Allez, un peu de lecture pour se renseigner plus en détail. Je ne suis pas allée chercher midi à 14h00 et j'ai simplement fouillé dans un stock de Que sais-je que j'avais mis de côté pour plus tard en version numérique.
La Guerre de Sécession - Farid Ameur
Rien à redire, l'auteur est un historien spécialisé sur cette période précise de l'Histoire, et apporte toutes les informations nécessaires, en particulier, sur le contexte en amont, la situation des Etats-Unis au XIXe siècle, pour comprendre comment on en est arrivés là.
Où l'on apprend que dès le premier quart du XIXe siècle, des menaces de sécession avaient été évoquées politiquement, dès 1812 en fait, puis en 1832 principalement pour raisons économiques et commerciales. Les événements de 1861 et des années qui ont suivi ne viennent pas de nulle part.
Et que la fracture est aussi d'un niveau quasi philosophique entre le sud, qui vit dans les idéaux européens d'une société très hiérarchique et immuable ( et merci à l'auteur de parler dans autres laissés pour compte que sont les agriculteurs blancs, libres contrairement aux esclaves, mais qui peinaient à joindre les deux bouts dans des régions dominées par une poignée de très gros propriétaires terriens vivant dans l'opulence.. et dominant donc, tous les autres), et au nord une société tournée vers la modernité, l'industrialisation, l'entreprise (puisque de toute façons, avec le climat continental, il était utopique de vouloir faire de l'agriculture à grande échelle), et ou les couches sociales étaient plus poreuses pour peu qu'on ait des idées, de l'ingéniosité ou de l'esprit d'entreprise (là aussi, il y avait des laissés-pour-compte, les ouvriers pauvres venus d'Europe pour travailler dans ce nouveau pays)
finalement c'est un peu l'opposition noblesse/ bourgeoisie d'Europe qui s'est reconstituée. Avec des riches minoritaires qui vivaient réellement comme la noblesse d'ancien régime, avec un train de vie dispendieux, achetant à crédit des produits de luxe venus d'Europe, tout en misant sur la future vente de la récolte de coton.. au risque de se retrouver avec des dettes colossale si une catastrophe naturelle advenait.
Et paradoxalement la classe blanche, pauvre et exploitée était souvent composée de fervents soutiens au système d'esclavage, dans la mesure ou la classe dominante leur faisait bien sentir que " vous êtes pauvres, mais s'il n'y avait pas les esclaves, c'est vous qui seriez le vrai prolétariat, donc vous avez tout intérêt à ce que ça continue, c'est ce qui conditionne que vous ne soyez pas la catégorie sociale la plus défavorisée". Le capitalisme vicieux dans toute sa splendeur.
L'auteur évoque aussi les abolitionnistes, qui existaient depuis quasiment le début de la conquête américaine, que ce soit pour raison religieuse, humaniste, rationnelle. Donc là aussi, c'est un sujet qui agitait la société depuis longtemps, la population ne s'est pas réveillée en 1860 à se demander si c'était bien chrétien de faire travailler du " bétail humain" dans des conditions épouvantables.
Mais, donc une lecture didactique, qui complète bien les documentaires.
J'ai un logiciel dédié à la lecture d'Ebooks ( Icecream) mais je n'avais jamais testé la lecture audio. Je suis morte de rire, c'est encore et toujours la sempiternelle même voix de synthèse, qu'on entend absolument partout, et non seulement elle a du mal avec l'intonation ( celle , tombante en fin de syntagme, que fera naturellement un lecteur), mais est aussi incapable de lire les chiffres romains, le "XIXe siècle" est prononcé "gzikseuh siècle" et le XVIIIe " ksviiieuh siècle".. La lecture des années est aussi très mal faite, et ça pose problème. Un aveugle qui voudrait une lecture audio risque de galérer à comprendre ce qui est dit, et ça fait perdre le fil. Deux trucs marrants: " poignants" et "imagination" sont prononcés à l'anglaise, alors que le reste sonne à peu près français. "Poïnants" et "imadginacheune" ( et mon cerveau a enchaîné " it's just an illuuuuusion")
Et, pour ce qui est des suites de la guerre, une émission radio de 30 minutes autour des livres " Yellow Bird" et "l'Echo du temps" de Kevin Powers, auteur virginien qui s'est spécialisé en récits de guerre, et évoque en particulier comment la Civil War lui a été enseignée et est encore enseignée , en particulier, dans les écoles du Sud des USA, en général de manière très romancée et " mythologisée". Lui va à l'encontre de cette idéalisation
Kevin Powers explore les cicatrices non refermées de la Guerre de Sécession
Je note cet auteur ( ainsi que Shelby Foote, qui témoignait dans le documentaire précédemment évoqué)
Le sujet est encore d'actualité, dans la mesure où l'idéalisation de cette guerre est le fond de commerce des actuels suprémacistes blancs, héritiers du KKK racistes, évidemment, mais aussi sexistes ( ils sont le gros des rangs de ceux qui légifèrent sur le corps des femmes, limitent l'accès à la contraception, empêchent les plannings familiaux de travailler, suppriment le droit à l'avortement, valident le mariage forcé des petites filles, censurent les ouvrages évoquant l'homosexualité...) et électorat dévoué de Trump. Ce sont précisément eux qui ont pris d'assaut le Capitole il y a 4 ans, refusant d'accepter la défaite, et propageant à tour de bras des fake news. Et qui vont encore faire le gros de son électorat cette année.
Je n'en ai pas fini avec ce sujet, car j'aimerais parler aussi de ce qui a malheureusement suivi, à savoir l'apparition de la ségrégation et du KKK, puisque tout ça découle de la frustration des élites sudistes ( pas tous, evidemment, il y avait des abolitionnistes parmi eux , mais.. qui devaient faire profil bas, au risque, si leurs sympathies étaient connues, de faire eux aussi une mauvaise rencontre au détour d'une rue), d'avoir perdu leur statut de dominants en même temps que la main d'oeuvre dominée, et qui ont instauré un régime de racisme légal. Il y a beaucoup à en dire, de même que sur la représentation de la guerre dans les arts ou même la société ( ce que dit Powers), donc... je garde ça pour l'an prochain.
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