Tiens et si j'ajoutais à mon programme une lecture d'automne pas halloweenesque? Une cosy lecture, sans grande prétention.
En fait en cherchant quelque chose au travail, pour renseigner un lecteur, je suis tombée sur une liste de lectures automnales, et la couverture de celui-ci m'a paru sympa: feuilles, café, deux amis qui discutent dans une ambiance automnale, écharpes, (quoique le gars est plutôt légèrement vêtu pour un automne en montagne) feuilles, citrouilles...
La panoplie des clichés, mais finalement assez proche de ce que j'avais pu voir au Canada, il ne manque qu'une bouteille de sirop d'érable.
Renseignement pris, c'est tout ce que je n'ai pas l'habitude de lire, comédie sentimentale ET jeunes adultes. Mais bon, pourquoi pas, faut un début à tout, il est disponible pour moins de 4€ sur Amazon en VO, au moins une lecture facile, ça sera le prétexte de lire un peu d'anglais, et si c'est trop nunuche, j'aurais au moins ce point d'accroche, en plus en l'ouvrant sur une appli, je peux surligner les mots que je ne connais pas, voyons le bon côté des choses.
Bon évidemment, on voit venir l'intrigue à des kilomètres, et dès le départ il y a LES clichés qui me posent un gros problème.
L'Héroïne: Ellis, est une gentille fille, mais FORCEMENT de riche famille. Au moins, elle a conscience d'être une privilégiée, puisque grâce à son paternel qui est haut placé dans un groupe de presse, elle a pu décrocher à 17, 18 ans, un stage dans ledit groupe de presse, qui va être très valorisant sur son CV. Sans compter le bénévolat auprès de malades.
Elle habite FORCEMENT New-York, et vu le niveau de vie de ses parents peut briguer, à l'aise, c'est le cas de le dire, l'université de Columbia à l'issue du lycée et de son stage. Et est FORCEMENT passionnée de mode.
Damn'! J'aimerais tellement lire quelque chose où une ado aurait un loisir autre que les clichés fifille. Une fana de mécanique, d'astronomie, d'informatique, de... allez, soyons fous. De linguistique!
Ben non, c'est la fille à papa, modeuse, et déjà rompue à la navigation dans le grand monde pour s'ouvrir les portes d'une prometteuse carrière à grand coup de sourires commerciaux. Y'en a plein les films dans comme ça.
Les parents sont incompréhensibles. Ils se sont fâchés et ni une ni deux, décident de se séparer, la mère emmenant de force sa fille pour le patelin FORCEMENT paumé où vit sa soeur, sans prendre une seule seconde en compte le fait que c'est clairement un coup de poignard dans le dos que de l'obliger à partir le lendemain même pour Trouperdu-sur-gadoue, sans pouvoir prévenir son employeur, son lycée qui reprend le lundi suivant pour la dernière année, ses amis, l'hôpital où elle est bénévole...
Je veux bien que tu te frittes avec ton mari, mais... laisse ta fille finir son stage au moins, elle peut habiter avec son père pendant quelque temps et venir te rejoindre aux vacances, c'est pas comme s'il fallait se saigner aux 4 veines pour lui payer un studio en plein New-York, alors qu'à Bramble Falls ( littéralement Cascade des ronces, tu le sens le côté accueillant?), les jobs d'étudiants, beeeeen...
Sérieusement, ta fille ado fait un stage qui lui plaît, a une vie sociale correcte, et un avenir professionnel qui s'amorce bien, ne lui mets pas des bâtons dans les roues juste pour faire iéch ton futur ex-mari. La mienne aurait sauté de joie si j'avais pu trouver un stage avant les études, comme elle a sauté de joie quand mon père m'a faite embaucher à mi temps en CDD de 15 jours l'été dans le magasin où il travaillait, vu que ça me permettait de mettre une première expérience sur mon CV.
Le père lui, ben.. " on l 'a décidé pour toi, c'est comme ça". En mettant la principale intéressée au pied du mur, le samedi matin avant la rentrée, alors qu'elle est en train de remplir l'équivalent local de Parcoursup pour l'année suivante, quels parents admirables! Faudra pas vous étonner si votre fille fait une dépression, une fugue, ou simplement vous fait la gueule pendant des années. Mais c'est un souci quand dans un livre la fille de 17 ans est plus mature socialement que ses parents. En tout cas, c'est sa première pensée " que vais-je dire au patron qui m'a prise en stage? Et je dois faire une permanence à l'hôpital le week-end prochain, je ne peux pas les laisser en plan... Et le lycée qui commence après-demain ( visiblement la carte scolaire n'est pas un problème aux USA, et on peut changer d'établissement en 2 jours sans prévenir en amont). Les parents, ben "non, on l'a décidé, le monde doit s'adapter"... Duo d'irresponsables.
