héroïne amorale, mais dont l'énergie et la roublardise font malgré tout un personnage intéressant et pas unidimensionnel, elle ne s'abaisse jamais à voler les plus pauvres qu'elles, seulement les riches ( mais à son propre profit, contrairement à Robin des bois).
Car même si le traitement est humoristique il met en avant la réalité du XVII° siècle: une femme n'existe socialement que par son mariage: pas de mari (si possible riche) ou de "protecteur" = pas de vie sociale = obligation de se débrouiller par soi même. Ce qui laisse peu de possibilités: travailler pour un salaire de misère, en se débarrassant d'un maximum de bouches à nourrir, donc on abandonne sans trop de regret les enfants dont on ne voulait de toute façon pas vraiment, voler ou se prostituer. Ça reste discret, mais cette dénonciation indirecte de la condition féminine est assez inattendue.
Et le roman se permet même le luxe de ne pas finir de manière morale, je ne vous en dirait pas plus, mais l'auteur a du avoir une sympathie aussi pour son personnage et refuser de la punir de ses mauvaises actions, dictées au départ par la vanité, mais bien vite, par les circonstances extérieures, il faut dire que Moll va de déconvenue en déconvenue...je pense que c'est aussi, et surtout ça qui a du choquer.
How Shocking! Pas de mea culpa, pas de rédemption religieuse.. J'avoue que je craignais ça, une fin moraliste, il n'en est rien pour mon plus grand plaisir.
Je n'ai pas lu Robinson Crusoe, pourtant le roman le plus célèbre de Defoe, apparemment il serait moins réussi, de ce que j'ai pu lire comme critique. Ou en tout cas, il a moins de chance de me plaire. En tout cas, il doit certainement s'y passer moins de choses ( un type tout seul sur une île, vs une femme qui passe son temps à bouger d'une ville à l'autre d'un pays à l'autre..).
Donc je conseille à ceux que Robinson à ennuyé de tenter celui-là, il s'y passe énormément de choses.
Et vous pouvez même tenter le coup avec l'édition numérique libre de droit, je commence à devenir bien fan de ce site.. surtout pour mon manque de place chronique, j'ai commencé à remplacer pas mal de mes classiques par leur édition numérique
La vie de l'auteur aussi, mérite le détour: agitateur politique, pamphlétaire dont les écrits l'ont conduit en prison, agent secret...
N°23: une jambe ou un pied |
Je n'ai toujours pas lu ce roman qui fait partie des classiques de la littérature anglaise, ce que tu en dis (l'immoralité jusqu'au bout du roman, la condition féminine) m'intéresse énormément.
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