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dimanche 3 octobre 2010

Jack L'éventreur - Robert Desnos

Un livre reçu gratuitement et lu dans le cadre de Babelio -Masse critique. Un grand merci à eux et aux éditions de l'Herne!

Si j'ai choisi ce livre en particulier parmi les propositions de Masse Critique, c'est au départ, par envie de découvrir une autre facette de l'écriture de Desnos, que je connais et apprécie pour son recueil " Corps et biens" en particulier. Un poète de la mouvance surréaliste, qui écrit avec beaucoup de liberté, un sens de l'humour parfois assez noir, une inventivité et, en même temps, une simplicité qui en font , peut être le plus facilement abordable des surréalistes. Je ne connaissais pas ses écrits journalistiques, et je dois dire que c'est avec plaisir que j'ai retrouvé dans ce petit livre ce qui me plaît dans son écriture. C'est assez difficile à expliquer. C'est avant tout une question d'ambiance.

Jack l'Eventreur, donc, compile une série d'articles publiées par Desnos dans le journal Paris Matinal en janvier/février 1928. Une date qui correspond grosso modo à la fin du cinéma muet/ début du cinéma parlant. Pourquoi le mentionner? j'y viendrais un peu plus tard.

"La figure de Jack l'éventreur est absolument légendaire. Nul ne l'a vu, ou plutôt, les personnes qui l'ont vu n'ont jamais pu le décrire, car on n'a retrouvé que leurs corps, horriblement mutilés [...] Jack l'Eventreur est sans doute mort maintenant, et mort impuni. il doit reposer dans un de ces calmes cimetières anglais où l'ombre rectiligne des cyprès se prolonge sur des gazons soigneusement peignés et sur des allées monotones. Chaque jour de la semaine s'appesantit davantage sur cette tombe mystérieuse. Les jeunes Anglaises, qui pour se rendre au temple protestant ou à l'église, traversent le cimetière, observent devant cette tombe comme devant les autres un silence recueilli. Et rien ne signale aux hommes que là, dans la paix tellurique, repose celui auquel on peut appliquer le titre de " génie du crime" (p8/9)

A partir d'affaires criminelles contemporaines, Desnos décide de consacrer une série d'articles à Jack l'Eventreur, le célèbre meurtrier anglais qui commis une dizaine d'assassinats particulièrement sanglants entre 1887 et 1889. Une affaire criminelle restée impunie, et encore relativement récente pour le lecteur de 1928. Mais déjà suffisamment lointaine pour avoir fait naître dans les esprits pas mal de fantasmes et de conjectures. Disons le tout net, ce n'est pas Robert Desnos qui lèvera le voile sur l'identité de Jack l'éventreur, son propos n'est pas là. Une première série d'articles rapporte les différents crimes perpétrés par l'éventreur, mais sur un mode novateur pour l'époque. Desnos mentionne à peine les enquêtes menées par la police et place son lecteur, en quelque sorte, en "caméra subjective", dans la peau d'un anonyme qui serait témoin des crimes ( voilà pourquoi je parlais de cinéma un peu plus haut). L'écriture est en fait très cinématographique: on suit les déplacements du Jack, de la victime insouciante partie acheter une boîte de cachous, pensant à ce qu'elle va faire plus tard dans la journée... l'auteur s'intéresse surtout à reconstituer " l'avant", ces quelques minutes décisives avant le crime. Et c'est une approche assez intéressante. Et c'est en cela que je trouve cette écriture très cinématographique. La première image qui me vient à l'esprit à la lecture, c'est M le maudit, déambulant dans les rues de la cité industrielle en sifflotant sur le pavé luisant à la recherche d'une prochaine victime. M le Maudit date certes de 1931, et n'a donc pas pu influencer Desnos, mais, ce n'est peut-être pas un hasard, un autre film, muet celui là, et datant de 1927 peut aussi en être rapproché. Il s'agit de "The Lodger", premier grand film de celui qui allait s'imposer comme maître du genre: Alfred Hitchcock himself. Brouillard, pavés luisants... c'est exactement cette ambiance que l'on retrouve transposée avec brio ( et un humour noir assez absurde qui sied parfaitement au cadre anglais) dans l'écriture de Desnos.

C'est encore plus flagrant dans la seconde partie du récit: après en avoir fini avec les meurtres, et exposé sa théorie d'un Jack l'éventreur esthète du crime, Desnos fait intervenir un personnage mystérieux, venu d'on ne sait où, qui l'aurait contacté afin de lui communiquer des renseignements sur Jack l'éventreur, et confirmer la théorie des meurtres "pour l'art". Vrai personne, vraie rencontre, affabulateur ou encore personnage fictif? Nous ne le saurons pas, pas plus que nous saurons son identité, si ce n'est qu'il s'agit d'un écossais qui aurait bien connu Jack l'éventreur. Toujours est-il que là aussi, c'est très intéressant. L'homme semble transporter avec lui l'ambiance du Londres de la fin du XIX° siècle et sa simple apparition dans le décor du paris des années 20 suffit à transformer les lieux:
"Le ciel était brouillé. Il bruinait encore. Sur l'asphalte étincelant se reflétaient les réverbères. les tours de saint-Sulpice se perdaient lourdement dans une brume d'humidité. Je me retournais vers celui qui qui venait de poser sa main sur mon épaule, ne doutant pas un instant que ce ne fût celui que j'attendais. [...]. Nous marchâmes en silence jusqu'à la rue Guynemer dont la chaussée bitumée resplendissait comme un miroir des jeux des réverbères qu'elle réfléchissait. ce paysage familier me parut soudait mystérieux, et comme voué, en dépit de la présence des arbres de Luxembourg à toute la splendeur d'un pays uniquement minéral". (p 37/ 39)

En conclusion: un petit livre très intéressant, non forcément pour ce qu'il raconte, mais pour la manière de le raconter, qui exploite, je n'en démordrais pas, avec efficacité les images du cinéma encore balbutiant. Et aussi, un excellent moyen pour découvrir l'écriture de Desnos, plus accessible que sa poésie, mais également empreint du même sens de l'absurde et de l'humour noir . le seul bémol que l'on puisse donner, c'est le prix, 8€50, un peu élevé quand même pour un récit d'une petite quarantaine de pages, même si, heureusement la qualité est au rendez vous, papier crème épais et encre bleu sombre.

mmm mais dites moi, "éventreur", ça sonne bien pour une première lecture saignante pour le mois d'Halloween? ;)

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