Ellis est très vexée et ça se comprend. Et elle arrive à cette conclusion, comme le lecteur d'ailleurs, que sa mère l'a emmenée sur un coup de tête, très précisément pour emmerder son père.
Et là, les choses vont de mal en pis: non seulement, elles déboulent chez tante Naomi (la soeur de la mère, dont je ne sais même plus si elle-même a un nom, tant elle passe vite au second plan), qui n'a pas beaucoup de place, et donc Ellis est remisée comme un carton, au milieu des cartons, sur un lit de camp dans un grenier mal aéré; la tante est la maire du bled et organise un million de fêtes et événements autour de l'automne, parce que Bramble Falls c'est l'équivalent automnal de Rovaniemi pour Noël: fêtes des pommes, fêtes des citrouilles, soirée halloween, autres fêtes totalement absurdes pour un cerveau européen. En fait, tout le récit est l'équivalent automnal d'un film de Noël, gentillet et cliché, mélangé a une comédie lycéenne. Et même pas franchement drôle comme comédie, c'est une succession de scènes assez détachées les unes des des autres, dont la conclusion est invariablement " ceux qui ne s'entendent pas sont forcés par les circonstances de collaborer" mais l'autrice n'est pas très douée pour le côté humoristique.
En tant qu'européenne ça me parait toujours d'un exotisme incroyable ces lycéens de 16 ans qui n'ont droit qu'au jus de pomme en vertu de la loi, mais peuvent conduire un 4x4 pour aller au lycée. Ces fêtes dignes d'un bal des débutantes organisées officiellement par les lycées ( essaye de faire ça dans un lycée français et tout le monde sera scandalisé qu'on pousse les jeunes à faire la fête au lieu d'étudier), ces clubs de tout et n'importe quoi même au fin fond de la brousse (ça c'est cool par contre, mon collège ou mon lycée n'avaient pas d'orchestre ni de club de théâtre, pas de budget)
Et donc c'est comme ça que commence la nouvelle vie forcée d'Ellis, obligée par sa mère à prendre part à toutes les fêtes à la con de tata ( elle nous héberge gratuitement, donc c'est normal de lui rendre la pareille en te portant volontaire, y'a pas à négocier, tu es volontaire, tu mettras ça sur ton CV en tournant que tu as aidé à l'organisation des fêtes municipales de Trouperdu-sur-Gadoue), presque poussée par celle-ci à lâcher ses cahiers: sa fille trop sérieuse est trop concentrée sur ses études et ses résultats, elle devrait se décoincer, suivre l'exemple de sa cousine un peu glandeuse, se faire des amis, sortir avec des mecs.... . En fait la mère pousse sa fille à être TOUT ce que les parents européens ne veulent pas.
Et là, Ellis retrouve la seule personne qu'elle connaissait, un copain de vacances pas revu depuis 4 ans, nommé Cooper (pas Bradley, mais pas loin, et qui de geek binoclard passionné par la pâtisserie est devenu une bombe atomique qui pousse de la fonte, FORCEMENT, on est dans un univers où un petit maigrichon à lunettes est disqualifié sur le marché du célibat*).
Ex-coapin, donc, qui lui fait la gueule, oui mais pourquoi? Ellis semble avoir encore moins de compétences sociales que moi et c'est pas peu dire. Essaye au pif " lui avoir roulé un palot il y a 4 ans et avoir rapidement rompu tout contact téléphonique dans les semaines qui ont suivi sans t'expliquer", ça me parait une piste à creuser. Donc Cooper, son meilleur pote, mais dont elle avait oublié même jusqu'à l'existence.
* Et je suis le genre de personne qui préfère Clark Kent et sa discrétion, à Superman, ouaip.
Et donc mission de l'automne pour Ellis: se rabibocher avec Cooper, se rabibocher avec sa mère, et devenir une ado standard qui se fait des amis (elle n'en voit pas l'intérêt puisqu'elle espère se barrer pour toujours de là dès les vacances de Noël. Bon, là, c'est un peu concon, rien ne t'empêche de te faire des potes même dans un endroit où tu n'iras pas souvent.. a condition de leur envoyer au moins un sms dans l'année!), apprendre à aimer la simplicité... Je vous parie 10€ contre un petit pois ( je n'en suis qu'à la moitié au moment où j'écris) qu'avant le dernier chapitre, elle a trouvé l'amour de sa vie, s'est prise de passion pour les tartes aux pommes et ne veut plus rentrer en ville.
Revenons aux parents: le père est curieusement aux abonnés absents, ne répond pas au téléphone et a tôt fait de remplacer sa fille absente par une autre stagiaire, plus jeune, plus motivée (dis-le directement que ta fille était incompétente et qu'elle ne faisait pas l'affaire!). Et la mère est incompréhensible. Oui plus encore qu'il y a quelques paragraphes. Ellis découvre par hasard que sa mère sait peindre et aime ça, elle n'a plus pris les pinceaux depuis 20 ans, elle a quitté son travail de galeriste pour s'occuper de sa fille unique.
