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dimanche 23 novembre 2014

Le monde, tous droits réservés - Claude Ecken

wow, alors là, celui-là  aussi je préfère ne pas calculer depuis quand on me l'a prêté, mais tout arrive (enfin) un jour.  La copine à qui je dois le rendre a même du oublier que c'est moi qui l'ait, celui là, et Auditions coupables du même auteur dont j'ai parlé il y a quelques  jours.

Donc, Claude Ecken, j'en avais déjà parlé ici, pour une nouvelle chroniquée dans le cadre du challenge " je lis des nouvelles". J'ai eu l'occasion de le rencontrer il y a plusieurs années, chez sa nièce ( Christine si tu me lis, je vais te rendre tes livres dès qu'on pourra se voir en fait). Un monsieur fort sympathique, qui écrit des textes souvent ironiques et cyniques, ce qui n'est pas pour me déplaire, tels ceux qu'on peut trouver dans ce recueil de SF.

- Le monde tous droits réservés: dans un futur indéterminé, l'information est soumise à copyright.Comme tout le reste. L'information est devenue un produit marchand. Le journaliste qui désire traiter un sujet , qu'il soit de premier plan ou simple fait divers, doit d'une part le réserver le premier auprès de l'agence qui centralise tout ça, et souvent, d'autre part, payer les témoins, en marchandant si besoin.
Vous voyez déjà les dérives possibles? Exactement: l'événement n'est plus un événement, il est très souvent organisé par des gens malhonnêtes qui n'hésitent pas à monter de toutes pièces par exemple une fausse bagarre de rue sur le passage d'un journaliste pour se partager le pactole.
C'est justement ce qui vient d'arriver au héros de cette nouvelle, débutant dans un journal d'Avignon, penaud d'avoir été roulé, et qui va découvrir que le copyright sur l'information n'est pas une bonne chose comme on le lui a appris à l'école de journalisme, et que les militants d'"info libre", le groupe activiste qui prend les médias de court, ne sont pas les terroristes qu'il croyait.
 Une énorme affaire de pollution chimique dans le Rhône va lui permettre de lever un fameux lièvre. Car autre implication qu'on devine vite, le copyright sur l'événement est un excellent moyen de cacher les affaires louches.
J'ai adoré cette nouvelle, la manière dont un petit détail annexe se révèle capital ( la disparition de prostituée), l'auteur distille toutes les infos , comme ça incidemment.. au lecteur de reconstituer le puzzle.

Dans ce monde, des "panneaux graffitis" permettent de diffuser en public des messages à courte durée de vie ( un peu comme les panneaux à message variable qu'on trouve en ville pour les annonces municipales). Le principe est le même: s'y succèdent slogan politiques  ou message du genre " c'est pour dire à Zézette qu'elle aille directement chez René parce que j'ai paumé les clefs du camion..."''tendez un panneau ou chacun inscrit cequ'il veut, ça ferait pas une sorte de mur Facebook public, ou de Twitter?
Pis cette course à l'info, ça fait un peu Médiapart non?
Et maintenant la surprise: cette nouvelle date de 1994. Hé oui. Avant Facebook, avant Twitter, avant Médiapart, avant Wikileaks et tout ce genre de trucs.  Visionnaire!

- Membres à part entière: dans un futur indéterminé, Jean-Paul est un "debout", une "tige". La majeure partie des humains sont paralysés, cloués sur un fauteuil roulant depuis une guerre chimique quelques décennies plus tôt. Les chercheurs du monde entier s'affairent à trouver une solution pour faire remarcher l'humanité. Vous pensez que Jean-Paul a de la chance? Pas du tout: le monde a adapté le mobilier à ce qui est devenu la norme, et peu importe son niveau de qualifications, il ne pourra que vivoter dans un emploi subalterne car il est trop grand.
La question de l'insertion des handicapés, retournée comme un gant pour mettre en lumière l'absurdité de la situation, avec une bonne dose d'humour noir et de cynisme.

- Edgar Lomb, une rétrospective: On a trouvé un moyen de voyager sur d'autres planètes. Pas physiquement, mais par la pensée, en procédant à distance à un échange de conscience , via un rayon qui se déplace àla vitesse de la lumière, avec une forme de vie extraterrestre. Ca peut être n'importe quoi, comme le rappelle le conférencier Alain Caudex (oui, ça me fait rire), dans son émission sur la vie d'Edgar Lomb, un des premiers cobayes volontaires à avoir tenté l'expérience: il a été successivement dans la peau d'une sorte de sauterelle, d'un gros herbivore, et d'une foule d'autres choses sur une autre planète quelque part dans la galaxie.. en  développant une sorte d'addiction de plus en plus forte à ce genre d'échanges.  surtout au moment où il découvre les fanelles, créatures vaguement humanoïdes dotées d'ailes qui maîtrisent,elles, les voyages dimensionnels. Pour un simple terrien,  y a de quoi en devenir fou...

