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mercredi 12 janvier 2022

Et puis nous danserons ( film 2019)

 Voilà un film dont j'avais vu un extrait en ligne qui m'avait beaucoup plu, mais.. je n'avais jamais pu voir le film, qui n'était pas sorti dans ma ville fin 2019. Pourtant C'est tout à fait le genre de film qui aurait été programmé à mon cher Utopia, mais... 2020 est arrivé, et lorsque le cinéma a  rouvert, le film n'était déjà plus une nouveauté, et donc, est passé  à l'as de la programmation. Entre temps je n'avais même pas su sous quel titre il avait été distribué en France, et je l'avais oublié.


Et, comme j'ai traîné, j'en parlais précédemment, sur des sites et chaînes youtube dédiées à la langue géorgienne, l'extrait est réapparu en suggestion. Quelques clics pour voir quelques autres extraits, l'interview du réalisateur, de l'acteur principal, d'un français qui l'a vu et a beaucoup aimé et explique concrètement pourquoi, j'ai décidé de le regarder en VOD, dès le lendemain.
Déjà un film géorgien, ce n'est pas souvent. Puis c'est l'occasion de me cultiver un peu. Puis ça parle de danse et de musique traditionnelle, mais pas que.

Voilà l'extrait... attention c'est la fin du film, donc, spoiler.

De quoi s'agit-il?
Merab, le héros est un danseur qui prépare une audition pour intégrer la principale troupe de danse traditionnelle de Tbilissi, le summum, l'équivalent du bolchoï pour la danse traditionnelle géorgienne.
Une danse très codifiée, aux règles très strictes. Et depuis le début, il s'entend dire qu'il doit représenter la force, la virilité, le fier héros guerrier... face aux femmes dont le rôle est d'incarner la pureté virginale...  vous n'avez pas le droit à la faiblesse, vous n'avez pas droit à la sensualité, il n'y a pas de sensualité dans cette danse etc..
Ca ne lui plaît pas, il ne s'y retrouve pas, et suite à tout ce qu'il a vécu au long du film, il décide d'envoyer bouler tout ça, de danser comme il en a envie et de laisser libre cours à son moi profond. Et part totalement dans ce qui lui est refusé pour inventer son propre moyen d'expression.

Et comment en est-il arrivé là?  Il danse depuis son plus jeune âge dans une troupe locale, avec son frère, beaucoup moins sérieux dans son apprentissage. Sa mère, son père, sa grand mère sont tous anciens danseurs.  Mais la famille vit dans la dèche, les parents sont divorcés, Merab travaille au restaurant pour les aider et simplement rapporter des restes à manger. Donc une existence pas fofolle, dans laquelle il y a l'espoir d'un engagement officiel dans une troupe professionnelle, qui règlerait pas mal de soucis d'argent.

Espoir bousculé du jour au lendemain par l'arrivée d'un nouveau participant, Irakli, qui est meilleur que lui. Mais contre toute attente, le temps de se jauger, ce n'est pas une histoire de rivalité qui va se nouer entre les deux mais une histoire d'amour. Ils deviennent rapidement amis, mais le spectateur n'est pas dupe. Les jeux de regards, les sourires, tout ça sans un mot... ne trompent personne pas plus que le héros, qui le temps d'encaisser son coup de foudre et la révélation qu'il n'est pas vraiment ce qu'il croyait être, prend très bien son homosexualité, ou au minimum, sa bisexualité. Le problème est que  bien que la Géorgie ne soit pas un pays légalement homophobe, et qu'il y ait des lois de protection  de la communauté LGBT, dans les faits, les gens concernés sont poussés, par la tradition et le poids de l'église orthodoxe, en marge de la société.

On apprend vite que la place qui s'est libérée dans la troupe professionnelle est celle d'un danseur qui a été renvoyé pour être sorti avec un homme. On ne le voit jamais, mais son histoire est racontée par bribes: envoyé au monastrère pour " rentrer dans le droit chemin", abusé sexuellement par un prêtre, rejeté par sa famille et tout employeur potentiel, contraint à faire le tapin pour survivre.
Donc si l'un des deux, ou les deux héros, se font pincer, ils peuvent dire adieu au minimum, à leur audition et à leurs espoirs de carrière.