Bon, soit, MAIS ce n'était pas une mère célibataire ou divorcée, au contraire: une seule fille à s'occuper et qui s'occupe très bien seule d'ailleurs, pas de travail mais un mari qui ramène beaucoup d'argent, probablement pas un ménage à faire toute seule: elle avait littéralement tout le temps de se consacrer à son loisir au moins une heure par jour. Rien ne l'obligeait à tout lâcher donc l'argument (assez mesquin et manipulateur d'ailleurs) " j'ai arrêté pour m'occuper de toi" est irrecevable. De plus, elle se plaint de ne pas être proche de sa fille, laquelle n'a pas de loisirs, pas de goût pour l'art. Là aussi, le manque de logique me pose problème, vu que c'était la configuration idéale pour l'initier à l'art, lui apprendre à dessiner, l'emmener au musée, faire des trucs ensemble etc... or non. " Ma fille ne s'intéresse à rien à part les études, ben, tu lui as littéralement donné l'exemple de quelqu'un qui n'a pas de loisirs. La mère qui renonce à sa vie et en fait porter la responsabilité à sa fille, et le père carriériste, tu m'étonnes qu'elle ne soit pas " une ado normale". Je vous l'ai dit que les parents sont irresponsables dans cette histoire.
Après voilà, je me moque, tout comme j'avais tourné en dérision les romans Harlequin lors d'un défi lecture. Je ne suis pas le public cible, encore moins puisque le schéma " film de Noël mais à Halloween" est aussi cousu de fil blanc qu'un scénario noellesque à Noël. Je ne suis pas fan non plus de l'écriture constamment au présent alors qu'on n'est pas dans un format journal, mais dans un récit classique même s'il est narré du point de vue d'Ellis. Mais bon, ça passe mieux en anglais qu'en français (et c'est pas mal de ne pas avoir à se peler les preterit, past continous et autres pour une lecture vite fait). Je suis plus gênée par le fait que, disons-le " tout le monde il est beau - voire très beau- tout le monde il est gentil". Et là on a droit à des tartines pour nous dire , au cas où on l'oublierait d'un chapitre à l'autre que Cooper est une bombasse, que Jake est une bombasse mais un peu maladroit, que Chloé " la nana du cours de maths" est une bombasse.
Pour le bon point,ça se lit plutôt facilement - donc c'est bien quand on se remet d'un accident et qu'on a du mal à se concentrer-, mais c'est plus sucré que les milk shake à la citrouille que s'envoie Ellis à longueur de pages sans prendre un kilo ou avoir une seule carie, haut en calories, mais faible en intérêt dramatique, MAIS ça n'est pas désagréable à lire.
Disons qu'au delà de la couverture plutôt jolie qui donne envie de soupe au potiron, de gratin de courge, et de muffins ( euh, aux marrons ou aux noisettes, pas au potiron quand même), j'espérais vu les bonnes critiques qu'a défaut d'être très original, il éviterait de patauger dans les clichés, et là, il y va franco, comme dans la boue de la campagne: fâcheries et réconciliations, crise familiale, fêtes agricoles avec charrettes à chevaux sorties de la petite maison dans la prairie, avec Cooper dans le rôle de Charles qui conduit la charrette, inéviables blessures pour donner aux ex amis l'occasion de se soigner l'un l'autre et se réconcilier, héroïne qui pourrait être sympa si elle avait des centres d'intérêts autre que la couture et la mode, inévitable joueur de foot sympa mais indécrottable campagnard, triangle amoureux, re triangle amoureux et au milieu... l'obligatoire personnage "de minorité": noir, rondouillard et a-genre aux pronoms indéfinis. Ca fait beaucoup pour un seul, mais limite ce serait plus intéressant de développer celui-ci, au lieu d'avoir le point de vue mille fois exploité de "la princesse à la campagne". Non, personnage sous employé destiné à remplir le quota de représentativité. D'une manière générale, à part Ellis, Cooper et Jake, les autres sont assez figurants. Je ne demande pas un roman fleuve avec des tas de rebondissements, mais que les personnages qui y sont soient un minimum utiles.
Dommage, ça manque d'enjeu et d'inventivité narratifs. Appliquer une recette à la lettre, c'est bon pour le gratin de courge, mais pas ce qu'il y a de mieux pour un livre qui ira vite rejoindre l'immense liste des " vite lus, vite oubliés". Mauvaise pioche, je suis sûre qu'il y a des lectures ado qui valet le coup, mais celle -là n'en fait pas partie..le côté " lecture détente" ne veut pas dire laisser passer les clichés quand ils sont trop gros ou que les grosses ficelles sont nouées de manière trop visibles. Même à 17 ans, je n'étais pas le public visé, et ça m'aurait paru oubliable, vu que j'aimais l'action, l'histoire, l'aventure..
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