- L'Unique: C'est le procès de Lucien. Son crime? être unique, enfant conçu naturellement, dans une société où on choisit maintenant son enfant sur catalogue d'après un "type" génétiquement défini, qui correspond à des caractéristiques à la fois physiques et mentales, et des aptitudes prédéfinissant une orientation professionnelle. Et Lucien n'a aucune existence légale, dans une société bien peu disposée à lui faire une place, vu qu'il est considéré comme un danger. Du pain bénit pour son avocat, qui va en profiter pour faire le récès de la société en entier, appuyant là ou ça fait mal. Car si les "types " les plus populaires ( les "albert" sont promis à une carrière scientifique, les Valérie sont programmées pour être tête en l'air, romanesques et faire de bonnes secrétaires, Les Marc sont destinés à être procureur, tandis que les Vernon sont avocats, et les Marie travailleuses sociales) ont droit à des "mises à jour régulières", les types les moins recherchés sont évidemment les Mamadou ( type d'ailleurs renommé "Désiré), c'est plus vendeur!), qui ne connaissent que peu de mises à jour... Sous couvert de réduitre les inégalités, cette société là est elle bien égalitaire.
Ho que c'est brillant! de la SF comme j'aime qui fait du débat de société sous couvert d'Utopie - dystopie.

- Les déracinés: un peu dans la même veine que la précédente. Les déracinés sont des des hybrides, résultats de croisements douteux entre humains et plantes. Ces transhumains se sont retranchés dans un laboratoire et luttent pour avoir droit à une existence que les humains refusent de leur reconnaitre, après les avoir créés.

- Esprit d'équipe: encore une expérience scientifique qui tourne court. Dans un futur indéterminé, il est possible de se créer des clones autant que l'on veut, pour aller travailler ou faire les corvées à sa place. Mais ça risque quand même vite de tourner au vinaigre, quand chaque clone s'estimera être l'original et vouloir son indépendance. Ainsi que le pouvoir de diriger tous les autres. Je ne vous parle même pas de la pagaille pour reconnaitre le vrai original de ses copies.

- Fantômes d'univers défunts: partant du constat qu'il arrive parois que tout un chacun se sente un mystérieux, incontrôlable et mutuel élan de sympathie vers un inconnu croisé par hasard, Nicolas, prend soudain conscience que la bande d'amis qu'il connait depuis la fac, et avec laquelle il passe des vacances régulièrement, change inexorablement. des gens avec qui on s'entendait jusqu'à la veille vous irritent soudain au plus haut point, ceux qu'on détestait cordialement semblent soudain incroyablement sympathiques. Il  a bien une raison à celà, que Nicolas va essayer de découvrir; et qui fait intervenir la physique quantique, les univers parallèles, et l'idée des multivers.

- la bête du recommencement: Sur une planète on ne sait où un homme riche qui vient de faire banqueroute et dans la foulée d'être plaqué par sa femme/ maitresse, cherche une " bête du recommencement", un animal mythique qui permet de revenir en arrière mentalement dans le temps, comme dans un rêve, de corriger ses erreurs passées, et en revenant au présent, de voir son rêve se réaliser. Qu'il évite la petite erreur qui a mené à la catastrophe et son futur sera tout différent. Je n'ai pas trop apprécié cette nouvelle et son côté " la vie est belle" ( de Capra: si tu changes une chose, tu changes tout. Faut dire que je déteste ce film, ça joue.)

- Eclats lumineux du disque d'accrétion: Quel titre! comme l'unique, c'est une nouvelle qui joue sur la dystopie pour mieux critiquer la société actuelle, donc bingo! Donc ce titre, qui réfère aux trous noirs, est tiré de l'essai qu'écrit l'un des personnages secondaires sur l'astrophysique. Mais le trou noir ici, c'est moins un phénomène spatial qu'un phénomène social: suite à une décision politique, la société est divisée entre désoeuvrés ( chômeurs volontaires) et autonomes ( gens qui travaillent). Les désoeuvrés vivent dans les cités, pris en charge par la société, nourris, logés, moyennant quelques rationnements pour les garder sous contrôle, mais libre de faire ce qu'ils veulent du moment qu'ils participent pour s'occuper à 2 ateliers physiques et culturels dans la semaine. autant dire que peux d'entre eux désirent vraiment passer du côté de la masse salarié qui doit se loger et se nourrir elle même. De l'autre côté les autonomes commencent à en avoir assez d'être ponctionnés pour nourrir les désoeuvrés. Cette société, profondément inégalitaire, est bien évidemment vouée à l'échec et à la révolte. Et les politiques entretiennent bien la situation entre les deux camps, diviser pour mieux régner! Plafond de verre et Science fiction ... mais est-elle si  fictionnelle que ça?

