Partants pour un peu (beaucoup) d'étymologie?
Ne prenez pas peur, ce ne sera pas un cours complet d'étymologie, plutôt un tour d'horizon de quelques mots et thèmes très courant, afin de répondre à ces questions que tout étudiant en anglais s'est posé un jour où l'autre: Pourquoi y-t-il presque systématiquement deux mots qui veulent dirent quasiment la même chose? quelle est au juste la différence entre "to say" et "to tell" ou entre "to give " et "to donate"? Pourquoi y a-t-il tant de faux amis?
C'est ce qu'on va essayer de comprendre, après une brève introduction ( en français) à l'histoire linguistique de l'anglais, chaque invasion ayant ajouté une "strate" au substrat celtique d'origine.
ainsi
A la base, on trouve la langue celtique, l'une des nombreuse branches de l'indo-européen, la proto-langue qui a donné de nombreuses ramifications: langues romanes( français, italien, espagnol, roumain...) langues germaniques ( allemand, néerlandais, norvégien, danois, islandais...)langues slaves russe, bulgare, polonais, etc...), langues baltes ( estonien, lithuanien...), langues iraniennes et indiennes ( oui oui, ces langues sont des cousines éloignées de notre bon vieux français), grec...
C'est plus clair avec une schéma?
ou plus simplifié encore
Donc, on a un substrat ( c'est comme ça qu'on dit en linguistique) celtique dont peu de choses subsistent en anglais moderne, excepté dans les noms de lieux ( de même que les rares traces de langues gauloise qui subsistent en français sont des toponymes ou des termes liés à l'agriculture).
Là dessus s'ajoutent deux strates très importantes: une strate germanique de l'ouest ( saxon, jute, frison, franc à partir due V°siècle) et une strate germanique du nord ( vieux norrois, la langue des vikings qui envahissent régulièrement ce qui va devenir la Grande-Bretagne à partir du VIII° siècle).
Ces deux langages, mêlés aux langues celtiques, ont d'ailleurs eu le temps d'évoluer en différents dialectes à l'arrivée des normands et de Guillaume le conquérant au XI° siècle (bataille de Hastings = 1066 pour mémoire)
Cette troisième strate appelée "anglo-normand" ou "anglo- français" est TRES importante pour la suite, car c'est elle qui explique en grande partie les fait qu'il y ait deux mots d'origine différente pour une même réalité: l'un d'origine germanique qui correspond grosso-modo au nom donné par la population rurale, ou modeste, l'autre d'origine française importée avec les l'armée de Guillaume et donc l'appellation donnée par les riches et les nobles à la même réalité.
Un exemple flagrant, avec le nom des animaux, selon qu'ils sont vivant ou cuisinés:
A swine |
Pork chops |
Et pork, du latin porcus le nom courant de l'animal d'élevage, qui a du transiter par le français. Ce qui paraît logique, la bestiole étant entière chez le paysan qui l'élève mais a très peu l'occasion de la manger, tandis que la haute société avait plutôt l'occasion de les voir sous forme de saucisses que sur leurs pattes.
Même chose avec Calf ( allemand Kalb )/ Veal
Après ça l'évolution s'est faite en moyen anglais, un mélange progressif entre l'old english et l'anglo normand ( XII° au XIV° siècle), puis revirement au XV°: les gens du peuple ayant adopté l'anglo-normand pour faire come l'élite, lélite s'est différenciée en adoptant directement des mots latins sans transformation ( j'ai un faible pour " pandemonium") ou en re-latinisant des mots d'origine française ( l'auteur nous propose Doubt: doutte en anglais moyen , qui récupère un b, lorsque il s'est agit de fixer l'orthographe, et qu'on s'est rendu compte que le mot venait du latin dubitare)
Voilà pour l'introduction, le livre part ensuite en anglais sur 4 grands axes
- Interesting derivations
- Semantic fields, words with similar meaning
- Word pairs, words with same meanings
- false friends
A ce propos, ce que l'auteur de mentionne pas, mais que j'avais appris en fac, dans des livre beaucoup plus dense que celui ci
Une racine indo-européenne, non attestée à l'écrit bien sur, puisqu'il s'agit d'une langue-mère d'avant l'invention de l'écriture, être construite en comparant les langues qui en sont issues, est en général composée de deux ou trois consonnes sur le schéma XXX ( on se base sur les consonnes, plus stables dans le temps, et qui résistent mieux à "l'érosion"), entre lesquelles les voyelles sont plus variables
Il suffit de mémoriser alors quelques règles de bases sur l'évolution des consonnes (notamment les paires sourdes/sonores qui ont les mêmes articulations) et miracle, ce qui paraissait totalement étranger prend un air connu.
