Petit retour en arrière, au XI° siècle environ. A cette époque, il y avait deux grands types d'oeuvres théâtrales: les oeuvres religieuses et les oeuvres profanes.
Les oeuvres religieuses pouvant être classées jeux liturgiques ( Lié à un temps liturgique précis, et donc joué dans les églises: les rois mages, les nativités, etc.. on en a encore un exemple dans ma région, via les pastorales, toujours jouées en fin d'années, mettant en scène l'annonce aux bergers, la nativité, etc.. Sur un mode plus légers et comique qu'au moyen-âge, certes, mais l'idée est là, et la tradition se maintient), les miracles ( vie de saint Machinchose, joué à la fête de saint Machinchose, fête religieuse certes, mais d'importance moindre: jeu de saint Nicolas de Jean Bodel, Miracle de Théophile de Rutebeuf, etc.. là on est plutôt sur le parvis de l'église qu'à l'intérieur), et les mystères - on peut le trouvé orthographié mistère, mais comme je n'ai pas envie de me battre avec le correcteur orthographique qui est ignare et ne le sais pas, je vais continuer avec l'orthographe récente- ( alors là, on est dans le grand spectacle à la médiévale: plusieurs milliers de vers, des représentations sur plusieurs dimanche d'affilée, un grand nombre de personnages autour d'un thême important: la Passion - mystère sacré- ou les vies édifiantes de saints- mystère religieux- le martyre de sainte Apolline, etc..Et vu les moyens requis, là, on est plutôt sur un champ, une place..)
Le but étant de faire passer un message religieux à une population qui, en grande partie, ne sait pas lire. Pareil pour les tableaux de la même époque d'ailleurs: on représente des archétypes, avec leurs attributs immédiatement reconnaissables pour que tout le monde s'y retrouve.
le mystère de !saine Apolline par Jean Fouquet |
Et à côté de tout ça, il y a le théâtre profane: pastourelles ( mettant en scène des bergers et leur quotidien champêtre), farces ( humoristiques, aux sujets variés.. j'en avais déjà parlé là ) ou pourquoi pas mystère profane ( mistère de Troie)
Et là, je repense à la prof de littérature médiévale qui nous expliquait que bien sûr, tout ça n'était pas franchement passionnant, même s'il devait être assez mal vu de ne pas venir les voir, mais que bon.. pour s'assurer que les gens restent jusqu'à la fin, il avait fallu faire des concessions et couper le miracle ou le mystère par une pièce humoristique, littéralement les "farcir". Je n'ai jamais sur si elle s'était payé notre tête avec cette étymologie mais il est tout à fait réel que la farce ou la pièce légère servait à détendre l'atmosphère entre deux sessions de pièces "sérieuses".. Ce n'est que plus tard qu'elles ont pris leur autonomie pour être jouées sur les places, pendant les fêtes et les marchés. Le public a choisi ce qu'il voulait voir.
Et donc le jeu de Robin et Marion fait partie des ces pièces légères, destinées uniquement à distraire le public, une pastourelle en l'occurrence. Une oeuvre dramatique qui alterne dialogues, et passages chantés, probablement accompagnés de musiques, jongleries, etc... signée Adam le Bossu ( ou Adam de la Halle), mais le sujet n'est pas neuf. En effet le sujet de base c'est: une bergère, nommé Marion par convenance, est abordée par un chevalier (appelons le Aubert par convenance aussi) qui tente de la séduire, sans succès, car la bergère est fidèle à son fiancé qui toujours par convenance s'appelle Robin ( ou Robert, Robechon, Robinet.. oui les noms sont modifiés pour les besoins des rimes: Marion, Marotte, Marottain ).
La marge de manoeuvre est donc limitée pour l'auteur, et donc on va le dire, même si la pièce est agréable à lire, le sujet tient sur une carte postale: le chevalier ne parvient pas à ses fins, il tente d'enlever Marion qui réussit à s'enfuir, pendant que les paysans.. s'embusquent pour voir ce qu'il se passe. Ce passage m'a beaucoup fait rire d'ailleurs. Puis tout le monde est content, tout le monde fait la fête, tout le monde pique-nique, quand, malheur le loup tente d'enlever une brebis ( symbolisme, symbolisme!). mais Robin sauve la brebis, on est content, on fait la fête, on joue à des jeux..
Quand au jeu du Pélerin, d'une autre main, qui accompagne Marion et Robin, il n'a pas spécialement d'intérêt, c'est un ajout postérieur destiner à rallonger une oeuvre un peu courte, en lui ajoutant une introduction et quelques péripéties
Après pour le lecteur du XXI° siècle, l'intérêt réside dans la représentation des jeux médiévaux ( le roi qui ne ment, le jeu de Saint Coisne.. le dernier pourrait se rapprocher de "je te tiens par la barbichette"), de ce que l'ont pouvait manger sur l'herbe à cette époque, le vocabulaire etc.. en tout cas pour moi , qui adore l'étymologie, je recherche toujours les éditions Champion, en français d'époque, mais agrémenté de nombreuses notes sur la prononciation, les possibles jeux de scènes, qui éclairent les références tombées dans l'oubli.
En tout cas, c'est une bonne lecture, pas trop longue, pour qui veut se remettre gentiment au français médiéval sans trop s'arracher les cheveux. tiens , au passage, comme il s'agit d'un texte artésien du XIII° siècle, on y trouve des choses très proches de l'anglo-normand, dont je parlais là: Bienvenue, en artésien du XIII° siècle se dit " Wallecomme", celui là crève les yeux.
J'ai d'autres textes plus ambitieux à l'occasion: la geste de Raoul de Cambrai par exemple, ou des épopées, et là, c'est une autre longueur, on verra si j'ai le courage/le temps de m'y replonger). Mais rassurez vous, il n'y aura vraisemblablement pas ici de mystère, je n'ai pas le courage de lire 30 000 vers d'histoires religieuses édifiantes, j'avoue...
Pour les curieux qui voudraient le lire, le conseil général du Finistère l'à mis en ligne, et c'est ici
même s'il apparaît peu, Aubert est un chevalier |
Je ne sais pas si le challenge est toujours d'actualité, mais pas grave, je continue, vaillamment. |
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