- La dernière mort d'Alexis Wiejack: la mort est vaincue. Dans ce futur ou on a trouvé le moyen de régénérer à volonté le corps humain, il est de bon ton de travailler 100 ans pour bénéficier de 100 ans de retraite. et pas question de s'y soustraire. Le suicide est puni d'une peine de vie à perpétuité ( et d'asservissement, ça va de soi). A la troisième tentative, hop, c'est fini, vous serez esclave à perpétuité. Or le dénommé AlexisWiejack en est à sa 6° mort, dont 2 suicides. Lors de ses premiers suicides la résurrection a été suivie de travaux forcés très pénibles, 150 ans, il es mort 4 autres fois de maladies causées par le travail et a été chaque fois ressuscité pour finir sa peine. J'avoue que j'imagine mal un futur plus horrible. Mais la nouvelle est très drôle et bourrée d'humour bien noir comme j'aime! et là aussi la critique sociale est subtile et fine.

- En sa tour, Annabelle: Annabelle est folle. Elle dit n'importe quoi, n'importe quand, sortant de manière impromptue les choses les plus incompréhensibles. Ce qui fascine son petit frère qui voit  en elle une incarnation de la Littérature. Et choque ses parents qui vont la faire enfermer pour ne plus subir cette "honte".

- La fin du Big bang: Damien a un problème. Depuis sa naissance, il pose des questions incompréhensibles à sa famille: " pourquoi la lune est bleue" par exemple, ou bien il affirme avoir été une fille, ou encore demande comment ça se passe quand on change de parents,  ce que tout le monde met sur le compte d'une imagination trop débordante. jusqu'au jour où, devenu étudiant , il fasse connaissance de la bibliothécaire de la fac, qui décèle en lui quelqu'un ayant le même problème qu'elle: Tous deux passent d'univers alternatifs en univers alternatifs. Du jour au lendemain, leur quotidien change brutalement: impossible de mener une vie sereine, de se concentrer sur ses études d'avoir des amis, quand votre vie peut changer dans la minute suivante. L'étudiant brillant en physique peut bien se retrouver propulsé pendant la nuit dans la peau d'un raté qui vivote entre deux boulots. Ces deux là décident alors de trouver une solution: ils en sont surs, ils ne sont aps ls seuls, mais comment détecter les autres personnes dans ce cas? Ils conviennent alors d'un code leur permettant de se retrouver das la réalité suivante, et se lancent dans la rédaction de romans de Science-fiction ayant pour thème les univers parallèles, vite avant le prochain changement, dans l'espoir que les quelques autres personnes concernées reconnaîtrons leur réalité et prendront contact avec eux, pour tous se regrouper et faire face à leur fléau commun, d'univers en univers.
Je n'ai pas 100% adhéré à cette nouvelle ( l'histoire d'amour au milieu m'a paru tomber un peu comme un cheveu sur la soupe, encore que ça aurait pu être bien pire, j'avoue, mais j'ai quand même une réticence sur ces incises qui coupent la fluidité du récit), mais j'aime beaucoup l'idée qu' un auteur de SF écrive sur des personnages qui décident de devenir auteurs de SF.

Donc un livre très complet, très riche, mais homogène, avec des thèmes qui se rejoignent de nouvelle en nouvelle: la critique sociale déguisée, l'altérité qui fait peur, les progrès génétiques qui pourraient être utilisés pour les meilleurs mais finissent souvent par le pire, le rôle prépondérant de concepts de physique et d'astrophysique (ce n'est pas un simple ressort narratif, mais souvent une notion clef), l'identité que l'on veuille être quelqu'un d'autre ou que l'on subisse des changements à son corps défendant. Donc beaucoup de thèmes parmi ceux que j'aime voir abordés en SF.

Un recueil que je conseille fortement, je sais qu'il y a en ce moment un défi dédié aux auteurs de Sf et fantastique français, auquel je ne prends pas part par manque de temps, mais tout est bon pour mettre en avant le Sf française, qui est loin de démériter. je vais donc me contente de les intégrer au challenge geek, que ce soit en lectures ou en films.

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