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dimanche 20 octobre 2019

Eugène Oneguine - Alexandre Pouchkine

Cours de littérature russe dans le cadre des études, et comment dire... j'attaque directement par 10 livres d'auteurs classiques à lire ( au minimum! précise le prof) avant janvier et une dissertation de 6 à 8pages sur le fantastique dans la nouvelle " le manteau" de Gogol. Je ne me suis jamais autant félicitée d'avoir tenu un blog pour suivre et chroniquer mes lectures depuis presque 10 ans.

Autant vous le dire, vous allez donc voir ici majoritairement des chroniques russes dans les semaines/ mois/années qui viennent.

Je n'aurai tout simplement pas le temps de lire beaucoup d'autres choses.

Et à tout seigneur tout honneur, 1° lecture imposée, Eugène Oneguine de Pouchkine.

Probablement le seul auteur que même des novices en littérature connaissent au moins de nom, devenu le symbole de sa langue comme Voltaire ou Molière le sont pour le français.
Anecdote cocasse: Pouchkine a appris à parler français avant de parler russe. Dans sa famille, comme dans toute la haute société russe du XIX° siècle, le fin du fin était de parler français entre soi, le russe étant la langue du peuple.Guerre et Paix de Tolstoï est très dur à lire pour les russes actuels car il intègre des phrases entières en français pour retranscrire le sociolecte de la noblesse et de la bourgeoisie du XIX° siècle.

Le symbole de la littérature de son pays partage une caractéristique avec notre Alexandre national, outre leur prénom commun, et le fait d'être parfaitement contemporains l'un de l'autre. Tous deux étaient métis: une grand-mère haïtienne pour Dumas, un arrière-grand-père africain pour Pouchkine.
Le centre Dumas-Pouchkine est d'ailleurs le nom d'une association pour la connaissance des diasporas africaines.

Et donc Eugène. Je garde par convention le titre " classique" bien que la traduction d'André Marcowicz garde dans le corps du texte les noms et prénoms d'origine sans les franciser, comme il était de mise auparavant. Eugène sera donc le titre de l'oeuvre et Evgueni son personnage (je me demande s'ils avaient auparavant poussé la logique jusqu'à transformer Vladimir avec le très proche  français médiéval Valdemar ou Gaudemar)

Alors, que se passe-t-il?

Déjà, c'est un roman en vers, qu'A. Marcowicz arrive à retranscrire sans rendre trop lourds, c'est un peu le risque avec les rimes, mais comme le ton général est assez enjoué et drôle, ça passe bien.
Je ne connaissais l'oeuvre que par son adaptation sur scène ,mise en musique par Tchaïkovski, et j'en avais gardé le souvenir d'une histoire tragique, deux amis qui se battent en duel pour une raison stupide... et un retournement de situation final particulièrement cynique.
Certes, mais le ton employé par Pouchkine est très différent.


Fondamentalement, c'est ça, une histoire assez simple d'orgueil, d'ennui et de jalousie.

Evgueni, jeune dandy de la grande ville, lassé, blasé, revenu de tout à même pas 25 ans,  hérite d'un domaine à la campagne. Où il s'ennuie bien vite au bout de trois jours: les paysans, les nobles campagnards, les bourgeois de la petite ville n'ont aucune conversation digne de ce nom.
Seul trouve grâce à ses yeux Vladimir Lensky, jeune voisin intellectuel, grand amateur de culture et de philosophie allemande, et les deux deviennent donc amis, par affinité intellectuelle, mais aussi pour tromper l'ennui.
Lenski connait bien une famille locale, la famille Larine, il est d'ailleurs fiancé avec la fille cadette, Olga, une gentille fille, mais coquette évaporée et sans beaucoup de cervelle.

Lors d'une visite, Vladimir emmène Evgueni pour lui présenter la famille, Evgueni trouve Olga parfaitement inintéressante, et se demande pourquoi Vladimir, amateur de littérature , n'a pas plutôt choisi Tatiana, l'aînée, elle aussi grande lectrice. Sans se douter que lui même a tapé dans l'oeil de Tatiana.
Tatiana  prend son courage à deux mains ( on est en 1830 au fin fond de la campagne russe, et peu de femmes devaient avoir ce cran, rien que pour ça, Tatiana me plaît!), et envoie à Evgueni une lettre pour lui déclarer sa flamme.

Anna Netrebko - scène de la lettre

Evidemment, elle reçoit la réponse classique du lâche: si je devais me marier, je vous choisirais mais je n'en ai pas envie, et vous méritez mieux que moi blablabla. Fin de non recevoir.

