De Ionesco, j'avais déjà eu l'occasion de voir sur scène la Cantatrice chauve et La Leçon, j'avais bien aimé les deux au demeurant, c'est donc tout naturellement que j'ai réintégré Ionesco à ma liste.
Et ho surprise, autant la Leçon et La Cantatrice sont assez difficile d'accès, car très absurde, autant le roi est simple dans sa construction, très abordable, limpide malgré les notation fantastiques ( le roi est âgé de 300 ans). a tel point que je regrette presque de ne pas avoir abordé Ionesco par cette pièce là.
L'argument est simplissime: nous assistons aux dernières heures de la vie d'un roi plutôt tyrannique, qui en dépit de son âge canonique n'a "jamais eu le temps" de penser sérieusement à sa propre fin. Il passe donc par tout un panel d'émotions: négation, révolte, acceptation.. face au sort qui l'attend. A noter que la durée de la pièce correspond quasi exactement à celle de l'agonie du roi (" tu vas mourir dans une heure et demie, tu vas mourir à la fin du spectacle", lui explique la reine). La mise en abîme est permanente, le pays se délite à mesure que le roi perd ses forces, la population a déserté les lieux, il ne reste plus qu'une poignée de personnages qui endossent tous les rôles ( le médecin-bourreau-astrologue, la femme de chambre-jardinière-cuisinière) et attendent la mort du roi pour que les choses reprennent enfin leur cours normal, perturbé par les volontés royales qui s'opposent à la nature ( "je mourrai quand je le voudrai, je suis le Roi, c'est moi qui décide). Ce que dépeint ouvertement Ionesco, c'est cette tendance apparue au milieu du XX° siècle, effet secondaire malencontreux des progrès médicaux: la société cache la mort, la nie, la considère comme une erreur, une injustice , quelque chose de non naturel, en lui contestant son statut de corollaire de la vie. Le problème de Béranger 1°, c'est le problème de la société qui occulte la mort.
Cette pièce est une grosse claque qui remet les pendules à l'heure, en l'occurrence la dernière, et force le roi et par la même occasion le public à regarder ce qui ne se peut regarder en face, c'est à dire la mort. Quotidienne, banale, naturelle.
Il est bourré à ras-bord de références à la culture orientale (réincarnation), aux traditions roumaines (danses et cérémonies), au théâtre Shakespearien ( Le roi Lear). Autant le texte est simple et même parfois drôle (catégories absurdes et humour noir), autant l'intertextualité et les références sont nombreuses et fouillées. Une pièce faussement simple donc. Quand à la dernière scène, on referme le bouquin en se disant que Ionesco a vraiment écrit quelque chose de très fort sur un sujet pourtant d'une grande banalité.
Il me faut maintenant la voir sur scène pour l'apprécier encore plus pleinement, car le théâtre lu est une autre chose, le voir en est une autre. Je ne suis pas spécialiste en théâtre, mais je me dis que vraiment le rôle du Roi et celui de la reine Marguerite dans une moindre mesure doivent être incroyablement difficiles à jouer. J'essaierai de voir la version qui a été filmée, avec Michel Bouquet dans le rôle principal, je l'imagine très très bien dans ce rôle là, je ne pense pas être déçue.
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