Et vraiment ça aurait été dommage de le rater. Car si j'ai émis des réserves sur le dernier des derniers films de Miyazaki, force est de constater, qu'Isao Takahata, qui n'est plus tout jeune non plus, et dont ce sera probablement le dernier long métrage, tire sa révérence de belle manière, avec cette adaptation d'un conte traditionnel, tout en effet crayonné qui lui a pris des années à réaliser.
Adapté d'une histoire très très célèbre au Japon, que l'on peut trouver éditée sous le titre " le conte du coupeur de bambous" en France chez les POF , et qui compte parmi les textes japonais les plus anciens connus (on en trouve trace dès le X° siècle)
L'histoire nous raconte, comment, dans le Japon médiéval, un coupeur de bambou trouve dans sa bambouseraie ce qui a première vue ressemble à une jolie poupée.
Il s'agit en fait d'une créature fantastique, une sorte de fée si on veut, qui sitôt ramenée à la maison, se transforme en nourrisson semblable en tout point à une petite paysane des plus normales, hormis sa rapidité de croissance proprement incroyable: elle grandit véritablement à vue d'oeil.
Ce qui lui vaut le surnom de "Takenoko" ( pousse de bambou) par les enfants du village. Le paysan lui la nomme " Hime" ( princesse), étant persuadé qu'il s'agit d'une princesse venue d'on ne sait où. Lorsqu'il découvre successivement au milieu de ses bambou des pépites d'or et des tissus précieux il n'a plus de doute: c'est un mesage des dieux qui lui donnent les moyens d'assurer à Hime une éducation royale. La femme du coupeur de bambou préfèrerait quand à elle continuer à vivre tranquillement dans la campagne avec sa fille adoptive qui a atteint la taille d'une gamine de douze ans en quelques mois...
Je trouve que son chat a un air de famille avec celui du pacte des Yôkai |
Mais donc, la volonté du père adoptif est inflexible: la famille va donc déménager à la capitale, faire donner à Hime qui n'en demandait pas temps une éducation digne d'une grande dame, lui préparer un mariage somptueux... et lui faire donner un nom par un vieux sage, chose qui lui permettra d'entrer officiellement dans le grand monde. Takenoko, alias Hime, se retrouve donc dotée d'un troisième nom " Kaguya hime " (princesse lumineuse).
la mode chez les grandes dames de l'ère Heian: on se rase les sourcils pour en dessiner d'autres plus hauts et son se peint les dents en noir. Je suis d'accord, la mode, c'est n'importe quoi! |
Lorsque la nouvelle se répand qu'elle est particulièrement jolie, une foule de prétendants plus ou moins ridicules se presse à sa porte, faisant soudainement fi de ses origines modestes. Auxquels elle oppose refus sur refus, en leur faisant des demandes toujours plus farfelues ( un peu comme peau d'âne et ses robes couleurs de temps)
Mais le temps passe pour Kaguya hime qui n'a révélé à personne son secret: elle vient en fait de la lune, et commence à regretter son pays d'origine. Son peuple devinant sa tristesse et son angoisse va venir tôt ou tard, la chercher pour la ramener sur la lune.
L'intérêt de la version de Takahata, c'est de prendre le point de vue de Kaguya. Au delà de l'histoire fantastique, avec des passages très drôles lorsque il est question des ministres qui la courtisent, c'est surtout l'histoire triste d'une femme qui n'est jamais maîtresse de sa vie qui nous est racontée. Kaguya ne peut jamais faire ses propres choix et se voit sans cesse imposer ceux des autres, " pour son bien". Son père adoptif lui impose une éducation de grande dame parce que c'est ce qu'il estime être le mieux pour elle. Elle se retrouve privée de liberté, contrainte à apprendre les codes d'une vie de cour dont elle ne veut pas, car le bonheur pour elle c'est simplement manger une poelée de champignons avec ses amis.
Privée d'identité avec son nom qui change en fonction des désidérata des autres, cachée aux yeux de tous ( car c'est ce que doit faire une grande dame: ne jamais se montrer.. ou alors seulement maquillée de manière à être méconnaissable), l'humiliation et l'injustice pour elle culmine lors de la fête donnée en son honneur pour célébrer sa nouvelle identité et son entrée officielle dans le monde: elle doit rester cachée dans un palanquin avec la seule compagnie d'une suivante.: " si cette fête est donnée pour moi, pourquoi est-ce que je ne peux pas aller m'amuser avec les autres?". Et tout ne cesse de le lui rappeler: elle apparait derrière des stores, ou enfermée dans un palanquin, on lui offre une cage à oiseau pour son anniversaire, impossible d'être spontanée ou simplement elle même, il faut toujours correspondre à ce qu'on attend d'elle.
Même le jardin dans lequel elle a reconstitué sa campagne en miniature finit par lui apparaître comme une supercherie
Même pour son retour sur la lune, elle n'aura aucune marge de manoeuvre, aucun choix, aucune échappatoire, ce sont les sélénites qui décideront encore une fois pour elle.
Dans l'absolu, il y a des passages très drôles, mais le fond est très sombre, avec cette réflexion sur la liberté, le libre arbitre, le bonheur qu'on veut vous imposer...
Je dirais même que , dans un style très différent, je l'ai trouvé au moins aussi triste que le tombeau des lucioles du même Takahata, qui est pourtant ma référence en terme de dessin animé triste. Et pourtant c'est souvent drôle. Il sont forts quand même au studio ghibli.
Donc je l'ai dit: graphiquement c'est splendide, dans un style d'estampe classique, et bien adapté à une légende ( qui a été elle adaptée déjà de trouzmille façons dans son pays, d'où peut être le succès mitigé qu'il a eu au Japon? comme si on adaptait pour la énième fois "le petit chaperon rouge" chez nous.. ho non, encore?) et je finirais par signaler , quand même, la bande son de Joe Hisaishi, l'éternel compère de Miyazaki.
Un extrait ici
Une très jolie réussite qui va, je pense, prendre place dans mon top 5 des films Ghibli.
Car Takahata compte aussi dans le challenge Miyazaki |
oui.. aussi! |
Je l'ai raté pas au cinéma, j'attends maintenant la sortie dvd...
RépondreSupprimeril y un "pas" en trop... ;)
SupprimerJe prends note, graphiquement ça me plaît beaucoup.
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