En fait, plus précisément, plus que les consonnes ( car si j'écris un R par exemple, la lettre est la même mais le son est très différent pour un francophone, un anglophone.. ou dans le sud-ouest ;) ), ce sont les points d'articulation qui comptent:
Du point de vue des racines, un p, un b ( bilabiales sourde et sonore), c'est la même chose. Et peuvent évoluer vers d'autres consonnes proches comme f ou v ( labio-dentales sourde et sonore).. mais vraisemblablement pas en vélaire, trop éloignées ( k ou g...)
pareil pour le t et le d ( les dentales) qui peuvent s'aspirer.. et on trouve nos fameux "th" anglais qui nous font tant transpirer .
Exemple avec une racine facile:
pter-: donne en latin pater et dans les langues latines: père ( en français la consonne centrale a souvent disparu à cause de l'accentuation), padre, et dans les langues du nord, l'articulation a eu tendance à reculer:fæder en vieil anglais, father actuellement, vater en allemand ( le v se prononce un peu comme un f français..
et bien sur tous les dérivés autour de la patrie, du patrimoine, etc...
Ce que propose le livre est à la fois concis mais dense, et on y trouve des choses intéressantes et parfois amusantes:
- la science, la schizophrenie et le ski viennent de la même racine ( skei- : couper, fendre): la science est l'art du discernement, le ski vient du mot nordique signifiant " bûche, morceau de bois", et le schizophrène a un cerveau coupé en deux.
- la guerre et les saucisses allemandes viennent aussi de la même racine :D: wers- racine qui signifie "mélangé, confus": donne war, werre en ancien français ( qui évolue en guerre, le son " w" n'existant pas dans les langues latines, on a un peu triché en le transformant en G, et c'est aussi pour ça que Wilhelm chez les allemands devient William, et Guillaume de ce côté ci de la Manche). Quand aux saucisses " Wurst", c'est un mélange de diverses choses
Semantic fields: Cette fois, on parle des mots qui appartiennent au même champ sémantique ( la même idée), mais qui peuvent dériver de racines différentes. Souvent une origine nordique issue du vieux norrois ou du germanique ( ce sont en général les mots du quotidien, qui peuvent être mis en relation avec un terme allemand proche - en tout cas, comme j'ai fait allemand LV1, c'est plus simple pour moi), et un autre, issu du vieux français, souvent lié à la langue savante et juridique. Le but du jeu étant de voir si un coup d'oeil sur leur origine peut aider à mémoriser leur emplois.
ex: Forbid/ Ban/prohibit/interdict.. tous voulant " à peu près" dire la même chose
to forbid vient du vieil anglais forbeodan( légiférer contre quelque chose).. hop voilà qui évoque "Verboten", to ban de "bannan" ( convoquer/interdire) en vieil anglais. Prohibit et interdict du latin prohibire et interdicare. Et.. ça marche: to forbid est le plus courant, to ban est d'un registre plus soutenu, amsi employé dans les journaux car plus court et donc utile pour une une qui accroche, et les deux dernier quasi exclusivement réservés au domaine juridique.
Bien sur ça n'est pas une science exacte, et il y a des exemples contraire, mais dans pas mal de cas ça marche: le mot d'origine norrois d'emploi plus courant, et le mot d'origine latine d'emploi plus spécifique
Word pairs: un peu le même sujet que le chapitre précédent, mais qui se concentre sur les mots qui sont ou semblent homonymes. to handle et to manage (les deux faisant référence au fait de toucher de la main, hand ou manus), to happen et to occur..
