Et voilà l'autre rendez vous annuel du mois anglais.
Et comme j'ai dégotté une pile entière de livres de l'auteur, j'ai choisi le plus ancien, vu qu'en général j'accroche mieux à ses premiers écrits.
Et comment dire. j'ai bien accroché, mais pas pour l'enquête policière, c'est surtout assez drôle, dans le sens où tout y est complètement outré (mais c'est volontaire) avec des rebondissements improbable, des bons mots...
Tout commence au fin fond de l'Afrique par la rencontre de deux anglais qui se connaissent bien. Déjà, voilà pour l'improbable)
Anthony Cade est un aventurier qui occupe depuis un mois, laps de temps très long pour lui, un emploi de guide auprès d'une compagnie de cars de tourisme. Il faut dire que les touristes qu'il promène à Bulawayo, Zimbabwe, sont du genre gratinés, et useraient rapidement les nerfs du guide le plus motivé.
Jimmy McGrath, vieille connaissance d'Anthony, est toujours à l'affut d'une mine d'or, sa marotte constamment déçue, mais Jimmy y croit dur comme fer, cette fois c'est la bonne.
Jimmy a aussi un talent inné pour sauver la vie de gens plutôt étrange. Dix ans plus tôt, c'était celle d'un aristocrate herzoslovaque. L'Herzoslovaquie me fait beaucoup penser à la Syldavie de Tintin, un petit pays d'Europe de l'est ou le régicide est un sport national, les citoyens lassés des fransque de leur ancien roi l'ont d'ailleurs fait passer de vie à trépas quelques années plus tôt pour instaurer une démocratie, ce qui n'a pas entravé leur goût pour le putsch, et le pays hésite présentement entre remettre sur le trône un vague cousin de feu le roi, ou opter pour un régime rouge vif .
Pour remercier Jimmy de son aide, l'aristocrate l'a couché sur son testament, et Jimmy se retrouve donc en possession des mémoires du Comte, qui contiennent pas mal de révélations croustillantes sur les membres les plus éminents du gouvernement, une vraie petite bombe, qu'il faut remettre à un éditeur de Londres contre 1000 livres. Si Anthony lui rend ce service,ils partageront le magot, plutôt coquet pour l'époque.
Et pendant qu'il y sera, Jimmy a une seconde mission à proposer à son copain: rendre à une dame du nom de Virginia Revel un paquet de lettre d'amour compromettantes, qui lui sont arrivées par hasard en main lorsqu'il a sauvé la vie d'un autre type louche, vraisemblablement un maître chanteur. Mais Jimmy n'a pas le goût de faire chanter une dame qu'il ne connaît pas, et qui doit probablement s'inquiéter de savoir en quelles mains malintentionnées se trouvent ses missives d'amour. Donc si Anthony peut, au passage, trouver la dame, sur le maigre indice d'une des lettres envoyées de "Chimneys", il serait bien urbain...
Ni une ni deux, voila Anthony parti pour Londres, muni d'un volume que la moitié du monde connu veut récupérer: l'Herzoslovaquie est un pays riche de pétrole, et la publication des mémoires pourrait faire capoter des tractations lucratives autour de ces concessions, l'Angleterre soutien un prétendant, les USA un autre, et les révolutionnaires auraient bien besoin des informations confidentielles qui s'y trouvent pour leur prochain coup d'état.
Comme si ça n'était pas suffisamment compliqué, il y a les lettres, de Virginia Revel: 5 minutes suffisent à comprendre que la vraie Virginia Revel, femme intelligente, décidée, et peu impressionnable, n'en est pas l'auteur, et qu'être la cible d'un maître chanteur qui se trompe de victime l'amuse beaucoup, d'autant qu'elle n'a rien à se reprocher. Quelqu'un a simplement usurpé son nom, ça l'agace plus que ça ne l'inquiète.
Mais ce n'est pas tout: une troisième intrigue s'y greffe, autour du Roi Victor. Pas une tête couronnée, non: le chef d'un gang de voleur de bijoux qui vient de sortir de prison et aimerait bien récupérer un diamant précieux qu'il a caché du côté de Chimneys, demeure qui a vu passer tout le gratin de l'Europe et cette affaire de gros sous pourrait bien avoir un lien avec les deux autres intrigues.
C'est échevelé, ça part dans tous les sens, mais du coup, c'est drôle. En fait plusieurs fois au cours de ma lecture, je me suis demandé sil ne s'agissait pas d'un scénario de pièce de théâtre, tant il semble fait pour être joué sur scène: mi pièce policière, mi vaudeville, avec cadavres bien encombrants, vols et re-vols de lettres, de manuscrits, de diamant... Usurpations multiples d'identité.
Et cerise sur le gâteau, une héroïne pas tarte et pas du tout " damoiselle en détresse" ( si j'avais du imaginer une actrice pour jouer Virginia, c'est quelqu'un comme Katharine Hepburn que je verrais: un visage qui sort de l'ordinaire mais une classe et un talent comique qui correspondent bien à l'idée que je me fais de cette Virginia excentrique et peu conventionnelle.)
Et même si j'ai facilement deviné l'identité sous laquelle se cache le roi Victor, et si la révélation finale sur Anthony m'a parue tirée par les cheveux, j'ai bien apprécié cette histoire sans Hercule Poirot ni Miss Marple, à ne pas prendre au sérieux du tout.
Il y a les ingrédients qu'on va retrouver par la suite: un quasi huis clos dans une demeure pleine de passages dérobés, un goût du principal enquêteur et du principal suspect pour la révélation théâtrales des fameux secrets, et des petits traits d'humour bien sentis ( lorsque l'inspecteur Battle fait remarquer que les romans policiers sont une des meilleures choses pour la vraie police: en faisant passer les policiers pour un ramassis d'incapables dans l'idée du quidam lambda,ils peuvent enquêter beaucoup plus facilement. Oui un peu Columbo avant l'heure, avec l'air inoffensif du flic un paumé)
Donc pas un grand roman, avec une machination diabolique , il y a trop de coups de théâtre pour ça, mais ça reste un bon tome divertissant à souhait.
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