Bienvenue amis curieux!

Pourquoi le Cabinet de curiosités?

Tout simplement parce qu'on y trouve un peu de tout, par ordre de pagaille. Cette idée de collection sans thème déterminé me plaît...

Vous trouverez donc ici un peu de tout, de ce qui fait ma vie, mes loisirs: musique, lecture, voyages, etc...
Bonne lecture

Qui passe par ici?

Flag Counter

lundi 12 septembre 2022

Le salon de musique ( film 1958)

 Et c'est parti pour un film indien, je n'avais pas eu l'occasion d'en voir encore dans le cadre de l'année idienne, c'est fait. Justement ARTE propose ces jours ci un cycle " cinéma indien", avec des films récents, mais aussi anciens, de plusieurs genres. eviemment, il y en a plusieurs de Satyajit ray, l'un des plus célèbres réalisateurs, et donc, intéressons nous à son " Salon de musique".
Film visible ici en replay, VOSTFR jusqu'au 13/10/22
Un film qui parle de musique, mais pas seulement. La musique est plutôt le terrain d'affrontement des deux personnages centraux, qui l'utilisent presque comme une arme ( leurs rencontres ressemblent d'ailleurs à une série de duels).


voilà ce que dit allociné " Le Bengale dans les années 20. Biswanbhar Roy, aristocrate et grand propriétaire terrien a passé l’essentiel de sa vie à assouvir sa passion pour les fêtes musicales, les concerts donnés dans le salon de musique de son palais, devant un public d’amis, par des musiciens, des chanteurs, des danseuses. Cette passion l’a ruiné, alors que dans le même temps son voisin Mahim Ganguli, bourgeois et nouveau riche, prospérait et cherchait également à rivaliser avec lui sur le plan musical. Peu à peu, Roy s’est enfoncé dans la contemplation passive et nostalgique de sa propre décadence."

Je ne vais pas plus loin, car le synopsis sur le site a la mauvaise idée de dévoiler la totalité de l'intrigue. Sachez donc qu'une série de coup du sort successifs éloignent le vieil aristocrate de la vie publique.
Mais donc au delà de la musique, tout oppose les deux personnages: Roy est un homme raffiné, cultivé, qui vit des rentes - aléatoires- de son domaine et cultive l'art très aristocratique de ne rien faire de ses journées, servi par une poignée de domestiques qui lui restent fidèles, car il les traite humainement.
Ganguli est un "self made man" comme il le dit lui même, un roturier, travailleur, qui s'enrichit.. mais n'a aucune classe ni aucune culture. Un " qui voudrait bien avoir l'air mais qu'à pas l'air du tout", un type qui étale sa richesse et son mauvais goût, et pratique l'usure. Il voudrait tellement que son argent lui apporte le respect et l'estime dont jouit encore son voisin ruiné, mais comment un usurienr pourrait-il avoir la côte de popularité d'un homme connu pour ses largesses, y compris auprès de la population modeste.

Tout, les oppose, sauf leur vanité. L'un comme l'autre sont d'un orgueil démesuré: Roy l'esthète possède une collection d'oeuvres d'art d'europe ( statues de style grec, lustre rococo, pensules et faïences baroques, etc..) et se passionne pour la musique classique indienne, dont il organise des concerts brillants moitié par goût de la musique et moitié il faut le dire, pour épater la galerie: les concerts coûtent un bras, il faut y inviter tous les notables, les nourrir et les abreuver, on envoie les invitations par courrier à cheval pou à dos d'éléphant. Il faut que ça en jette, même si à côté il n'y a plus un sou dans le coffre et qu'on commence à mettre les bijoux de madame chez le prêteur sur gage. Il faut se montrer digne de son rang, même si la ruine est de notoriété publique et que le grand palais prestigieux se vide de ses meubles. L'orgueil du rang social.
Ganguli "l'homme nouveau", frime avec sa voiture neuve, au fin fond du Bengale, dérange toute la région avec les soirées organisées dans sa maison moderne, éclairée à l'electricités par un groupe électrogène bruyant, et ne cesse d'inviter Roy - qui lui oppose toujours un refus - en vantant le fait qu'il a les moyens de faire venir le groupe de musiciens professionnels le plus cher de Bénarès ( un groupe qu'il est incapable d'apprécier autrement que pour le prestige)
L'orgueil de la fortune personnelle.