Où l'on découvre au passage que la plupart des verbes jusqu'au moyen anglais se terminaient en -an ou -en ( à la germanique), que la terminaison est tombée durant le moyen âge, pour être remplacée par le "to" initial ( probablement une variante de "do", donc faire ceci ou faire celà..). Ca peut être utile, si, si, pour repérer les verbes dans un texte en moyen anglais par exemple).
False friends: Ha le groooos chapitre que voilà. Et qui oblige à réfléchir un peu: car je n'y avais jamais fait attention, mais la plupart de ces faux amis, viennent du français via l'invasion normande, et ont été tout d'abord des "vrais amis". Des mots souvent très polysémiques en vieux français, qui se sont trouvés coupés de leur origine en passant le channel, et ont fait leur chemin de part et d'autre: le français moderne retenant un sens principal, l'anglais en retenant une autre.
par exemple injury et injure: iniuria en latin: n'importe quel tort, ou violation de la loi ( ius).. le mot est arrivé avec ce sens vague, le français a retenu l'idée de parole blessante, tandis que l'anglais a retenue l'idée de cause du tort physiquement, car insult et offence sont arrivés en même temps et ont pris le sens de l'attaque verbale.
Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, très intéressants. J'avoue que je ne m'étais pas rendu compte du fait que l'anglais a été incroyablement francisé au moyen-âge (à tel point qu'un document anglo-normand est aujourd'hui plus facilement lisible pour un francophone que pour un anglophone). Ca oblige d'ailleurs à relativiser les hauts cris qu'on entend pousser ici et là sur l'anglicisation du français. Je connaissais déjà l'histoire du budget ( tiré de la bougette, un petit sac pour la monnaie, bien de chez nous, qui a juste fait un allez-retour doté d'un nouveau sens) et du tennis ( tenez, le cri poussé au service dans le jeu de paume..). Mais j'avoue que je n'avais jamais pensé que le shopping ( haaa non, c'est pas français, faut dire magasiner, comme les québécois, blablabla..) c'était simplement l'action de faire le tour des échoppes.. nos bonnes vieilles échoppes médiévales :)
Oyez, oyez, d'ores-en-avant, je m'en irai échopper!
preuve que rien n'est figé, sur la même tenture on trouve parfois Willelm, parfois Vuillelm |
idée 123: quelque chose qui a une ombre ( ici, celle de l'enquêteur) |
très intéressant article et je ne savais pas que les normands avaient influencé le parler des "nobles"
RépondreSupprimerJe trouve ce petit livre qui avait l'air un peu aride a priori vraiment intéressant... comme ton article qui est très riche ! Je note, je pourrais me laisser tenter, c'est un sujet qui me parle :)
RépondreSupprimerJ'ai essayé de faire assez synthétique, mais c'est vrai que le gros du livre consiste en exemples, et fait l'impasse sur la théorie de l'indo-européen, c'est pourquoi j'ai essayé d'en parler un peu ici, parce que ce qui me paraît évident ne l'est peut être pas pour tout le monde. A moi, il m'a paru clair et presque un peu léger, mais j'ai étudié ce domaine.
SupprimerÇa semble ma foi super intéressant. Étant orthophoniste à la base et adorant tout ce qui est linguistiques, je me régale avec ce genre de truc. J'ai récemment lu beaucoup de livres de Mireille Huchon et Henriette Walters (super simplifié mais intéressant, qui se lisent comme un roman)sur le sujet. Je ne me lasse pas! Je note celui-ci.
RépondreSupprimerHa Henriette Walters, oui, on nous en parlait souvent en cours ( j'avais choisi maîtrise FLE rien que parce qu'il y avait pas mal de linguistique contrairement au cursus normal, et j'avais proposé comme sujet de dossier de fin d'nnée: le code switching et le code mixing dans les salons de discussion internet - en 99, c'était le tout début- histoire de justifier de buller sur l'ordi ;D)
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