Et grand bien m'en a pris, j'avais en effet oublié pas mal de choses sur cette histoire, presque tout son cadre politique en fait.
Je me souvenais de l'affrontement des deux personnages principaux, à travers le jeu de go, sur fond de guerre Sino-Japonaise dans les années 30, qui représentent allégoriquement l'affrontemment de leur deux pays respectifs, mais tout ce qui a trait à la rébellion des étudians, j'avais oublié.
Nous somme donc dans les années 30, à Mille-Vents, petite ville de Mandchourie. Et c'est là que le cadre politique est important justement: la région a été conquise et annexée par le Japon en 1931, qui a créé un état un état indépendant sous son contrôle, le Mandchuokuo, qui va perdure jusqu'en 1945. L'action du roman se passe exactement en 1936/1937, au moment où Tchang Kaï-Chek pousse la Chine à la révolte contre l'invasion japonaise, et au début de la guerre sino-japonaise. Autant dire qu'en Mandchourie, sous des dehors plutôt calmes, la révolte gronde.
L'imminence de la guerre est une préoccupation pourtant très éloignée de l'héroïne: lycéenne au caractère taciturne, issue de bonne famille, son père traduit Shakespeare en chinois et elle même est née en Grande Bretagne, elle a quelques difficultés à s'entendre avec ses camarade et trouve une échappatoire à sa vie morne dans le go, qu'elle pratique assidument sur une place de la vile, dédiée à ce jeu. en dehors de ça, elle reste en retrait et se contente de jeter un regard assez souvent cynique sur son entourage: les filles de son lycée, sa propre soeur malheureuse en mariage. Son quotidien va prendre une toute autre tournure lorsqu'elle rencontre des étudiants communistes, dont l'un devient son petit ami, et se retrouve en marge d'une situation qui la dépasse.
L' autre point de vue est celui d'un militaire japonais envoyé en mission dans ce recoin de la Chine. Il est la quintessence de l'esprit militaire, dévoué corps et âme à son pays, à sa mission, idéaliste.. et pourtant quelque part, bien que se sentant supérieur, est fasciné par ce pays qu'il apprécie et dont il connait la langue, et rejette tout en même temps. Lorsque son chef décide d'utiliser ses compétence en chinois pour lui demander d'espionner les joueurs de go pour tenter de détecter parmi eux d'éventuels rebelles, il saute sur l'occasion pour échapper lui aussi à sa morne vie de caserne et se plonge dans le jeu.
Le roman est court, à peine plus de 300 pages, et compte pourtant 92 chapitres. J'ai beaucoup aimé la construction qui reprend celle d'une partie de Go (ou de tout autre jeu ou deux adversaires jouent à tour de rôle). chaque chapitre fait avancer l'histoire de l'un des deux personnages, qui se rencontrent et commence leur partie de go très tard, quasiment à la moitié du récit. Par la suite, le décalage est souvent assez savoureux ( même si ça n'est pas un roman drôle, loin de là, on n'élude rien de la guerre, des tortures et de l'occupation) entre ce qui se passe réellement du côté de la chinoise et ce que le militaire suppose: elle a l'air déprimée, elle est jeune, elle a doit avoir des problèmes en classe ou s'être disputée avec quelqu'un de sa famille. Alors que le lecteur sait déjà que la raison de son air abattu est que plusieurs des ses amis ont été arrêtés et sont " questionnés par l'armée " et qu'elle est terrifiée à l'idée d'être arrêtée à son tour. En ce sens, le militaire, englué dans sa conception ultra rigide ce ce que sont et doivent être les choses, est bien moins dégourdi que la lycéenne.
Bonne relecture, des thèmes pas faciles d'accès, mais l'auteur glisse quelques notes de bas de pages sur les références historiques, un traitement original , ce qui compense des personnages assez peu sympathiques ( tant les deux héros que ceux qui tournent autour d'eux,qui manquent parfois de traitement pour qu'on s'intéresse à eux. Si le cas de Huong, la lycéenne que sa famille de campagnards espère marier à un notable local est intéressant, Min et Jing les étudiants rouges, le cousin Lu, ainsi que la soeur de l'héroïne sont un peu trop survolés à mon goût. Idem avec Mademoiselle Lumière, la geiko, du côté japonais)
Néammoins, bonne relecture, il faudra que je tente d'autres textes de la même écrivaine, je suis bien tentée par Les quatre vies du saule dont le titre me plait beaucoup.
Ecrivaine d'origine chinoise qui écrit parfois directement en français comme ici |
la guerre , l'occupation, la torture... |
Je ne connaissais pas ce pan de l'histoire. Ce serait une bonne occasion de la découvrir par cette lecture :)
RépondreSupprimerIl m'a quand même fallu faire quelques incursions sur le net pour vérifier des points sur l'histoire chinoise de l'époque que Tchang Kai Chek(c'était loin dans ma mémoire, le programme de troisième!Mais quelques notes dans le livre permettent aussi de s'y retrouver)
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