Le vrai sujet est donc social, entre deux conceptions du prestige qui s'opposent, mais une même vanité, sous des dehors différents. Le monde aristocratique est attirant mais moribond et vit dans le passé. Le monde moderne est en plein essor, mais il est vulgaire. Les deux ne savent pas coexister et ne se définissent qu'en opposition l'un par rapport à l'autre. Avoir un salon de musique , donc une pièce exlusivement réservée à un loisir, et y organiser des réceptions est le symbole de la réussite sociale.

Ce que j'ai apprécié dans ce film, et la raison d'ailleurs pour laquelle j'ai choisi de le regarder ( hormis le fait que j'avais vu et apprécié Charulata du même réalisateur il y a très longtemps), c'est que oui, il y a de la musique, elle est même au coeur de l'intrigue.
Et contrairement aux habitudes bollywood, la musique ici a un sens: les paroles de chanson participent à l'intrigue, les séquences de concert et de danse sont intégrées en tant que séquences de concert que regardent les personnages. Ce n'est pas un interlude soudain qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, alors qu'il n'y a pas de raison scénaristique de chanter ou danser.
Et honnêtement la séquence de danse est étincelante, la danseuse professionnelle qui joue le rôle, ben.. de la danseuse professionnelle, est excellente. Une professionnelle du kathak, un peu comme  si pour un film sur la danse classique un réalisateur avait engagé Maya Plissetskaya. Forcément ça fait beaucoup de différence dans le réalisme.
Roshan Kumari, authentique étoile du kathak
Il semble qu'elle soit toujours vivante d'ailleurs

Petit détail intéressant, signalé sur la page wiki en anglais dédiée au film: il est tiré d'une nouvelle de Tarasankar Bandyopadhyay, auteur que je ne connais pas, et qui s'inspire en partie de la vie d'un dénommé Upendra Narayan. Lors que Ray a recherché un endroit suffisamment luxueux pour servir de décor réel à la propriété de Roy, il a entendu parler d'une propriété a Nimtita. Qui a convenu parfaitement. Ce n'est qu'après l'avoir louée qu'il a appris qu'elle avait appartenue à Upendra Narayan. Le hasard fait extrêment bien les choses, à un détail près: la propriété avait un salon de musique, mais trop modeste pour faire un décor convenant au sens du  faste de Roy. Les extérieurs et intérieurs sont donc bien tournés cette luxueuse propriété sauf, ironiquement, les passages dans le salon de musique, tournés en studio.

Ha et tiens, voulant moi aussi profiter de ce luxe, j'ai poussé jusqu'à regarder le film vautrée sur des coussins comme les invités de soirées de Roy, tout en sirotant un chai ( pas comme les invités qui tournent à l'alcool et aux narguilés)
D'ailleurs une chose saute aux yeux: ce loisir de lettrés est exclusivement masculin: les seules femmes qui y participent sont sur scène. Dans cette société ultra codifiées, les femmes ne se mèlent pas aux hommes. Peut être que les amatrices de musique ne sont pas loin et écoutent depuis un balcon ou un étage, mais elles ne se mêlent pas aux hommes. Je me disais " si je vais en Inde un jour, je veux assister à un concert de musique traditionnelle. Espérons que maintenant, les choses aient changer et que je n'aie pas à mettre une fausse barbe pour le faire."

allez, hop, séquence de danse de Roshan Kumari, Arte a eu la bonne idée de sous-titrer le passage, ce qui n'est pas dans cet extrait sur youtube, et perlet de mieux comprendre de quoi parle la danse et le mime. donc si ça vous tente, je vous conseille d'aller voir le film grace au lien du début, vous avez encore un mois pour le faire.


autre information intéressante: le film a été un semi échec en Inde à sa sortie, bien qu'il ait gagné des prix et soit basé sur une nouvelle célèbre. Paradoxalement, il a très bien marché à l'étranger dans les années qui ont suivi (voire seulement en 1981 en France où il a été un des plus gros cartons du cinéma indien, dépassé seulement par Salaam Bombay en 1988) à la surprise du réalisateur, qui pensait qu'il serait trop indien pour plaire à un autre public. Il a pourtant eu de très bonnes critiques et a donc fait connaître sont réalisateur internationalement.

2 commentaires:

  1. Et bin tu donnes envie....plus de le voir que de le lire d'ailleurs...;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce qui est assez sympa ici, c'est que la musique et la danse sont vraiment intégrées au récit.

      Supprimer