Il n'y a pas de lois répressives donc, mais une violence sociale. A cet égard, je pense qu'il n'est pas anodin que Merab soit assez souvent vu en train de machouiller la croix qu'il porte au cou, au bout d'une chaine: les traditions, la religion, les superstitions enchaînent le héros, mais aussi le pays.

A  contre pied, et ça fait du bien, la relation entre les deux hommes est simple, saine, consentie, sans rapport de force ni de menaces, ni de contrainte. Au contraire, tout est en subtilité,une relation tendre et complice, sensuelle et sans perversité . Pour eux, elle est tout aussi normale qu'une autre, et donc pas de mortifications de "on ne devrait pas". Non, au contraire, ils sourient, rient et dansent. Pas d'autoculpabilisation, les deux prennent comme inattendu, pas facile, mais pas honteux non plus d'être tombé amoureux d'un autre homme, et d'entamer une idylle qui doit rester secrète pour éviter les problèmes, mais qu'ils ne perçoivent pas comme non naturelle. Et purée, que ça fait du bien de voir ça! de sortir du schéma qui veut que homo = malheureux
Et si par la force des situations elle n'aboutit pas, c'est le parcours de Merab qu'on suit et comment la révélation de sa différence, le passage dans sa vie de ce petit ami ephémère, va le faire progresser en tant qu'homme et en tant qu'artiste. Ce qui est donc visible dans la séquence que j'ai postée plus haut: l'acceptation de sa part féminine, de sa sensualité au delà de ce qu'on attend de lui, où des limites qu'on veut lui imposer. et c'est magnifique

Et bon sang que l'acteur principal est bon dans ce registre, crédible, touchant,  et véritablement d'une expressivité et d'une sensualité rares. Adorable.
On ne peut pas dire que ce soit vraiment un beau gars, mais avec ses cheveux cuivrés bouclés, ses taches de rousseur, son teint diaphane et sa souplesse de chat ( c'est un danseur professionnel qui, ce n'est pas anodin, a mis beaucoup de temps à accepter ce rôle, alors qu'il est hétérosexuel, pour ne pas risquer de bousiller sa carrière , se mettre en danger ou mettre ses proches en danger ,et a fini par le faire en espérant que ça fasse évoluer les mentalités dans son pays)
Bref, en plus de ça, il a donc un charme fou. Hors des standards, le type qui paraît banal à première vue, mais est lumineux, avec un sourire désarmant. Il se nomme Levan Gelbakhiani, et j'espère vraiment le revoir dans d'autre films, il crève l'écran. En espérant qu'on ne le cantonne pas à un seultype de rôles.

Pour voir le film c'est là: https://www.universcine.com/films/et-puis-nous-danserons ( visible en VOD soit à la séance, soit à l'achet pour le revoir, j'ai choisi cette option parce que je savais qu'il allait me plaire et que je voudrai le revoir dans quelques temps.

Constatation 1:je suis trop contente d'avoir repéré des mots et des phrases, youhou. Donc d'ici quelques temps, on verra si j'en repère encore plus.
Constatation 2:  le titre français diffère de celui international " and then we danced" ou du titre russe qui est aussi au passé. C'est intéressant, la fin est ouverte, les titres européens mettent l'accent sur la fin d'une situation quand la France ( coproductrice), choisit le futur et l'optimisme.
Constatation 3: ce films est rempli de détails qui semblent anecdotiques mais ne le sont pas. Et ça donne une des plus belles scènes de rupture que j'aie vue au cinéma (l'anneau puis la boucle d'oreille)