Par suite de cela, alors que les deux amis sont invités chez les Larine pour l'anniversaire de Tatiana. Par ennui, parce qu'il a bu, Evgueni drague un peu Olga sous les yeux de Tatiana et Vladimir. Ce qui aurait pu entraîner une simple brouille tourne au tragique car Vladimir se sent trahit, et va donc provoquer un duel, fatal.. pour lui même.

air de Lenski par Leonid Sobinov. L'enregistrement date de 1910, et les graves des bassons passent assez mal, mais je suis plus que stupéfaite de la qualité sonore d'un enregistrement d'il y a 109 ans. Le chanteur étant un ténor, la voix est très bien enregistrée ( pour la même raison technique , les voix plus graves perdent en profondeur sur les très vieux enregistrements. Leonid Sobinov était réellement une star de son époque.Mentionné dans le poème de Maïakovski " a Essenine. Leonid Sobinov a chanté des texte de Essenine lors d'une soirée hommage àla mort de ce dernier)

Evidemment suite à ça , Evgueni, qui a tué en duel son seul ami à cause d'une fille qui ne lui plaisait même pas ne peut pas vraiment rester là.
Mais des années après, Evgueni et Tatiana vont se revoir: comment pensez-vous que ça va se terminer entre eux?

spoiler musical:

Tatiana s'est entretemps marié avec le riche Gremin ( rôle ici chanté par Boris Shtokolov, et probablement une des plus belles aria pour basse tous operas confondus)


Donc, Evgueni revient à l'assaut et " pardonne moi, je n'ai pas cessé de penser à toi, en fait j'ai fait l'erreur de ma vie, mais tu étais bien celle qu'il me fallait"
à quoi Tatiana répond: " je ne t'ai pas oublié et du me plais encore, mais, il fallait y penser avant, entretemps je me suis mariée avec un homme bien, qui m'aime et me respecte, donc, passe ton chemin, je ne tromperai pas mon mari."
( Oneguine chanté par le baryton Dmitrii Khvorostovski, tandis que Tatiana est chanté par Renée Fleming, américaine qui s'en sort franchement bien)
Karma!

Donc oui, une trame qui tourne au tragique, mais une expression très enjouée, l'auteur qui s'adresse à ses lecteurs, se moque ouvertement de ses personnages, autant d'Evgueni le mondain, de Tatiana qui est accro aux romans sentimentaux et voit tout par ce prisme, d'Olga, la coquette campagnarde, de Vladimir le trop impétueux poète... les portraits sont  bien sarcastiques!

Et se laisse aller à des digressions personnelles sur le théâtre, les pièces et acteurs en vogue; sur ses danseuses préférées au ballet; sur la vie intellectuelle de son temps;  sur des amis écrivains, qu'il cite parfois; sur Tatiana, avec son nom typique de péquenaude russe, mais qui ne sait écrire que le français; sur l'état des routes de campagne qui laisse plus qu'à désirer; sur la transhumance un peu ridicule des campagnards, avec armes et bagages pour aller passer l'hiver en vill;, sur sa propre tendance à digresser ( pour parler en termes de théâtre et de cinéma, il détruit plus d'une fois le 4° mur); sur.. les pieds.
Oui, les pieds, il part pendant plusieurs strophes sur les pieds, des danseuses, sur les mignons petons de telle ou telle dame, à la limite de devenir très chaud par moment...auriez-vous imaginé le grand écrivain fétichiste des pieds? Moi, non. Et c'est très drôle!

Et maintenant, la petite histoire fantastique: Eugène Oneguine a été publié en 1831. Pouchkine est mort en 1837. dans les circonstances qu'il a décrites 8 ans plus tôt: duel au pistolet avec un type qui faisait du gringue à sa femme ( en l'occurrence, son propre beau-frère qui était allé jusqu'à épouser la soeur de la coquette et évaporée Natalia, pour pouvoir continuer à la draguer). sauf qu'un écrivain à peu de chances face à un militaire de carrière.
Ses strophes sur " n'auraient-ils pas pu se réconcilier simplement au lieu d'en venir à cette extrémité", sonnent particulièrement tragiques.

Donc oui, je conseille chaudement et la lecture, et l'opéra. Il existe des adaptations en films que je n'ai pas vues, mais je vais aussi remédier à ça prochainement.

1 commentaire:

  1. J'ai prévu de le lire un jour ! J'ai beaucoup aimé le roman jeunesse "Songe à la douceur" dont l'histoire s'inspire d'Eugène Oneguine.

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