2016 a donc été une sale année depuis le 1° janvier.. et ça continue. Je n'ai pas évoqué tous les disparus de cette année, mais voilà, c'est maintenant Leonard Cohen qui tire sa révérence.
Et ça m'attriste beaucoup. Plus en fait que tous les autres réunis. J'adorais ce que faisais ce gars-là.
Hommage par le dessinateur Michael De Adder. |
Il y a des gens comme ça, tu ne les connais pas, tu les découvre un peu par hasard.. et ils prennent une place à part dans ta culture. Et Leonard Cohen, c'était ça.
Il y a un mois quand le débat a fait rage sur " doit-on donner le pris Nobel de littérature à un chanteur?" Déjà, pour moi le débat n'avait pas lieu d'être, puisqu'on donne avant tout le Nobel de littérature à un auteur de textes, poétiques si vous voulez, et donc " doit-on donner le prix Nobel de littérature à un poète?", ça devient absurde.
Mais j'avais répondu à l'époque que pour moi, sauf mon respect pour Bob Dylan, j'aurais préféré le voir décerné à Leonard Cohen, qui a en plus publié des recueils de textes et , à décorer un auteur compositeur , j'aurais préféré Cohen.. apparemment je ne suis pas la seule - mais c'est déjà un effort d'ouverture du comité Nobel.
Sans émettre de jugement de valeur, j'ai donc toujours préféré Cohen , et même sur les morceaux des années 90, avec arrangements au synthé pas toujours convaincants. Il a une dimension à la fois mystique ( sans être relié à une religion en particulier ) et sensuelle à la fois qui manque à Dylan. Souvent classé sinistre ou déprimant pour ses textes sombres sur la mort, la guerre, l'abandon, la solitude, le déracinement... je dirais plutôt que ce côté mélancolique parle à mon côté mélancolique.
Mais voilà, Leonard Cohen, je l'ai donc découvert peu à peu, et c'est devenu une sorte de papy idéal, un peu cynique et désabusé, avec une bonne dose d'humour noir, pour moi qui n'ai jamais connu mes deux grands-pères, le papy idéal qu'on croit immortel.. mais un jour il faut se rendre à l'évidence.
Je l'ai découvert par hasard il y a quelques années dans la bande originale du film Exotica ( vérification il date de 1994), où une strip-teaseuse se déhanchait sur sa chanson " Everybody knows".
Je n'ai aucun souvenir du film ou presque si ce n'est qu'en sortant, je suis allée séance tenant chercher un disque du chanteur. Ce n'est que quelque temps après que j'ai fait le lien avec "le gars qui chantait Suzanne" dans les années 70 - ma mère était assez fan des chanteurs-euses engagés des années 70, surtout Joan Baez, j'avais déjà entendu quelques uns de ses disques et donc aussi " Suzanne".
J'ai tout de suite accroché à sa voix si particulière, bien grave comme j'aime et surtout son sens de l'interprétation ( et en tant que chanteuse amateur, je peux vous dire qu'arriver à faire passer une intention, une émotion, appelez ça comme vous voulez, ça n'est pas donné à tout le monde.
Je n'aime pas la reprise de Hallelujah par Jeff Buckley, parce qu'elle est propre léchée, juste.. mais qu'elle manque cruellement de cette interprétation. Voilà, c'est ça, c'est mignon, mais ça manque de chair. et je choisis de mot juidcieusment, vous verrez pourquoi quelques lignes plus bas
Vous allez me dire que ça se comprend et que c'est logique que l'auteur soit plus investi dans son texte que n'importe qui le reprenant ( en tout cas je reconnais que les enregistrements récents sont bien meilleurs, épurés de l'épaisse couche de synthé de ceux des années 80, laissant toute la place à l'expressivité de la voix)
Chanson d'ailleurs faussement religieuse et réellement à double sens -ici version de John Cale, pas mal ( sinon pourquoi parler d'attacher quelqu'un à une chaise de cuisine, hmmm?) C'est ça la marque Cohen, sous un vernis "innocent" des textes souvent noirs et/ ou, les deux ne sont pas incompatibles, sensuels. Yep, je suis pour,célébrons Noël avec des textes sexys.. avant de... mettre le petit jésus dans la crèche. Mais attention sensuel ne veut pas dire "graveleux", et c'est justement là qu'est toute la différence.
Mais , il avait aussi l'art de transcender d'autres textes, tels "la complainte du partisan" chanson française de résistants, traduite, qu'il amène dans une autre dimension , internationale ( violons tziganes, bouzouki..) chantée en anglais et en Français. Cette version est tellement au delà des époques, des frontières qu'elle renvoie aux oubliettes la version originale d'Anna Marly ( attention, ça fait mal) et la transforme en quelque chose de bouleversant.
Encore mieux.. quasiment pas de musique et sortait parfois du carcan du chanteur pour redevenir l'écrivain disant un poème au détour d'un concert. 75ans, la classe ultime, et un texte à nouveau olé olé .
Il avait sorti un dernier album il y a quelques semaines, que je n'ai pas encore eu l'occasion d'écouter, mais.. encore plus sombre que les précédents, et prémonitoire, et semblait avoir le moral en dépit de soucis de santé.
Pas de problème Monsieur Cohen, on ne vous oubliera pas, même si on va d'abord commencer par déprimer un peu. avant de redevenir un peu fêlés.
Il reste encore quelqu'un ( hormis Dylan) qui joue un pu dans la même catégorie, humour noir, un peu déglingué, voix très spéciale, textes volontiers égrillards, et .. chapeau. J'espère que le prochain ne sera pas.. Non, en fait je vais arrêter de parler de gens que j'aime bien, je crois que j'attire la poisse. Ceux qui me connaissent auront deviné à qui je pense.
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