A noter que les mentalités sont longues à  faire bouger: le film a été un scandale à sa sortie en Géorgie, accusé par l'extrême droite de dénaturer la tradition du pays, de faire de la propagande gay... et par des gens qui avaient décidé de son contenu avant même de le voir. Il n'a rien de choquant, même les scènes intimes restent dans une suggestion plus sensuelle que sexuelle, on est loin en dessous de l'étalage de chair du moindre film américain où il y a forcément la scène hot pour avoir une scène hot qui n'approte rien à l'histoire.. là ça s'intègre à la narration et ça n'a rien de vulgaire.
Le réalisateur et son équipe ont eu beaucoup de difficultés à tourner le film, à cause du poids du qu'en dira-t-on, ont eu par la suite des menaces de mort de la frange politique d'extrême droite, les accusant de se moquer de la tradition, mais signale quand même que  le film a été un succès auprès de la population, beaucoup moins conservatrice que les politique. que les gens ne sont pas spécialement plus homophobes là bas qu'ailleurs, mais coincés dans les carcans d'une tradition et d'une religion rigides, dont ils ont besoin de s'affranchir, comme le héros transcende son aventure et s'affranchit des codes qui le limitent depuis toujours.
Nul doute que l'acteur aussi en sortant de sa zone de confort ( déjà, c'est un premier rôle, il a fait fort comme sortie des habitudes) a gagné à cette aventure entant que personne et en tant qu'artiste.

Analyse d'un point de vue cinématographique ( et non politique, polémique etc.. )


Et je confirme, il y a une petite séquence de danse improvisée, libératrice, pleine d'humour, sensuelle mais sans vulgarité... où les cadrages comme l'éclairage sont magnifiques, très bien vus et riches de sens: ils inversent sans un mot les caractères des personnages. Celui qui avait l'air depuis le début extraverti et à l'aise reste dans l'ombre et choisira ensuite de continuer à cacher au monde ce qu'il est. Celui qui est timide, soumis, humilié par un instructeur très pénible, souvent dans des attitudes de repli et de protection... s'avère beaucoup plus audacieux et libre que son camarade.
L'éclairage vient de la fenêtre, mais la lumière cuivrée semble en fait venir de lui. Le cadrage le fige un instant, tel une statue dorée, en contre plongée: c'est lui, le rayon de soleil, l'objet de l'adoration, qui capte le regard, alors que depuis le début, tout le monde est fasciné par le beau brun. Même en se déhanchant sur un tube pop, en caleçon et chapeau traditionnel de berger. Il fait la synthèse entre la tradition, un peu poussiéreuse, et le besoin de liberté de la jeunesse en jouant avec cet accessoire.
Pour le coup, vous allez comprendre pourquoi je disais que ce jeune homme est lumineux, ici à tous les sens du terme. Et pour moi, voir un homme s'amuser de manière aussi libre, aussi insouciante, aussi naturelle, le personnage s'amuse, mais je suis sûre que l'acteur aussi, et c'est magnifique. Le naturel est le maitre mot de ce film, pourtant très travaillé.


Il semble simple dans sa construction mais il y a ce genre d'idées géniales qui ont un sens ou plutôt qui prennent leur sens quand on les revoit. C'est après avoir vu tout le film et regardé plusieurs fois cet court extrait que je l'ai compris. Il y a plusieurs passages qui ne prennent leur sens que bien plus tard. C'est brillant.

Ha oui, au passage, ce film pourrait être sponsorisé par "les clopes", je n'avais pas vu autant de cigarettes à l'écran depuis des années. On picole sec aussi. Ce qui n'est pas une très bonne idée pour des danseurs...
Mais là aussi, il y a un petit truc: Mariam " Mary", petite amie théorique de Merab, a vécu en Angleterre, ne parle que de l'Angleterre, au point d'être soulante même pour son copain, et propose à tout le monde des cigerettes anglaises que lui a envoyées sa tante qui y vit encore. Elle finit par avouer que ce sont des cigarettes locales qu'elle met dans son paquet, toujours le même, comme un placebo, pour continuer à rêver au moment où  elle pourra réaliser son rêve d'y repartir. Pour elle fumer, c'est réaliser son rêve d'ailleurs, et donc d'une autre vie, par procuration.

Une très jolie découverte, pleine de sensibilité sur fond d'art et de musique.  Vraiment, un film qui est passé inaperçu, mais qui mérite une seconde chance, il n'est pas parfait, mais il vaut la peine d'être vu.
film qui a eu un tournage compliqué ( j'ai hésité avec "jolie affiche" et "sensuel")


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